Notre devoir c’est le bonheur!

1-Prologue

 Peut-on encore parler de bonheur
dans le monde d’aujourd’hui?

 

Peut-on encore parler du bonheur dans notre monde en détresse, dans notre monde en désespoir?

Pourtant, lorsque Dieu créa l’Homme, Il le créa pour que, participant à son bonheur divin, il soit parfaitement heureux.

Dieu est merveilleux dans sa création. Oui, tout est superbe, parfait, merveilleux dans la création, tant que nous ne l’abîmons pas. Tout est merveilleux dans la Création que Dieu a faite pour les hommes, et pour qu’ils soient heureux. Mais que sont les hommes, si petits, dans l’immensité de la création? Et comment peuvent-ils y être heureux?

Imaginons une fourmilière. Comme elles nous semblent petites ces pauvres créatures! Si petites mais si parfaites! Regardons-les travailler: leurs trois paires de pattes se débattent d’une manière extraordinaire et si parfaitement coordonnée... Quelle perfection! Mais où est le cerveau qui dirige cette perfection? Car il y a bien un cerveau dans la tête des fourmis... Immédiatement une autre question se pose: sont-elles heureuses dans leur vie de fourmis?

Quelle merveille que ces petites bête qui s’activent pour réaliser un travail qui nous semble si vain, à nous, hommes aveugles, mais travail nécessaire pour leur vie et leur survie. Ce travail, Dieu l’avait prévu de toute éternité, et Il le bénit. Dieu bénit ce travail des fourmis, à l’échelle des fourmis, perfection étonnante jusque dans les moindres détails, perfection déterminée avec amour pour des bestioles cependant mortelles. Tant de perfection destinée à disparaître! Pourquoi? Pour rien, comme ça, fantaisie ou caprice du Créateur?...

À moins que ces petites bêtes courageuses aient été destinées, un jour de l’éternel présent de l’éternité de Dieu, à servir à alimenter quelques contemplations des hommes qui cherchent Dieu... Car, à l’échelle du cosmos, les hommes sont à peine plus que des fourmis. Alors, que sommes-nous, que sont les hommes dans l’immensité de l’univers?

Oui, qu’est-ce que l’homme perdu dans l’univers? La question est effrayante quand on la pose ainsi, car il n’y qu’une réponse possible et terrifiante: rien! L’homme n’est rien, alors pourquoi existe-t-il? Pire, existe-t-il vraiment? Quel vertige! Pourtant, ce vertige s’apaise un peu lorsqu’on pense que l’homme est au centre de l’univers, entre deux infiniment grands: l’infiniment grand par rapport à nous et à nos unités de mesures humaines, et l’infiniment petit, infiniment grand lui aussi dans son extrême petitesse. Cela, c’est la science qui nous en fait prendre conscience... Pourtant cette situation devient vite tout-à-fait insuffisante et inconfortable. Est-ce une impasse? Et la seule issue est-elle la mort définitive dans un univers illusoire?...

Rêvons un peu... Pour Dieu, les hommes ont la taille des fourmis, et peut-être encore moins. Or la plupart du temps, les fourmis se trouvent dans un espace obscur. Elles travaillent, construisent des habitations, mangent, boivent, font la fête... Et peut-être crient-elles aussi, parfois, dans certaines circonstances, des slogans stupides, des cris de haine et de désespoir, car on peut, de temps en temps, les voir se battre entre elles, et se détruire comme pour le plaisir, comme font les hommes trop souvent...

Pourtant, dans notre fourmilière humaine, quelques hommes s’écartent des chantiers de haine pour rejoindre des petits groupes paisibles, illuminés par un rayon de lumière. La lumière vient d’en haut pour éclairer ces petits groupes qui ont choisi la paix. Bientôt, nous reconnaissons les saints. Ils sont là, ils avancent vers Dieu... Leurs efforts sont récompensés: ils sont comme aspirés dans le rayon de lumière, et pourtant ils sont toujours là. Nous les voyons. Que d’amour émane de ces groupes baignés dans l’Amour de Dieu! Comme ils paraissent heureux, lumineux qu’ils sont dans la lumière d’amour! Nous voudrions bien les suivre, mais...

