NON ENCORE RECONNUES

Les apparitions de Tilly-sur-Seulles

De 1896 à 1899, à Tilly-sur-Seulles, dans le diocèse de Bayeux, eut lieu une série d'apparitions de la Vierge Marie que l'Église n'a pas encore reconnues, bien que le lieu fut pendant longtemps l'objet de nombreux pèlerinages. Une première chapelle en bois fut érigée en 1897, et placée sous le vocable: Notre-Dame du Rosaire. Cette chapelle fut détruite par les bombardements de 1944. Elle fut reconstruite en mai 1953 et appelée: Chapelle du Très Saint Rosaire. Que s'était-il passé en 1896? Les opinions étant très contradictoires, nous nous référerons au document présenté par le Révérend Père LESSERTEUR, professeur de théologie, lors du Congrès Marial de Fribourg, le 19 août 1902. Ce rapport fut, sur ordre de Mgr Deruaz, incorporé dans le compte rendu général publié en 1903, revêtu de l'imprimatur de l'évêque de Blois. 

Au début de son rapport, le Révérend Père Lesserteur indique: 

- que le sujet dont il va parler: les événements merveilleux qui se sont passés, de 1896 à 1899, à Tilly-sur-Seulles, dans le diocèse de Bayeux, sont un sujet difficile autour duquel "plane une atmosphère de préventions et de défaveur, dont on a réussi à l'envelopper, et qui constitue peut-être la plus belle manifestation de la Très Sainte Vierge à l'égard de la France dans le 16ème siècle, si favorisé pourtant sous ce rapport."  

- que le temps dont il dispose ne lui permet pas d'exposer les faits dans leur intégralité. 

- que les preuves sur lesquelles il appuie son rapport sont basées sur la conviction des personnes sérieuses qui s'en sont occupées.  

Le Père affirme qu'il a suivi et examiné ces événements de très près, et qu'il est convaincu "qu'à côté de quelques manifestations d'ordre diabolique ou suspect, il y a là une magnifique efflorescence de surnaturel divin, qui, au point de vue théologique et doctrinal, s'impose avec tous les caractères d'incontestabilité qui peuvent être exigés, et qui… s'affirme avec une dignité parfaite, un éclat incomparable, et une abondance de grâces de premier ordre." 

En conséquence, le Père Lesserteur aimerait que le congrès Marial de Fribourg, du 19 août 1902, émette le vœu qu'une enquête sérieuse et officielle de ces faits soit ouverte par l'autorité ecclésiastique compétente. Le Père Lesserteur évoque ensuite l'enchaînement des événements. 

1-Les premiers faits merveilleux ont eu pour théâtre une école libre, dirigée par des Sœurs du Sacré-Cœur, et eurent pour témoins trois religieuses et une soixantaine d'enfants, dont six seulement avaient fait leur première Communion, sans compter quelques personnes étrangères qui se trouvaient accidentellement présentes.  

Le 18 mars 1896, alors que les élèves récitaient la prière du soir, vers quatre heures de l'après-midi, une Vierge, rayonnante de clarté apparut tout à coup dans les airs, au-dessus d'un plateau situé à près de 1200 mètres de l'école. Pourtant l'apparition semblait très proche. La Vierge était vêtue d'une robe blanche serrée à la taille par une large ceinture blanche légèrement bleutée. Un voile enveloppait sa tête. Un nuage lumineux l'entourait et s'étendait sous ses pieds. Vite, on se met à réciter le chapelet. Les Ave s'égrènent… sans lassitude, durant plus d'une heure. Les enfants de cinq à sept ans, restèrent à genoux sur les tables, sans ressentir la moindre fatigue.  

