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L'attente du Carmel

Élisabeth souhaite entrer rapidement au Carmel, mais le veto de Madame Catez est formel: c'est non! De plus, elle interdit à sa fille tout contact avec les sœurs carmélites.

2-1-La mission de 1899

En 1899 une grande mission a lieu à Dijon. Élisabeth y prend une part active et prend des notes après chaque conférence. Sans le vouloir elle laisse transparaître son cœur. Ainsi elle écrit le dimanche 5 mars 1899: "Mon Dieu, je vous fais le sacrifice de ma vie pour le succès de cette mission ; faites-moi souffrir, mais exaucez-moi... grâce, pitié pour le monde, au nom de Jésus, mon divin Epoux, Jésus que je veux consoler." Le 12 mars, elle récidive:  " Ô Jésus ! est-ce que je ne demande pas la souffrance à grand cris ? Je veux bien tout endurer ; mais donnez-moi des âmes..."

Élisabeth a un grand souci des âmes et son âme d'apôtre souffre de se voir si impuissante dans le monde où elle doit encore rester. Elle écrit: "Ces Rédemptoristes parlent avec tant d'amour de Dieu... Quand je les vois ainsi évangéliser, combien je les aime ! Ah ! ils ont pu suivre leur vocation, ils ramènent beaucoup d'âmes à Dieu, ils sont heureux !... Mon Jésus, quand pourrai-je suivre ma voie, quand pourrai-je me donner à vous, j'ai si grande envie de souffrir, de vous gagner des âmes?"

Élisabeth profite aussi de cette mission pour prendre de sages résolutions: "Ô Marie, ô vous que je prie chaque jour pour obtenir l'humilité, venez à mon aide, brisez mon orgueil, envoyez-moi beaucoup d'humiliations, bonne Mère... J'ai pris de sérieuses résolutions. Jésus, aidez-moi, enlevez toutes les méchancetés de mon cœur... Le support des caractères, que cela est difficile ! Un saint l'a appelé « la fleur de la charité ». Mon Jésus, désormais plus une parole contre le prochain ne sortira de mes lèvres ; je l'excuserai toujours, et si l'on m'accuse injustement, je penserai à vous et je saurai tout supporter sans me plaindre."

2-2-Deux ans à attendre

Peu de temps après cette mission, Madame Catez va donner son consentement: Élisabeth pourra entrer au Carmel, mais dans deux ans seulement. En effet, le dimanche 26 mai 1899, Élisabeth écrit dans son Journal : "Ma pauvre mère m'interrogea. Quand elle vit mes idées toujours les mêmes, elle versa beaucoup de larmes et me dit qu'elle ne m'empêcherait pas de partir à vingt et un ans ; que j'avais donc seulement deux ans d'attente et qu'en conscience, je ne pouvais laisser ma sœur avant."

En juin 1900 Élisabeth rencontre le Père Vallée, prieur des Dominicains de Dijon, très orienté vers la Trinité et très apprécié au Carmel. Elle aura 21 ans le 18 juillet 1901. Elle utilisera donc ce temps d'attente pour se préparer intérieurement, laissant se développer en elle une profonde intimité avec Dieu qui demeure en elle, et s'abandonner à Celui en qui elle se fiait pleinement.

"Je me livre, je m'abandonne à lui, je suis si tranquille, je sais à qui je me confie. Il est tout puissant, qu'il arrange toutes choses selon son bon plaisir ; je ne veux que ce qu'il veut ; je ne désire que ce qu'il désire ; je ne lui demande qu'une chose : l'aimer de toute mon âme, mais d'un amour vrai, fort et généreux... (lettre du 1er décembre 1900, au Chanoine Anglès) 

Dans son journal elle écrit: "Je compte les jours qui me séparent de cette heure si belle où, par trois vœux, je vous appartien­drai sans retour. Je serai votre épouse, une humble et pauvre Carmélite, une crucifiée à votre image.. Ô mon Roi, mon amour suprême, soutenez-moi tou­jours dans cette voie de la croix que j'ai prise pour partage, car sans vous je ne puis rien. Je ne serai pas toujours portée par la grâce comme maintenant; j'aurai à lutter : soyez là, mon Jésus, fortifiez-moi. Pendant ces deux années que je vais employer à me préparer à la vie religieuse, faites-moi beaucoup souffrir, détachez mon cœur de tout ; qu'il soit libre pour que rien ne l'empêche de vous voir ; brisez ma volonté, abaissez mon orgueil, ô vous si humble de cœur ; enfin, façonnez-le pour qu'il puisse être votre demeure aimée, pour que vous veniez vous y reposer, y converser avec moi dans une idéale union. Que ce pauvre cœur ne fasse plus qu'un avec vous, Cœur divin, et pour cela, arrachez, consumez tout ce qui vous déplaît.