Nous voudrions bien suivre les saints, ces géants de l’amour, mais nous n’y arrivons pas. Nous sommes bien trop petits, et nous avons du mal à coordonner les mouvements de nos pattes... de fourmis. Nous essayons de nous hâter, nous faisons des efforts, mais sans résultat!... Il faut dire que nos deux pattes arrière se sont engluées dans la boue qui se trouvait sur leur passage. Nous avançons en boîtillant, mais lentement et cela nous désespère. Nous voudrions bien arriver jusqu’à Dieu, comme les saints l’ont su faire, et nous appelons, nous crions au secours car nous sommes trop petits, trop incapables pour atteindre le rayon de lumière qui aspire les saints. Et qui les illumine!

Seigneur, nous sommes si petits dans la fourmilière. Seigneur Tu es si loin, si loin, et nous sommes si petits, et boîteux... Nous nous sentons impuissants, incapables de tout... Et nous sommes malheureux!

Alors nous regardons Jésus et ce que nous découvrons est stupéfiant: un moment nous restons sans voix, mais la découverte des anges et de tous ces êtres merveilleux qui nous protégent sur la terre délie nos langues. Les questions fusent et Jésus sourit. Nous découvrons aussi les mondes du Cosmos: tout est si beau, si merveilleux, si complexe, si bien organisé que nous ne pouvons nous empêcher de nous émerveiller... et de nous demander comment ça marche, et à quoi ça sert... À quoi ça sert? Mais à aider à construire le Corps mystique du Christ.

Dieu est Trinité. Dieu est Créateur et Il est Amour. Sa création ne sera achevée que lorsque le Corps Mystique de son Fils, le Christ total, sera achevé. Or l’Église, c’est le Corps Mystique du Christ, ce Corps Mystique qui englobe toute l’humanité, tous les hommes, ceux de l’Ancienne alliance et ceux du Nouveau Testament, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui, et aussi ceux de demain. A tous ces hommes qui constitueront le Corps Mystique du Christ, deuxième Personne de la Trinité, à tous ces hommes qui sont l’Église du Seigneur, à tous ces hommes que Dieu a créés avec tant d’amour puisqu’Il n’est qu’Amour, Dieu n’a demandé qu’une chose: répondre librement à son Amour, et lui rendre amour pour Amour. Hélas! trompé par le démon, l’homme n’a pas voulu; la chute, on la connaît et ses conséquences aussi: le mal, le malheur et la souffrance.

Dans son Corps Mystique, Jésus est la tête, les hommes sont les membres. Il est la Vigne, et nous sommes les branches. Quand un corps souffre, la tête et les membres souffrent aussi. Les hommes qui blessent un membre du corps blessent l’ensemble du corps. Alors la clé du problème ne serait-elle pas là? Certainement, mais revenons à la création.

Un jour de l’éternité, jour de l’éternel présent de Dieu, le Père, par son Verbe, créa les univers: Dieu a été, et est toujours la cause première de la Création. La création était excellente, et Dieu l’aima. Mais, comme les univers étaient matière, Dieu lui donna des lois: en effet, pour que tout “tourne” à la perfection, des règles étaient indispensables, sinon ce serait le chaos. Ces règles ne devaient sous aucun prétexte être transgressées. Le “mouvement” imposé à la création par les règles infiniment sages étaient comme des causes primo-secondaires d’où pouvaient naître des causes secondes, bonnes, elles aussi, à condition que les causes premières soient respectées; mais pourquoi ne le seraient-elles pas, puisque tout était bon, et que les anges étaient chargés de tout surveiller?

