49. Le comte Diarmitius, était alité depuis bien longtemps;
Malachie, après lui avoir fait les plus vives réprimandes,
parce qu'il était un homme méchant et adonné avec
excès aux plaisirs de la table, l'aspergea d'eau bénite et
le fit lever aussitôt avec une santé si bien rétablie
qu'il monta sur le champ à cheval; ni lui ni les siens n'espéraient
point qu'il pût être jamais en état de le faire. Comme
il était à Calais, un homme vint le trouver avec son fils
qui était paralytique en le priant de le guérir; Malachie,
après une courte prière, dit à ce père. Allez,
votre fils sera guéri. Cet homme s'en alla et le lendemain il revint
trouver le Saint avec son fils, qui n'était point encore rendu à
la santé. Alors Malachie se lève et se penchant sur l'enfant,
il prie pour lui un peu plus longtemps et le guérit, puis se tournant
vers son père il lui dit: Offrez-le à Dieu. Il lui promit
de le faire, mais il ne tint pas sa promesse. Quelques années plus
tard, son fils retomba dans le même état, sans doute à
cause de la désobéissance et du manque de parole de son père.
Un autre père vint trouver Malachie de fort loin, quand notre Saint
se trouvait dans la province de Munster, et lui présenta son fils
qui était perclus de ses jambes. Interrogé comment cela lui
était arrivé, ce père répondit qu'il croyait
fort que c'était par la malice du démon, et il ajouta: C'est
lui, sans doute, si je ne me trompe, qui le fit tomber dans un profond
sommeil pendant qu'il jouait dans un pré, car à son réveil
il était en cet état. Et, en pariant ainsi il fondait en
larmes et suppliait Malachie de lui venir en aide; le saint évêque,
touché de compassion pria pour lui et ordonna au malade de retourner
dormir au même endroit. Il le fit et se réveilla guéri.
Comme il était venu de loin, Malachie le retint pendant quelque
temps avec lui; il s'en faisait accompagner dans ses promenades.
50. Dans le monastère de Benchor, il y avait un pauvre qui recevait
sa nourriture de la charité des religieux: il en recevait tous les
jours une aumône, pour quelques petits services qu'il leur rendait
au four à pain. Il était perclus des jambes depuis douze
ans et ne marchait plus que sur ses mains, traînant derrière
lui ses jambes mortes. Le trouvant un jour tout triste et tout chagrin
devant sa cellule, Malachie lui demanda la cause de sa tristesse : et lui,
vous voyez, répond-il, depuis combien de temps je suis misérablement
affligé et frappé de la main de Dieu, et voici maintenant,
pour comble de malheur, que les hommes qui devraient, eux au moins, avoir
pitié de moi, rient de mon triste état et me reprochent mon
malheur. En l'entendant parler ainsi, le Saint se s
sentit touché de compassion et leva les mains et les yeux au ciel,
fit une courte prière et rentra dans sa cellule; cependant le pauvre
perclus se lève et, se tenant sur ses pieds il se demande s'il est
véritablement guéri, si ce n'est pas un songe : il essaie
de faire quelques pas, car il n'osait croire qu'il pouvait marcher; mais
enfin, comme s'il se fut éveillé d'un profond sommeil, il
ne doute plus de la grâce que le Seigneur lui avait faite ; il marche
sans crainte et revient au four en sautant de joie et en rendant grâce
à Dieu. En le voyant, ceux qui le connaissaient, pensèrent
qu'ils avaient un fantôme devant les yeux et furent saisis d'étonnement
et frappés de stupeur. Malachie guérit de même par
une seule prière un homme hydropique qui se fixa dès lors
au couvent où il garda les brebis.
