Yves de Bretagne
Official, Recteur, Saint
1252-1303

Yves Hélory, issu d'une famille également illustre et vertueuse, naquit en 1253, près de Tréguier, en Basse-Bretagne. Il étudia la grammaire dans son pays, et ses succès répondirent à son application. A l'âge de quatorze ans, il fut envoyé à Paris pour y faire tin cours de philosophie et de théologie, et de droit tant civil que canonique. Il se rendit ensuite à Orléans, où il étudia les Décrétales sous le célèbre Guillaume de Blaye, qui devint évêque d'Angoulême, et les Institutes sous Pierre de la Chapelle, depuis évêque de Toulouse et cardinal.

Dans les instructions que lui donnait sa mère, elle lui répétait souvent qu'il devait vivre de façon qu'il pût devenir, un saint. « C'est bien le but où je tends », répondait-il alors. De tels sentiments se fortifiaient en lui tous les jours, et faisaient sur son âme les plus profondes impressions. Cette pensée : Je dois devenir un saint, le portait puissamment à la vertu, et l'éloignait de tout ce qui avait l'apparence du mal. Les mauvais exemples de ses compagnons d'étude ne servaient qu'à lui inspirer plus d'horreur pour le vice, et à le rendre plus exact à veiller sur lui-même. La sainte gravité de sa conduite toucha plusieurs libertins, et les retira du désordre. Son temps était partagé entre l'étude et la prière. Dans ses heures de récréation, il visitait les hôpitaux, servait les malades avec charité, et les consolait dans leurs peines.

Pendant le séjour qu'il fit à Paris et à Orléans, il s'attira l'admiration des Universités de ces deux villes par la beauté de son esprit et par sa piété extraordinaire. Toujours il portait le cilice, et s'interdisait l'usage du vin et de la viande. Il jeûnait au pain et à l'eau, l'A vent, le Carême et plusieurs autres jours de l'année. Le peu de repos qu'il accordait à la nature, il le prenait sur une natte de paille, n'ayant qu'un livre ou une pierre pour chevet. Jamais il ne se couchait qu'il ne fût accablé par le sommeil. Il avait fait secrètement le vœu de chasteté perpétuelle. Comme personne n'en était instruit, on lui proposa d'entrer dans l'état du mariage, et on lui offrit même plusieurs partis honorables. Il les refusa tous avec modestie, alléguant pour raison qu'une vie d’étude telle que la sienne renfermait une sorte d'incompatibilité avec le mariage.

A la fin pourtant il fit connaître ses intentions, et se déterminant pour l’état ecclésiastique. Le désir de servir le prochain influa principalement sur son choix. Il eût bien voulu, par humilité, rester toujours dans les ordres mineurs; mais son évêque l'obligea de recevoir la prêtrise. La réception du sacerdoce lui coûta beaucoup de larmes ; il s'y était cependant préparé par une vie toute remplie de bonnes œuvres, et surtout par une inviolable pureté d'âme et de corps.

Maurice, archidiacre de Rennes, qui en cette qualité était vicaire perpétuel de l'évêque, le fit officiai du diocèse. Yves s'acquitta de cet emploi avec toute la vertu et toute la sagesse possibles. Les orphelins, les veuves et les pauvres trouvèrent en lui Un père et un défenseur. L'impartialité la plus exacte dictait tous ses jugements ; ceux même qui perdaient leur cause ne pouvaient s'empêcher de lui rendre justice. Jamais il ne prononçait de sentence sans verser des larmes ; il se rappelait alors le dernier jour où il paraîtrait devant le tribunal du souverain juge, pour y répondre sur toutes les actions de sa vie.

Sa sainteté jetait au loin un tel éclat, que plusieurs évêques se disputaient l'avantage de l'attacher à leurs diocèses. Ce fut ce qui priva l'église de Rennes du trésor qu'elle possédait. Alain de Bruc, évêque de Tréguier, qui croyait avoir des droits sur lui, le détermina enfin à venir dans son diocèse, et le fit son officiai. Le saint eut bientôt établi partout la réforme. S'il était le fléau des médians, les personnes vertueuses l'aimaient et le respectaient comme leur père. Quoiqu'il fût juge par sa place, il ne laissait pas de s'intéresser en faveur des pauvres dans les autres cours ; il se chargeait lui-même du soin de plaider leurs causes. Aussi était-il surnommé l'avocat des pauvres. Sa charité le portait encore à visiter et à consoler ceux qui étaient détenus en prison. II employait toutes sortes de moyens pour terminer les différends. N'ayant pu réussir une fois à réconcilier une mère et un fils qui plaidaient l'un contre l'autre, il pria pour eux, dit la messe à leur intention, et obtint de Dieu qu'ils se prêtassent à un accommodement. Son désintéressement égalait son intégrité; il refusait ce qu'il eût pu exiger avec justice.