Et puis un jour Dieu créa l’Homme: homme et femme Il le fit. C’était excellemment bon. Dieu souffla son Esprit sur l’Homme, et Dieu aima l’Homme, et Il fit ses délices de la compagnie des hommes. Toutes les causes premières et primo-secondaires étaient parfaites. Dieu aimait tellement l’Homme qu’Il lui demanda de L’aimer en retour... Tout était si bon dans la Création, et l’Homme qui aimait Dieu était si heureux...

Pourquoi fallut-il que Lucifer vint troubler toute cette perfection et tout ce bonheur? Pourquoi, lui, lumière créée, mais lumière quand même, pourquoi refusa-t-il l’amour et le bonheur que Dieu lui proposait? Et pourquoi, devenu malheureux, voulut-il rendre aussi les hommes malheureux en les séparant de Dieu?

Nous avons dit plus haut que, dans la création, les causes premières étaient parfaites. Dieu nous créait, Dieu nous aimait, et Dieu nous demandait de L’aimer en retour: pour cela Il nous avait créés libres, car l’amour véritable exige la liberté. Dieu nous a créés par amour, et en nous donnant la vie, Il a dit à chacun de nous: “Je T’aime! En retour aime-Moi.” Mais l’amour n’a rien à voir avec des instincts, aussi nobles soient-ils, aussi vitaux soient-ils mais toujours programmés. L’amour est incompatible avec des conditionnements qui nous font agir selon des règles, des réactions établies d’avance. L’amour ne peut être qu’une réponse libre à l’Amour créateur. Comment concilier notre liberté pour aimer vraiment Dieu, et le respect de nos instincts vitaux? Comment un être soi-disant libre doit-il cependant obéir à Dieu, et comment l’obéissance à la volonté de Dieu peut-elle ne pas être une entrave à sa liberté?

Pour aimer vraiment il faut être libre. Et Dieu nous aimait tellement, et Il désirait tellement que nous L’aimions aussi, qu’Il nous a créés libres, libres de dire oui à son Amour. Tout cela, c’est facile à comprendre. Dieu nous a créés libres et, en nous donnant ses commandements d’amour, Il nous a fortement conseillé de ne pas les violer. En effet, si on refusait les règles de base de la vie: les commandements de l’amour de Dieu, on déréglait les causes premières, et Dieu, respectant notre liberté, laissait agir les causes secondes... Les conséquences, on les voit en contemplant le spectacle du monde d’aujourd’hui.

Nous venons de dire que seuls les êtres libres peuvent aimer. Pour aimer librement, il faut choisir d’aimer aussi les commandements de Dieu, car là où il n’y a pas de choix, il n’y a pas de liberté, donc pas d’amour et pas de bonheur. Or, dans notre monde actuel, des millions de gens, peut-être même des milliards ne connaissent pas Dieu: on ne leur parle jamais de Dieu et encore moins du Christ. Une énorme majorité de nos contemporains n’a même aucune idée de ce que sont les dieux, ces idoles qu’honoraient nos ancêtres, de faux dieux, cela est certain, qui avaient cependant le mérite de faire comprendre que les hommes ne s’étaient pas faits tout seuls et qu’il y avait autour d’eux des forces qui manifestaient d’autres puissances, parfois tellement redoutables qu’il fallait se les concilier par des sacrifices.

Aujourd’hui, dans de nombreux pays, les petits enfants ne connaissent pas Dieu car on ne leur en parle jamais. Ils ne peuvent donc pas L’aimer puisqu’ils ne peuvent pas Le choisir: on ne choisit que ce que l’on connaît. Comme ils ne peuvent pas choisir, ils n’ont pas de liberté... Pourtant Dieu ne fait pas naître les hommes pour le plaisir de les voir souffrir, puis de les détruire? Une question redoutable se pose: pourquoi tous ces gens ne sont-ils pas libres, et pourquoi ne peuvent-ils pas aimer? Or, s’il n’y a pas d’amour, il n’y a pas de bonheur. Mais l’amour exige la liberté, et il n’y a de liberté que s’il y a choix. S’il n’y a pas de choix, il n’y a pas de liberté, donc pas d’amour et pas de bonheur...

