Vorle de Mercenay
Prêtre, Saint
VIe siècle

SOLITAIRE AU DIOCÈSE DE LANGRES

Après la mort de Clotaire, fils du grand roi Clovis, la monarchie française fut de nouveau partagée entre ses quatre fils. Contran eut la Bourgogne, le Dauphiné, la Provence, et fixa son siège à Orléans. Un jour qu'il visitait son royaume, il logea en un village du duché de Bourgogne, appelé Mercenay. Là on lui fit un rapport si louable de la sainteté d'un prêtre du lieu, nommé messire Vorle (il était de la race des anciens ducs de Bourgogne), qu'il l'envoya prier de vouloir dire le lendemain la messe devant lui.

Le matin donc le roi se trouva dans l'église, où était déjà le vénérable prêtre, lequel incontinent commença les divins mystères. Puis, ayant lu l'Évangile, et avant que de consacrer le précieux corps de notre Rédempteur, il devint immobile et parut s'endormir (ainsi qu'avait fait saint Ambroise, à l'heure du trépas de saint Martin). Le saint prolongea ce sommeil une bonne heure entière, ce dont le roi et les seigneurs étaient fort étonnés, ne voulant pas toutefois qu'aucun s'approchât de lui pour l'éveiller. Au bout de ce temps, le vénérable prêtre, revenant à lui, acheva le saint sacrifice, et alors le roi, curieux de savoir pourquoi il avait tant demeuré en son Memento, lui en vint demander l'occasion. L'homme de Dieu lui répondit que le diable avait mis le feu en une maison au village de Plaines, qui était gardée seulement par un petit garçon pendant que le maître avec sa famille était allé au service divin à Mussy-l'Évêque, à un demi-quart de lieue de là : ce qui lui ayant été révélé, il s'y était transporté pour délivrer l'enfant et éteindre le feu.

Le roi, ne pouvant croire ce qu'il disait, car il l'avait toujours vu devant lui à l'autel, dépêcha aussitôt plusieurs de ses gens à Plaines, distant de Mercenay d'environ trois lieues. Là il leur fut certifié qu'à la même heure qu'ils disaient, on avait vu messire Vorle, prêtre de Mercenay, qui éteignait le feu de la maison après en avoir sauvé un enfant.

Ce miracle avéré, le roi continua son voyage, laissant le saint prêtre en ses veilles, jeûnes et oraisons, auxquelles il persista jusqu'à ce qu'il plut à Dieu de l'appeler, au grand regret de tous les habitants, qui le firent inhumer te plus honorablement qu'ils purent.

On n'a point d'autres détails de la vie de saint Vorle ; mais les miracles éclatants que Dieu a opérés à son tombeau servent de suffisant témoignage pour démontrer combien il a saintement et religieusement cheminé en l'observance de ses commandements, et comme il a porté sa croix en ce monde, se conformant au vouloir de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car tous les aveugles, boiteux et autres infirmes qui allaient par dévotion à son tombeau, s'en retournaient sains et joyeux, remerciant Dieu et son serviteur saint Vorle, par l'intercession duquel ils recevaient guérison.

Quelque temps après son décès, un évêque de Langres, qui se nommait Isaac, homme de bien, apprenant les miracles qui se faisaient à Mercenay, y voulut aller, et, voyant ce précieux joyau en un lieu si vil et si pauvre, il fit assembler tout le clergé des environs pour ouvrir le cercueil et prendre le corps du glorieux saint. Il le fit ainsi porter en procession, suivi d'un nombre infini de peuple, jusqu'à Châtillon-sur-Seine. Il l'y déposa dans l'église du château, dédiée à Dieu sous le nom de la très-sainte Vierge et de saint Martin, avec bonne intention d'y fonder un collège de chanoines en l'honneur de saint Vorle. Mais prévenu par la mort, ce ne fut que Brunon, dixième évêque de Langres, qui put accomplir son dessein.