Dans deux ans !... C'est bien long ! Mais mon bonheur sera si doux, que déjà j'en jouis, je le savoure... Soutenez maman si admirable de résignation, récompensez Marguerite, et moi, faites-moi souffrir, prenez-moi, je suis toute à vous !"

En janvier 1900, un an avant son entrée au Carmel, au cours d'une retraite, Élisabeth note: "Mon Dieu, depuis la retraite de l'an passé, que de grâces vous avez accordées à votre pauvre petite créature. Ô vous qui savez tout, vous savez au moins que je vous aime ! Je veux pour vous devenir une sainte il me reste une longue année à passer dans le monde; que je la passe en faisant beaucoup de bien... Je veux non seulement sauver mon âme, mais je désire vous en ramener d'autres aussi ; ce désir me consume... Mais je vous aime, et je suis jalouse de ces grandes âmes qui vous ont tant aimé... Ô Maître, je le sais, je vous ai bien offensé, mais je vous aime tant ! je vais à vous en toute confiance, comme à un tendre ami..."

À la fin de cette retraite elle écrit encore: "Je me suis bien donnée au bon Maître, écrit-elle le dernier jour ; je me suis abandonnée à Lui, ainsi que mon désir le plus cher. Je ne veux que ce qu'Il veut ; qu'Il me prenne quand Il voudra... J'ai pris cette année encore les mêmes résolutions : l'humilité et le renoncement... Maître, que ma vie soit une oraison continuelle ; que rien, rien, n'est-ce pas, ne puisse me distraire de vous ; ni mes occupations, ni les plaisirs, ni la souffrance ; que je sois abîmée en vous, que je fasse tout sous votre regard."

Le temps passe. Élisabeth reste présente à toutes ses occupations; elle organise les chants pour les solennités du Carmel, ce "qui lui était un heureux prétexte de multiplier ses visites à la Révérende Mère Prieure." Cependant elle doit poursuivre sa vie mondaine. Elle va dans les matinées chantantes et participe avec brio à de nombreux concerts, mais son cœur est ailleurs. Le 18 juillet 1901, elle a 21 ans. Elle entrera au Carmel de Dijon, le 2 août 1901. Le 21 juin 1901, elle avait écrit au chanoine Anglès: "Vous ai-je jamais dit mon nom au Carmel : 'Marie-Élisabeth de la Trinité'. Il me semble que ce nom indique une vocation particulière, n'est-ce pas qu'il est beau ? J'aime tant ce mystère de la Sainte Trinité, c'est un abîme dans lequel je me perds !..."

2-3-La vie de prière

Élisabeth Catez doit vivre dans le monde, mais sa vie de prière est intense, et elle n'oublie pas, grâce à la prière, de rencontrer ceux qui sont loin d'elle. Elle écrit le 28 septembre 1900 à Marie-Louise Maurel: "Que c'est bon, n'est-ce pas, de prier l'une pour l'autre, de se donner rendez-vous près du Bon Dieu: là il n'y a plus ni distance, ni séparation... La prière est le lien des âmes."

Mais pourquoi vouloir être carmélite? Élisabeth le dira plus tard à une amie, Germaine de Gemeaux, qui désirait aussi être carmélite: "Une carmélite, ma chérie, c'est une âme qui a regardé le Crucifié, qui l'a vu souvent s'offrant comme Victime à son Père pour les âmes et, se recueillant sous cette grande vision de la charité du Christ, elle a compris la passion d'amour de son âme et elle a voulu se donner comme Lui..."

À cette même amie, elle écrira, le 14 septembre 1902: "À Dieu, ma petite sœur, je prie beaucoup pour vous... partout vous êtes avec moi, car je vous garde en mon âme, tout près de Lui, nous nous perdons ensemble en la Très Sainte Trinité."

    

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