2-Pendant les cinq jours qui suivirent, le pasteur de la paroisse interdit aux enfants de regarder par les fenêtres. Mais on continuait à réciter le chapelet, à genoux sur les dalles. Le 24 mars, veille de la fête de l'Annonciation de Marie, la défense est levée, et à 4 h 30 on commença la récitation du chapelet, à genoux sur les bancs, comme on avait coutume de le faire auparavant. La première dizaine était à peine achevée que l'apparition, toute éblouissante de clarté, se manifesta de nouveau. Mais l'on continua à prier le chapelet, les enfants craignant de voir disparaître trop tôt la céleste visiteuse, comme cela s'était passé la 1ère fois. Mais ce jour-là, la ferveur des enfants ne se ralentit pas durant une heure entière, que la vision resta devant elles.  

Le lendemain, jour de l'Annonciation, à peine le chapelet était-il commencé que la Vierge apparut, plus radieuse encore que les jours précédents. Bientôt l'apparition joignit les mains et pria avec les enfants.  Ce jour-là, on constata un phénomène extraordinaire qui ne reparut plus les jours suivants. Non seulement les rayons de l'apparition se reflétaient sur les murs et les fenêtres de la classe, mais on apercevait l'image de la Vierge elle-même, comme peinte sur les carreaux, au milieu d'un flot de lumière.

Les trois religieuses de l'École Libre (Sœurs du Sacré-Cœur de Coutances)

Le 27 du même mois, fête de Notre-Dame des Sept-Douleurs, la Vierge se montra avec une tache rouge, comme une tache de sang, du côté du cœur. Les 28, 29, 30 et 31 mars furent marqués par d'autres apparitions.

Le 31 mars, la vision dura cinq quarts d'heure, et pendant ce temps, l'une des religieuses et plusieurs des grandes élèves, allèrent explorer le plateau, au-dessus duquel on voyait planer la Vierge, dans l'espoir de la voir de près, de pouvoir lui parler et de recevoir ses ordres. Mais elles ne virent rien à endroit indiqué, situé à quelques mètres d'un ormeau qui poussait au milieu d'une haie séparant un champ d'un herbage. Pourtant les personnes restées à l'école voyaient bien l'apparition.  

4-Pendant le mois d'avril 1896, la Vierge apparut neuf fois: les 1er, 3, 6, 9, 10, 12, 18, 19 et 28. Le 9 avril, outre la vision ordinaire, on aperçut aussi, pendant quelques instants, la flèche brillante d'un clocher en belles pierres blanches. À un certain moment, le 19 avril, les Religieuses virent la Vierge étendre les mains, comme pour bénir la foule qui était venue mais qui ne la voyait pas. Le mois de mai ne fut favorisé que de trois visions: les 1er, 2 et 27 mai.  

5-Puis les visions devinrent encore plus rares pendant le mois de juin, qui n'en compta que deux: la première, le 11, veille de la fête du Sacré-Cœur, dura 2 heures et demie, et la seconde, beaucoup plus courte, le 30. Arriva enfin le mois de juillet, qui devait voir se clore le premier cycle mystérieux de ces faveurs divines. C'est alors qu'eurent lieu, le 2 juillet, quelques événements regrettables: quelques personnes eurent une vision d'ordre suspect. Aussi, lorsque le mois de juillet fut à moitié passé, les religieuses commencèrent-elles une neuvaine à sainte Anne, pour demander à la Mère de la Très Sainte Vierge, par le Sacré-Cœur de Jésus, d'intercéder auprès de sa Fille bien-aimée, afin qu'elle daignât manifester le dessein pour lequel Elle était apparue avec tant d'éclat et de bonté. 

6-Le 25 juillet, veille de la fête de Sainte Anne, tandis que les enfants et les Sœurs terminaient les prières de la classe, l'apparition se montra au lieu accoutumé, mais non plus sur un nuage, comme d'habitude, mais sur un large piédestal, qui ne s'effaça que lentement, après la disparition complète de la Vierge. Cette courte vision devait être le dernier adieu de la Mère à ses enfants, car c'était fini! La Vierge Marie ne devait plus se montrer à leurs yeux sur la terre, mais ce n'était pas encore la réponse désirée. Le lendemain, dimanche, fête de Sainte Anne, devait être ce grand jour. Ce jour-là, on célébra à Tilly, avec une grande solennité, l'affiliation de la paroisse à l'Adoration perpétuelle de Montmartre. Toutes les personnes pieuses de Tilly et les étrangers présents dans la localité, qui s'étaient unis aux Religieuses et aux élèves, pour faire la neuvaine, s'approchèrent tous ensemble de la sainte table, dans un même élan de foi, de confiance et d'amour. Mais ce n'était pas encore la fin. 

