CHAPITRE III

COMBIEN NOTRE SAINTE VIERGE DÉSIRAIT MOURIR POUR ÊTRE AVEC LE CHRIST. — NOUS EN AVONS LA PREUVE DANS UNE PRIERE QU’ELLE A COMPOSÉE EN LANGUE VULGAIRE ET PLACÉE A LA FIN DU LIVRE QU ELLE A DICTÉ, ET NOUS DONNONS ICI LA TRADUCTION FIDELE DE LA PRIÈRE ET DE L’ÉPILOGUE DE CE LIVRE.

Notre sainte approchait donc du terme de sa course en ce monde; et le Seigneur montrait par divers signes de quelle gloire il allait bientôt, dans les cieux, couronner son épouse, quand celle-ci aurait consommé sa vie de labeurs et de souffrances. Cette gloire correspondait aux grâces dont il l’avait comblée sur la terre. Or, parmi tous les signes qui manifestent à qui veut les considérer la perfection de cette âme, nous devons signaler son désir chaque jour plus ardent de mourir pour être avec le Christ (Phil 1,23). Il lui tardait de contempler ouvertement et clairement dans la Patrie cette vérité du Christ, dont elle n’avait sur le chemin que des reflets. Ce désir allait croissant en son coeur, à mesure que la lumière surnaturelle descendait plus parfaite du Ciel dans son âme. Deux années à peu près avant sa mort, elle reçut de Dieu de telles clartés sur la vérité qu’elle se vit obligée de répandre ses lumières au dehors en les confiant à l’écriture. C’est alors qu’elle pria ses secrétaires, comme nous en avons dit un mot déjà, de se tenir prêts à écrire toutes ses paroles quand ils la verraient en extase. Voilà comment fut composé en peu de temps le livre qui contient le dialogue d’une âme avec le Seigneur. L’âme fait au Seigneur quatre demandes et le Seigneur lui répond en lui donnant de nombreux et très utiles enseignements. A la fin. de ce livre, se trouvent deux passages que j’ai jugé bon d’insérer ici, tant pour l’utilité des lecteurs que pour montrer combien l’âme de cette vierge bénie était tout entière possédée du désir dont nous avons parlé. Ces deux extraits sont bien à leur place ici, puisqu’il est naturel à tout mouvement de tendre à la fin en laquelle il doit se reposer. L’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ allait lui aussi tout entier à sa fin, comme nous l’atteste l’Évangéliste Jean (Jn 13,1), à cette fin de l’Univers que tout disciple de la science sacrée sait être la VÉRITÉ PREMIÈRE.

Que personne ne pense que j’ajoute du mien aux enseignements et à la prière que j’ai transcrits ici, en les empruntant au livre de Catherine ; j’en appelle, sur ce point, au témoignage et au jugement de la Vérité Première, qui fut l’objet de ce discours; j’ai traduit fidèlement ces deux passages du dialecte vulgaire en latin, comme ils se trouvent dans le livre que la sainte a dicté. Je n’y ai ajouté aucune pensée, je n’y ai rien changé, j’ai même gardé l’ordre des mots, autant que j’ai su et pu le faire, et me suis efforcé de donner une traduction littérale, autant que la phrase latine me l’a permis. Cependant, à parler strictement, il n’est pas possible d’arriver à une telle fidélité qu’on n’aie pas à ajouter en latin une interjection, une conjonction ou un adverbe, qui ne se trouvent pas dans la rédaction originale en langue vulgaire. Mais ces additions n’ont rien qui puisse modifier le sens et lui faire exprimer des idées nouvelles; elles sont plutôt l’ornement régulier de la phrase et ne font que rendre plus clairement la pensée primitive. Des deux extraits que je vais ainsi donner, le premier est l’épilogue du livre précité, dont il résume brièvement tous les enseignements, le second est une prière, que la vierge elle-même a composée après toutes ces révélations, et qui nous montre combien elle désirait mourir pour être avec le Christ.

