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La montée du Calvaire

2-1-S'offrir comme une proie: prière à la Sainte trinité

À l'issue d'une retraite communautaire, le 21 novembre 1904 Élisabeth s'offre "comme une proie", à la Trinité et rédige sa fameuse prière: "Ô mon Dieu, Trinité que j'adore." Elle n'hésite pas à écrire: "La Trinité, voilà notre demeure, notre chez nous, la maison paternelle d'où nous ne devons jamais sortir." Désormais elle va s'ouvrir encore plus au travail de Dieu et n'hésite pas à Lui demander: "Pacifiez mon âme, faites-en votre Ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos. Que je ne vous y laisse jamais seul..."

2-2-Le Calvaire: la montée vers la Trinité

En mars 1906 Élisabeth entre à l'infirmerie du Carmel. Son épuisement est total[1] et ses souffrances inouïes. Jamais on ne lui donna de calmants; c'est vraiment une victime de l'Amour, mue par la présence des Trois, la présence de la Vierge Marie, le désir d'union à Dieu animé par la lecture de Ruysbrock, et la conscience grandissante d'accomplir une mission.

Et au début d'octobre 1906, à sa prieure: "Oh! Aidez-moi à gravir mon Calvaire... Ma Mère, je sens mes Trois si près de moi; je suis plus accablée par le bonheur que par la douleur: mon Maître m'a rappelé que c'était ma résidence et que je ne devais pas choisir mes souffrances; je me plonge donc avec Lui en la douleur immense, avec toute crainte et angoisse."

Le 2 août 1906, elle adresse au Révérend Père V... la lettre suivante:

 

"Mon Révérend Père,

Je pense bien que l'an prochain, je vous fêterai avec saint Dominique en l'héritage des Saints, dans la lumière ; cette année, c'est encore dans le ciel de mon âme que je me recueille pour vous faire une fête tout intime, et j'ai besoin de vous le dire ; besoin aussi, mon Père, de vous demander votre prière, afin que je sois toute, fidèle et gravisse mon Calvaire en épouse du Crucifié. 'Ceux que Dieu a connus en sa prescience, Il les a aussi prédestinés pour être conformes â l'image de son divin Fils'[2].  Oh ! que je l'aime ce mot du grand saint Paul ! il repose mon âme. Je pense qu'en son trop grand amour, Il m'a connue, appelée, justifiée[3], et, en attendant qu'il me glorifie, je veux être la louange incessante de sa gloire. Mon Père, demandez-le-Lui pour votre petite enfant... Il y a cinq ans aujourd'hui, je frappais à la porte du Carmel, et vous étiez là pour bénir mes premiers pas dans la solitude ; maintenant, c'est aux portes éternelles[4] que je frappe, et je vous demande de vous pencher encore sur mon âme, et de la bénir sur le seuil de la Maison du Père. Quand je serai dans le grand foyer d'amour, au sein des 'Trois' vers lesquels vous m'avez orientée, je n'oublierai pas tout ce que vous avez été pour moi, et, à mon tour, je voudrais aussi vous combler, vous de qui j'ai tant reçu. Oserai-je vous exprimer un désir ? Je serais heureuse de recevoir quelques lignes de vous, dans lesquelles vous me diriez comment je dois réaliser le plan divin pour être conforme à l'image du Crucifié.

À Dieu ! mon révérend Père, je vous prie de me bénir au nom des 'Trois', et de me consacrer à eux comme une petite hostie de louange."

 

2-3-Le but de la dévotion à la Sainte Trinité: être transformée en la Sainte Trinité

Vers la fin du mois d'avril 1906, Élisabeth écrit à sa sœur Guite ce qui peut être considéré comme son testament:

Je te laisse ma dévotion pour les Trois, à l'Amour. Vis au-dedans avec Eux dans le Ciel de ton âme; le Père te couvrira de son ombre, mettant comme une nuée entre toi et les choses de la terre pour te garder sienne... Le Verbe imprimera en ton âme comme en un cristal l'image de sa propre beauté, afin que tu sois pure de sa pureté, lumineuse de sa lumière. L'Esprit Saint te transformera en une lyre mystérieuse qui, dans le silence, sous sa touche divine, produira un magnifique cantique à l'Amour; alors tu seras la louange de sa gloire, ce que j'avais rêvé d'être sur la terre... Si tu as à souffrir, pense que tu es plus aimée encore, et chante merci toujours. Il est si jaloux de la beauté de ton âme! Ce n'est que cela qu'Il vise."

Vers la mi-juin 1906, Élisabeth écrit également à Germaine de Gemeaux.... Chère petite Germaine, le conseil qui vous a été donné est bon: soyez fidèle à vos résolutions, exercez-vous dans la voie du sacrifice et du renoncement, car pour toute vie chrétienne ce doit être la grande loi, à plus forte raison pour une âme qui, comme la vôtre, aspire à suivre le Maître tout près, quels que soient ses desseins sur elle. Vivre toujours avec Lui au dedans... Que l'Esprit Saint qui est l'Amour fasse de votre cœur un petit foyer qui réjouisse les Trois Personnes divines par l'ardeur de ses flammes...


[1] Nous savons qu'Élisabeth était atteinte de la maladie d'Addison, peut-être à la suite d'une tuberculose... La maladie d'Addison, inguérissable alors, s'accompagnait de troubles gastro-intestinaux, de nausées, d'impossibilité de se nourrir et d'hypotension artérielle: d'où amaigrissement dramatique.
[2] Rom viII, 29.
[3]  Hébr viii, 30.
[4] Ps xxiII, 7.

   

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