PSAUMES XVI  à  XX

DISCOURS SUR LE PSAUME XVI

L’ÉGLISE DE LA TERRE.

PRIÈRE DE DAVID (Ps. XVI, 1).

Environnée d’ennemis pervers, l’Eglise fait appel à Dieu. Elle le remercie de la protection qu’il lui accorde chaque jour, et a la ferme espérance de triompher par cette protection.

1. Il faut attribuer cette prière à Jésus-Christ uni à l’Eglise, qui est son corps.

2. « Seigneur, écoutez ma justice, entendez ma prière. Prêtez l’oreille à mes supplications, mes lèvres ne sont point trompeuses » (Id. 2). Cette prière ne vous arrive pas de lèvres qui déguisent. « Que mon jugement émane de votre visage ». Que votre connaissance m’éclaire et me fasse juger selon la vérité. Ou bien, que mon jugement n’émane point de lèvres menteuses, mais de votre clarté, afin que je ne prononce rien de contraire à ce que je découvre en vous. « Que mes yeux voient l’équité », c’est-à-dire les yeux de mon cœur.

3. « Vous avez sondé mon coeur en le visitant la nuit ». Car ce coeur a été mis à l’épreuve quand la tribulation l’a visité. « Vous m’avez éprouvé par le feu, et vous n’avez point trouvé l’iniquité en moi » (Id. 3). Cette épreuve de l’affliction qui a fait ressortir ma justice, peut être appelée, non-seulement une nuit qui nous trouble, mais un feu qui brûle.

4. « En sorte que ma bouche ne parle point selon les oeuvres des hommes » (Id. 4) »». Afin que rien ne sorte de ma bouche qui ne soit pour votre gloire et votre louange ; et non pour les oeuvres des hommes qui agissent contre votre volonté. « A cause des paroles de votre bouche », paroles de votre paix, ou de vos prophètes ; « j’ai traversé des voies difficiles » ; ces voies pénibles de la mortalité humaine et des douleurs.

5. « Pour affermir mes pieds dans vos sentiers » (Ps. XVI, 5). Afin que la charité de l’Eglise devînt parfaite dans ces étroits sentiers qui conduisent à votre repos. « Afin que mes pas ne chancellent point », afin que ne s’effacent jamais les marques de mon passage, empreintes comme des pas, dans les sacrements et dans les écrits de mes Apôtres, et que ceux qui ont la volonté de me suivre puissent les regarder et les connaître. Ou bien, afin que je demeure inébranlable dans l’éternité, après avoir parcouru des chemins difficiles, et marqué mes pas dans vos étroits sentiers.

6. « J’ai crié, ô mon Dieu, parce que vous m’avez exaucé » (Id. 6). Je vous ai adressé ma prière avec force et avec ferveur, parce que vous m’avez exaucé quand ma prière plus faible vous demandait cette ferveur. « Prêtez-moi l’oreille, écoutez mes paroles » (Ibid.). Que votre bonté n’abandonne point ma bassesse.

7. « Faites éclater vos miséricordes » (Id. 7), de peur que ces bontés ne retombent dans le mépris, et n’obtiennent un amour trop imparfait.

8. « Vous qui protégez ceux qui espèrent en vous, contre ceux qui refusent votre droite », ou ces faveurs que vous m’accordez. « Conservez-moi, Seigneur, comme la prunelle de l’œil » (Id. 8), qui paraît petite et rétrécie ; c’est elle néanmoins qui donne à la (186) vue sa puissance, et nous fait discerner la lumière des ténèbres, comme c’est par l’humanité de Jésus-Christ que doit s’exercer, au jugement, le pouvoir divin de discerner les justes des pécheurs. « Protégez-moi, sous l’ombre de vos ailes « , c’est-à-dire, que votre amour miséricordieux me serve de bouclier « contre les impies qui me persécutent » (Ps. XVI, 9).

9. « Mes ennemis ont environné mon âme, ils ont fermé leurs entrailles » (Id. 10). Ils se sont enveloppés d’une joie charnelle, après avoir saturé de crimes leur avidité. « Leur bouche a exhalé des paroles d’orgueil ». Leur bouche a décoché des paroles insolentes, quand ils ont dit : « Salut au roi des Juifs » (Mt. XXVII, 29), et autres blasphèmes semblables.

10. « Après m’avoir chassé, voilà que maintenant ils m’environnent ». Ils m’ont fait sortir de leur ville, et maintenant ils m’environnent à la croix. « Ils se sont résolus à fixer les yeux vers la terre » (Ps. XVI, 11). C’est leurs coeurs qu’ils ont résolu de fixer aux choses terrestres, quand ils ont infligé à celui qu’ils mettaient à mort un mal qu’ils voulaient s’épargner à eux, qui étaient ses bourreaux.

11. « Ils m’ont reçu, comme le lion prêt à dévorer sa proie » (Id. 12.). Ils ont épié mes démarches, comme cet ennemi qui rôde autour de nous, cherchant à nous dévorer (I Pierre, V, 8). « Et comme le lionceau embusqué dans un fourré ». Ce peuple à qui vous avez dit : « Vous avez le diable pour père » (Jn, VIII, 44), c’est comme le lionceau méditant des embûches pour circonvenir et perdre le juste.

12. « Levez-vous, Seigneur, prévenez-les, et renversez-les » (Ps. XVI, 13). Levez-vous, Seigneur, vous qu’ils croient endormi et peu soucieux des péchés des hommes. Châtiez d’avance leur malice par l’aveuglement, afin que la vengeance prévienne leur crime, et renversez-les de la sorte.

13. « Délivrez mon âme des impies ». Délivrez mon âme en me faisant triompher par la résurrection de cette mort que m’ont infligée les impies. « Délivrez votre glaive des ennemis de votre main » (Ps. XVI, 14). Mon âme est votre glaive, ce glaive qu’a saisi votre main, ou votre force éternelle, afin de détruire les royaumes de l’iniquité, et de séparer les justes des impies. C’est ce glaive qu’il faut arracher aux ennemis de votre main, c’est-à-dire de votre puissance, ou de mes ennemis. « Seigneur, en les faisant disparaître de la terre, dispersez-les, pendant toute leur vie » (Ibid.). Faites-les disparaître de cette terre qu’ils habitent, et dispersez-les dans l’univers, pendant toute cette vie qu’ils croient la vie unique, puisqu’ils ne croient point à la vie éternelle. « Leur ventre est saturé de vos mystères (Ibid.). Leur châtiment ne se bornera point à cette peine sensible, mais ces péchés qui leur cachent la lumière de votre vérité, occupent leur mémoire, et leur font oublier Dieu. « Ils se sont rassasiés de la chair des pourceaux ». Ils ont pris goût à l’immondice, eux qui foulent aux pieds les perles de la parole de Dieu. « Ils ont laissé leurs restes pour leurs jeunes enfants » (Ibid.), en criant : « Que son sang retombe sur nous et sur nos fils » (Mt. XXVII, 25)

14. « Pour moi, j’apparaîtrai devant vous, lors de votre justice » (Ps. XVI, 15) : moi que n’ont point reconnu ceux dont le coeur impur et ténébreux est impuissant à voir la lumière de la sagesse, voilà que j’apparaîtrai devant vous, au jour de votre justice. « Je serai rassasié, quand vous manifesterez votre gloire ». Quand, saturés d’impureté, mes ennemis ne pourront me connaître, je serai rassasié de cette gloire que vous ferez éclater dans ceux qui me comprennent. Au lieu de cette expression : « Ils se sont rassasiés de la chair des pourceaux », on trouve dans quelques exemplaires : « Ils se sont rassasiés d’enfants ». Cette double traduction vient du mot grec, qui est ambigu. Par ces enfants nous entendons les œuvres. Les bons seront les bonnes oeuvres, et les méchants seront les oeuvres mauvaises.

DISCOURS SUR LE PSAUME XVII

CHANT DE DÉLIVRANCE.

L’Eglise unie à Jésus-Christ et triomphant des embûches des méchants, s’empare des paroles de David après que Dieu l’eût délivré de Saül et de ses ennemis ; elle bénit le même Dieu qui l’a délivrée du démon et des convoitises charnelles.

1. « Pour la fin, à David, serviteur de Dieu »(Ps. XVII, 1), c’est-à-dire au Christ, qui en son humanité, est la main forte. « Il chanta au Seigneur les paroles de ce cantique, au jour où le Seigneur l’arracha à la puissance de ses ennemis, à la puissance de Saül (II Rois, XXII, 11 ; Ps. XVII, 2) »; ce Saül était le roi des Juifs, qu’eux-mêmes avaient demandé pour roi. De même que David signifie la main forte, Saül signifie demande. Or, on sait comment ce peuple demanda au Seigneur un roi (I Rois, VIII, 5), qui lui fut donné, non d’après les volontés de Dieu, mais selon sa propre volonté.

2. C’est donc le Christ uni à l’Eglise, ou le Christ tout entier, la tête et le corps, qui s’écrie : « Je vous aimerai, Seigneur, qui êtes ma force (Ps. XVII, 2) »», ou, je vous aimerai parce que vous me rendez fort.

3. « Vous êtes, ô Dieu, mon protecteur, mon refuge et mon libérateur (Id. 3) ». C’est vous qui m’avez protégé parce que je me suis réfugié en vous, et je me suis réfugié en vous, parce que vous m’avez délivré. « Le Seigneur est mon aide, en lui sera mon espoir ». C’est vous, ô Dieu, qui m’avez accordé la faveur de m’appeler, afin que je pusse espérer en vous. « Vous êtes mon protecteur, le boulevard de « mon salut, et mon rédempteur (Ibid.) ». Vous êtes mon protecteur, parce que je n’ai point trop présumé de moi en élevant contre vous le boulevard de mon orgueil; mais c’est en vous que j’ai trouvé la puissance ou la haute et solide forteresse de mon salut; et pour me la faire trouver, vous m’avez racheté.

4. « Je louerai le Seigneur, et je l’invoquerai, et il me délivrera de mes ennemis (Id. 4) ». Ce n’est point en cherchant ma gloire, mais bien celle du Seigneur, que je l’invoquerai, et je n’aurai plus à craindre que les erreurs de l’impiété me soient nuisibles.

