4
La vie religieuse – Deuxième partie – Une vie toute nouvelle
Désormais Dina ne veut
que ce que Jésus veut: “Rien de plus, mais rien de moins.”
Son Éternité est déjà commencée, elle vit dans le Cœur de Dieu,
perdue, anéantie en lui, abandonnée totalement à l’action de la
Trinité Sainte en son être. Mais les mots de la terre ne peuvent
plus exprimer ses pensées et ses sentiments: “Pour parler
justement de la vie du ciel, il faudrait le langage du ciel...”
Et ses lectures sont
toutes contenues dans le grand livre du Cœur de Jésus. Elle y
savoure “les délicieux chapitres de l’abandon” et du silence:
”Le silence! Quelle fontaine d’allégresse!”
Le 3 octobre 1924 Dina
prononce le vœu du plus parfait, simplement pour dire à Dieu qu'elle
l'aimait et qu'elle s'abandonnait à son action. "Ce fut comme un
jour de noces spirituelles jusqu'au lendemain." L'obéissance
devient sa règle du plus parfait. Elle reconnaît ses imperfections,
mais elle sait que ses indélicatesses ne blessent pas Jésus parce
que sa volonté n'y consent pas mais la fait grandir en humilité.
Elle embrasse son crucifix en disant: "Cher Jésus, si je n'av
ais pas commis cette sottise, tu n'aurais pas eu tant de baisers et
tant d'actes d'amour."
Le 1er novembre 1924
elle écrit des plaintes d'amour:
Jésus, Jésus, quel
martyre indicible
De t'aimer tant et de t'aimer si peu!
De ton amour, la
flamme inextinguible
Brûle en mon âme avec l'ardeur du feu.
Le jour, la nuit, je
languis, je soupire,
Et c'est vers Toi que montent mes élans;
Ah! Je t'appelle… Oh! Que je te désire!
Je pleure… hélas! Encor, toujours, j'attends…
Jésus, Jésus, je
t'aime! Ah! Que je t'aime!
Ton nom béni seul me fait tressaillir;
Quand donc enfin, Jésus, mon bien suprême,
Vais-je t'aimer assez pour en mourir?
J'ai soif de toi,
d'une soif dévorante,
J'ai faim, j'ai faim de ton amour, de toi;
Prends donc pitié de ma fièvre brûlante,
Pour l'apaiser, mon Jésus, viens à moi.
Mon seul vouloir,
Jésus, c'est de te plaire,
Et tes désirs font ma félicité.
Dina avait faim des
âmes et elle écrit: "Jésus, j'ai faim! J'ai faim des âmes! De
toutes les âmes! De leur perfection! Jésus, j'ai faim de la
souffrance sous toutes ses formes! J'ai faim de l'Amour!
Dina ne veut plus que
ce que Dieu désire: rien de plus. Elle est heureuse, n'ayant de
désirs que le salut et la sanctification des âmes pour la plus
grande gloire de Dieu. Elle vit dans le Cœur de Dieu, perdue,
anéantie en lui, abandonnée totalement à l'action de la Trinité
sainte en elle. De sa nouvelle vie, Dina ne sait pas exprimer la
substance. Elle écrit: "Les expressions ne rendent plus mes
pensées et les sentiments. Pour parler justement de la vie du ciel,
il faudrait le langage du ciel… On peut faire vibrer quelques notes
intimes, chanter quelques mélodies, mais les harmonies suaves et
puissantes, le concert pur et divin, je crois que Jésus veut être
seul à pleinement en jouir."
Mais cela ne l'empêche
pas d'être dans la nuit. Elle regarde et ne voit rien. Jésus seul la
conduit et lui apprend les leçons de l'anéantissement et les délices
de l'abandon et du silence: pour elle, le silence traduit mieux sa
reconnaissance et son bonheur. Pourtant Dina s'ennuie de Dieu… Elle
le déclare: "Plus vous me faites ennuyer de vous, plus je sens
que vous m'enfoncez en votre Trinité adorable." Elle a soif,
soif de Dieu: Ô Trinité sainte, vous seule savez l'intensité de
ma soif! Mon Dieu, je vous en supplie, si cela vous glorifie, ah!
Donnez-moi l'amour, la souffrance, les âmes!"
Étonnant! Dina pensait
qu'elle devait mourir le 15 août 1924. Mais elle ne mourut pas au
sens habituel du terme… En fait, c'est à une vie nouvelle qu'elle
était alors appelée: vie d'union à Dieu de plus en plus intime. Mais
la vie spirituelle n'est jamais parfaite sur la terre, et doit sans
cesse être recommencée. Dina l'a bien compris, qui écrit le 3 mars
1927: "Je recommence une vie d'amour infini. Notre-Seigneur m'a
fait mieux comprendre aujourd'hui la valeur de chaque seconde pour
sa gloire et les âmes. Il me demande encore la plus grande attention
à lui seul… L'amour est un tourment, infini comme Dieu lui-même…"
Le 20 mars 1927 Dina
est de nouveau à l'infirmerie, et Jésus lui demande de contempler
"l'union d'amour de son Cœur avec son divin Père."