51. La ville de Cork n'avait point d'évêque, on se mit
en devoir d'en élire un, mais les électeurs se divisèrent,
chacun voulant un évêque de son choix, non pas du choix de
Dieu. A la nouvelle de ces dissensions Malachie se rend dans cette ville,
rassemble le peuple et le clergé et fait tous ses efforts pour mettre
tout le monde d'accord. Ayant persuadé aux électeurs de s'en
remettre à lui pour le choix de leur évêque puisque
leur église ainsi que toutes celles de l'Irlande, était plus
particulièrement confiée à sa sollicitude, il leur
donna aussitôt, non pas un noble du pays mais un étranger,
un homme pauvre, mais saint et instruit. On va le chercher, mais on répond
qu'il est couché malade dans son lit et si faible qu'il lui est
impossible de sortir à moins qu'on ne le porte. Alors Malachie s'écrie:
qu'il se lève, je le lui ordonne au nom du Seigneur, l'obéissance
le sauvera. Que faire? il voulait obéir, mais il ne se sentait point
en état de le faire; d'ailleurs, quand même il aurait pu se
rendre à l'appel de Malachie, il se sentait effrayé à
la pensée de devenir évêque. Ainsi, pendant que voulant
obéir il en était retenu par un double ennemi de l'obéissance,
le poids du mal et la crainte de l'épiscopat, l'obéissance
l'emporta pourtant quand elle se sentit aidée par l'espérance
de la santé. Il fait donc un effort, se bouge un peu, essaie ses
forces et trouve qu'il en a plus que de coutume. La confiance lui revient
alors avec les forces, et en s'accroissant, elle augmente à son
tour les forces du corps. Enfin il peut se lever seul, il marche un peu
plus facilement, il n'éprouve même plus de fatigue à
marcher, bref il se trouve ingambe et plein de vie et se rend, sans le
secours de personne, auprès de Malachie qui le prend par la main
et le conduit dans la chaire de son église aux applaudissements
du peuple fidèle et du clergé. Tout cela se fit sans difficulté
aucune, parce qu'on vit le miracle que le Saint venait de faire, et celui-là
ne fit aucune difficulté d'obéir quand il connut d'une manière
si évidente que telle était la volonté même
de Dieu.
52. Il y avait une femme qui avait une perte de sang, c'était
une personne de distinction que Malachie affectionnait tout particulièrement,
non pas tant toutefois à cause de sa noblesse qu'à cause
de ses mœurs. Comme elle s'affaiblissait de plus en plus par la perte
de son sang et se trouvait à la dernière extrémité,
elle envoya dire à l'homme de Dieu de prier pour l'âme de
celle qu'il ne devait plus revoir en cette vie ; c'était le seul
service qu'il pût désormais lui rendre. A cette nouvelle,
Malachie se sentit vivement peiné; car c'était une femme
de bien et sa vie était féconde en bonnes œuvres et en bons
exemples. Comme il ne pouvait se rendre auprès d'elle assez vite,
il appelle le jeune Malch, dont nous avons parlé plus haut, frère
de l'abbé Chrétien, et, comme il était plus alerte
que lui à cause de son âge il lui dit: « Hâtez-vous
d'aller lui porter ces trois pommes sur lesquelles j'ai invoqué
le nom du Seigneur; j'espère que si elle en goûte elle ne
mourra point sans m'avoir vu , bien que je ne puisse pas aller aussi vite
que vous. » Le jeune Malch accourt en toute hâte, selon la
recommandation du Saint et arrive auprès de la mourante, comme le
serviteur d'un second Élisée, mais pour être plus heureux
que lui dans sa mission (Reg., IV, 29). Il lui dit de faire tout son possible
pour recevoir et pour goûter la bénédiction que Malachie
lui envoie. Pleine de bonheur, en entendant prononcer le nom de Malachie,
elle fait signe, car elle ne pouvait plus s'exprimer autrement, qu'on la
lève un peu afin qu'elle puisse faire ce que le Saint lui ordonne.
On la lève en effet, elle goûte du finit bénit et aussitôt
elle se sent fortifiée, la parole lui revient et elle rend grâces
à Dieu. Le Seigneur lui envoya un sommeil dont elle était
privée depuis aussi longtemps que de nourriture et elle reposa doucement.
Cependant le sang s'arrêta et, lorsqu'elle se réveilla peu
de temps après, elle était guérie, mais se trouvait
encore bien faible à cause du sang qu'elle avait perdu et du temps
considérable qu'elle avait été privée de nourriture.
Mais, le lendemain, l'arrivée tant désirée de Malachie
et sa vue complétèrent sa guérison.
|