6
La renaissance du Laus

6-1-L’arrivée des Pères de Sainte-Garde

Pendant presque vingt ans Benoîte a connu l’épreuve, mais quoi qu’il dût lui en coûter, elle a obéi à ceux qui lui étaient tellement hostiles.  À partir de septembre 1712, le pèlerinage du Laus va être de nouveau entre de bonnes mains. Et Benoîte, qui a maintenant soixante cinq ans, aura la joie de voir le haut-lieu marial du Laus retrouver toute sa vitalité. Ce que l’on avait appelé l’éclipse du Laus, s’achevait.

En effet, “constatant les difficultés du Laus liées aux prêtres et à leur manque de zèle,” Laurent-Dominique Bertet et Joseph-François de Salvador se rendirent chez Mgr de Genlis. Une équipe de religieux missionnaires: les Gardistes, s’installa au Laus, envoyée par Mgr de Genlis, évêque de Gap. Le Laus allait revivre. “Il y eut plus de retraites, plus de confessions que jamais. Dieu autorisa la dévotion des pèlerins par de nouveaux miracles, et les missionnaires en furent eux-mêmes plus d’une fois les témoins.” Un jeune prêtre, Jean-Baptiste Royère, l’un des premiers associés aux gardistes restera huit ans au Laus, et sera présent au moment de la mort de Benoîte. Mais qui sont ces religieux gardistes?

6-2-Origine de la congrégation des prêtres de Sainte-Garde

        6-2-1-La vocation d’Alexandre Martin

En 1657, Alexandre Martin avait 37 ans quand il fut nommé curé de Saint-Didier, près de Vénasque. Encouragé par son confesseur, Paul d’Andrée, il construisit, le long du chemin de la colline allant de Saint-Didier à Vénasque, des oratoires consacrés aux quinze mystères du Rosaire. Au moment de construire le dernier oratoire, au sommet de la colline, il entendit une voix qui lui disait: “Je veux une chapelle au titre de Notre-Dame de la Garde, en ce lieu. La chapelle fut consacrée le 9 juin 1666.[1]  Puis, sur le conseil de Paul d’Andrée, il bâtit, non loin de là, quelques cellules pour les prêtres que Dieu lui enverrait et qui iraient ensuite prêcher l’Évangile “en divers endroits de la chrétienté.”

En 1668, Bernard Albert, membre des Religieux Minimes établis à Notre-Dame de Vie près de Vénasque, vint trouver Alexandre Martin pour lui exposer son désir de fonder une congrégation de prêtres séculiers missionnaires, tertiaires de Saint-François-de-Paule[2]. Avec le concours de Jérôme-François d’Étienne, Minime lui aussi, ces trois prêtres établirent un premier Règlement, et attendirent l’heure de Dieu. Cette attente dura trente ans.

En septembre 1698 un jeune prêtre, Laurent-Dominique Bertet, envoyé par un laïc, Esprit de Benoît, eut, en arrivant près de la chapelle de Sainte-Garde, une étrange vision: trois globes de feu formant un triangle s’unirent et disparurent à son approche. La chapelle s’illumina bien qu’il n’y eut personne: Laurent-Dominique Bertet comprit que Dieu l’appelait là. Le 8 décembre 1699, Martin, Bertet, Esprit de Benoît et Joseph-François de Salvador, un ami de de Benoît, se consacrèrent à la Vierge Marie dans la chapelle de Sainte-Garde. Bertet fut nommé supérieur de la communauté naissante. Alexandre Martin mourut le 13 juillet 1703.

        6-2-2-Rencontre avec les missionnaires de Sainte-Croix

Durant l’hiver 1703-1704, les prêtres de la Sainte Garde donnèrent une mission à Tarascon et rencontrèrent les Missionnaires de Sainte-Croix.  Un projet s’ébaucha entre Laurent-Dominique Bertet et Pierre-André Tirani le fondateur de Sainte-Croix; le double but de ce rapprochement était de donner des missions et de former des séminaristes. Le 15 septembre 1711 fut réalisée la fusion entre les deux sociétés. Le 2 septembre 1712 fut signé l’Acte définitif introduisant au Laus les nouveaux directeurs. Bertet, choisi comme supérieur général des Gardistes, s’installa au Laus dès l’hiver 1712.