5. « Les douleurs de la mort », ou douleurs corporelles, « m’ont environné , et les torrents de l’iniquité m’ont troublé (Ps. XVII, 5) » . Ces multitudes impies un moment soulevées, comme les eaux de l’hiver qui se gonflent pour cesser bientôt, se sont efforcées de me troubler.

6. « Les douleurs de l’enfer m’ont assiégé (Id. 6)». Chez ceux qui m’environnaient pour me perdre, il y avait ces tortures de la jalousie qui causent la mort, et aboutissent à l’enfer du péché. « Les filets de la mort m’ont prévenu », et ils me prévenaient, en cherchant les premiers à me faire un mal qui est retombé sur eux. Ces filets enveloppent pour la mort les hommes qu’ils ont surpris en leur vantant cette fausse justice, ce vain nom sans réalité, dont ils se glorifient contre les Gentils.

7. « Au milieu de l’angoisse, j’ai invoqué le Seigneur; j’ai crié vers mon Dieu, et de son saint temple il a entendu ma voix (Id. 7) ». Il a entendu ma voix dans mon coeur où il habite, « et le cri que j’ai poussé en sa présence ». Ce cri que n’entendent point les oreilles des

hommes, et que j’exhale intérieurement en sa présence, « est parvenu à son oreille ».

8. « La terre s’en est émue et a tremblé (Id. 8) ». Ainsi, quand le Fils de l’homme fut glorifié, les pécheurs furent émus et tremblèrent. «Et les fondements des montagnes ont été ébranlés » Les espérances que les superbes avaient fondées sur les biens de cette vie ont été renversées. « Ils ont été ébranlés, parce que le Seigneur s’est irrité contre eux », afin que l’espérance dans les biens terrestres ne s’affermît pas désormais dans les coeurs des hommes.

9. « Un tourbillon de fumée s’est élevé (188) devant sa colère ». Les hommes, touchés de repentir à la vue des menaces du Seigneur contre les impies, ont fait monter vers le ciel

des prières et des larmes. « Un feu s’est allumé en sa présence (Ps. XVII, 9) ». Au repentir a succédé le feu de la charité, qu’allumait la connaissance du Seigneur. « Des charbons ont été embrasés ». Ceux qui étaient déjà morts, n’ayant plus ni le feu des saints désirs, ni la lumière de la justice, qui étaient plongés dans de froides ténèbres, ont reçu de nouveau le feu et la lumière de la vie.

10. « Il a abaissé les cieux, et il est descendu ». Il a humilié le juste qui s’est abaissé jusqu’à la faiblesse des hommes. « Les ténèbres étaient sous ses pieds (Id. 10) », Aveuglés par leur malice, les méchants ne l’ont pas connu, eux qui goûtent les choses de la terre , et la terre est sous les pieds du Seigneur, elle est comme son marchepied.

11. « Il est monté sur les chérubins et a pris son vol (Id. 11) ». Il s’est élevé au-dessus de la plénitude de la science, afin que nul ne pût venir à lui que par la charité. Car la charité est la plénitude de la loi (Rm. XIII, 10). Et bientôt il s’est montré incompréhensible à ceux qui l’aimaient, de peur qu’ils ne crussent que l’on pouvait le comprendre au moyen des images temporelles. « Son vol était plus rapide que celui des vents »; c’est-à-dire que la promptitude avec laquelle il s’est montré incompréhensible dépasse ces vertus qui sont pour l’âme comme des ailes, dont elle se sert pour s’élever des frayeurs de la terre dans les régions de la liberté.

12. « Il a choisi les ténèbres pour sa retraite (Ps. XVII, 12)». Il a choisi l’obscurité des sacrements, l’espérance qui est invisible dans le coeur des fidèles, pour s’y cacher, sans néanmoins les abandonner. Il se cache aussi dans ces ténèbres où nous marchons encore par la foi, et non par la claire vue (II Cor. V, 7), tant que nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, et que nous l’attendons par la patience (Rm. VIII, 25). « Son tabernacle est autour de lui ». Ceux qui se convertissent et croient en lui l’environnent de toutes parts; il est au milieu d’eux, parce qu’il répand sur eux d’égales faveurs, et qu’en cette vie il habite en eux comme dans une tente. « Il y a dans les nuages de l’air une eau ténébreuse » . Que nul ne s’imagine que l’intelligence des Ecritures lui donnera cette lumière dont nous jouirons quand nous aurons passé de la foi à la vision. Il y a quelque chose d’obscur dans la doctrine des Prophètes, et de tout prédicateur de la parole de Dieu.

13. « En comparaison de la lumière de sa présence (Ps. XVII, 13) » ; en comparaison de cette splendeur qu’il fera éclater en se manifestant à nous. « Ses nuées ont passé »; voilà que les hérauts de sa parole ne se restreignent plus dans les confins de la Judée, mais passent chez les nations. « Voilà que tombent la grêle et les charbons ardents ». C’est la figure de ces reproches qui doivent tomber comme une grêle sur les coeurs endurcis; mais s’agit-il d’une terre cultivée et douce, ou mieux d’une âme pieuse, cette grêle se change en eau; c’est-à-dire que ces menaces dures comme les glaçons, redoutables et impétueuses comme la foudre, se changent en une doctrine désaltérante, au feu de la charité les coeurs prennent une vie nouvelle. Voilà ce qu’ont produit parmi les Gentils, les nuées du Seigneur.

14. « Du haut des cieux le Seigneur a tonné (Id. 14) ». Le Seigneur s’est fait entendre de ce coeur juste qu’animait la confiance pour prêcher l’Evangile. « Et le Très-Haut a fait retentir sa voix n, afin qu’elle arrivât jusqu’à nous, et que du profond abîme des choses humaines, nous pussions entendre les choses célestes.

15. « Il a décoché ses flèches, et les a dispersés (Id. 15) ». Il a envoyé les Evangélistes sur les ailes des vertus, et ils ont tracé dans leur vol des chemins droits, non par leurs propres forces, mais par la force de Celui qui les envoyait. Il a dispersé ceux à qui il les envoyait, de sorte qu’ils ont été aux uns une odeur de vie pour la vie, aux autres une odeur de mort pour la mort (II Cor. II, 16). « Il a multiplié ses foudres et les a jetés dans la stupeur ». Ses miracles nombreux les consternaient.

16. « Alors ont apparu les sources d’eau vive (Ps. XVII, 6) ». Alors apparurent ceux que leurs prédications changeaient en sources d’eau vive, rejaillissant jusqu’à la vie éternelle (Jn. IV, 14). « Et les fondements du monde ont été mis à découvert ». Alors a été connu ce qui demeurait caché dans les Prophètes, qui sont la base de ce monde rattaché à Dieu par la foi. « Au bruit de vos menaces, ô Dieu », quand (189) vous avez crié : « Le royaume de Dieu est proche de vous (Luc, X, 9)». «Au souffle bruyant de votre colère », ou quand vous avez dit: « Si vous ne faites pénitence, vous mourrez tous de la même manière (Id. XIII, 5)».

17. « Il a envoyé d’en haut, et il m’a reçu», en appelant du milieu des Gentils cette Eglise qui est son héritage ou qui est sans tache et sans ride (Ep. V, 27) ; « Il m’a retiré du milieu des eaux », c’est-à-dire du milieu des peuples.

18. « Il m’a délivré de mes puissants ennemis (Ps. XVII, 18) ». Il m’a délivré de ces ennemis qui ont eu le pouvoir de m’affliger, et de troubler ma vie en ce bas monde. « Et de ceux qui me haïssaient, parce qu’ils l’emportaient sur moi (Ibid.), pendant que, soumis à leur domination, j’ignorais le Seigneur.

19. « Ils m’ont prévenu au jour de mon affliction (Id. 19)». Ils furent les premiers à me nuire pendant que je me fatiguais à porter un corps mortel. «Et le Seigneur fut mon appui», et comme l’amertume des misères avait ébranlé et même renversé la hase des terrestres plaisirs, le Seigneur m’a servi d’appui.

20. « Le Seigneur m’a conduit dans un lieu spacieux». Comme j’étais à l’étroit, il m’a

conduit dans les spirituelles ailleurs de la foi. « il ma sauvé à cause de sa bienveillance pour moi ». Avant même que je l’eusse choisi, il m’a délivré d’ennemis puissants, jaloux de mon amour pour lui, et de ceux qui me haïssent maintenant, parce que c’est lui que je veux posséder.

21. « Le Seigneur me rendra selon ma justice (Id. 21) ». li me rendra selon le mérite de ma bonne volonté, lui qui, le premier, a été miséricordieux pour moi, avant que j’eusse cette volonté. « Et il me traitera selon la pureté de mes mains »; c’est-à-dire, selon la pureté de mes actions, lui qui m’a donné le pouvoir de faire le bien, en m’introduisant dans les lieux spacieux de la foi.

22. « Parce que j’ai gardé les voies du Seigneur (Id. 22) », afin d’y trouver amplement ces bonnes oeuvres qu’opère la foi, et le courage de persévérer.

23. « Je n’ai point commis l’iniquité contre mon Dieu, car j’ai devant les yeux tous ses jugements (Id. 23). Ces jugements, ou les récompenses des justes, les châtiments des pécheurs, les afflictions qui corrigent, les tentations qui éprouvent, voilà ce que j’ai continuellement sous les yeux. « Et je n’ai point repoussé de moi sa justice »; comme le font ceux qui succombent sous le fardeau, et retournent à leur vomissement.

24. « Je serai sans tache devant lui, et me garderai de toute iniquité (Ps. XVII, 24) ».

25. « Et le Seigneur me rendra selon ma justice (Id. 25)». Non-seulement à cause de l’ampleur de cette foi qui agit par l’amour (Galat. V, 6), mais à cause de ma longue persévérance; voilà pourquoi le Seigneur me rendra selon ma justice. « Et selon la pureté de mes mains qui est visible à ses yeux (Ps. XVII, 25)», car ses yeux ne voient point comme voient les hommes. « Ce qu’ils voient en effet, n’est que temporel, et ce qu’ils ne voient point est éternel ». C’est à ces hauteurs que s’élève l’espérance.

