

SYNODE DES ÉVÊQUES
Réflexion du Saint-Père
XII ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
DU SYNODE DES ÉVÊQUES
5-26 OCTOBRE 2008
La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission
de l'Église
Nous publions ci-dessous la réflexion du
Saint-Père:
Chers frères et soeurs, le travail accompli en vue de mon livre sur Jésus offre
amplement l’occasion de voir tout le bien qui nous provient de l’exégèse
moderne, mais également d’en reconnaître les problèmes et les risques. La Dei
Verbum 12 offre deux indications méthodologiques pour un travail exégétique
approprié. En premier lieu, elle confirme la nécessité d’employer la méthode
historique et critique dont elle décrit brièvement les éléments essentiels.
Cette nécessité est la conséquence du principe chrétien formulé dans Jn 1, 14
Verbum caro factum est. Le fait historique est une dimension constitutive de la
foi chrétienne. L’histoire du salut n’est pas une mythologie, mais une véritable
histoire et c’est pour cela qu’elle doit être étudiée avec les méthodes de la
recherche historique sérieuse.
Toutefois, cette histoire a une autre dimension, celle de l’action divine. Par
conséquent, la Dei Verbum parle d’un second niveau méthodologique nécessaire en
vue d’une juste interprétation des paroles qui sont à la fois paroles humaines
et Parole divine. Le Concile déclare, en suivant une règle fondamentale valable
pour toute interprétation d’un texte littéraire, que l’Écriture doit être
interprétée dans le même esprit que celui dans lequel elle a été écrite et
indique par conséquent trois éléments méthodologiques fondamentaux afin de tenir
compte de la dimension divine, pneumatologique de la Bible: c’est-à-dire que
l’on doit 1) interpréter le texte en tenant compte de l’unité de l’ensemble de
l’Écriture; aujourd’hui on parle d’exégèse canonique; à l’époque du Concile, ce
terme n’avait pas encore été créé, mais le Concile dit la même chose: il faut
tenir compte de l’unité de toute l’Écriture; 2) il faut par ailleurs tenir
compte de la tradition vivante de toute l’Église et, enfin, 3) il faut observer
l’analogie de la foi. Seulement dans le cas où les deux niveaux méthodologiques,
celui de nature historique et critique et celui de nature théologique, sont
observés, on peut alors parler d’une exégèse théologique - d’une exégèse adaptée
à ce Livre. Alors qu’au premier niveau, l’exégèse académique actuelle travaille
à un très haut niveau, et nous apporte ainsi une aide réelle, cela ne peut pas
se dire de l’autre niveau. Souvent, ce second niveau, constitué par les trois
éléments théologiques indiqués dans la Dei Verbum, semble presque absent. Et
cela a des conséquences plutôt graves.
La première conséquence de l’absence de ce second niveau méthodologique est que
la Bible devient un livre seulement du passé. On peut en tirer des conséquences
morales, on peut en apprendre l’histoire, mais le Livre en tant que tel parle
seulement du passé et l’exégèse n’est plus véritablement théologique, mais
devient une pure historiographie, une histoire de la littérature. Telle est donc
la première conséquence: la Bible demeure dans le passé, parle seulement du
passé. Mais il existe aussi une seconde conséquence encore plus grave: là où
disparaît l’herméneutique de la foi indiquée par la Dei Verbum, apparaît
nécessairement un autre type d’herméneutique, une herméneutique sécularisée,
positiviste dont la clef fondamentale est la conviction que le Divin n’apparaît
pas dans l’histoire humaine. Selon cette herméneutique, lorsqu’il semble
qu’existe un élément divin, il faut expliquer d’où provient cette expression et
tout réduire à l’élément humain. Par conséquent, on propose des interprétations
qui nient l’historicité des éléments divins. Aujourd’hui, ce que l’on appelle le
mainstream de l’exégèse en Allemagne nie, par exemple, que le Seigneur ait
institué la Sainte Eucharistie et déclare que le corps de Jésus serait resté
dans son tombeau. La Résurrection ne serait pas un événement historique, mais
une vision théologique. Ceci advient parce qu’il manque une herméneutique de la
foi: on affirme alors une herméneutique philosophique profane qui nie la
possibilité de l’entrée et de la présence réelle du Divin dans l’histoire. La
conséquence de l’absence du second niveau méthodologique est qu’il s’est créé un
profond fossé entre exégèse scientifique et lectio divina. Il en ressort parfois
une forme de perplexité également dans la préparation des homélies. Là où
l’exégèse n’est pas théologie, l’Écriture ne peut être l’âme de la théologie et,
vice versa, là où la théologie n’est pas essentiellement interprétation de
l’Écriture dans l’Église, cette théologie n’a plus de fondement.
C’est pourquoi pour la vie et pour la mission de l’Église, pour l’avenir de la
foi, il est absolument nécessaire de surmonter ce dualisme entre exégèse et
théologie. La théologie biblique et la théologie systématique sont deux
dimensions d’une unique réalité que nous appelons théologie. Par conséquent, il
me semble souhaitable que, dans une des propositions, on parle de la nécessité
de tenir compte dans l’exégèse des deux niveaux méthodologiques indiqués par la
Dei Verbum 12, là où l’on parle de la nécessité de développer une exégèse non
seulement historique mais également théologique. Il sera donc nécessaire
d’élargir la formation des futurs exégètes dans ce sens afin d’ouvrir réellement
les trésors de l’Écriture au monde d’aujourd’hui et à nous tous.



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