Dans la soirée, après les Vêpres, plusieurs personnes dont la Sœur Supérieure jetèrent aussi un cri d'admiration. Vite on appela les sœurs et les fillettes présentes; et toutes eurent la même vision: au lieu même des apparitions, à droite de l'ormeau, mais en arrière, se dressait une basilique resplendissante, d'un blanc éclatant, ressortant avec vigueur sur le fond du ciel, très chargé et très noir en ce moment. Il faisait en effet un très mauvais temps ce jour-là. C'était un composé de tours, de tourelles, de clochetons, gracieux et majestueux à l'infini, que les heureuses voyantes ne pouvaient se lasser de contempler, mais qu'elles se déclarèrent ensuite incapables de reproduire. Pendant l'espace d'une heure, la vision disparut et reparut une douzaine de fois, persistant parfois le temps de réciter deux dizaines de chapelet.  

À la Salette et à Lourdes, la Vierge avait fait connaître ses volontés, en disant ce qu'elle voulait. À Pontmain, elle l'avait fait non par des paroles, mais par des inscriptions. À Tilly, elle le fit par un signe tellement expressif, qu'il n'était pas possible de lui donner une signification autre que ce1le-ci: "Je veux que l'on me construise ici, sur ce plateau, un sanctuaire grandiose."

 

Que penser de ces apparitions?

 

Les apparitions de Tilly semblent incontestables. Dès la fin du mois de mars 1896, les foules commencèrent à affluer sur le plateau des apparitions. Malheureusement se produisirent bientôt des phénomènes étranges et troublants. Le Père Lesserteur estime qu'il serait déraisonnable d'y attacher une trop grande importance. Et pour fortifier son affirmation il rapporte qu'à Lourdes, de nombreuses contrefaçons du divin se manifestèrent. Le singe de Dieu cherche toujours à tromper les hommes. Puis, après cette mise en garde, le Père Lesserteur passe au récit des principaux événements surnaturels, qui se succédèrent de 1896 à 1899. En effet, il commence par indiquer que ce qui s'était passé n'était qu'un prélude, "magnifique et grandiose il est vrai, qui serait resté en grande partie incompris, s'il n'eût reçu une interprétation authentique." Cette interprétation sera donnée, et "fera partie d'une nouvelle série de prodiges encore plus éclatants, qui constitue comme le deuxième acte de ce drame divin, incomparable."  

Le Père Lesserteur poursuit sa réflexion: "La Vierge, en continuant à apparaître aux voyantes de l'école, sans se rapprocher d'elles, leur avait suffisamment fait comprendre qu'Elle ne leur parlerait pas autrement que par la vue d'un symbole ou d'un signe. Leur mission à elles était finie... Mais la persistance à se montrer toujours au-dessus d'un même lieu, semblait indiquer que là, devait se réaliser le dessein, dont l'intention venait d'être manifestée."

 

Les autres apparitions

 

Oui, les grandes apparitions sont terminées. Nous sommes en avril 1896, et voici que deux femmes, Marie Martel et Louise Polinière, annoncent avoir vu Marie, la Mère du Christ, près de ormeau où elle était apparue pendant si longtemps. Mais c'est surtout à Marie Martel, originaire du village de Cristot, éloigné de Tilly de 5 kilomètres que le Père Lesserteur va s'attacher.