26. « Vous serez saint avec celui qui est saint ». Il y a une profondeur cachée qui

fait comprendre que vous êtes saint avec celui qui est saint, parce que c’est vous qui le sanctifiez. « Que vous êtes innocent avec l’innocent (II Cor, IV, 18) ». Pour vous, en effet, vous ne nuisez à personne, mais chacun est garrotté par les chaînes de ses propres fautes (Ps. XVII, 26).

27. « Avec l’homme choisi vous serez choisi » ; car l’homme de votre choix vous choisit à son tour. « Et pervers avec le pervers (Prov. V, 22) ». Aux yeux de l’homme injuste vous paraissez injuste; car il dit que la voie du Seigneur n’est pas droite (Ezéch. XVIII, 25), tandis que c’est la sienne qui est tortueuse.

28. « Vous sauverez la race des humbles (Ps. XVII, 28)». L’homme pervers regarde comme une injustice que vous accordiez le salut à ceux qui confessent leurs péchés. « Et vous humilierez l’oeil des superbes »; vous abaisserez ceux qui méconnaissent la justice de Dieu et veulent établir leur propre justice (Ps. Rm. X, 3).

29. « C’est vous, Seigneur, qui faites luire mon flambeau (Ps. XVII, 29)». Car notre lumière ne vient pas de nous-mêmes: c’est vous, Seigneur, qui en allumez le flambeau. « C’est vous encore qui dissipez mes ténèbres ». Car nous sommes dans la nuit à cause de nos péchés, mais le Seigneur dissipera ces obscurités.

30. « C’est encore vous qui me délivrerez de la tentation (Id. 30) ». Je ne pourrais, sans vous, triompher de l’épreuve. « C’est en mon Dieu (190) que je franchirai la muraille ». Ce n’est point par ma puissance, mais par le secours de Dieu que je franchirai cette muraille que les péchés ont élevée entre les hommes et la Jérusalem céleste.

31. « Les voies de mon Dieu sont irréprochables (Ps. XVII, 31) ». Il ne vient point chez les hommes qu’ils n’aient d’abord purifié la voie de la foi, afin qu’il puisse venir en eux, lui dont les voies sont pures. « Ses paroles sont éprouvées par le feu », c’est-à-dire par le feu des afflictions. « Il est le protecteur de ceux qui espèrent en lui (Ibid.) ». Et ceux qui, loin d’espérer en eux-mêmes, espèrent en lui, ne seront point consumés par la tribulation, car l’espérance vient après la foi.

32. « Qui donc serait Dieu, sinon le Seigneur» que nous servons? «Qui est Dieu si ce n’est notre Dieu (Id. 32)? » Qui est le vrai Dieu, sinon le Seigneur, que nous, ses enfants, devons posséder comme notre héritage, après l’avoir bien servi?

33. « C’est le Dieu qui m’a revêtu de force (Id. 33)». Le Dieu qui m’a donné une ceinture afin que je devinsse fort, et que la robe flottante des convoitises ne retardât point mes oeuvres et mes démarches. « Et qui m’a aplani la voie de l’innocence ». Il a voulu m’aplanir la voie de la charité, afin que j’allasse à lui, comme j’ai dû aplanir la voie de la foi, par laquelle il vient à moi.

34. «Il a rendu mes pieds légers comme ceux du cerf (Id. 34) ».Il a rendu parfait cet amour qui me fera franchir les obstacles épineux et ténébreux de ce monde. « Il m’établira sur des lieux élevés ». Il fixera mes désirs dans le céleste séjour, afin que je sois rassasié de la plénitude de Dieu (Ep. III, 19).

35. « C’est lui qui dresse mes mains au combat (Ps. XVII, 35) ». Il me dresse à ces oeuvres capables de vaincre ces ennemis qui s’efforcent de nous fermer le passage vers le royaume dès cieux. «Vous avez tendu mes bras comme un arc d’airain », puisque vous me rendez infatigable dans la volonté des bonnes oeuvres.

36. « Vous m’avez protégé pour me sauver, votre main m’a soutenu (Id. 36) ». Votre main, c’est-à-dire votre grâce. « Vos leçons m’ont dirigé vers ma fin ». Vos châtiments ne me permettent point de m’égarer, et me redressent afin que je rapporte mes actions à cette fin qui doit m’unir à vous. « Cette leçon doit m’instruire encore », car vos sévérités me feront atteindre le but où elles me dirigent.

37. « Vous avez élargi la voie sous mes pas (Ps. XVII, 37) », et les voies étroites de la chair ne retarderont point ma course; car vous m’avez dilaté dans cette charité qui opère le bien avec joie, et à qui les membres et tout ce qu’il y a de mortel en moi servent d’instruments. « Mes pieds n’ont pas été vacillants », c’est-à-dire qu’il n’y a incertitude ni dans la voie que j’ai suivie, ni dans les traces que j’ai laissées à ceux qui veulent me suivre.

38. « Je poursuivrai mes ennemis, et les atteindrai (Id. 38) ». Je poursuivrai en moi les convoitises charnelles qui ne me captiveront plus, mais je les atteindrai pour les détruire. Et je ne retournerai point qu’elles ne soient détruites. Je ne cesserai cette poursuite et ne me donnerai de repos, qu’après avoir anéanti tout ce qui me nuit.

39. « Je les briserai, et ils ne pourront se soutenir ». Ils ne soutiendront pas mes attaques. « Ils tomberont sous mes pieds ( Id. 39) ». Après les avoir abattus, je leur préférerai cet amour qui me fait marcher vers l’éternité.

40. « Vous m’avez revêtu de force pour le combat». Vous avez relevé par la force la robe flottante de mes désirs charnels, afin que rien ne m’embarrasse dans ce combat. « Vous avez renversé à mes pieds ceux qui s’élevaient contre moi (Id. 39)». Vous avez jeté dans l’erreur ceux qui me trompaient, et ils se sont trouvés sous mes pieds, ceux qui voulaient s’élever au-dessus de moi.

41. « Vous avez jeté derrière moi mes ennemis (Id. 41) ». C’est-à-dire, vous les avez convertis, et vous les avez placés derrière moi, en les portant à me suivre. « Vous avez dissipé ceux qui me haïssent ». Vous avez conduit à leur perte ceux qui ont persévéré dans leur haine.

42. « Ils ont crié, et nul ne pouvait les sauver (Id. 42)». Qui pourrait sauver ceux que vous ne sauvez pas? « Ils ont crié vers le Seigneur, qui ne les a point exaucés ». C’est bien au Seigneur et non à tout autre qu’ils ont adressé leurs prières, et il n’a point jugé dignes de ses faveurs ceux qui n’abandonnaient point leurs désordres. (191)

43. « Je les disperserai comme la poussière qu’emporte le vent ( Ps. XVII, 43) ». Je les réduirai en poussière, car ils sont desséchés, n’ayant point reçu la rosée des divines miséricordes; et alors soulevés et enflés par l’orgueil, ils perdent l’inébranlable solidité de l’espérance, comme on est parfois secoué de dessus la terre qui est stable et ferme. « Je les détruirai comme la boue des rues ». Dans ces voies larges que suit le grand nombre, je ferai glisser, pour les perdre, les hommes de la luxure.

44. « Vous me délivrerez des contradictions du peuple (Id. 44) », c’est-à-dire des contradictions de ceux qui disent : « Si vous le renvoyez, chacun va le suivre (Jn. XI, 48) ».

45. « Vous m’établirez chef des nations, et voilà qu’un peuple que je n’avais pas connu, se range sous mes lois (Ps. XVII, 45) ». Ce peuple des Gentils que je n’ai point visité d’une manière corporelle, s’est rangé à mon culte. « Il m’a obéi quand il a entendu ma voix ». Il ne m’a point vu des yeux; mais en accueillant mes prédicateurs, il a obéi à l’appel de ma voix.

46. « Les fils de l’étranger ont menti contre moi (Id. 46)». Des enfants, indignes de ce nom, ou plutôt des étrangers, à qui il est dit à juste titre: « Vous avez le diable pour père (Jn. VIII, 44)», ont menti contre moi. « Ces enfants étrangers ont vieilli ». Ces fils, devenus étrangers, que je voulais rajeunir en leur apportant le Nouveau Testament , sont demeurés dans le vieil homme. « Ils ont chancelé dans leurs voies ». Faibles sur un seul pied, parce qu’ils tenaient l’Ancien Testament, ils ont méprisé le Nouveau, et sont devenus boiteux; et même dans l’ancienne loi, ils suivaient plutôt leurs traditions que celles de Dieu. Ils faisaient un crime de ne point se laver les mains (Mt. XV, 2); telle était, en effet, la voie qu’ils s’étaient eux-mêmes tracée, qu’une longue habitude avait battue, loin du sentier des préceptes du Seigneur.

47. « Vive le Seigneur, et béni soit mon Dieu (Ps. XVII, 47) ». C’est mourir que vivre selon la chair (Rm. VIII, 6) ; car le Seigneur est vivant, et mon Dieu est béni. « Qu’il soit exalté, le Dieu de mon salut ». Que je n’aie pas sur le Dieu de mon salut des pensées trop terrestres; que je n’attende point de lui un salut temporel, mais bien des choses célestes.

48. « C’est vous, ô Dieu, qui savez me venger, et qui m’assujettissez les peuples (Ps. XVII, 48)». C’est me venger, ô Dieu, que de les assujettir à mon joug. « Vous me délivrerez de ces ennemis furieux »; de ces Juifs qui crient: « Crucifiez-le, crucifiez-le (Jn. XIX, 6) »,

49. « Vous m’élèverez au-dessus de ceux qui se révoltent contre moi (Ps. XVII, 49)». Vous m’élèverez par la résurrection au-dessus de ces Juifs qui persiflent mes douleurs. « Vous me sauverez de l’homme injuste », de leur inique domination.

50. « C’est pour cela, Seigneur, que je vous bénirai parmi les nations (Id. 50) ». C’est par moi, Seigneur, que les nations vous béniront comme leur Dieu. « Je chanterai votre nom ». Mes bonnes oeuvres vous feront connaître au loin.