Quand les causes secondes s’avérèrent trop désastreuses, Dieu-Père, qui continuait à nous aimer, pris de pitié miséricordieuse, envoya son Fils réparer nos dégâts, et nous rendre le bonheur d’amour que nous avions perdu. Et Jésus, le Fils de Dieu emprunta un corps de créature, un corps d’homme pour se faire l’un de nous et venir à notre secours, nous sauver, et nous rendre l’amour. Sa venue sur la terre fut d’abord la source d’un immense bonheur, comme nous le rappelle l’Évangile de Saint Luc: le premier mot d’Élisabeth accueillant Marie fut, en effet, un cri de bonheur: “...D’où m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Sauveur?...” Le petit Jean, sanctifié dès le sein de sa mère, aurait pu dire aussi: “D’où m’est-il donné que mon Sauveur, dont je ne suis pas digne de délier les cordons de la chaussure vienne à moi?”

Élisabeth, Jean, ont tressailli de joie, comme Marie qui exaltait son Seigneur dans une joie et un bonheur indescriptibles. 

Maintenant contemplons Jésus, adorons-Le et aimons-Le. Nous avons violé les lois du Seigneur, nous avons méprisé les règles de sagesse qu’Il nous avait données, et Il doit laisser agir les causes secondes... et nous récoltons ce que nous avons semé... Mais Dieu est toute miséricorde.

Pour nous sauver et nous rendre le bonheur, Jésus, le Fils de Dieu est venu parmi nous. Il s’est fait homme et Il s’est fait pauvre, car Il voulait nous montrer que seuls les cœurs pauvres sont vraiment heureux...

Essayons de pénétrer la pauvreté que Jésus désire de nous. Il existe parmi nous beaucoup de pauvres d’argent et de biens matériels dont le cœur ne désire que les richesses terrestres. Ils se plaignent de tout, ils accusent tout le monde, même ceux qui n’y sont pour rien, des soi-disant malheurs qui les accableraient. Ils accusent Dieu d’être responsable de leurs maux, alors qu’en réalité ce sont eux qui ont chassé Dieu de leur vie...

À l’inverse, il existe des gens riches matériellement ou qui ont au moins largement de quoi vivre. Ils sont à l’aise, et, déplorant vivement le sort de ceux qui sont moins favorisés qu’eux, ils font preuve d’une grande générosité. Ils sont heureux car, même riches de biens matériels ce sont des pauvres de cœur, au cœur pur.

Quel paradoxe que la pauvreté que Dieu désire pour notre bonheur! Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre, le Royaume de Dieu est à eux car ils possèdent Dieu! Ne pourrait-on pas ajouter: heureux ceux dont le cœur de pauvre se donne les moyens de pouvoir travailler pour les autres, et de faire travailler les pauvres... Heureux ces pauvres au cœur pur!

Heureux les cœurs purs, les cœurs transparents de Dieu, car ils révèlent Dieu à leurs frères. Heureux les cœurs pauvres, car ils savent partager tout ce que Dieu leur donne. Heureux les pauvres de cœur, car un jour ils découvriront que plus ils donnent, plus ils reçoivent...

Prenons un exemple et contemplons la vitre d’une fenêtre. La vitre reçoit le soleil, la lumière, et la chaleur. La vitre est traversée par le soleil, la lumière et la chaleur. Touchons la vitre: elle est à peine chaude, simplement à la température ambiante, rien de plus. Elle ne brûle pas, car elle a laissé passer la chaleur sans la retenir. Regardons-la, il n’y a pas de lumière en elle car elle a tout laissé passer. La vitre n’a rien pu garder pour elle: elle est transparente... Mais autour d’elle il y a la vie, il y a de la lumière et du bonheur. Et la vitre semble heureuse car elle remplit sa mission: elle réalise, sans orgueil, ce pour quoi elle a été créée: laisser passer la lumière et la chaleur. La vitre est comme l’image de la pauvreté des cœurs.