En 1896, Marie Martel avait vingt-quatre ans et elle était couturière à la journée. Pieuse jeune fille, à peine eut-elle entendu parler des visions de l'école, qu'un immense désir de les voir, s'empara de son âme. Et, un soir, sa journée terminée, elle se rendit au champ de l'apparition. Là, elle fit comme tout le monde: elle récita le chapelet et chanta des cantiques. Pendant vingt-huit jours, malgré le mauvais temps, elle fit tous les soirs, avec sa mère ou avec une voisine, les dix kilomètres aller et retour qui séparent Cristot de Tilly. Le 25 avril 1896, elle eut une première vision, de courte durée. Trois jours après elle eut une nouvelle vision. Plus tard elle raconta que la Vierge, "d'une beauté toute céleste, était vêtue de blanc, avec une ceinture bleue, un voile sur sa tête, et des roses d'or sur ses pieds nus. À ses pieds, sur une banderole blanche, ces mots étaient écrits en lettres d'or: Je suis l'Immaculée."  

Le bonheur de Marie Martel était immense, mais bientôt les épreuves commencèrent: persécutions, calomnies, tracasseries de tous genres. À cela il faut ajouter de grandes épreuves de santé: elle ne peut plus marcher qu'avec peine, mais cela ne l'empêche pas de se traîner, comme elle peut, jusqu'au champ de l'apparition. Heureusement, afin de lui éviter la fatigue des aller et retour, une dame de Tilly la recueillit chez elle comme servante, dès le 15 juin 1896. Les premières visions se firent sans extase, mais bientôt Marie Martel entra en extase pendant les visions, et cela pendant les trois ans que durèrent les apparitions.

Dès le mois d'août 1896, on constata, pendant les extases, dans les yeux de la voyante, un phénomène étrange, qui se reproduisit souvent. De nombreux témoins aperçurent dans les yeux de la voyante, l'image d'une Vierge très lumineuse, vêtue d'une robe blanche, serrée à la taille par une ceinture bleu céleste, et enveloppée d'un voile léger. Des rayons s'échappaient de ses mains. Cela ressemblait à l'image de la Vierge qui avait été aperçue plusieurs fois sur les carreaux des fenêtres de l'école des Sœurs, le 25 mars 1896. Cependant, tous les assistants ne virent pas cette vision dans les yeux de Marie Martel.  

Vers la fin de septembre 1896, et bien souvent après, la sainte Vierge prononça souvent le mot: "Pénitence", qu'elle répétait parfois jusqu'à 6 ou 7 fois. Cela annonçait-il que la voyante aurait beaucoup à souffrir pour les pécheurs? Certainement, car la vie de Marie Martel devint rapidement extrêmement douloureuse.  

Dès le commencement de 1897, les extases deviennent plus longues, et la voyante, accompagnée de la foule, récitait le Rosaire en entier. Pendant la récitation du Rosaire, il arrivait parfois que la voyante ajoutait une invocation: "Notre-Dame du très saint rosaire, priez pour nous!" Curieusement, cette récitation spontanée du rosaire correspondait aux instructions du pape Léon XIII, et le jour de Pâques, le 18 avril 1897, deux des Anges, qui étaient agenouillés aux pieds de la Vierge, déroulèrent tout à coup devant la voyante une banderole, sur laquelle étaient inscrits ces mots: Reine du très Saint Rosaire...  

Pendant le mois de septembre 1897, les extases deviennent de plus en plus impressionnantes, et la Vierge demande que l'on récite le Rosaire, en sa présence, tous les jours du mois d'octobre, à 4 heures du soir.

 

Petits rappels historiques

 

Depuis 1883, Léon XIII demandait avec insistance que le peuple chrétien récitât le chapelet pendant le mois d'octobre afin que cessent les maux qui affligeaient l'Église. En 1884, Léon XIII réitéra son appel dans une encyclique. En 1885, il décréta que le mois d'octobre serait désormais consacré au Rosaire, d'une manière permanente. En 1897, Léon XIII rappela toutes ses encycliques précédentes, sur le Rosaire et sur le mois qu'il avait consacré à cette dévotion. C'est alors que se produisirent de nouveaux événements à Tilly.

