2 - Le spectacle du monde

L’étonnant vertige

Quand on regarde ce qui se passe dans notre monde que l’on a séparé de Dieu, on voit surtout de la haine, on parle partout de la haine ou des catastrophes engendrées par la haine. On a parfois l’impression que notre monde ne veut pas comprendre que l’Amour qu’est Dieu est blessé, douloureusement blessé: mais qui sait encore que l’Amour peut souffrir? Nos petits enfants ne connaissent plus Jésus-Christ, ils n’entendent plus parler de Lui, le mot “Dieu” est même une expression inconnue dont on ne connaît plus le sens. Nos familles se désunissent, se font et se défont, s’émiettent, et les enfants sont malheureux. Les guerres continuent partout dans le monde, les famines sévissent dans de nombreux pays...

Le spectacle de notre monde est tellement terrifiant que ceux qui connaissent Dieu et qui L’aiment, ne peuvent réprimer une prière d’une grande intensité dont on peut exprimer ici l’essentiel:

Prière

Jésus, nous T’aimons. Tu nous combles et nous voulons essayer de ne désirer que Toi, de ne vivre que de Toi, pour Toi et avec Toi. Tu nous rends heureux, Jésus, d’un bonheur incroyable, mais curieusement toujours douloureux. Car il y a les autres, tous les autres. C’est vrai, Seigneur, et cela Tu le sais, il n’est pas possible d’être pleinement heureux quand les autres que Tu aimes aussi sont malheureux, très  malheureux. Tant de nos frères sur la terre sont malheureux, et, bizarrement, ils ne savent même pas qu’ils sont malheureux. En effet, les plaisirs et les satisfactions qu’ils se procurent ne durent que peu de temps; alors, insatiables et jamais satisfaits, il leur faut toujours quelque chose de nouveau. 

La question essentielle est inévitable: comment peut-on être plongé dans le malheur, le malheur fondamental qui est la privation de Dieu, sans même le savoir, sans même s’en apercevoir? Seigneur, nous T’en prions, montre-nous, montre-leur ton Amour, révèle ta bonté, ta miséricorde, viens nous sauver.  Notre monde moderne, celui qui, sur le plan matériel semble nanti, est en réalité très malheureux. Cela peut sembler normal: il refuse Dieu son Créateur, son Père. Mais ce qui surprend davantage, c’est que beaucoup d’hommes vertueux, chrétiens ou non, sont également très éprouvés, parfois même très cruellement. Pourtant, ils ont Dieu, ils Le connaissent et ils L’aiment. Alors? Comment supporter la souffrance de ceux que l’on veut conduire aux Béatitudes? Aujourd’hui tant de gens ne les comprennent pas, ils ne peuvent pas encore les comprendre... Mais un jour, quand ils auront ouvert leur cœur à l’amour de Dieu, ils les comprendront tellement qu’ils risqueront leur vie pour témoigner de Lui...

Le spectacle de notre monde contemporain peut souvent nous déprimer, mais nos cœurs s’ouvent avec les Béatitudes que Jésus-Christ nous a révélées. Oui, même aujourd’hui, malgré tous les malheurs qui nous entourent, nous pouvons être heureux!

Pour comprendre un tel paradoxe, il est nécessaire de considérer à la fois la Résurrection du Christ et son Corps mystique. Tout d’abord, il faut se dire, et se répéter que, si Jésus est ressuscité, Il est ressuscité avec toutes ses blessures, avec toutes ses plaies.

Jésus est ressuscité avec ses plaies! Dans sa gloire, Il n’oublie pas ses blessures, Il les glorifie! Jésus n’oublie aucune de ses blessures, ni ses blessures physiques, ni ses blessures morales, Il est ressuscité avec elles. Oui, elles sont toujous là, comme pour nous rappeler que c’est nous qui avons blessé l’Amour, mais que l’Amour nous a pardonné. Les plaies de Jésus ressuscité sont à la fois la réalité des douleurs qu’Il a endurées pour nous, et le signe de son pardon.

Jésus ressuscité nous montre ses plaies et Il nous dit: “Ces plaies, ces blessures, c’est vous qui me les avez faites. Mais Je vous les ai pardonnées. À votre tour, pardonnez à vos frères. Voyez comme J’ai pardonné toutes les blessures que vos fautes m’ont fait subir. De mes plaies, chacun de vous est la cause. Alors, comme moi Je vous ai pardonné, à votre tour, pardonnez. Vos blessures ne disparaîtront jamais, ce n’est pas possible: ce qui est fait, est fait. Mais quand vous avez pardonné vraiment à ceux qui en sont la cause, alors, elles deviendront le signe de l’amour.”