Cela, c’est la pauvreté que Jésus désire de nous: la pauvreté des cœurs purs et humbles qui ne sont que des transparences de Dieu. Le Seigneur peut les combler de biens, matériels ou spirituels, ou même intellectuels, mais ces biens ne doivent que passer à travers eux, comme à travers une transparence qui laisse passer Dieu. Les cœurs pauvres ne doivent être que des transparences de Dieu pour le bonheur et le salut des hommes que le Seigneur met près de nous. Heureux les cœurs pauvres et purs, transparents de Dieu!

Jésus-Christ est venu sauver les hommes, et, pour le faire, Il a choisi de vivre dans le monde des pauvres de cœurs. Pourtant, si nous ne considérons que la vision horizontale des choses, les hommes que nous sommes semblent encore bien perdus entre les infiniment grands. Cette vision horizontale, c’est la vision de la création matérielle. L’homme, matière, est bien situé au centre du monde matériel. Mais l’homme est aussi esprit et Il ne faut pas oublier l’aspect vertical, car seule la vision verticale peut nous permettre de le situer dans le monde des esprits et le monde de Dieu.

Nous sommes chair, donc matière, mais matière vivante et sensible, et dotée d’une âme, qui est esprit, mais esprit créé. Dieu seul EST et Dieu est créateur par son Verbe. Le Verbe de Dieu a comme dessein l’édification de son Corps Mystique, Corps de Jésus en Croix, ressuscité et éternellement vivant. La création matérielle peut être considérée comme les bras horizontaux de la Croix vivante du Christ. Et la partie verticale?

Dieu-Esprit-pur crée les multitudes d’esprits angéliques qui doivent Lui rendre gloire éternellement. Ce sont les anges, tous les chœurs des anges et peut-être d’autres esprits que nous ne connaissons pas... Mais, dans ce monde des esprits, il ne faut pas oublier les âmes des hommes, qui sont, elles aussi, des esprits. Si donc on considère les mondes des esprits comme constituant la branche verticale de la Croix du Corps du Christ, alors, l’homme qui est à la fois matière et esprit se situe au centre de la Croix, au Cœur de la Croix, au cœur du Corps mystique de Jésus. On peut comprendre dans ces conditions que Dieu fasse ses délices de la compagnie des hommes, car l’Homme, lien entre les mondes des esprits et de la matière, se trouve au cœur de la Croix du Bien-Aimé.

L’homme est situé à la croisée des chemins des mondes angéliques et des esprits, et des mondes de la matière. On peut, dans ces conditions, comprendre la haine de Satan à l’encontre des hommes qui sont dans le Cœur de Dieu. Les hommes sont chair et esprit; ils sont les éléments constituant du Cœur du Christ. Dieu le Père demande aux anges d’adorer son Verbe dans son Corps mystique à la fois esprit et matière. Satan se croit tellement supérieur à la matière qu’il refuse l’adoration due au Verbe de Dieu incarné.

Quand on a compris que les hommes se situent entre les mondes des esprits et la matière inerte, le mystère du Christ devient lumière et le bonheur des hommes existe, même si parfois il est douloureux: car la Miséricorde de Dieu, c’est le mystère du Christ, le mystère de la Croix. Dès l’origine, Dieu révèle son Amour et sa miséricorde: oui, les hommes ont péché, mais Lui est Amour. Alors, Dieu se réserve un tout petit peuple, son peuple élu qui n’aura qu’un seul commandement: “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu... et Tu n’adoreras que Lui seul!”  Mais le peuple pleurnichait constamment: la vie était rude avec Dieu. Et le peuple regardait vers les idoles des autres peuples... et le peuple péchait, et Dieu se fâchait... Heureusement, il y avait toujours quelques pauvres qui demeuraient fidèles à l’Amour, et ce Petit Reste avait toutes faveurs du Père, car ce Petit Reste préparait la venue du Fils-Rédempteur.