 

Revenons à Tilly

 

Vers la fin du mois de septembre 1897, près de la Vierge Marie, une banderole apparut, tenue par deux Anges. Sur la banderolle étaient inscrits: "Mystères joyeux, Mystères douloureux, Mystères glorieux". Puis, la Vierge demanda à la voyante de réciter dorénavant le Rosaire, en méditant les mystères écrits[1]. Comme Marie Martel ne les connaissait pas, Marie se fit l'institutrice de son enfant. Sur de longues bandes blanches les mystères et les grâces correspondantes à demander étaient inscrites. Le texte de ces mystères sera montré à la voyante, jusqu'à ce qu'elle les sache par cœur et puisse les réciter sans se tromper. L'énoncé du mystère et de la grâce à demander était net et précis. Il répondait aux données de la plus saine théologie et offrait un résumé admirable de la vie et des vertus chrétiennes. En 1901, un évêque de France avait déclaré à un prêtre: "Nulle part… je n'ai trouvé rien d'aussi beau, d'aussi élevé, et en même temps d'aussi pratique pour tout le monde; c'est simple, mais c'est très profond pour ceux qui veulent réfléchir... Vous ne pouvez trouver mieux, à mon avis; je voudrais qu'il fût possible de les réciter partout. "

Plan de la Basilique demandée

Les personnes qui assistaient aux apparitions et entendaient ce que Marie Martel, en extase, récitait, étaient très impressionnées. Mais la mission de Marie Martel ne s'arrête pas là. Il fut montré à la voyante, à plusieurs reprises, le plan et les détails de la future basilique que les voyants de l'école avaient déjà admirés en 1896.  

Le 22 mai 1897, à peine en extase, Marie-Martel tomba soudain à genoux. Son regard devint très brillant. "Ah! que c'est beau! s'écria-t-elle, que c'est beau! On ne pourra jamais construire rien d'aussi beau!" À ce moment, beaucoup de personnes virent  nettement, dans ses yeux, l'image d'une basilique.  

Pendant plusieurs jours la voyante verra la basilique. Le 15 août 1897, elle visitera même, pendant son extase, l'intérieur de la basilique. Elle décrira toujours en extase, les merveilles qu'il lui était donné de voir, notamment les chapelles. L'extase dura cinquante-cinq minutes. Pendant tout ce temps la pluie ne cessait de tomber, mais l'on remarqua avec surprise que les vêtements de la voyante restaient absolument secs, et que ses chaussures d'étoffe n'étaient même pas mouillées.  

Enfin, le 8 septembre 1898, elle eut, à 5 h 30 du matin, une extase pendant laquelle il lui fut donné, pour la dernière fois, de faire le tour de la basilique à l'extérieur. À la suite de cette vision, elle fut inspirée de fixer elle-même sur le papier le dessin de ce qu'elle avait vu. Ce qu'elle fit, sans effort.

 

La dernière apparition

 

Pour être complet, le Père Lesserteur raconte ce qui s'est passé le jour de la dernière apparition. C'était le 25 avril 1899, trois ans jour pour jour après la première apparition dont Marie Martel avait été favorisée au champ. Elle avait été prévenue longtemps à l'avance du jour où la Vierge bénie lui apparaîtrait pour la dernière fois. Immense fut la douleur qu'elle ressentit, ce jour-là, lorsqu'à la fin de son extase elle eut conscience que c'était fini, et qu'elle ne reverrait plus, en ce lieu, Celle qui lui avait procuré un bonheur si intense. Mais avant de disparaître pour toujours, la Vierge lui accorda, comme dernière faveur, de contempler un tableau de la sainte Famille.  

L'exposé du Père Lesserteur se termine. C'est plein d'espérance qu'il pense que Rome se prononcera sur l'authenticité des apparitions. Mais auparavant, l'autorité épiscopale devait intervenir. Le Père Lesserteur insista pour que l'autorité compétente veuille bien faire entreprendre une enquête officielle, pour s'assurer des faits, et définir leur caractère. Ce vœu fut alors adopté sans restriction. Mais à notre connaissance, l'enquête ne fut jamais entreprise. 

Pour les personnes que cela intéresse, nous donnons ci-dessous la description de la basilique que fit le Père Lesserteur le 19 août 1902, au congrès marial de Fribourg.  