Catherine raconte donc, en terminant son livre, comment le Seigneur Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, parla, vers la fin du dialogue, à l’âme qu’il venait d’instruire longuement de l’obéissance des parfaits : " Ma bien-aimée et très chère fille, lui dit-il, voilà que maintenant j’ai répondu à tous tes désirs du commencement jusqu’à la fin, et j’ai fini en te parlant de l’obéissance. Si tu t’en souviens bien, tu m’as demandé tout d’abord, avec un désir anxieux, que je fasse croître en ton âme le feu de la charité. C’était moi qui te faisais prier ainsi. Tu m’as donc exposé quatre demandes. L’une te concernait, et j’y ai satisfait, en t’éclairant de ma vérité et en te montrant comment, à la lumière de la foi, tu apprendrais à me connaître et à te connaître toi-même, et tu arriverais ainsi à la connaissance de la vérité en suivant la méthode que je t’ai expliquée. Dans ta seconde prière, tu m’as supplié de faire miséricorde au monde. Ta troisième demande a été pour le corps mystique de mon Église, tu m’as prié de dissiper les ténèbres de la persécution dont elle souffre, et tu voulais que je punisse sur toi les iniquités des autres. Je t’ai montré alors qu’aucune de ces peines finies que mesure le temps ne pourrait, par elle-même, expier une faute commise contre le Bien infini que je suis. Ces peines peuvent être cependant une satisfaction suffisante, quand elles sont jointes à la contrition du coeur et au désir de l’âme; je t’ai expliqué comment. Je t’ai répondu aussi que je voulais faire miséricorde au monde, en te faisant voir comment la miséricorde était mou attribut propre (Summa S. Th., IIa IIae, quaest. XXX, art 2). C’est à cause de cette inestimable miséricorde et de l’amour que je portais à l’homme, que j’ai envoyé mon Fils unique et mon Verbe. Pour te mieux faire entendre ce qu’il est; j’ai comparé ce Fils à un pont, qui va du ciel à la terre, symbole de l’union qui s’est faite en lui, entre la nature divine et la nature humaine. Pour t’illuminer davantage des lumières de ma volonté, je t’ai expliqué comment on montait à ce pont, par trois degrés, qui sont les trois facultés de l’âme.

" De ce Verbe que je t’ai montré sous l’image d’un pont, je t’ai donné encore une autre figure, quand je t’ai indiqué, sur son corps, les trois degrés que tu connais le premier aux pieds, le second au côté ouvert, le troisième à la bouche. En ces degrés, j’ai placé les trois états de l’âme, l’état imparfait, l’état parfait et l’état très parfait, où l’homme parvient à l’excellence de l’amour d’union. Je t’ai signalé, pour chaque état, les moyens d’écarter les imperfections, la route à suivre, les ruses secrètes du démon, les dangers de l’amour-propre spirituel. Je t’ai parlé aussi des reproches que ma clémence adresse aux âmes qui sont en ces trois états. Les premiers sont ceux qu’elle fait aux hommes pendant leur vie, avant qu’ils n’aient quitté leurs corps. Les seconds se font entendre à la mort, à ceux qui meurent sans espérance, en état de péché mortel. Je t’ai dit que ceux-là s’en allaient sous le pont, par la voie du diable, et je t’ai raconté leurs misères. Les troisièmes reproches se feront au Jugement général. Je t’ai dit quelque chose des supplices des damnés et de la gloire des bienheureux, quand ils auront recouvré chacun leur propre corps. Je t’ai promis aussi et je te promets encore de réformer mon l’Epouse, mais en envoyant de lourdes épreuves à mes serviteurs. Je vous ai invités à la patience. Je me suis plaint à toi des iniquités de mes mauvais ministres, tout en te montrant en quelle excellence je les ai établis et quel respect je désire et je veux leur voir rendre, de la part des laïcs séculiers. Je t’ai répondu aussi que leurs défauts ne devaient en rien diminuer votre respect pour leurs personnes, et je t’ai dit combien une autre conduite déplaisait et était contraire à ma volonté. Je t’ai parlé de la vertu de ceux qui vivent comme des anges, et je t’ai dit un mot, en même temps, de l’excellence du Sacrement de l’autel.

" Tandis que je t’entretenais des trois états de l’âme, tu as voulu savoir quels étaient les différents états de larmes, et d’où venaient ces larmes. Je t’ai expliqué comment les différentes sortes de larmes correspondaient aux différents états de l’âme, et comment toutes ces larmes jaillissent de la fontaine du cœur. Je t’ai montré successivement la cause de cette correspondance et l’origine de ces quatre sortes de larmes. C’est alors que je t’ai parlé d’un cinquième état, qui amène la mort."