De nos jours, il en est encore de même. L’Église du Christ réagit comme le peuple hébreu: il y a eu des scissions douloureuses qui durent toujours. Et dans l’Église, il y a beaucoup de personnes qui lorgnent vers les idoles. Ce ne sont plus les mêmes idoles: les nôtres ont nom argent, sexe, guerres, domination, pouvoir, etc, mais elles sont redoutables.

Nos idoles ont introduit les hérésies dans l’Église; le peuple de Jésus, est devenu athée et malheureux. Et Jésus pleure; son Petit Reste pleure, avec Lui... Que va devenir le Grand Reste, celui qui ne connaît pas Dieu. Pourtant, ce sont aussi les enfants de Dieu, et Dieu ne s’amuse pas à créer des hommes, des hommes qui sont ses délices, pour ensuite les emmener en enfer. Et nous prions: Jésus, pourquoi le Grand Reste ne revient-il pas à Dieu? Pourquoi ceux qui devraient enseigner n’enseignent-ils plus? Pourquoi, pourquoi, pourquoi???  C’est à cause de cela que le bonheur, sur la terre, ne pourra jamais être plénitude de joie.  

Mais Dieu, Lui, est toujours fidèle, toujours à la recherche des brebis égarées, blessées, désemparées, douloureuses. La bonté de Dieu nous émerveille. Sa douceur nous intimide. Son humilité ouvre nos cœurs, et nos âmes s’emplissent de reconnaissance, d’amour et de bonheur. Le Seigneur aime toutes ses brebis égarées, même celles qui ne Le connaissent pas ou qui Le refusent encore. C’est pourquoi, sur la terre, le bonheur de ceux qui ont répondu à la miséricorde divine n’est jamais total; il n’est jamais vraiment malheur, mais il est souvent accompagné de peine, de douleur, à cause de la peine des autres et de la compassion qu’ils leur portent.

À Gethsémani Jésus a connu cette peine, cette douleur, et Il a crié vers le Père...  Il criait vers le Père pour le salut du Grand Reste, pour nous tous. Jésus n’avait pas de consolateur sauf peut-être quelques saints, des petites âmes bien cachées dans les herbes et les pierrailles de Gethsémani et de son Chemin de Croix, des toutes petites âmes, trop petites pour être vues, même des prophètes. Mais maintenant, Jésus, qui a connu toutes les détresses humaines, console ceux qui pleurent et qui pleurent à cause de Lui. Et quel bonheur d’être consolé par Lui! “Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront  consolés!” Bienheureux ceux qui pleurent à cause de Jésus, ils seront consolés par Jésus!  

La Passion de Jésus, ce sont des hommes qui la Lui ont fait subir, ce n’est pas le Père. C’est l’homme lui-même qui, tout au long du Chemin de Croix, s’attaquait à son propre corps. Ceux qui maudissaient Jésus, c’est-à-dire les membres du Corps, maudissaient la tête du Corps Mystique. Ceux qui frappaient Jésus, ceux qui Le clouaient sur la Croix, ceux qui commettaient l’injustice incroyable de supprimer l’Innocent, se frappaient eux-mêmes, se condamnaient eux-mêmes. Ainsi, ce sont des hommes, les membres du Corps mystique, c’est-à-dire nous tous, qui condamnions Jésus, et non pas le Père. De l’horrible boucherie, le Père est innocent; le seul coupable, c’est l’homme, c’est nous, c’est moi.

Dès lors, le fait que le Christ appelle des âmes à partager ses souffrances, pour le consoler à Gethsémani ou l’accompagner sur son chemin de la Croix, s’inscrit dans une logique lumineuse: les pécheurs eux-mêmes entrent dans le Mystère de la Rédemption. S’offrant, comme Saint Paul, comme humanité de surcroît à l’humanité de Jésus, ils deviennent participant de leur propre Rédemption. Ce n’est plus un innocent seul qui paye atrocement pour une humanité pécheresse, c’est cette humanité pécheresse qui, en toute justice, et dans l’Amour, unie au Corps Mystique qu’est l’Église, participe à son rachat et à son salut.