C’est ainsi que l’on peut comprendre que, dans l’Eucharistie, dans la pauvreté de l’Eucharistie, il y a aussi les plaies de Jésus, emplies de sa gloire de Ressuscité, et toute la richesse de son pardon. C’est ainsi que l’expression “consoler le Cœur de Jésus dans l’Eucharistie” peut se comprendre et prendre tout son sens.

Le langage de Dieu est silence, et nous ne savons pas écouter son silence. Le cœur de Jésus est silencieux et pourtant Il nous parle. Il nous dit: “Aime-moi, car Je t’aime.“ Il nous dit: “Je suis l’Amour. Je suis là, dans l’Eucharistie, bien vivant, tout prêt à vous écouter, à vous aider et à vous consoler. Mais d’abord aimez-Moi. Si vous M’aimez, vous découvrirez peu à peu les trésors de bonheur que Je vous réserve. Je dis: peu à peu, car vous n’avez pas la force de porter d’un seul coup tous mes trésors qui  sont infinis?” Oui, la véritable connaissance de Dieu nous la découvrons dans l’Eucharistie et le Cœur Eucharistique de Jésus.  L’Homme est dans le cœur de Dieu, dans le cœur de la Trinité, et le cœur de Dieu, c’est l’Eucharistie, c’est le cœur Eucharistique.

Tous ceux qui connaissent vraiment le Christ Le désirent, Le cherchent, ont besoin de Lui et de son Amour. Elles sont nombreuses les âmes qui cherchent Jésus, ils sont nombreux les cœurs qui L’aiment. Le Cœur de Jésus est plein d’amour. Son Cœur nous parle en restant silencieux. Son Cœur est silencieux, et pourtant il nous parle, mais nous ne savons pas L’écouter. Nous ne savons pas “entendre” la voix de son amour... Nous oublions que Jésus est Dieu et que Dieu est Amour. Nous ne pensons pas assez que dans son Eucharistie, les trésors de Jésus sont infinis; mais nous ne pouvons pas les voir tous car la force nous manque. Nous ne sommes pas capables de porter les trésors de Jésus, car ils sont infinis... Et puis, il ne faut pas oublier que nos cœurs et nos âmes sont parasités par nos péchés.

Méditons quelques instants sur la création. Un jour de son éternité, l’Éternel créa... Il fit tout: les anges, les esprit, les univers, les êtres vivants: végétaux et animaux, puis les hommes. Les hommes!... Comme Dieu les aimait! Ils étaient destinés à construire le Corps dont le Christ, le Fils unique et bien-aimé du Père serait la tête: il fallait donc qu’ils soient parfaits... De plus, Dieu voulait, puisqu’Il est Amour, que chaque homme le choisisse, librement, dans l’amour et par amour. Quel mystère!

Dieu créa et continue de créer chaque homme avec un amour infini, car Il a un projet sur chacun d’entre eux, car chaque homme que Dieu façonne est très bon, et le Fils, Jésus, sait où Il doit le mettre dans son Corps mystique, là où il sera éternellement heureux, et pourra éternellement louer le Seigneur tout-puissant et si bon. Mais cela ne peut se réaliser pleinement qu’à une condition: l’homme doit aimer le Seigneur son Dieu. Et qui dit amour dit liberté, et qui dit liberté, dit choix. Et pour aimer librement, Dieu et tous les hommes, il faut avoir un cœur grand ouvert.

Jésus reprocha aux scribes qui se croyaient savants et l’écoutaient en murmurant et en cherchant à le prendre en défaut, de n’avoir pas encore ouvert leur cœur... Mais, objectera-t-on, le cœur du paralysé que l’on fit passer par le toit, l’était-il davantage? En effet, Jésus commença par lui dire, voyant sa foi: “Tes péchés sont pardonnés.” Que de fois Jésus a commencé par guérir les cœurs blessés avant d’opérer une guérison! Il chassait les démons...

Mais, qu’était-ce que ces démons si nombreux qui avaient envahi le peuple juif de cette époque? Aujourd’hui on parle de maladies psychiques, mais en fait, il doit bien s’agir de la même chose. Les cœurs humains sont blessés, plus ou moins, et ils se sont refermés sur eux-mêmes et sur leurs misères: un pardon qu’on ne peut donner, des péchés inavoués et trop lourds à porter, des manques d’amour, des allusions blessantes, des calomnies mortelles, etc... Ces démons portent maintenant des noms savants de maladies psychiques, mais les possédés du temps de Jésus devaient probablement appartenir à cette même catégorie de malades, de pauvres malades dont le cœur ne pouvait plus s’ouvrir, ni à la guérison, ni au bonheur. Quand Jésus rencontrait ces pauvres parmi les pauvres, Il commençait par guérir les cœurs, Il chassait les démons et tous les parasites qu’ils avaient introduits...