" J’ai répondu ensuite à ta quatrième demande, ou tu me demandais de pourvoir aux conséquences d’un événement particulier qui venait d’arriver Je t’ai donné toutes les explications désirées et je t’ai parlé longuement de ma providence en général et en particulier. Je t’ai exposé son oeuvre, depuis le commencement de la création jusqu’à la fin du monde, et je t’ai dit comment j’ai tout fait et fais tout, avec une divine et souveraine prévoyance, vous envoyant ou permettant tout ce qui vous arrive, les tribulations aussi bien que les consolations spirituelles ou temporelles. Tout est pour votre bien, pour que vous soyez sanctifiés en moi et que ma vérité s’accomplisse en vous; car ma vérité est, et a toujours été, que je vous ai créés pour que vous ayez la vie éternelle, et je vous ai manifesté cette vérité dans le Sang du Verbe, mon Fils unique. Enfin j’ai satisfait à ton désir et tenu les promesses que je t’avais faites, en t’exposant la perfection de l’obéissance, l’imperfection de la désobéissance, la source d’où procède l’obéissance, et ce qui peut vous l’enlever. J’ai posé cette obéissance comme la clef de tout l’édifice, ce qu’elle est en effet. Je t’ai parlé aussi en détail des parfaits et des imparfaits, qu’on trouve au sein des Ordres religieux ou au dehors. Je t’ai entretenue des uns et des autres séparément. Je t’ai dit la paix que donne l’obéissance, la guerre que soulève la désobéissance et combien le désobéissant se trompe lui-même. J’ai ajouté et établi que la mort était entrée dans le monde par la désobéissance d’Adam."

" Et maintenant moi, Père éternel, souveraine et éternelle Vérité, je conclus en t’affirmant que c’est par l’obéissance de mon Fils unique et de mon Verbe que vous avez la vie. Le premier homme, le vieil homme, vous a tous rendus débiteurs de la mort; l’homme nouveau, le Christ doux Jésus vous a donné le droit de vivre, à vous tous qui acceptez de porter la clef de l’obéissance. Je vous ai fait de lui un pont sur ce chemin du ciel, qui avait été coupé; en sorte qu’avec la clef de l’obéissance vous pouvez passer par cette voie douce et droite, qui est la vérité lumineuse, unique source de rectitude. Voilà comment vous traverserez sans péché les ténèbres de ce monde, et comment enfin vous ouvrirez le ciel avec la clef de mon Verbe. Je vous invite maintenant aux larmes, toi et mes autres serviteurs; c’est grâce à ces larmes et à une prière humble et continue que j’accorderai miséricorde au monde. Meurs à toi-même et cours dans cette voie de la vérité. Qu’on n’aie plus à te reprocher une marche trop lente, car je serai désormais plus exigeant qu’auparavant, puisque je me suis manifesté moi-même à toi dans ma vérité. Prends garde de ne jamais quitter la cellule de la connaissance de toi-même, c’est dans cet intérieur que tu dois augmenter et conserver le trésor que je t’ai donne, et qui est une doctrine de vérité, fondée sur la pierre solide et vivante du Christ doux Jésus. Cette doctrine est revêtue d’une lumière qui fait distinguer les ténèbres ; qu’elle soit ton vêtement dans la vérité, ma fille bien-aimée. "

Après que cette âme eut vu, avec l’oeil de l’intelligence et connu à la lumière de la très, sainte foi la vérité et l’excellence de l’obéissance après qu’elle l’eut comprise dans un jugement plein de rectitude et l’eut goûtée avec son cœur, dans un ineffable désir, elle se regarda elle-même dans la divine Majesté et lui rendit grâces en disant " Je vous rends grâces, ô Père, de ce que vous n’avez pas méprisé votre créature. Vous n’avez pas détourné de moi votre face et vous n’avez pas dédaigné mes désirs. Vous, la lumière, vous ne vous êtes pas arrêté à la considération de mes ténèbres. Vous, la vie, vous avez bien voulu oublier mon état de mort. Vous n’avez pas méprisé, vous, le médecin, ma grande infirmité; vous, l’éternelle pureté, mn boue et mes nombreuses misères; vous, l’infini, mon être fini; vous, la sagesse, la folie que je suis. Malgré toutes ces misères, et d’autres encore en nombre infini, malgré les innombrables défauts qui sont en moi, vous ne m’avez pas repoussée. Je n’ai été dédaignée, ni par votre sagesse ni par votre bonté, ni par votre clémence, ni par le Bien infini que vous êtes. Dans votre lumière, vous m’avez donné la lumière, dans votre ‘sagesse, j’ai connu la vérité; dans votre clémence, j’ai trouvé la force de vous aimer et d’aimer le prochain Qui donc vous a obligé d’agir ainsi? Rien qui vienne de moi, mais votre seule charité. C’est ce même amour qui vous fait illuminer des clartés, de la foi l’oeil de mon intelligence, pour que je comprenne et connaisse votre vérité se manifestant à moi. Donnez, Seigneur, à ma mémoire, de pouvoir garder le souvenir de vos bienfaits. Que mn volonté brûle du feu de votre charité. Que ce feu fasse répandre à mon corps son sang donné pour l’amour du Sang et qu’avec la clef de l’obéissance j’ouvre la porte du ciel. Je vous fais la même demande pour toute créature raisonnable; pour toutes en général comme pour chacune d’elles en particulier, et pour le corps mystique de votre sainte Eglise. Je le confesse et me garderai de le nier, vous m’avez aimée avant que je sois, et vous chérissez si ineffablement votre créature qu’on pourrait vous comparer à un homme que l’excès de son amour rend fou.