Il y avait, au village de Maisey, un homme nommé Hermengisse, lequel, ayant par sa faute perdu tous ses bœufs, devint si mélancolique, que sa raison en fut égarée. Ses parents le menèrent à Sens, lorsque les reliques de saint Etienne y furent apportées ; mais, la Providence divine le voulant ainsi, il ne put obtenir guérison, non plus qu'en d'autres pèlerinages. Enfin on le conduisit à saint Vorle. Le jour de l'Ascension, ses parents le placèrent à l'entrée de l'église, en attendant que les chanoines qui étaient eu procession fussent de retour. Ceux-ci, le voyant si tourmenté, lui jetèrent de l'eau bénite, et, faisant le signe de la croix, appliquèrent les reliques qu'ils portaient sur sa tète ; et, après les exorcismes et conjurations accoutumés, ils le firent porter sur le lieu où reposait le corps de saint Vorle : y ayant été couché quelques heures, cet homme recouvra la raison et la santé.

Quelques années après, la peste et la sécheresse désolèrent le pays, en sorte que les laboureurs disaient : Si la peste nous pardonne, la famine nous consommera. Les chanoines ouvrirent alors le cercueil de saint Vorle, en tirèrent le corps, qu'ils portèrent sous une tente au milieu de la place. Pendant huit jours mie foule immense y accourut pour fléchir l'ire de Dieu. La peste cessa dès lors, et une pluie si grande survint, que la tente était toute transpercée d'eau. Les moissons reverdirent, et l'espoir rentra dans les cœurs.

Il y avait à Aubepierre un nommé Ayno qui se servait d'une jambe de bois, la sienne étant sèche et aride. Une nuit, il lui sembla entendre pendant son sommeil une voix qui lui disait que s'il voulait guérir, il allât en l'église de saint Vorle, et qu'il s'en trouverait bien. Le matin, il s'y achemina; à une lieue de là, il s'aperçut que les liens de sa jambe de bois se rompaient. Il s'arrêta, et vit ses nerfs s'étendre eu même temps que sa jambe reprenait sa première force, de façon que sain et dispos, et portant sa jambe de bois sur son épaule, il entra dans l'église, remerciant Dieu et son serviteur saint Vorle, en présence de tout le peuple accouru pour voir ce miracle.

En l'année 1181, sous le pontificat d'Alexandre IV et le règne de Philippe-Auguste, Manassée, évêque de Langres, ouvrit le sépulcre de saint Vorle, où l'on trouva le corps avec sa légende. Il le fit placer dans une châsse et élever sur deux piliers de marbre. La tête fut mise à part pour être garnie somptueusement. Depuis, en temps de sécheresse ou d'autres fléaux, lorsque l'ire de Dieu se manifeste sur nous par quelques verges, à la voix du peuple s'humiliant, on descend cette châsse, que l'on porte en procession avec l'image miraculeuse de la très-sainte Vierge, au milieu d'une foule accourue de quatre à cinq lieues à la ronde.

Cette image de la Vierge Marie est en si grande révérence au peuple de Châtillon, qu'il ne sera pas hors de propos d'en raconter l'histoire, d'autant plus que sa chapelle fait partie de l'église de Saint-Vorle.

Saint Bernard étudiant à Châtillon, en la maison d'un chanoine de ladite église, qui était homme de bien et docte, s'adonna si religieusement à servir la bienheureuse Vierge, que la plupart du temps il ne bougeait de sa chapelle. Un jour qu'il était à genoux devant elle, il entendit une voix provenant de l'image, et qui lui disait : Bernard, reçois mon Fils. Notre-Seigneur lui révéla alors les mystères de notre foi, et sur ses lèvres tombèrent trois gouttes du lait virginal. De là vint cette force avec laquelle il combattit les hérétiques, et cette douce éloquence qu'il mit dans ses sermons sur la très-sainte Vierge, sa Mère et sa Maîtresse ; de là ce chant sublime du Salve Regina qu'il composa en son honneur, et que l'Église répète tous les jours. Quand il fut abbé de Clairvaux, il revint souvent à Châtillon ; il aimait particulièrement l'église et les chanoines de Saint-Yorle, qu'il décida à embrasser la vie monastique, sous la règle de Saint-Augustin.

 

 

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