51. « Il célèbre le salut du roi qu’il a choisi (Id. 51) ». C’est Dieu qui nous fait admirer ces moyens de salut, que donne son Fils à ceux qui croient en lui. «Il fait miséricorde à son Christ ». C’est Dieu qui fait miséricorde à celui qui a reçu l’onction, « à David et à sa race dans l’éternité (Id. 52) », à ce libérateur dont la main puissante a vaincu le monde, et à ceux qu’il a engendrés à l’éternité par leur foi à l’Evangile. Toutes les paroles de ce psaume, qui ne pourraient s’approprier à Jésus-Christ ou au Chef de l’Eglise, doivent se rapporter à l’Eglise elle-même. Ces paroles sont de Jésus-Christ tout entier, de Jésus-Christ uni à ses membres. (192)

PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XVIII.

LE VERBE DE DIEU

Sous le voile de l’allégorie, le Prophète célèbre la prédication de l’Evangile, qui est la parole du Verbe confiée aux Apôtres, et par les Apôtres répandue par toute la terre, où elle opère des oeuvres de conversion. Condition de cette conversion ou renoncement au péché.

POUR LA FIN, PSAUME POUR DAVID (Ps. XVIII).

1. Ce titre nous est connu : et ce n’est point Jésus-Christ Notre-Seigneur qui parle dans ce psaume, mais c’est de lui qu’il est question.

2. « Les cieux annoncent la gloire de Dieu (Id. 2)». Les saints évangélistes, en qui Dieu habite comme dans les cieux, nous prêchent la gloire de Jésus-Christ, ou cette gloire que le Fils vivant ici-bas a rendue à son Père. « Et le firmament publie les oeuvres de ses mains (Ibid.)». Elle publie les oeuvres merveilleuses du Seigneur , cette force de l’Esprit-Saint qui est devenue un firmament et un ciel, après avoir été une terre faible, sous l’influence de la crainte.

3. «Le jour parle au jour (Id.3) ». L’esprit découvre à l’homme spirituel, et dans sa plénitude, cette immuable sagesse de Dieu, ce Verbe qui est Dieu, et qui est en Dieu dès le commencement (Jn. I, 1). « Et la nuit enseigne la nuit ». Et cette chair mortelle qui insinue la foi aux hommes charnels, comme s’ils étaient fort éloignés, leur annonce la science qui vient après la foi.

4. «Il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel on n’entende ces voix (Ps. VIII, 4). Qui n’a pas entendu ces voix des évangélistes, prêchant 1’Evangile en toute langue?

5. «Ce bruit s’est répandu par toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux extrémités du monde ( Id. 5).

6. « C’est dans le soleil qu’il a établi son pavillon (Id. 6)». Le Seigneur, venant livrer bataille aux puissances temporelles de l’erreur, et apporter ici-bas le glaive et non la paix (Mt. X, 34), s’est fait connaître dans le temps, ou a manifesté le mystère de son incarnation, qui était pour lui comme une tente militaire. « Il a été comme un époux qui sort du lit nuptial». Il est sorti du sein de la vierge, où il a contracté avec la nature humaine de saintes épousailles. « Comme le géant, il s’est élancé dans sa carrière ». Il s’est élancé dans sa force, précédant les autres hommes dans son incomparable puissance, non pour demeurer dans sa voie, mais pour la parcourir. « Car il ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs (Ps. I, 1). »

7. « Il part du haut des cieux », ou plutôt il nous vient du Père, non point d’une manière temporelle, mais par une génération éternelle. « Et sa course aboutit au sommet des cieux (Ps. XVIII, 7)». Et parce qu’il est pleinement Dieu, il arrive à l’égalité de son Père. « Et nul ne se dérobe à ses feux », car le Verbe divin s’étant fait chair, et s’étant revêtu de notre mortalité pour habiter parmi nous (Jn. I, 14) , n’a permis à aucun homme de prendre pour excuses les ombres de la mort, puisque la mort elle-même a ressenti la chaleur du Verbe.

8. « La loi du Seigneur est sans tache, elle convertit les âmes (Ps. XVIII, 8)». La loi du Seigneur est donc celui-là même qui est venu perfectionner la loi et non la détruire(Mt. V, 7). Il est une loi pure, lui qui n’a point commis le péché, dont la bouche n’a point proféré le mensonge (I Pierre, II, 22) ; qui n’accable point les âmes sous le joug de la servitude, mais qui les amène librement à l’imiter. « Le témoignage du Seigneur est fidèle, il donne la sagesse aux petits (Ps. XVIII, 8) ». Ce témoignage est fidèle, parce que nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et ceux à qui le Fils a voulu le révéler (Mt. XI, 27). Ce qui est caché pour les sages, et révélé aux petits; (193) parce que Dieu résiste aux superbes et donne la grâce aux humbles (Jacob IV, 6).

9. « Les jugements du Seigneur sont droits, ils réjouissent les coeurs (Ps. XVIII, 9)». Tous les jugements du Seigneur sont droits en celui qui n’a rien enseigné, qu’il ne l’ait fait lui-même afin que ceux qui devaient l’imiter, fussent dans la joie du coeur, et pussent agir, non plus avec une crainte servile, mais avec la liberté de l’amour. « Le précepte du Seigneur est lumineux, il éclaire les yeux ». Ce précepte lucide, que ne cache point le voile des cérémonies charnelles, éclaire les yeux de l’homme intérieur.

10. « La crainte du Seigneur est chaste, elle demeure dans le siècle des siècles (Id. 10) ». Cette crainte du Seigneur n’est plus celle qui était un châtiment sous la loi, et qui appréhende la perte de ces biens temporels dont l’amour est pour notre âme une fornication; mais c’est une crainte chaste, qui porte l’Eglise à éviter ce qui peut offenser son époux avec un soin qui égale son amour pour lui: or, l’amour parfait ne bannit point cette crainte (I Jn. IV, 18), qui demeure éternellement.

11. « Les jugements du Seigneur sont véritables; ils se justifient par eux-mêmes (I Ps. XVIII, 10) ». Les jugements de celui qui ne juge personne par lui-même, et qui a donné tout jugement au Fils (Jn. V, 22), sont véritablement d’une justice immuable. Car Dieu ne trompe ni dans ses menaces ni dans ses promesses; et nul ne peut soustraire l’impie aux supplices, ni le juste aux récompenses. « Ils sont plus désirables que l’or et que les pierres précieuses. — Beaucoup ( Ps. XVIII, 1) », soit que « beaucoup » désigne de l’or et des pierres précieuses en grande quantité, ou l’or qui est beaucoup précieux, ou beaucoup désirable; néanmoins les jugements de Dieu sont préférables aux pompes de ce monde, dont le désir fait qu’on ne désire plus, mais qu’on redoute, ou qu’on méprise, ou que l’on ne croit plus les jugements de Dieu. Si chaque fidèle, à son tour, est un or pur ou une pierre précieuse, inaltérable au feu et réservé pour les trésors du Seigneur, alors il aime les jugements de Dieu plus que lui-même, et préfère à sa propre volonté, celle de Dieu. « Ils sont plus doux que le miel dans son rayon ». Que l’âme fidèle soit ce miel exquis, et que déjà dégagée des biens de la vie, elle attende le jour du festin du Seigneur; ou qu’elle ne soit encore qu’un rayon de miel, enveloppée encore dans cette vie, comme dans les alvéoles qu’elle remplit sans s’y attacher, ayant besoin que la main de Dieu la presse, non pour l’accabler, mais pour l’exprimer comme un miel, et la faire passer du temps à l’éternité, alors les jugements de Dieu seront pour elle plus doux qu’elle ne l’est elle-même; car ils sont plus délicieux que le miel et que le rayon.

12. « Pour votre serviteur, il observe ces lois (Ps. XVIII, 12) », et 1e jour du Seigneur sera bien amer pour quiconque les méprise. « On trouve, à les pratiquer, une ample récompense (Ibid.) » ; et cette ample récompense n’est dans aucun autre avantage extérieur que dans la pratique même des préceptes du Seigneur; elle est grande, parce que cette pratique porte en elle-même sa joie.

13. « Qui peut connaître ses égarements (Id. 13)?» Et dans ces égarements, quelle douceur peut. on trouver, puisqu’il n’y a point d’intelligence? Comment, en effet, comprendre ces égarements, quand ils obscurcissent l’oeil de cette âme qui fait ses délices de la vérité, qui trouve doux et dignes d’envie, les jugements de Dieu? Comme les ténèbres nous ferment les yeux, les péchés sont pour l’esprit un bandeau qui lui dérobe et la lumière et eux-mêmes.

14. « Purifiez-moi, Seigneur, de ce qui est caché en moi (Ibid.) ». Seigneur, délivrez-moi de ces convoitises qui se cachent en mon coeur. « Préservez votre serviteur des péchés des autres », afin que les autres ne me séduisent point. Car l’homme purifié de ses fautes ne se laisse point prendre aux péchés des autres, Préservez donc des étrangères convoitises, non l’homme superbe qui cherche l’indépendance, mais moi, votre serviteur. « Si elles ne me tyrannisent plus, alors je serai sans tache (Id. 14) ». Assurément, je serai sans tache, si mes passions, ni celles des autres ne me tyrannisent. Car il n’y a pas une troisième source de péché, après cette suggestion intérieure qui fit tomber le diable, et cette suggestion extérieure qui séduisit l’homme et devint son péché par le consentement qu’il y donna. « Et je serai pur d’un grand péchés. De quel autre péché, sinon de l’orgueil? Il n’y a pas de plus grand crime que de se séparer (194) de Dieu, et tel est le commencement de l’orgueil chez l’homme (Eccli. X, 14). Il est vraiment sans tache celui qui n’a pas même ce péché, qui est pour nous le dernier quand nous revenons à Dieu, comme il a été le premier quand nous l’avons abandonné.

15. « Et alors les paroles de ma bouche vous seront agréables, et les pensées de mon coeur seront toujours en votre présence ( Ps. XVIII, 15) » . Mon coeur ne recherchera plus cette vaine gloire de plaire aux hommes, puisqu’il n’y a plus en moi nul orgueil ; mais je le tiendrai toujours en votre présence, car vous voyez les coeurs purs. « Seigneur, vous êtes mon soutien et mon rédempteur ». Vous êtes mon soutien quand je me dirige vers vous, et c’est pour que j’aille à vous que vous m’avez racheté. Quiconque ose attribuer à sa propre sagesse de s’être tourné vers vous, ou à ses forces d’arriver à vous, n’en sera que rejeté plus loin, puisque vous résistez aux superbes (Jacob, IV, 6) et il n’est point exempt de cette faute principale, ni agréable à vos yeux, Seigneur, qui nous rachetez afin que nous nous convertissions à vous, et qui nous aidez afin que nous parvenions auprès de vous.