Quelque temps après, il fut nommé recteur de Tresdretz, et il desservit huit ans cette paroisse. Geoffroi de Tournemine, successeur d'Alain de Bruc, le transféra à la paroisse de Lohanec, où il demeura jusqu'à sa mort. Il se levait toujoursaminu.it pour réciter Matines, et ne laissait passer aucun jour sans dire la messe. On le voyait à l'autel pénétré de la plus grande ferveur. Dans sa préparation, il était longtemps prosterné, afin tle mieux considérer la bassesse de son néant, ainsi que la majesté du Dieu auquel il allait offrir le sacrifice, et la sainteté de la victime qui devait s'immoler par son ministère. Quand il se relevait, ses yeux étaient ordinairement baignés de larmes, qui continuaient de couler avec abondance pendant tout le temps qu'il employait à célébrer les divins mystères.

Lorsqu'il accepta le rectorat de Tresdretz, il renonça à tous les ornements de sa première dignité, et se réduisit à ne plus porter que des habits simples et pauvres : les jours où il ne jeûnait point et qui étaient en petit nombre, il ne mangeait qu'un potage, ou quelques légumes. Toujours il couchait sur la paille, et même sur une claie. Il s'attendrissait jusqu'aux larmes quand il parlait des choses de Dieu : aussi ses discours avaient-ils une onction admirable. Non content d'instruire son troupeau, il allait encore prêcher dans d'autres églises éloignées de la sienne. Il y avait des jours où il prêchait quatre à cinq fois. On le faisait juge de toutes les contestations qui survenaient dans le pays ; il réunissait les cœurs divisés, et par là prévenait un grand nombre de procès.

Le saint fit bâtir auprès de son presbytère un hôpital où les pauvres et les malades étaient reçus. Il leur lavait les pieds, pansait " leurs ulcères, les servait à table, et mangeait souvent leurs restes. Dès que la récolte était finie, il distribuait aux indigents son blé, ou le prix qu'il l'avait vendu. On lui conseillait un jour d'attendre quelques mois pour le vendre plus cher. « Que sais-je, répondit-il, si je serai alors en vie ? — En attendant ainsi, lui dit ensuite la même personne, j'ai gagné un cinquième, — Et moi, répliqua le saint, j'ai gagné le centuple pour n'avoir pas gardé mon blé. » Un jour qu'il n'avait qu'un pain dans sa maison, il commanda de le donner aux pauvres. Son vicaire lui ayant fait là-dessus des représentations, il lui en donna la moitié. Les pauvres eurent le reste; il ne se réserva rien pour lui-même. Il comptait sur la Providence, qui ne lui manqua jamais dans le besoin.

Durant le Carême de l'année 13o3, il s'aperçut que ses forces diminuaient chaque jour; il n'en continua pas moins ses austérités , persuadé qu'il devait redoubler de ferveur à mesure qu'il approchait de l'éternité. La veille de l'Ascension, il se trouva très faible. Il prêcha néanmoins encore, et dit la messe, à l'aide de deux personnes qui le soutenaient. Il répondit aussi à ceux qui étaient •venus le consulter. Enfin, il succomba, et fut obligé de se mettre au. lit. Ayant reçu les derniers sacrements, il ne s'entretint plus qu'avec Dieu jusqu'à son dernier soupir. Il mourut le 19 mai 13o3, à l'âge de cinquante ans °. La plus grande partie de ses reliques se garde à Tréguier. Charles de Blois, duc de Bretagne, en mit une portion dans l'église de Notre-Dame de Lambale, chef-lieu du duché de Penthièvre. Une autre portion fut donnée à l'abbaye de Saint Sauveur, ordre de Cîteaux. Il s'est fait encore plusieurs autres distributions des reliques du saint...

Jean de Montfort, duc de Bretagne, alla à Rome solliciter la canonisation du serviteur de Dieu. Il déclara qu'il avait été guéri par son intercession d'une maladie que les médecins avaient jugée incurable. Les commissaires nommés en i33o par Jean XXII constatèrent la vérité de plusieurs autres miracles.' Le B. Yves fut canonisé en 1347 par Clément VI. Son nom se trouve dans le Martyrologe romain au 19 de mai, et l'on fait sa fête en ce jour dans plusieurs diocèses de Bretagne. L'université de Nantes l'avait choisi pour patron. Il y avait à Paris une église dédiée sous son invocation, et qui avait été bâtie aux dépens des Bretons, en 1348.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.

 

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