La basilique orientée liturgiquement de l'ouest à l'est, forme un vaste rectangle de 120 mètres environ de longueur sur 30 à 32 de largeur. Les quatre angles sont surmontés de quatre clochers, ornés de filets d'or. En avant du chœur, un immense dôme, à triple rangée de quinze clochetons, s'élève au-dessus du transept et le couvre tout entier. À partir du transept, la basilique se compose d'une nef principale et de deux bas-côtés. De chaque côté, il y a quinze fenêtres, avec autant de clochetons. Les gros piliers de l'intérieur sont formés d'une colonne centrale entourée de quatorze colonnettes.  

Il y a quinze marches pour arriver à la plate-forme sur laquelle repose l'édifice; et une bordure en pierres sculptées court tout le long de la toiture, avec des roses, comme motif principal de décoration. Enfin, pour compléter ce symbolisme, qui rappelle toujours l'idée du Rosaire, il y a, en tout, quinze autels qui se distribuent comme suit :

- Au-delà de la coupole, se trouve le maître-autel, surmonté par derrière -au fond du chœur- par une belle statue de la Vierge, que domine un grand Christ, qui pend de la voûte.

- Aux côtés de l'autel, se dressent les statues de saint Joseph, du côté de l'Épître, et de saint Michel, du côté de l'Évangile: le premier, époux et gardien fidèle de la Vierge sur la Terre, et maintenant patron de l'Église universelle; le second, Ange tutélaire de l'Église du Christ et protecteur spécial de la France.

À noter que lorsque le prêtre bénit l'encens, après l'Offertoire de la messe solennelle, il le fait Per intercessionem beati Michaelis Archangeli, stantis a dextris altaris incensi.

La statue de ce grand Archange, que Léon XIII fait invoquer par tous les prêtres du monde, après leur messe, à l'effet de refouler tous les démons au fond de l'enfer, se trouve encore placée à l'extérieur, sur le porche de la façade principale, et commande pour ainsi dire l'entrée.

Du côté de l'Épître, sous le dôme, un grand autel, derrière lequel la statue du Sacré-Cœur. En face, du côté de l'Évangile, un autre grand autel, avec la statue de sainte Anne.  

Ces autels qui, avec leurs chapelles, sont, par rapport au reste de l'Église, comme les deux bras gigantesques de l'Orante mystique, dédiés aux intermédiaires, à l'intercession desquels eurent recours les Religieuses, pour obtenir de la Très Sainte Vierge la réponse à leur question; car on se rappelle qu'elles firent une neuvaine à sainte Anne, pour lui demander, par le Sacré-Cœur de Jésus, d'intercéder auprès de la Sainte Vierge, afin qu'elle daignât leur faire savoir ce qu'Elle désirait; et ce fut le jour de la fête de sainte Anne qu'elles furent exaucées.  

- Les six petits autels, dressés le long du mur, du côté de l'Épître, sont dédiés, à partir de la coupole, à saint Joachim, époux de sainte Anne, père de la Sainte Vierge, et patron de Léon XIII, à saint Jean-Baptiste, à saint Paul, à saint Jean l'Évangéliste, à saint Gabriel et à saint Pierre.

Il n'est pas étonnant de rencontrer ici Saint Jean-Baptiste et saint Paul; on sait le rôle de premier ordre que leur attribue la liturgie la plus ancienne, comme on peut le constater dans la prière que le prêtre récite à la messe, après l'Offertoire: Suscipe Sancta Trinitas, ou ils font cortège à la Sainte Vierge: In honorem beatae mariae semper virginis, et beati Joannis Baptistae, et Sanctorum Apostolorum Petri et Pauli... Comme aussi dans le Confiteor, auxquels est adjoint en outre saint Michel.

Quant à saint Jean l'Évangéliste, ne fait-il pas partie, lui aussi, de la famille de la Sainte Vierge, puisqu'au Calvaire, par institution divine, il est devenu son fils, et qu'ensuite Elle ne s'est plus séparée de lui ?

