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Ils se mettent d’accord
pour “prendre en faute Jésus”
“Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu”.
Jésus est aujourd’hui assailli par des pharisiens et des hérodiens. Cette
situation vaut la peine d’être ici commentée, tant elle a de l’inhabituel.
A l’époque de Jésus, la Palestine est sous occupation romaine. Comme dans toute
situation analogue, il y a dans le pays l’autorité officielle (l’envahisseur
avec le gouverneur Pilate, qui manipulent le roi Hérode) et l’autorité légitime
locale (en Palestine, une autorité “religieuse” : prêtres, pharisiens, docteurs
de la Loi, qui d’ailleurs rivalisent d’autorité entre eux). D’habitude, ces
diverses autorités sont en conflit constant, mais cette fois-ci ils se mettent
d’accord pour “prendre en faute Jésus”.
Si Jésus dit qu’il faut payer l’impôt à l’empereur César, les Pharisiens vont
l’accuser de “collaborationniste”, de traître à la Loi de Moïse. Si Jésus dit
qu’il ne faut pas le payer, les Hérodiens vont l’accuser d’être un fauteur de
trouble, un ennemi de l’empereur.
La réponse de Jésus est une leçon qui vaut pour chacun de nous. Notre vie
quotidienne exige que nous participions à la vie civile et que nous payions des
taxes - si chères soient-elles, oui, c’est vrai - ; mais chacun aussi, qu’il
soit humble petit citoyen ou haut fonctionnaire, ne doit pas oublier les
“impôts” qu’il doit à Dieu. Ainsi, non seulement Jésus renvoie dos à dos
Pharisiens et Hérodiens, mais aussi, puisqu’ils s’étaient entendus pour monter
le traquenard, Il rappelle à tous leurs devoirs envers l’unique Dieu créateur,
Père commun de tous les hommes.
Disons quelque chose, en passant, à propos de nos impôts. Ils sont toujours
“excessifs et injustes”, d’après nous. Mais ils dépendent des autorités que nous
avons bien voulu élire ! Si nous étions convertis de cœur, si notre société
était vraiment chrétienne, et nos élus seraient plus scrupuleux dans leur
gestion, et nos impôts seraient plus adéquats ; il reste que nous sommes bien
contents de bénéficier à tout moment de services divers dont on ne peut se
passer, et qu’il faut bien rémunérer.
Quelque part, l’autorité civile est toujours le fruit de notre société, et
l’œuvre de la Providence envers nous. Il la faut reconnaître et respecter, selon
le conseil de l’apôtre Paul : “Que chacun se soumette aux autorités en
charge. Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu…” (Ro 13,1-7).
Etat et Eglise ont une même origine devoir et possibilité Vivre en harmonie.
La première lecture, du prophète Isaïe, nous rappelle que Dieu se sert même de
païens pour accomplir Sa volonté. Cyrus II le Grand, au VIe siècle
avant Jésus-Christ, n’était pas un Juif, ni un Croyant. Mais ce roi de Perse,
qui avait conquis toute l’Asie occidentale, avait des qualités, entre autres une
grande tolérance religieuse, permettant par exemple aux Juifs exilés de revenir
à Jérusalem.
De ce Païen au cœur noble, Isaïe dit que Dieu “l’a consacré, l’a pris par la
main…” La parole de Dieu que transmet Isaïe est très précise : c’est Dieu
lui-même qui a donné cette puissance à Cyrus “pour qu’on sache qu’il n’y a rien
en-dehors de (Lui)”. Les hommes politiques sont ce qu’ils sont, avec leurs
défauts et leurs ambitions, leurs orientations plus ou moins avouées, mais
derrière ce fin rideau mouvant de l’histoire, le Tout-Puissant se sert de chacun
pour exécuter Sa volonté, et c’est dans cette direction que nous devons regarder
pour essayer d’avoir un jugement un peu différent de Monsieur Tout-le-Monde.
C’est ainsi que nous pouvons chanter ce magnifique psaume 95 : “un chant
nouveau”, parce que ce n’est ni facile ni fréquent de savoir “chanter au
Seigneur” dans certaines circonstances difficiles de notre vie. Mais c’est
ainsi, nous devons humblement reconnaître que Dieu “gouverne les peuples avec
droiture”.
Sans lien direct avec ce qui précède, nous lisons à partir d’aujourd’hui la
Première Lettre de s. Paul aux Thessaloniciens. Thessalonique se trouve très au
nord de la Grèce actuelle, dans la Macédoine grecque ; à la prédication de Paul,
beaucoup se convertirent très rapidement, au point que plusieurs années après
son passage chez eux, Paul rend grâce à Dieu de ce qu’ils ont reçu sa parole non
comme simple parole, mais comme présence de la “puissance, de l’action de
l’Esprit Saint, de certitude absolue”.
Notons que c’est de l’introduction à cette Lettre que la liturgie reprend la 3e salutation
du début de la Messe : Que Dieu notre Père et Jésus Christ notre Seigneur vous
donnent la grâce et la paix. Amen.
Abbé Charles Marie de Roussy |