O Trinité éternelle! O Déité, qui, par l’union de la nature divine, avez donné tant de prix au Sang de votre Fils unique! O Trinité éternelle, vous êtes vraiment un océan profond, où plus je cherche, plus je trouve, et plus je trouve plus je cherche. Vous me rassasiez, sans me faire dire jamais, c’est assez; car, dans votre abîme, vous c6mblez mon âme, en la laissant toujours affamée. Elle a soif de vous, ô Trinité éternelle, et c’est dans votre lumière qu’elle désire vous voir, vous lumière. Comme le cerf soupire après les sources d’eau vive, ainsi mon âme désire quitter ce corps enténébré, pour contempler la vérité de votre être. Combien de temps encore votre face restera-t-elle cachée à mes regards? O Trinité éternelle! feu et abîme de charité, dissipez bien vite le nuage de mon corps. Car la connaissance que vous m’avez donnée de vous me presse sous l’attrait de votre vérité; elle m’impose le désir d’abandonner ce corps si pesant, elle me rend avide de donner cette vie pour la louange et la gloire de votre Nom, car, à la lumière de l’intelligence, j’ai goûté et vu vos clartés, l’abîme de vos grandeurs, ô Trinité éternelle, et la beauté de votre créature. En me regardant en vous, je me suie vue faite à votre image, car vous m’avez donné, vous, Père éternel, quelque chose de votre puissance. Il y a dans mon intelligence quelque chose de votre sagesse, de cette sagesse qui appartient à votre Fils unique, et l’Esprit-Saint qui procède de vous, ô Père, et de votre Fils, m’a donné une volonté qui me rend capable d’aimer. Car c’est vous, Trinité éternelle, qui êtes l’ouvrier et moi je suis votre œuvre. Et quand votre lumière m’a fait voir que vous m’aviez à nouveau créée dans le Sang de votre Fils unique, j’ai compris combien vous vous étiez épris d’amour pour la beauté de votre créature.

" O abîme! O Déité éternelle! O mer profonde! Que pouviez-vous me donner de plus grand que vous-même? Vous êtes le feu qui toujours brûle. Vous consumez et n’êtes point consumé. C’est vous qui consumez dans vos ardeurs tout l’amour-propre de mon âme. Vous êtes encore ce feu qui chasse toute froideur et illumine les âmes de cette lumière qui est vôtre et qui m'a révèle votre vérité. Vous êtes cette lumière qui surpasse toute lumière et que vous donnez avec votre lumière à l’oeil de l’intelligence (Ps 35, 10) ; lumière surnaturelle si abondante et si parfaite que la lumière de foi en recevra de nouvelles clartés. C’est dans cette foi que je vois la vie pour mon âme; c’est dans sa lumière que je vous ai reçu vous, lumière. Dans la lumière de foi. en effet,   j’acquiers cette sagesse, qu’on trouve dans la sagesse du Verbe, votre Fils. Dans la lumière de foi, je deviens plus forte, plus constante et persévérante. Dans la lumière de foi, je trouve l’espérance que vous ne me laisserez pas défaillir sur le chemin; c’est aussi cette lumière qui m’enseigne la voie par où je dois passer, sans cette lumière je marcherais dans les ténèbres; et voilà pourquoi je vous ai demandé, Père éternel, de m’éclairer de la lumière de la très sainte foi. Oui, cette lumière est vraiment un océan, où l’âme trouve sa nourriture, jusqu’à ce qu’elle se perde tout entière en vous, ô océan de paix, Trinité éternelle. L’eau de cet océan n’est point troublée, aussi n’inspire-t-elle pas de crainte, et donne-t-elle au contraire la connaissance de la vérité. Cette eau, d’absolue pureté, laisse entrevoir les mystères de ses profondeurs, de là vient que là où surabonde la lumière de votre foi, l’âme a comme des clartés sur ce qu’elle croit. Cet océan, d’après ce que vous m’en avez fait connaître, ô Trinité éternelle, est un miroir que la main de l’amour tient devant les yeux de mon âme, et où je me vois en vous, moi qui suis votre créature. Dans la lumière de ce miroir, vous vous représentez à moi et je vous connais, vous le bien suprême et infini, bien au-dessus de tout bien, bien de la félicité, bien incompréhensible, bien inestimable, beauté au-dessus de toute beauté, sagesse au-dessus de toute sagesse; car vous êtes la sagesse même. Vous, la nourriture des anges, vous vous êtes donné aux hommes, dans le feu de votre charité. Vous êtes le vêtement qui recouvre. ma nudité; et notre faim se repaît de votre douceur, car vous êtes doux, sans nulle amertume.