Quant à saint Gabriel, c'est l'Ange de Marie par excellence, et c'est le jour de sa fête, le 18 mars, qu'eut lieu la première apparition. 

Je me contente d'énumérer, sans réflexions, les chapelles du côté de l'Évangile, à partir du dôme: Notre-Dame des Sept-Douleurs; Notre-Dame de Graçay; Notre-Dame du Mont-Carmel; Notre-Dame des Armées; Saint Antoine de Padoue; Notre-Dame du Rosaire.  Après celle-ci, près de la porte d'entrée, était encore une chapelle vide, où se trouvait seulement un piédestal sans statue, et comme la voyante en témoignait son étonnement, la Sainte Vierge lui fit comprendre que c'était la statue de Jeanne d'Arc, qui devait y être placée, lorsqu'elle serait honorée d'un culte public. 

Il y avait encore, sous le dôme très riche, et très resplendissant, d'autres statues en grand nombre.  

Enfin, à l'extérieur, sur ce dôme formé d'une triple rangée de couronnes superposées, domine une statue colossale du Christ Rédempteur, les bras ouverts et largement étendus, avec un Cœur de flammes brillant sur la poitrine. Le dôme, en forme de tiare, qui lui sert de grandiose piédestal, n'est-il pas l'emblème symbolique de sa royauté sur le monde, proclamée par Léon XIII, au déclin du siècle qui vient de disparaître? 

En établissant l'Association universelle de la sainte Famille, Léon XIII avait prescrit de conserver dans chaque maison une image représentant ce sujet, et de prier devant, tous les jours. Mais comme il n'y a pas, dans l'Église, de type traditionnel et uniforme pour représenter la sainte Famille, les uns la représentent pendant la fuite en Egypte ou en voyage, les autres dans l'atelier de Nazareth, Léon XIII mit ce sujet au concours, à l'occasion de l'Exposition de Turin, en 1898, avec l'intention d'adopter officiellement le modèle qui serait jugé répondre le mieux à l'idée-mère de la dévotion, qui sert de base à l'Association susdite. En définitive, aucun des nombreux projets présentés ne fut approuvé. Au contraire, lorsqu'en 1900 on mit sous les yeux du Souverain Pontife une toile représentant la sainte Famille, telle qu'elle avait été vue par Marie Martel, Léon XIII en fut aussitôt émerveillé, et manifesta le désir de garder ce tableau pour ses appartements particuliers.  

Ce tableau représente la sainte Famille, non point en voyage ou au travail, mais en prière. L'Enfant Jésus est debout, au milieu, le regard en haut, les bras élevés verticalement vers le ciel, la paume des mains en dehors. Il semble dire à son Père: "Hostiam et oblationem noluisti, corpus autem, aptasti mihi...", et il remplit ainsi l'office de médiateur et d'intercesseur. Lui, le Maître, quoique revêtu de la livrée du serviteur, il prie debout.

La Sainte Vierge est assise, soutenant de la main droite le bras gauche de son divin Fils, comme autrefois Aaron et Hur soutenaient les bras de Moïse priant sur la montagne; ses yeux sont fixés, non sur Jésus, mais dans la même direction du Ciel que les siens. Ce rôle d'auxiliaire dans l'œuvre de la méditation divine convient admirablement à Celle que l'on a justement qualifiée de Co-rédemptrice et de Omnipotentia supplex.

Saint Joseph est dans l'attitude qui convient à la créature qui prie son Créateur, il est à genoux. Mais comme il est le gardien et protecteur de la famille, il est appuyé sur son bâton. Il tourne son regard du côté de l'Enfant divin, laissant entendre par là qu'il met toute sa confiance, pour l'efficacité de sa propre prière, dans l'union avec celle de Jésus.


[1] Aux côtés de la Vierge, sont rappelés trois des quatre mystères du rosaire: les mystères joyeux, douloureux et glorieux. Ces trois mystères sont apparus dans le ciel au dessus du champ Saint Pierre début octobre 1897. Les mystères lumineux ne font pas partie des apparitions de Tilly, car l'institution des mystères lumineux date de Jean-Paul II.

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