DEUXIÈME DISCOURS SUR PSAUME XVIII

Dans ce second discours saint Augustin tire les conséquences morales et pratiques de l’exposé précédent : 1° quant à la grâce de Dieu qui nous est acquise par les mérites de Jésus Christ ; 2° quant à l’unité et à la visibilité de l’Eglise, contre les hérétiques ; 3° quant aux dispositions qu’exige de nous la vraie conversion.

1. Après avoir supplié le Seigneur de nous purifier de nos fautes ignorées, de préserver ses serviteurs des péchés des autres, il nous faut comprendre le sens de cette prière, afin de chanter en esprit les louanges du Seigneur, en hommes raisonnables, et non comme les oiseaux; car on voit chaque jour le merle et le perroquet, le corbeau et la pie, apprendre des hommes à former des sons qu’ils ne comprennent point. Mais Dieu a bien voulu faire à l’homme le don de comprendre ce qu’il chante; et c’est avec douleur que nous voyons tant d’impies et de libertins exhaler des chants dignes de leurs oreilles et de leurs coeurs d’autant plus coupables en cela qu’ils ne peuvent ignorer ce qu’ils chantent. Car ils savent que leurs chants sont criminels, et néanmoins ils les redisent avec une allégresse d’autant plus vive qu’elle est plus immonde, et ils se croient d’autant plus joyeux qu’ils sont plus lubriques. Pour nous, qui avons appris à chanter dans l’Eglise les cantiques divins, nous devons nous efforcer d’atteindre cette perfection ainsi formulée: « Bienheureux le peuple qui entend la louange (Ps. LXXXVIII, 16) ». Il faut donc, mes bien-aimés, étudier et comprendre avec le calme du coeur, ce que nous avons chanté à l’unisson des voix. Chacun de nous, dans ce cantique, a supplié le Seigneur, et a dit à Dieu : « Purifiez-moi, Seigneur, de mes fautes cachées, préservez votre serviteur des péchés des autres. Si je n’en ressens point la tyrannie, je serai sans tache, et pur d’un grand péché (Ps. XVIII, 13, 14) ». Pour bien comprendre le sens et la portée de ces paroles, voyons rapidement, et avec le secours de Dieu, le texte du psaume.

2. C’est une allégorie du Christ, et nous le voyons clairement dans ces paroles : « Il est sorti comme l’époux de son lit nuptial (Id. 16) ». Quel est cet époux, sinon celui à qui l’Apôtre a fiancé une vierge? et dans ses chastes sollicitudes, ce fidèle ami de l’époux craint que, comme Bye fut séduite par les artifices du serpent, les sens de cette virginale épouse du Christ ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté qui est dans le Christ (II Cor. XI, 3). C’est donc (195) en ce même Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur que Dieu a mis ces trésors, cette plénitude de la grâce dont l’Apôtre saint Jean nous a dit: « Nous avons vu sa gloire, comme la gloire que reçoit de son Père le Fils unique, plein de grâce et de vérité (Jn. I, 14). C’est cette gloire que racontent les cieux ». Car les cieux, ce sont les saints, élevés au-dessus de la terre, et qui portent le Seigneur; et toutefois le ciel a raconté la gloire du Christ, à sa manière. Quand l’a-t-il racontée? Quand, à la naissance de ce même Sauveur, il fit paraître une étoile nouvelle, et jusqu’alors inconnue. Il est néanmoins d’autres cieux plus véritables et plus sublimes, dont il est dit dans un verset suivant : « Il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel on n’entende leurs voix. Ce bruit s’est fait entendre par toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux extrémités du monde (Ps. XVIII, 4)». De qui ces paroles, sinon des cieux? et de quels cieux, sinon des Apôtres? Ce sont eux qui redisent à la louange de Dieu, cette grâce que Dieu a mise en Jésus-Christ pour la rémission des péchés. « Car tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu; ils sont justifiés gratuitement par le sang de Jésus-Christ (Rm. III, 23) ». Comme c’est gratuitement, c’est donc une grâce, car il n’y a point de grâce qui ne soit gratuite. Nous n’avions fait aucune bonne oeuvre qui nous méritât ces dons de Dieu, et même ce n’eût pas été gratuitement qu’il nous eût infligé un supplice ; de là vient que ses bienfaits pour nous sont gratuits. Dans notre vie passée, nous n’avions mérité rien autre chose qu’un juste châtiment. Dieu donc, non plus à cause de notre justice, mais par un effet de sa miséricorde, nous a sauvés par le bain de la régénération (Tit. III, 5). C’est là, dis-je, la gloire de Dieu que racontent les cieux; car tu n’as rien fait de bon, et néanmoins tu as reçu ces biens immenses. Si donc tu as une part à cette grâce que les cieux ont chantée, tu dois dire au Seigneur ton Dieu: « Il est mon Dieu, puisqu’il me prévient par sa miséricorde (Tit. III, 5) ». C’est lui en effet qui t’a prévenu, et tellement prévenu, qu’il n’a rien trouvé de bon en toi. Tu avais prévenu ses châtiments par ton orgueil, et il a prévenu ton supplice en effaçant tes péchés. En toi donc, le pécheur est devenu juste, l’impie est sanctifié, le damné recouvre ses droits au ciel; aussi dois-tu dire à Dieu: « Ce n’est point à nous, Seigneur, non ce n’est point à nous, mais à votre nom, qu’il faut en attribuer la gloire (Ps. CXIII, 9) ». Disons bien : « Non pas à nous », à qui la donnerait-il, s’il nous considérait? Encore une fois, disons: « Non pas à nous, Seigneur». S’il nous traitait selon nos mérites, il ne trouverait pour nous que des peines. « Que son nom donc soit glorifié, et non point nous, parce qu’il ne nous a point traités selon nos fautes (Id. CII, 10).» Ne nous la donnez donc point, Seigneur, ne nous la donnez point. Cette répétition fortifie la pensée. « Ce n’est point à nous, Seigneur, mais à votre nom, qu’il faut donner la gloire ». C’est ce que comprenaient ces cieux qui ont chanté la gloire de Dieu.

3. « Et le firmament publie l’ouvrage de ses mains (Ps. XVIII, 2) ». Cette expression: « La gloire de Dieu », est répétée dans cette autre: « L’ouvrage de ses mains ». Quels sont les ouvrages de ses mains? N’allons pas croire avec plusieurs, que Dieu a tout fait de sa parole, mais que l’homme, créature supérieure aux autres, est l’ouvrage de ses mains. Loin de nous cette pensée qui est basse et peu exacte, car Dieu a tout fait par son Verbe. Bien que l’Ecriture nous expose les oeuvres si diverses du Créateur, et nous dise qu’il fit l’homme à son image; tout néanmoins a été fait par son Verbe, et sans lui rien n’a été fait (Jn. I, 3). Quant aux mains de Dieu, il est dit encore: « Les cieux sont l’oeuvre de ses mains (Ps. CI, 16) », et pour que vous ne confondiez pas ces cieux avec les saints, le Prophète ajoute : « Pour eux, ils périront, mais vous, Seigneur, vous demeurez (Id. 27) ». Donc, non-seulement les hommes, niais aussi les cieux qui doivent périr, sont l’ouvrage des mains de Dieu, à qui il est dit : « Les cieux sont l’oeuvre de vos mains ». C’est encore ce qui est dit de la terre : « La mer est à lui puisqu’elle est son ouvrage, et ses mains ont fait une base à la terre (Id. XCIV, 5) ». Donc s’il a fait le ciel de ses mains, la terre de ses mains, l’homme n’est pas seul l’oeuvre de ses mains; mais s’il a fait le ciel par son Verbe, la terre par son Verbe, il a fait aussi l’homme par son Verbe. L’oeuvre du Verbe est l’oeuvre de sa main, comme l’oeuvre de sa main est celle de son Verbe. Dieu n’a point comme nous des membres qui (196) dessinent sa force, puisqu’il est tout entier en tout lieu, et n’a point de limite. L’oeuvre de son Verbe est l’oeuvre de sa sagesse, et l’oeuvre de sa main celle de sa puissance. « Or, le Christ est la puissance de Dieu, comme la sagesse de Dieu (I Cor. I, 24) ; et c’est par lui que tout a été fait, et rien n’a été fait sans lui (Jn. I, 3) ». Les cieux donc ont raconté la gloire de Dieu, la redisent encore et la rediront toujours. Oui, ils chanteront la gloire de Dieu, ces cieux, ou plutôt ces saints qui sont élevés au-dessus de la terre, qui portent le Seigneur, qui font retentir ses préceptes et briller sa sagesse; ils raconteront cette gloire du Seigneur qui nous a sauvés malgré notre indignité. Il reconnaît cette indignité, ou la gloire dont nous ne sommes pas dignes, ce fils le plus jeune, que presse l’indigence ; il reconnaît cette indignité, ce jeune homme qui s’éloigne de son père, pour adorer les démons et faire paître les pourceaux; il reconnaît la gloire de Dieu, mais quand l’indigence le presse. Et comme cette gloire nous a faits ce que nous n’étions pas dignes d’être, il dit à son père: «Je ne suis pas digne d’être appelé votre fils (Luc, XV, 21) ». Il est dans le malheur, et l’humilité lui obtient le bonheur; et il s’en montre digne parce qu’il s’en confesse indigne. Telle est «la gloire de Dieu, qu’annoncent les cieux, cet l’oeuvre de ses mains, que prêche le firmament ». Ce ciel firmament, c’est le cœur du juste dans sa force, étranger à la crainte. Ces oeuvres donc ont été prêchées parmi les impies, parmi les antagonistes de Dieu, parmi ces hommes épris du monde et persécuteurs des justes; oui, dans ce monde frémissant de rage, Mais que pouvait le monde avec sa rage, quand c’était le firmament qui les prêchait? « Le firmament prêche », et que prêche-t-il? « Les oeuvres de ses mains ». Quelles sont, les oeuvres de ses mains? Cette gloire de Dieu qui nous a sauvés, et qui nous a créés dans les bonnes couvres. « Car c’est par lui, et non par nous-mêmes (Ps. XCIX, 3), que nous sommes non-seulement hommes, mais justes », si tant est que nous soyons justes.