Nos péchés, nos refus de Dieu, sont les parasites de notre âme. Notre âme et notre cœur sont comme parasités par nos péchés. Et ce sont ces parasites qui nous empêchent d’entendre la voix du Seigneur. Pire, ils peuvent, dans notre cœur, creuser des cavernes agissant comme des caisses de résonnance qui amplifient les tentations, les rendant tellement assourdissantes qu’elles empêchent d’entendre les appels du Seigneur, ou déforment ses mises en garde comme pour en modifier le sens. Expliquons-nous un peu:

Dans le monde animal, auquel nous appartenons par notre corps mortel, il existe de nombreuses catégories de parasites; beaucoup vivent de nous, et à nos dépens. Parmi ces parasites, il y a des vers qui rongent les tissus, affaiblissant les corps. Il y a tous les microbes, comme les bactéries ou les bacilles, par exemple, les bacilles de Koch, agents de la tuberculose. Quand on ne savait pas encore soigner cette maladie, les ravages demeuraient cachés, jusqu’à ce que, des cavernes creusées dans les organes atteints, jaillissent des hémorragies révélant la gravité du mal. Souvent, il était trop tard pour agir efficacement et obtenir une guérison.

Il en est de même pour nos âmes: quand le péché a trop creusé, dévoyé notre cœur, il devient presque impossible de résister aux tentations, qui ne sont même plus discernées: tout est bon, tout est bien, tout devient permis, même le pire... Les dégâts peuvent être dramatiques, irréparables...

Il y a d’autres parasites qui agissent comme les parasites sonores. Ces parasites sont très utilisés quand on veut empêcher les informations d’arriver. Leurs longueurs d’ondes, voisines ou multiples des longueurs d’ondes des messages ou des informations à transmettre, font qu’il devient très difficile voire impossible de comprendre quoi que ce soit. Pire, quand les ondes parasites entrent en résonnance ou en interférence avec les ondes utiles, plus rien n’est audible, que des bruits atroces brisant les oreilles. Il en est de même dans les cœurs. Quand les ondes parasites de Satan entrent en résonnance avec les ondes divines, le tapage devient infernal. C’est alors qu’il faut prier Dieu de nous délivrer des parasites sataniques, des parasites du péché qui infestent les cœurs, et de les nettoyer complètement de tous leurs parasites dont le plus terrible et le plus impitoyable est l’athéïsme.

Les actions des athées sont difficiles à comprendre. Pourquoi leur  acharnement à vouloir tuer Dieu qui n’existerait pas? Pourquoi arracher des cœurs malheureux ce qui pourrait leur donner un peu de soulagement? À supposer que les athées aient raison, au nom de la liberté qu’ils ne cessent de prôner, qu’au moins ils laissent libres ceux qui ont envie de croire en Dieu, si cela les rend heureux, et même si ce Dieu n’existe pas.

Quand nous essayons de nous mettre dans la peau d’un athée, nous sommes aussitôt saisis d’un désespoir terrible et accablés de tristesse: pourquoi est-ce que je vis? Et qu’est-ce que la vie? Une effroyable illusion? Cette merveille extraordinaire qu’est la Création est-elle destinée à disparaître définitivement, et pour aller où? On sait que tout se transforme dans la matière qui est créée capable de se transformer, mais pas de disparaître comme par enchantement, ne laissant que du vide. À moins que tout n’étant qu’énergie, et sachant que l’énergie qui devient chaleur se dégrade inexorablement, cette énergie dont tout serait fait ne serait plus rien...

Alors, comment “rien” peut-il redevenir “rien” après avoir été? Nous sommes en pleine absurdité, d’autant plus que notre intelligence qui nous permet de prendre conscience de ces choses ne serait plus, alors, qu’une... mais au fait, une quoi? Et quand nous pensons et agissons, c’est avec quoi? Du vent? Oui, mais du vent qui n’existerait pas. Une illusion? Oui, mais une illusion qui n’existe pas. Alors, comment une illusion qui n’existe pas peut-elle se présenter à nos esprits qui n’existent pas non plus?

C’est alors que, plongés dans l’absurdité des raisonnements athées, nous comprenons l’immensité du drame qu’ont vécu nos premiers parents quand ils ont voulu manger le fruit de l’Arbre de la connaisssance. Et force est de constater que plus on mange de ce fruit, plus on est malheureux. Et moins on sait, tout en croyant savoir davantage. Revenons aux athées: à quoi bon, et pourquoi, l’inflation de leur rage absurde de vouloir à tout prix rendre malheureux ceux qui cherchent le bonheur, et qui ne peuvent le trouver qu’en Dieu?... Il y a de quoi devenir fou. Quelle détresse infernale que celle de notre monde sans Dieu!