La spiritualité des Gardistes est relativement simple: sainteté de vie, obéissance et pureté d’intention. Laurent-Dominique Bertet invitait ses confrères à avoir un attachement sans faille à l’Église catholique, et en particulier au pape, et à combattre sans trêve ni merci, les hérésies du temps. Il conseillait vivement la dévotion au Sacré-Cœur. Il insistait aussi fortement sur la charité envers les pèlerins: “Je ne saurais vous rien marquer de plus conforme à l’esprit de Dieu, qu’en vous priant de ne penser, de ne parler, et de n’agir que dans cette charité, mais charité telle que vous voudriez avoir à l’heure de la mort.” Il faut aussi dompter son esprit, l’enchaîner, l’écraser. Pour cela “la prière est le souverain moyen, mais il faut s’y appliquer entièrement.”

6-3-Des jours meilleurs pour le Laus

Dès la signature de l’Acte du 2 septembre 1712, le Père Joseph-François de Salvador, nommé supérieur de Sainte Garde, confia la direction du pèlerinage du Laus à Laurent-Dominique Bertet. Après le départ des trois anciens chapelains diocésains, Pompée Rigord et François Berlhie vinrent l’aider. Puis un jeune prêtre les rejoignit: Jean-Baptiste Royère. Les pèlerinages reprirent comme avant; les retraites et les confessions recommencèrent; les conversions se firent de nouveau très nombreuses. Il y eut aussi des guérisons exceptionnelles.

Le Laus renaissait. La mission revivait, et Benoîte pouvait de nouveau rencontrer les pèlerins.

6-4-Les dernières années de Benoîte Rencurel

Le 19 septembre 1716, Benoîte, qui appartenait déjà au Tiers-Ordre de Saint-Dominique, fut reçue, avec François Aubin, dans le Tiers-Ordre de saint François de Paule soutenu par les Pères gardistes. Les membres entretenaient une intense vie de prière dans la paroisse de Saint-Étienne d’Avançon. Au Laus, il y avait toujours des guérisons miraculeuses. Mais déjà très fatiguée, les jours de fête, pour échapper à la foule, Benoîte se réfugiait dans la chambre située au-dessus de la sacristie; de là, elle assistait à la messe.

À partir de la Pentecôte 1717 la santé de Benoîte déclina rapidement. Mais le démon poursuivait ses attaques. Jean-Baptiste Royère écrit : “La plus violente de toutes ses attaques... a été faite la dernière fête de Pentecôte où elle a été battue et traînée pendant quatre heures dans tous les recoins de sa chambre. Le lendemain nous la fusmes voir ; elle nous montra un bras tout noir. Depuis ce jour-là son corps s’est enflé peu-à-peu : elle a souffert dans cette dernière maladie, jour et nuit, un martyre continuel, et je lui ai ouï dire que les mois lui semblaient des années.”

Le 8 novembre 1718, Benoîte rédigea son testament. Le jour des saints Innocents, elle demanda une messe à son intention, puis on lui donna l’Extrême-Onction: à partir de ce moment elle fut parfaitement heureuse et sa joie rayonnait. Vers huit heures du soir, elle dit adieu à ses nièces et à tous ceux qui se trouvaient avec elle. Puis elle demanda qu’on dise les litanies de la Sainte Vierge. Et elle décéda joyeusement. C’était le 28 décembre 1718; Benoîte avait 71 ans. On l’enterra le 29 décembre 1718 dans une tombe du cimetière du Laus, près de l’église. Elle fut plus tard placée dans l’église, là où elle repose toujours, et où elle est vénérée.

Après sa mort, écrit J.B. Royère “l’on trouva son corps tout meurtri; et sa mort n’étant venue que des coups qu’elle avait reçus, elle a reçu en même temps la double couronne de Vierge et de martyre.”

“Petite devant le monde, elle était très grande devant Dieu.”

Après la mort de Benoîte, Jean-Baptiste Royère écrit à François Malaval : “La sœur Benoîte est morte le soir des Innocents... Ne la pleurons pas, réjouisssons-nous avec elle... Depuis cinq ans que j’ai l’honneur de travailler ici, je n’ai rien trouvé dans Benoîte qui ne m’ait beaucoup édifié, jamais aucun emportement, une douceur d’ange, un zèle ardent et discret pour la conversion des pécheurs, une charité sans borne, donnant tout ce qu’elle avait pour soulager les pauvres, ne se plaignant point de leurs importunités, souffrant leur grossièreté sans jamais leur témoigner la moindre peine, se faisant toute à tous; souvent elle n’avait pas le temps de manger... Je ne vous parle pas... de l’esprit de prophétie qu’elle a eu depuis son enfance et dont nous avons des preuves évidentes... Enfin tout l’enfer s’était déchaîné contre elle, le démon l’a attaquée jusqu’à la mort, mais il a été vaincu...


[1]  À la même époque la construction de l’église du Laus commençait.

[2]  Fondateur des Minimes

    

pour toute suggestion ou demande d'informations