4. « Le jour parle au jour, et la nuit instruit la nuit (Ps. XVIII, 3) ». Qu’est-ce à dire? On comprend facilement peut-être : « Le jour parle au jour», aussi facilement et aussi clairement que le jour. Mais « que la nuit instruise la nuit », voilà qui est ténébreux comme la nuit. Ce jour qui parle au jour, c’est le saint qui parle aux saints, l’Apôtre aux fidèles, le Christ aux Apôtres, et qui leur dit : « Vous êtes la lumière du monde (Mt. V, 14) ». Voilà qui paraît clair et facile à comprendre. Mais comment « la nuit peut-elle instruire la nuit? ». Quelques-uns l’ont pris à la lettre, et c’est peut-être le vrai sens; selon eux, la science que les Apôtres ont recueillie de Jésus-Christ pendant son séjour sur la terre, ils l’ont transmise à leurs successeurs de siècle en siècle. Le jour parle donc au jour, et la nuit à la nuit; le premier jour au jour suivant, la première nuit à la nuit qui succède; parce que cette doctrine est annoncée jour et nuit. Celui-là peut se contenter de cette explication si simple qui la trouve suffisante. Mais l’obscurité de certains passages des saintes Ecritures a eu cet avantage de produire plusieurs interprétations. Si donc ces paroles étaient claires , vous n’y trouveriez qu’un sens unique; et parce qu’il est obscur, vous en entendrez plusieurs. On explique autrement: « Le jour parle au jour et la nuit à la nuit », c’est-à-dire l’esprit à l’esprit, et la chair à la chair. Puis encore : « Le jour qui parle au jour », figurerait l’homme spirituel parlant à ceux qui vivent selon l’esprit; et « la nuit à la nuit », l’homme charnel aux hommes charnels. Les uns et les autres entendent cette parole, mais ne la goûtent pas également, Pour les uns, c’est une parole prêchée; pour les autres, une science que l’on annonce. Car prêcher n’a lieu que pour ceux qui sont présents, annoncer pour ceux qui sont éloignés. On pourrait trouver aux cieux d’autres significations, mais le peu de temps qui nous reste, nous force d’en rester là; donnons toutefois une explication, que plusieurs ont donnée comme une conjecture. Selon eux, quand Notre-Seigneur Jésus-Christ parlait aux Apôtres, le jour parlait au jour; et quand Judas trahissait le Christ, la nuit donnait la science à la nuit.

5. « Il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel cette voix ne se fasse entendre (Ps. XVIII, 4)». De qui cette voix, sinon des cieux qui racontent la gloire de Dieu? « li n’est « point d’idiome, point de langage, dans lequel cette voix ne se fasse entendre». Lisez, dans les actes des Apôtres, comment ils furent (197) tous remplis de l’Esprit-Saint qui descendait sur eux : et comme ils parlaient en toutes les langues, selon que l’Esprit-Saint les faisait parler (Act. II, 4). Voilà comment. « il n’est point d’idiome, point de langage, dans lequel leur voix ne se fasse entendre ». Et non-seulement leur voix a retenti dans l’endroit où ils avaient reçu l’Esprit-Saint , mais « elle a parcouru toute la terre, et leurs prédications ne s’arrêtent qu’aux extrémités du monde ». De là vient que nous prêchons ici. Car cette voix qui a parcouru toute la terre est venue jusqu’à nous , et la parole de l’hérésie n’entre point dans l’Eglise. Cette voix donc a parcouru toute la terre, afin de vous faire entrer dans le ciel. O esprit de pestilence, de contention, de méchanceté, et qui te plais dans l’erreur! écoute, ô fils orgueilleux, le testament de ton père. Le voici, quoi de plus clair et de plus net? «Le bruit de leur voix a parcouru toute la terre, et leurs paroles ont retenti jusqu’aux confins du monde ». Est-il besoin d’aucun éclaircissement? Pourquoi tourner tes efforts contre toi-même? Tu veux contester pour retenir une partie, quand la paix te mettrait en possession du tout.

6. « Il a établi son tabernacle dans le soleil (Ps. XVIII, 5) »; en mettant son Eglise en évidence et en grand jour, non dans l’obscurité, non dans le mystère et sous un voile, de peur qu’elle ne se dérobât comme les assemblées des hérétiques (Cant. I, 6, selon les LXX.)». Il est dit à un coupable dans 1’Ecriture sainte : « Parce que tu as péché dans le secret, tu seras châtié au grand jour (II Rois, XII, 12) » : c’est-à-dire que sous les yeux de tous tu subiras le châtiment de ta faute commise dans le secret. « Il a donc établi son tabernacle dans le soleil ». Pourquoi dès lors, enfant de l’hérésie, t’enfuir dans les ténèbres? Es-tu chrétien ? écoute Jésus-Christ. Es-tu serviteur? écoute le maître. Es-tu fils? écoute un père : corrige-toi, reviens à la vie. Que nous puissions dire de toi : Il était mort et il est ressuscité, il était perdu et il est retrouvé. Garde-toi de me dire : Pourquoi me chercher, si je suis perdu? car c’est précisément parce que tu es perdu que je te cherche. Ne me cherchez point, dira-t-il. Tel est le voeu de l’iniquité qui nous divise, mais non de la charité qui nous fait frères. Je ne serais point criminel si je cherchais un serviteur, et l’on me fait un crime de chercher mon frère ! Que telle soit la sagesse de celui qui n’a point la charité fraternelle, pour moi, je recherche mon frère. Qu’il s’irrite, il n’en faut pas moins le chercher, il s’apaisera si nous le retrouvons. Je cherche donc mon frère, et j’en appelle au Seigneur mon Dieu, non contre lui, mais en sa faveur. Et nia prière ne sera point : Dites, Seigneur, à mon frère qu’il divise l’héritage avec moi, mais bien: Dites à mon frère qu’il jouisse avec moi de tout l’héritage (Luc, XII, 13). Pourquoi donc errer de la sorte, ô mon frère? Pourquoi fuir dans les lieux écartés? Pourquoi ces efforts pour vous cacher? « Dieu a placé son tabernacle dans le soleil. Il est comme le jeune époux qui sort du lit nuptial (Ps. XVIII, 6) ». Sans doute qu’il ne vous est pas inconnu « cet époux qui sort du lit nuptial, qui s’élance comme un géant pour parcourir sa carrière », c’est lui « qui a placé dans le soleil son tabernacle » ; c’est-à-dire que le Verbe s’étant fait chair (Jn. I, 15) a trouvé, comme le jeune époux, un lit nuptial dans le sein d’une vierge; et alors uni à la nature humaine, il est sorti comme d’un lit très-chaste, plus humble que tous dans sa miséricorde, plus fort que tous dans sa majesté: de là vient « qu’il a bondi comme un géant dans sa carrière » ; naître, grandir, enseigner, souffrir, ressusciter, monter aux cieux, c’est là courir et non s’arrêter dans la voie. Le même époux qui a fait tout cela, a donc placé dans le soleil, ou dans l’évidence, son tabernacle, qui est son Eglise.

7. Voulez-vous connaître cette voie qu’il a parcourue avec tant de vitesse ? « Il part du haut des cieux, pour retourner jusqu’à leur sommet » (Ps. XVIII, 7). Mais après qu’il en est descendu, et qu’il y est retourné dans sa course rapide, il a envoyé son Esprit. On vit, sur chacun de ceux qui le reçurent, comme des langues de feu qui se divisaient (Act. II, 3) ». L’Esprit-Saint est donc venu comme un feu, qui doit consumer la chair comme une paille desséchée, et purifier l’or dans le creuset. Il est donc venu comme un feu; aussi est-il dit que « nul ne se dérobe à son embrasement ».

8. « La loi du Seigneur est pure, elle convertit les âmes ». C’est là l’Esprit-Saint. « Le témoignage du Seigneur est fidèle, il donne la sagesse aux petits (Ps. XVIII, 8) » ; non pas aux superbes. Tel est encore l’Esprit-Saint.

9. « Les jugements du Seigneur sont droits»; ils portent « dans les coeurs la joie n et non la crainte. C’est l’oeuvre de l’Esprit-Saint. « Le précepte du Seigneur est lumineux, il éclaire les yeux (Id. 7) » sans les éblouir; non les yeux de la chair, mais les yeux du cœur ; non ceux de l’homme extérieur, mais de l’homme spirituel. Tel est encore l’effet de l’Esprit-Saint.

10. « La crainte du Seigneur n n’est pas servile, mais chaste » ; elle aime gratuitement ce qu’elle appréhende; ce n’est point le châtiment de celui qu’elle redoute, mais la séparation de celui qu’elle aime. Telle est la crainte chaste qui ne disparaît pas devant la charité parfaite (Jn. IV, 18), mais « qui demeure dans le siècle des siècles ». C’est là l’Esprit-Saint, ou plutôt, c’est lui qui la donne, qui la répand dans nos âmes, qui la greffe en nous. « Les jugements du Seigneur sont vrais, et se justifient par eux-mêmes (Ps. XVIII, 10) », sans porter aux querelles, mais à nous unir dans la paix; c’est ce que signifie « en eux-mêmes ». Tel est encore l’effet du Saint-Esprit. Aussi, ceux qui le reçurent à sa première descente, reçurent-ils aussi le don des langues, pour nous montrer par là qu’il ramènerait à l’unité toutes les langues de la terre. L’unité de l’Eglise parle en toutes les langues, et continue aujourd’hui cette merveille d’un seul homme qui s’exprimait alors dans la langue de tous (Act. II, 4), après avoir reçu l’Esprit-Saint. Aujourd’hui c’est encore un seul homme qui parle à toutes les nations et dans toutes les langues, un seul homme, c’est-à-dire la tête et le corps, un seul homme, qui est le Christ et l’Eglise, l’homme parfait, l’époux et l’épouse. « Ils seront deux dans une même chair (Gn. II, 24) », a dit l’Ecriture. «Les jugements de Dieu sont véritables, ils se justifient par eux-mêmes », à cause de l’unité.