Aujourd’hui Jésus ajoute: “La seule offrande qui plaît à Dieu, c’est l’accueil de son Amour, c’est l’accueil de l’Amour, c’est l’accueil de Dieu.”  Alors comme les tout petits enfants accueillons l’Amour de Jésus.  Seul l’amour peut construire le Royaume, le Corps entier du Christ, l’Église qui veut chanter la Gloire de Dieu et bénir son Seigneur.

Poursuivons notre réflexion. L’offrande suprême, accomplie sur la Croix par Jésus, donc par Dieu Lui-même, manifestation de sa Miséricorde envers les hommes, va encore bien au-delà de la Rédemption et du salut des hommes. Par l’Eucharistie, Jésus, l’Agneau Immolé, transforme son sacrifice en action de grâce éternelle rendue au Père, et en sa présence permanente auprès des hommes.  

Dès lors, on peut s’émerveiller de L’Amour de Dieu, de sa beauté, de sa bonté, de sa miséricorde, de ses perfections, de sa douceur, de sa sollicitude, de sa patience; oui, on peut s’émerveiller de Dieu. Dieu est dans le Cœur de chaque homme. Et si nous L’aimons, Lui, Dieu notre Père, notre Amour, alors Il sera toute notre vie et tout mon bonheur. Et nous serons heureux, dès maintenant et pour toujours.

Dieu nous fait déjà comprendre que son Jardin merveilleux, c’est encore Lui, que son Cœur y habite car sa maison est là aussi. Jésus nous fait entrer avec Lui dans son Jardin et nous invite à le découvrir. Jésus nous fait comprendre que son Jardin à Lui, c’est la Création immense qu’Il a modelée avec amour et qu’Il a confiée à toutes ses créatures, celles des mondes visibles et celles des mondes invisibles, pour la surveiller, l’entretenir, la façonner au goût de chacun, et rendre grâce à Dieu qui a fait tant de merveilles...

Alors, dès aujourd’hui, chaque âme peut paraphraser le chant de l’épouse du Cantique des cantiques et s’adresser à Dieu, son Époux:

Je suis noire, mais je suis belle car Tu m’aimes et ton Amour me sanctifie, et Tu me parles ô Aimé, et Tu me rassures. Je suis noire mais je suis belle, oui, car dans ta tendresse, avant que je n’existe, Tu m’as longtemps pensée avec amour. Dans ta tendresse Tu m’as façonnée, ciselée... Je suis un joyau noir encore brut, un jais que Tu prends plaisir à travailler, une perle noire que ta Miséricorde affine dans son Coeur, un diamant noir que Tu regardes avec tant d’amour, que Tu tailles et polis, et que Tu purifies au feu de ton Amour jusqu’à la transparence. Je suis noire mais je suis belle, cachée en Toi et pour Toi; et Toi, mon Seigneur, Tu me redis: “Tu es belle, ô mon amie, tu es belle, tes yeux sont des colombes.” Et moi je Te réponds: ”Tu es beau, mon Amour, et charmant... et je T’aime.”

Il est temps pour nous de revenir sur la terre des hommes... Si nous savons redire souvent cette phrase de Bourdaloue qui fit le bonheur du Père Brottier, fondateur de l’œuvre des Orphelins d’Auteuil, nous serons toujours heureux, même dans les tribulations. “Seigneur, je ne sais si Vous êtes content de moi et je reconnais même que Vous avez bien des sujets de ne l’être pas; mais, pour moi, mon Dieu, je dois confesser à votre gloire que je suis content de Vous et que je le suis parfaitement.” 

Méditation

Prière à propos de la transfiguration de Jésus

Jésus, Tu emmènes avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Pour qu’ils soient forts pendant ta Passion, et qu’ils se souviennent de cette vision. Mais pourquoi eux seuls? Les autres aussi auront besoin d’être forts. Jésus, Tu emmènes avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Ils sont fatigués car il fait chaud, et le sentier qui monte vers le sommet de la colline est bien raide... Mais Tu veux qu’ils découvrent la joie de Te suivre, malgré l’effort que cela demande parfois. Mais pourquoi ces trois seuls? Les autres aussi auraient pu faire cet effort et connaître ta joie. Pourquoi toujours ces trois? N’est-ce pas injuste?