Et Jésus met Dina en
retraite dans son Cœur, plus intimement qu'à l'ordinaire, et lui
dit:
— Par ma sainte
Mère, je te donne la grâce de penser constamment à moi, de penser
continuellement à Dieu.
À partir du 2 septembre
1926, Dina participera, tous les jeudis et vendredis, au calice de
la Passion de Jésus. Dina sera de plus en plus associée à l’Agonie
de Jésus.
Ce jour-là, Samedi 22
janvier 1927, le Saint-Sacrement était exposé et Dina méditait:
”J’éprouvais déjà la présence de mon divin Maître, mais il y avait
quelque chose de plus que dans l’union ordinaire, pourtant si intime
du jeudi au vendredi. En effet, Notre Seigneur m’accorda une grande
faveur: les stigmates d’amour de ses plaies sacrées. De son Cœur
divin, des flammes rayonnaient sur les mains, les pieds et le cœur
de mon être anéanti dans le sien. La très sainte Vierge posa ces
flammes sur mes membres et Jésus y imprima les stigmates d’amour de
ses plaies sacrées... Depuis mes membres sont comme consacrés par
une impression divine.”
Dina venait de recevoir
les stigmates invisibles. Depuis ce jour, Jésus appelle Dina: sa
petite “Moi-même”, et lui demande l’oubli absolu d’elle-même et de
tout ce qui la concerne. Sa vie spirituelle s’approfondit de plus en
plus et son union à Dieu est quasi permanente.
Dina est toujours
donnée au Seigneur, et de plus en plus. Malgré tout son amour et
tout son renoncement, elle laisse parfois échapper quelques
plaintes. Ainsi, en avril 1928:
— Je suis bien
fatiguée physiquement. Combien tout est bon pour Jésus!.. Malgré ma
véritable joie intérieure, ma joie de volonté, mes larmes me
montaient à mes yeux. Et j'ai grand'peur des larmes, c'est une
faiblesse qui m'humilie beaucoup; et j'en ai peur, surtout parce que
je crains toujours de manquer de générosité et de faire de la peine
à Jésus.
En mai 1928 sa fatigue
devient encore plus pesante, et elle avoue: "Depuis deux
semaines, tentations de découragement, angoisses morales, lassitude
physique; tout me taquinait et m'ennuyait, tout était lourd et
pénible… Intérieurement j'étais heureuse… Mais hélas! Au dehors, que
j'ai commis de manquements matériels! Je n'ai pas su dérober mes
ennuis par un bon sourire extérieur. Maintes fois je me suis
surprise à soupirer, comme accablée par un fardeau qui répugne; je
réparais ce mouvement naturel en baisant terre et en m'humiliant…
Un jour, Dina, ennuyée,
désolée s'en va à la chapelle redire à Notre Seigneur que malgré ses
chutes extérieures, elle ne voulait pas lui faire de peine… Jésus
lui répondit:
— Sourire… Souris à
tout, quand même je te broie… Applique-toi à sourire à tout. Refoule
en silence tes ennuis, tes fatigues, tes douleurs morales et
physiques et ne t'occupe qu'à me plaire, en souriant.
À partir du 26 août
1928 l'action du Seigneur en elle prend un caractère nouveau:
"C'est comme un épanouissement de la vie de Jésus (en Dina) à la
place de sa vie misérable et totalement disparue." Elle est
contente de tout et contente surtout du Bon Dieu. Elle participe à
la joie du Cœur de Jésus au ciel et à la joie des élus, et elle
s'écrie:
— Oh! Si nous
connaissions la sainte Béatitude des élus en Dieu, rien ne nous
coûterait pour en acquérir le moindre degré!
Jésus lui fait aussi
comprendre que, même ici-bas, "on ne peut s'approcher de son Cœur
sans être heureux, parce qu'il est le Foyer de la joie et du
bonheur.
Cette joie peut
d'ailleurs se trouver aussi dans les aridités, les angoisses, les
ténèbres, parce que c'est la joie de l'union parfaite à sa volonté
divine, c'est la joie dans son amour, dans la joie de son Cœur.
Le 30 avril 1929, Dina
entre définitivement à l’infirmerie plus ne plus en sortir.
Le 14 mai 1929, Dina très faible, a peur de passer la nuit seule.
Elle s'abandonne à Jésus dont elle sent la présence à la droite de
son lit. Jésus dit:
— Je viens passer la
nuit avec toi, je vais prendre soin de toi.
À partir de juillet
1929 Dina n’a même plus la force d’écrire. On ne sait d’elle que ce
que ses sœurs ont rapporté, mais il semble que, malgré ses
souffrances, elle ait su conserver une joie inaltérable: "on la
trouvait absorbée, gracieuse, souriante. Notre Seigneur lui avait
demandé de souffrir avec joie et reconnaissance, de lui sourire dans
la souffrance."
Le mercredi matin 4
septembre 1929 elle se sentit soudain plus faible. Elle conserva sa
connaissance jusqu’à la fin, son regard fixé sur l’image du Cœur
Eucharistique. Elle mourut vers trois heures de l’après-midi.
|