11. « Ils sont plus désirables que l’or et que les pierres précieuses. Beaucoup (Ps. XVIII, 11) ». Ce «beaucoup » signifie beaucoup d’or, ou beaucoup précieuses, ou beaucoup désirables; mais beaucoup, c’est peu pour l’hérétique. Ils n’aiment pas avec nous id ipsum ou l’unité, et avec nous ils confessent le Christ. Mais ce Christ que tu confesses avec moi, aime-le donc avec moi. Et celui qui ne veut point l’unité, qui refuse, qui regimbe, qui méprise, celui-là ne la croit point préférable à l’or et aux pierres précieuses. Ecoutez encore : « Ils sont »; dit le Prophète, « plus doux que le miel et que le rayon ». Mais ceci condamne celui qui s’égare. Le miel est amer pour une bouche fiévreuse, quelque douceur qu’il ait pour une bouche en santé, parce qu’il est précieux pour l’homme qui se porte bien. « Ils sont donc plus désirables que l’or et que les pierres les plus précieuses, plus doux que le miel et que le rayon de miel ».

12. « Aussi votre serviteur les observe-t-il», et en éprouve-t-il ainsi la douceur, non plus en paroles, mais en pratique. Votre serviteur les garde parce qu’ils sont doux en cette vie et utiles pour l’autre vie. « Il trouve à les garder une ample récompensez». Mais dominé par son obstination, l’hérétique ne peut voir cette lumière, ni goûter cette douceur.

13. « Qui peut connaître ses péchés? — Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font (Luc, XVIII, 34) ». Celui-là donc, dit le Prophète, est votre serviteur, qui peut goûter une semblable douceur, qui a cette tendresse de charité, cet amour de l’unité. Et moi qui la goûte, poursuit le Prophète, je vous en supplie, qui peut en effet connaître ses fautes? Que jamais en moi, nulle faiblesse ne se glisse chez l’homme, et que cet homme ne se laisse point séduire. « Purifiez-moi, Seigneur, des fautes qui m’échappent ». Nous l’avons chanté, nous y arrivons dans nos explications. Disons donc avec intelligence: Chantons et comprenons, prions en chantant, afin que notre prière soit exaucée; disons: « Purifiez-nous, Seigneur, des fautes qui nous échappent ». Qui peut connaître ses péchés? On ne peut les comprendre qu’en voyant ses ténèbres, et nous ne sommes enfin dans la lumière que quand nous nous repentons de nos fautes. Un homme qui se roule encore dans le péché, ne peut voir ce péché, tant ses yeux sont obscurcis et fermés; que l’on vous mette, en effet, un bandeau sur les yeux du corps, vous ne voyez plus rien, pas même le bandeau. Adressons-nous donc à Dieu, qui sait voir en nous ce qu’il doit purifier, et pénétrer ce qu’il doit guérir, et disons-lui

« Purifiez-moi, Seigneur, de mes fautes cachées, épargnez à votre serviteur les péchés des autres n. Mes péchés, dit-il, me souillent, et ceux des autres me contristent; épargnez-moi les uns et purifiez-moi des autres. Enlevez de mon coeur toute pensée mauvaise, éloignez de moi ce qui inspire le mal. Voilà ce que signifie: « Purifiez-moi de mes fautes cachées, épargnez à votre serviteur les péchés des autres (Ps. XVIII, 14) ». Telles sont en effet les deux sortes de péchés qui ont paru d’abord, au commencement du monde, les nôtres et ceux des autres. Le diable est tombé par son propre péché (Isa. XIV, 12), Adam par celui d’un autre (Gn. III). De là vient que le serviteur de Dieu, qui observe les jugements de Dieu et y trouve une ample récompense, prie ainsi dans un autre psaume: « Que l’orgueil n’entre point en moi; que la main du pécheur ne m’ébranle point (Ps. XXXV, 12) ». « Que l’orgueil donc n’entre point en moi », c’est-à-dire, purifiez-moi de mes fautes cachées; et que la main du pécheur ne m’ébranle point », c’est-à-dire, épargnez à votre serviteur les péchés des autres.

14. « Si» mes fautes cachées et les péchés des autres « ne me dominent plus(Ps. XVIII, 14), alors je serai sans tache ». Il n’ose point l’espérer de ses propres forces, mais il supplie le Seigneur de l’accomplir, et lui dit dans un autre psaume: « Dirigez mes pas selon votre parole, et ne permettez pas que l’iniquité domine jamais en moi (Id. CXVIII, 133) ». Tu es chrétien, et dès lors garde-toi de craindre la domination extérieure d’un homme; crains toujours le Seigneur ton Dieu. Crains le mal qui est en toi, ou les passions; non point ce que le Seigneur a tait en toi, mais ce que toi-même y as fait. Le Seigneur t’avait créé bon serviteur, et toi, tu t’es créé dans ton coeur un maître méchant. C’est justement que tu es soumis à l’iniquité, soumis au maître que tu t’es imposé toi-même, puisque tu n’as pas voulu servir celui qui t’a créé.

15. « Si donc je ne suis plus esclave de leur tyrannie , alors je serai sans tache et pur d’un grand crime (Ps. XVIII, 14) ». De quel crime, pensez-vous? Quel est ce grand péché? Il peut n’être pas ce que je vais dire, et toutefois je ne déguiserai point mon opinion; ce grand crime, à mon avis, c’est l’orgueil. C’est là peut-être ce qu’il exprime en d’autres termes, en disant : « Et je serai pur d’un grand crime ». Me demanderez-vous combien est grand le crime qui a fait tomber l’ange, qui a changé cet ange en démon, et lui a fermé pour toujours le royaume des cieux? C’est là le grand crime, la source, l’origine de tous les crimes. Car il est écrit : « Le commencement de tout péché, c’est l’orgueil (Eccli. X, 15) ». Et de peur qu’on ne le regarde comme une faute légère, l’Ecriture ajoute : « Le commencement de l’orgueil chez l’homme est de lui faire apostasier Dieu (Id. 14) ». Non, mes frères, ce vice n’est point une faute légère; c’est à ce vice que répugne l’humilité chrétienne, chez les grands personnages que vous voyez. C’est ce vice qui leur fait dédaigner de courber la tête sous le joug du Christ, eux qui sont asservis au joug du péché. Car ils ne peuvent échapper à la servitude; ils se veulent affranchir de la servitude, quand il leur est avantageux de servir. Ce qu’ils gagnent en cherchant l’indépendance, c’est de refuser de servir un bon maître, mais non de s’affranchir complètement; car on devient nécessairement esclave du péché, quand on ne veut point l’être de la charité. Ce vice, que l’on peut appeler la source de tous les autres, puisque les autres lui doivent leur origine, nous a fait apostasier Dieu; et l’âme, par un déplorable usage de sa liberté, se plonge dans les ténèbres, chargée qu’elle es-t de toute sorte de péchés. Voilà qu’il vit dans la prodigalité, il dissipe ses richesses avec les femmes sans pudeur, il devient le pâtre des pourceaux (Luc, XV, 13), celui qui était le compagnon des anges. C’est à cause de ce vice, de cette grande iniquité de l’orgueil que Dieu s’est humilié parmi les hommes. Tel est le motif, telle est la plaie profonde, la grande maladie des âmes, qui a fait descendre du ciel le Médecin tout-puissant, qui l’a humilié sous la forme de l’esclave, qui l’a outragé, suspendu au gibet, afin qu’une semblable tumeur trouvât sa guérison dans un si grand remède. Que l’homme donc rougisse de son orgueil, quand un Dieu s’est fait humble pour lui. Alors, dit le Prophète, « je serai pur d’un grand péché », devant le « Dieu qui résiste aux orgueilleux et qui donne la grâce aux humbles (Ps. XVIII, 15) ».

16. « Ainsi vous deviendront agréables les paroles de ma bouche, et les pensées de mon coeur seront toujours en votre présence (Ps. XVIII, 15) ». Car si je ne suis point purifié de (200) ce grand vice, mes paroles pourront être agréables devant les hommes, et non devant vous; puisque l’âme superbe demande aux hommes ses applaudissements, mais l’âme vraiment humble veut plaire dans ce secret que pénètre-Dieu seul; et si elle vient à plaire aux hommes par quelques bonnes oeuvres, elle s’en réjouit pour-ceux qui se complaisent dans ses oeuvres, et non pour elle-même; il doit lui suffire d’avoir fait le bien. « Notre gloire », dit l’Apôtre, « c’est le témoignage de notre conscience (II Cor. I, 12) ». Chantons donc aussi à Dieu le verset suivant : « Seigneur, vous êtes mon aide, mon rédempteur ». Vous m’aidez dans le bien et me délivrez du mal. Vous êtes mon aide, afin que je demeure dans la charité; mon rédempteur, en me rachetant de mon iniquité.

DISCOURS SUR LE PSAUME XIX

LE CHRIST DANS SA PASSION

Ce psaume est le chaut de la résurrection, qui est la Gloire de Jésus-Christ triomphant des Juifs ses ennemis, et devenant notre médiateur dans le ciel.

POUR LA FIN, PSAUME A DAVID (Ps. XIX, 1)

1. Le titre nous est connu, ce n’est point le Christ qui parle, mais le Prophète qui parle au Christ, et qui chante l’avenir sous la forme d’un souhait.

2. « Que le Seigneur vous exauce au jour de la tribulation (Id. 2) ». Qu’il vous exauce au jour que vous lui avez dit: « Mon Père, glorifiez votre Fils (Jn. XVII, 1) ». « Que le nom du Dieu de Jacob vous protège ». Car c’est à vous qu’appartient le plus jeune des deux peuples, puisque l’aîné doit servir le puîné (Gn. XXV, 23) ».

3. « Qu’il vous protége du haut de son sanctuaire, et vous protége de Sion (Ps. XIX, 3) ; en sanctifiant votre corps mystique, ou 1’Eglise, qui trouve sa sûreté dans la contemplation, et qui attend que vous reveniez des noces.