Jésus, Tu emmènes avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Tu as un enseignement important à leur délivrer, car ils devront, plus tard, fortifier leurs frères dans la foi... Mais pourquoi eux seuls? Les autres aussi devront plus tard, fortifier leurs “ouailles” dans la foi... Jésus, Tu emmènes avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Tu dois avoir une vraie raison pour n’avoir choisi que ces trois-là.

Jésus, Tu emmènes avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Vous voici au sommet. Pourquoi ces trois seuls? Jacques sera le premier de tes évêques martyrs. C’est une très grande grâce, mais une grâce redoutable: être le premier de tes martyrs... Pierre, bientôt Te reniera; Tu le sais. Mais Tu sais aussi que Pierre a besoin, plus encore que les autres, d’apprendre l’humilité: c’est une vertu si rare et si difficile, l’humilité...

Jésus, Tu emmènes avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Soudain paraît une grande lumière qui T’enveloppe tout entier. Et voici Moïse et Élie... Et une “une nuée les recouvrit, et une voix vint de la nuée: celui-ci est mon Fils Bien-Aimé, écoutez-Le.” (Marc, IX, 2-10) Jean se souvient: il a déjà entendu cette voix et ces paroles. C’était au bord du Jourdain, quand le Baptiste invitait la foule à recevoir un baptême de pénitence. La voix désignait Jésus, le Fils Bien-Aimé. Jean se laisse remplir d’amour, lui qui sera plus tard l’apôtre de l’Amour.

Jésus, Tu as emmené avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Voici que de nouveau Tu es seul. Seul avec tes trois apôtres à qui Tu devais apprendre l’humilité. Tu devais enseigner Pierre qui sera le chef: et Pierre devait apprendre de son Maître bientôt crucifié, que le disciple n’est pas plus grand que le Maître, et que, si le maître a été humilié, le disciple le sera aussi. Comme Jésus pardonnera les péchés des hommes, Pierre devra pardonner les péchés de ses frères. L’humilité, c’est la grandeur des forts, c’est la force des responsables. “Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde!”

Jésus, Tu as emmené avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Tu es seul avec les trois que Tu aimais. Tu devais enseigner Jacques et le préparer, déjà, à ce qui sera son sacrifice suprême: “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour Celui que l’on aime.” Mais un tel sacrifice suppose que l’espérance habite le cœur de celui qui va mourir. Surtout quand celui qui doit faire ce sacrifice est choisi pour être le premier d‘une longue liste. “Bienheureux serez-vous quand on vous persécutera et qu’on dira toute sorte de mal de vous à cause de Moi, ... votre récompense sera grande dans le ciel.”

Jésus, Tu as emmené avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Toi, le Bien-Aimé du Père, Tu devais mettre au cœur de l’apôtre vierge, ”celui que Tu aimais”,  tout l’Amour dont il saura devenir l’apôtre infatigable. “Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu!”

Jésus, Tu emmènes avec Toi, Pierre, Jacques et Jean. Voici que ton humilité dévoile maintenant la splendeur de ta divinité. “Bienheureux les pauvres de cœur, le royaume de Dieu est à eux... Heureux ceux qui ont un cœur de pauvre, un cœur plein d’humilité... Bienheureux les cœurs purs, bienheureux les cœurs qui sèment la paix autour d’eux... Bienheureux ceux qui aiment!”

Jésus, nous avons tous péché, nous avons tous été la cause de ta Passion.  Ton Agonie durera jusqu’à la fin du monde, et jusqu’à la fin des temps nous devrons pleurer avec Toi les pleurs de ton Agonie. Sur la terre, le bonheur est à ce prix. “Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés!”
 

   

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