O Trinité éternelle! je vous ai connue dans cette lumière qui est vôtre, que vous m’avez donnée et que j’ai reçue par la lumière de la très sainte foi, et vous m’avez montré, dans de nombreux et admirables enseignements, la voie d’une grande perfection. Vous l’avez fait pour que désormais je vous serve dans votre lumière et non plus dans les ténèbres, pour que je sois un miroir de vie bonne et parfaite, et pour que je m’élève au-dessus de cette vie misérable, qui a été mienne jusqu’ici, et dans laquelle je vous ai toujours servi au milieu des ténèbres. Car je n’avais pas connu votre vérité, et c’est pourquoi je ne l’avais pas aimée. Et pourquoi ne vous avais-je pas connu? parce que je ne vous avais pas vu? Et pourquoi ne vous avais-je pas vu à la lumière de la très sainte et glorieuse foi? parce que le nuage de l’amour-propre obscurcissait l’oeil de mon intelligence Mais vous avez dissipé mes ténèbres, ô Trinité éternelle, par votre lumière. Et qui pourrait s’élever jusqu’à vous, et vous rendre grâce pour l’immense don et les bienfaits si généreux que vous m’avez accordés, et pour la doctrine de vérité que vous venez de me livrer? Cette doctrine est vraiment une grâce particulière ajoutée aux grâces que vous donnez communément aux autres créatures. Vous avez voulu condescendre à mes besoins et aux besoins de celles de vos autres créatures, qui, à l’avenir, voudront bien arrêter leur regard sur cette doctrine comme sur un miroir. Et maintenant, Seigneur, répondez, vous, pour moi-même. C’est vous qui avez donné, chargez-vous encore de payer la dette de reconnaissance qu’appellent vos dons; et pour cela répandez en moi cette lumière de grâce, qui seule peut me permettre de vous remercier. Revêtez, revêtez-moi, faites que je me revête de vous, ô Vérité éternelle, afin que ma course en cette vie mortelle se poursuive dans une véritable obéissance et à la lumière de la très sainte foi. "

Jusqu’ici j’ai rapporté les paroles de la sainte avec toute la fidélité qui m’a été possible. Je les ai prises dans son livre et traduites en latin, sans rien changer aux pensées, et en les transcrivant littéralement, autant que la phrase latine me l’a permis. Ces paroles, attentivement considérées, vous permettront, lecteur, de vénérer l’excellence de notre sainte vierge non seulement dans sa manière de vivre, mais dans son enseignement de la vérité; enseignement tout à fait admirable chez une femme. De plus, si vous réfléchissez à ce qui vient d’être écrit, vous verrez s’en dégager, ce que nous voulions vous montrer, le suprême désir qu’avait Catherine, de mourir et d’être avec le Christ. Elle savait et comprenait, surtout à cette époque de sa vie, qu’être avec le Christ était de beaucoup le meilleur des biens, le bien qui est la fin et la perfection de tout bien. Voilà pourquoi son désir, tant qu’il n’eut pas obtenu satisfaction, ne fit que croître en son cœur, depuis le jour où, encore adolescente, elle contracta avec le Christ ces fiançailles, que nous avons racontées au dernier chapitre de la première partie; jusqu’à l’heure où son âme, abandonnant son corps, s'en alla consommer ce mariage spirituel. C’est de ce départ pour le ciel que nous allons parler dans le chapitre suivant.

   

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