4. « Qu’il se souvienne de tout votre sacrifice (Id. 4) ». Qu’il ne nous laisse pas oublier les outrages et les affronts que vous avez endurés pour nous. « Et qu’il rende suave le parfum de vos holocaustes ». Et que la douleur de cette croix, sur laquelle vous vous êtes offert tout entier à Dieu, se change en la joie de la résurrection.

5. « Diapsalma. Que le Seigneur vous donne selon votre cœur (Ps. XIX, 5) ». Que le Seigneur vous exauce, non point selon les désirs de ceux qui vous ont persécuté dans l’espoir de vous anéantir, mais selon votre coeur qui connaît les fruits de votre passion. « Et qu’il accomplisse tous vos desseins »; qu’il accomplisse, non-seulement ce dessein qui vous a porté à donner votre vie pour vos amis (Jn. XV, 13), afin que le grain mourût pour ressusciter en épis luxuriants (Id. XII, 14), mais encore celui par lequel l’aveuglement est tombé sur une partie d’Israël, afin que la plénitude des nations entrât, et qu’ainsi tout Israël fût sauvé (Rm. XI, 25) ».

6. « Nous tressaillerons dans votre salut ». Nous tressaillerons de l’impuissance de la mort sur vous; car vous nous montrerez ainsi qu’elle sera impuissante à nous nuire. « Et nous trouverons notre gloire dans votre nom (Ps. XIX, 6) ». Pour nous, confesser votre nom, nous conduira, non à notre perte, mais à la gloire.

7. « Que le Seigneur vous accorde toutes vos demandes (Ibid.) ». Qu’il exauce non-seulement les prières que vous lui avez faites sur la terre, mais celles que vous lui faites en (201) notre faveur dans le ciel. «Je reconnais maintenant que le Seigneur a sauvé son Christ». L’esprit de prophétie m’a fait connaître que le Seigneur doit ressusciter son Christ. « Il l’exaucera de son sanctuaire céleste ». Il l’exaucera, non-seulement quand sur cette terre il demandera d’être glorifié (Jn. XVII, 1) , mais lorsque dans le ciel il intercédera pour nous, à la droite de son Père, et répandra l’Esprit-Saint sur tous ceux qui croiront en lui (Act. II). « Il y a dans sa droite une puissance de salut ». Notre puissance est dans ses faveurs salutaires, alors qu’il nous soutient dans les afflictions, en sorte que c’est quand nous sommes faibles que nous devenons forts (II Cor. XII, 10). Car le salut des hommes est vain (Ps. LIX, 13), quand il est de la gauche et non de la droite de Dieu, puisqu’ils s’enflent d’un excessif orgueil, tous ces pécheurs qui trouvent leur salut dans les biens du temps.

8. « Ceux-ci mettent leur confiance dans leurs chariots, et dans leurs chevaux ». Les uns se laissent entraîner dans les évolutions successives de la fortune, et les autres se prévalent avec orgueil de leurs honneurs, et y placent leur félicité, « Pour nous, notre joie est dans le nom du Seigneur, notre Dieu (Id. XIX, 8)». Pour nous, notre espérance est dans les biens éternels, et sans chercher notre propre gloire, nous tressaillerons au nom du Seigneur, notre Dieu.

9. Ils se sont embarrassés, et sont tombés (Ps. XIX, 9). L’amour des biens temporels les a garrottés, ils ont craint que, s’ils laissaient vivre le Fils de Dieu, les Romains ne prissent leur pays (Jn. XI, 48) et en se heurtant contre cette pierre de scandale et d’achoppement (Rm. IX, 32), ils ont perdu l’espérance du ciel. Ils sont tombés dans l’aveuglement qui a frappé une partie d’Israël (Id. XI, 25); et, en voulant faire prévaloir leur propre justice, ils ont oublié celle de Dieu (Id. X, 3). « Pour nous, au contraire, nous nous sommes relevés pour nous redresser ». Pour nous, peuples de la Gentilité, nous étions des lierres, et Dieu a fait de nous des enfants d’Abraham (Mt. III, 9); nous ne cherchions point la justice, et nous l’avons embrassée (Rm. IX, 30), et nous voilà relevés ; ce redressement n’est point dû à nos forces, mais à la foi qui nous a justifiés.

10. « Seigneur, sauvez le roi », afin qu’a. près nous avoir appris à combattre par sa passion, il offre aussi nos sacrifices, après s’être ressuscité d’entre les morts, et installé dans les cieux. « Exaucez-nous, au jour où nous vous invoquerons». Et comme il sera notre intercesseur, vous nous exaucerez quand nous vous offrirons nos voeux.

DISCOURS SUR LE PSAUME XX

LES REPRÉSAILLES DE LA PASSION.

Ce psaume parait avoir le même sujet que le précédent; et, en l’appliquant à Jésus-Christ, nous retrouvons facilement cette gloire de la résurrection et de l’ascension qui a su compenser les ignominies du Calvaire.

POUR LA FIN, PSAUME POUR DAVID (Ps. XX, 1).

1. Le titre nous est connu, c’est Jésus-Christ que chante le Prophète.

2. « Seigneur, le roi s’applaudira de votre puissance ». Seigneur, le Christ, dans son humanité, s’applaudira de cette puissance qui a revêtu de chair le Verbe éternel. « Et votre salut le fera tressaillir d’allégresse (Ps. XX, 2) ». Il trouvera sa joie dans cette force qui donne la vie à toute créature.

3. « Vous avez accompli les désirs de son Cœur (Ps. XX, 3) ». Il avait désiré manger la Pâque (Luc, XXII, 15), puis donner sa vie quand il voudrait, et la reprendre encore à son gré (Jn. X, 18), et vous le lui avez accordé. « Et vous n’avez point rendu vaine la prière de ses lèvres (Ps. XX, 3)». Il dit : « Je vous laisse ma paix (Jn. XIV, 17) ». Et il en fut ainsi.

4. « Vous l’avez prévenu par vos suaves bénédictions (Ps. XX, 4) ». Et comme il en avait savouré les douceurs, le fiel de nos péchés ne l’a point suffoqué. — « Diapsalma. — Vous « avez placé sur sa tête une couronne de pierres précieuses». Au début de sa prédication, vous l’avez environné de ces pierres précieuses, qui furent ses disciples, et qui commencèrent à l’annoncer au monde.

5. « Il vous a demandé la vie, et vous la lui avez donnée (Id. 5) ». Vous lui avez accordé la résurrection que demandait cette prière : «Mon Père, glorifiez votre Fils (Jn. XVII, 1). Vous lui avez donné de longs jours pour l’éternité (Ps. XX, 5) » les siècles de cette vie, qui mesurent la durée de son Eglise, et ensuite la durée des siècles éternels.

6. « Sa gloire est grande à cause de votre salut (Id. 6) ». En le ressuscitant d’entre les morts, vous avez mis le comble à sa gloire. « Vous le chargerez de gloire et d’honneur ». Vous ajouterez encore à sa gloire et à sa splendeur, en le plaçant, au ciel, à votre droite.

7. « Sur lui retomberont vos bénédictions éternelles (Id. 7) ». Et voici les bénédictions que vous lui donnerez dans les siècles « Vous le remplirez de joie devant votre face». La vue de votre face jettera dans une joie ineffable cette humanité sainte qu’il a reportée près de vous.

8. « C’est dans le Seigneur que le roi a mis son espoir ». Ce roi sans orgueil, mais humble de coeur, espère dans le Seigneur. « Et il sera inébranlable dans la miséricorde du «Très-Haut (Id. 8) ». Et cette infinie miséricorde ne troublera point l’humilité qui l’a rendu obéissant jusqu’à la mort de la croix.

9. «Que votre main se fasse sentir à tous vos ennemis (Id. 9) » .Quand vous viendrez, pour nous juger, que votre pouvoir, ô roi, se fasse sentir à tous vos ennemis qui ne l’ont point compris dans votre humilité. « Que ceux qui vous haïssent ne puissent échapper à votre droite». Que cette gloire, qui vous fait régner à la droite de votre Père, rencontre au jour du jugement et châtie ceux qui vous haïssent, puisque sur la terre ils ne l’ont point connue.

10. « Vous les embraserez comme une fournaise ». La conscience de leur impiété sera pour eux comme un brasier intérieur. « Au jour de votre visage », ou quand vous manifesterez votre gloire. « Le Seigneur, dans sa colère, les frappera de terreur, et ils seront la proie des flammes (Ps. XX, 10) ». Troublés par les célestes vengeances, et en proie au remords, ils seront dévorés par les flammes éternelles.

11. « Vous effacerez leurs fruits de la terre». Ces fruits sont terrestres, et doivent disparaître de la terre. « Et leur génération d’entre les fils des hommes (Id. 11) ». Vous anéantirez leurs oeuvres, ou vous ne compterez pas les hommes qu’ils ont pu séduire, parmi ceux que vous avez appelés à l’héritage éternel.

12. « Parce qu’ils ont fait retomber leurs malheurs sur vous ». Tel est le châtiment qu’ils ont provoqué, en cherchant à détourner, par votre mort, les maux qu’ils redoutaient, si vous eussiez été leur roi. « Ils ont formé des desseins qu’ils n’ont pu accomplir (Id. 12)». Ils formaient ces desseins, quand ils disaient . « Il est avantageux qu’un seul homme meure pour tous (Jn. XI, 50) »; dessein qu’ils n’ont pu accomplir, car ils ne savaient ce qu’ils disaient.

13. « Vous leur tournerez le dos», car vous les placerez parmi ceux dont vous vous détournerez avec mépris. « Et dans ce que vous leur laissez, vous vous préparez leur visage (Ps. XX, 13)». Ce que vous leur laissez, ce sont les désirs d’un royaume terrestre, et ces désirs stimuleront leur impudence ou leur visage, dans la passion que vous vous préparez.

14. « Elevez-vous, Seigneur, dans votre puissance ». O vous, Seigneur, qu’ils n’ont point reconnu dans votre humilité, élevez-vous dans cette puissance qu’ils ont regardée comme une faiblesse. « Nous bénirons vos grandeurs , nous les célébrerons sur la harpe (Id. 14) » Notre amour et nos oeuvres chanteront vos merveilles, nous les ferons connaître par toute la terre.

    

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