Tous ceux qui sont allés dans les pays arctiques connaissent les désagréments des milliards de moustiques s’acharnant contre tout ce qui vit. Ces moustiques, malgré leur petitesse, vivent, eux aussi. Les savants qui les étudient s’émerveillent de la perfection de leurs corps et de leurs instincts. Ces insectes vivent: ils se nourrissent, ils pondent des œufs microscopiques qui deviendront des larves puis, après d’étranges transformations, des insectes parfaits... Et le cycle recommencera. Nous les hommes, nous détestons les moustiques, mais nous ne pouvons nous empêcher d’admirer leurs sociétés étonnantes quoique éphémères. Et l’on ne peut s’empêcher de se dire: que sentent-ils, ces moustiques? Et, est-ce qu’ils s’aiment, ou ne sont-ils animés que par des instincts aveugles et violents? Que de mystères la connaissance soulève chaque fois qu’elle croit avoir résolu un problème! Car la création, nous ne pourrons jamais la comprendre dans son intégralité, d’autant plus que chaque découverte fait naître de nouvelles questions. Dieu seul sait.

Dieu contemple la terre, mais nous, nous ne voyons pas Dieu; nous savons seulement que nous sommes en Lui et que son Être divin, nous baigne tous tout entiers. Nous, nous sommes sur la terre, comme perdus dans l’immensité d’un essaim de moustiques humains. Si nous ne regardons que l’essaim des hommes, nous nous perdons dans une effroyable peur métaphysique que les athées ne veulent pas avouer. Si nous nous tournons vers Dieu, si nous captons l’Amour étonnant qu’Il est, nous devenons amour, nous aussi, et nous voudrions donner cet amour à tous ceux que nous rencontrons; malheureusement nous avons souvent l’impression de nous heurter à des murs qui empêchent l’amour de se répandre. Une nouvelle détresse nous saisit, et nous nous écrions: ”Jésus, souviens-Toi... Tu as vécu trente trois ans avec nous, chez nous, avec la même horloge que la nôtre, alors, comprends-nous. Tu as été vainqueur de la dictature du mal, de Satan, mais pour nous, l’adversaire est toujours là, et nous n’en pouvons plus. Seigneur! viens nous sauver! “

C’est vrai, nous savons bien que Jésus nous as déjà sauvés, mais nous, du XXIème siècle, nous sommes encore obligés de vivre sous la dictature du mal et nous ne voyons pas encore sa défaite définitive. Et nous avons peur, et nous avons mal, et des innocents sont tués dans leur corps ou dans leur âme. Et Satan semble régner... Et il nous faut une foi pas croyable pour continuer à vivre et à prier, et à chasser le désespoir quand nous regardons le monde dans lequel nous vivons... 

Notre monde moderne est comme un désert qu’un homme contemple. Tout est aride, sec, sans vie. L’humanité crie sa détresse: elle a soif et il n’y a pas d’eau. Il n’y a pas d’eau et aucun nuage n’est en vue, aucun espoir de pouvoir se désaltérer un peu dans une flaque qui se formerait, dans un oued qui coulerait si une pluie d’orage se déversait enfin dans ce désert désespéré... L’homme a beau scruter l’horizon: il n’y a rien.

Dans le froid désert de notre monde moderne, l’horizon est vide... La vie est morte et même les dunes semblent paralysées. Rien que le sable monotone dans le désert inerte. La soif devient brûlante et multiple: soif d’eau et de vie, soif de compagnie et d’amitié, soif d’espérance, soif de Dieu. Soif aussi de mouvements, n’importe lesquels, mais quelque chose qui bouge...

La solitude totale, le silence oppressant, la peur et l’angoisse absolues règnent dans l’immensité du désert du monde sans Dieu. L’homme s’est assis; il ferme les yeux car il n’y a plus rien à espérer que la mort dans le brouhaha du silence de ce désert hostile. L’homme s’est assis: il pleure... Il pense à sa famille, à ses amis; il pense à Dieu. Mais Dieu, où est-Il? Dieu entend-Il son cri d’appel d’homme perdu, découragé?

Dans le désert du monde moderne, l’homme s’est assis. Un profond soupir lui fait lever la tête... Tiens! que se passe-t-il là-bas? Pourquoi et comment un buisson brûle-t-il? Pourtant, l’homme l’avait bien vu, tout-à-l’heure, ce buisson auquel il ne restait plus que quelques brindilles incapables d’alimenter un feu, surtout un feu comme celui-là, un feu brillant et qui ne s’éteint pas... La curiosité pousse l’homme fatigué à se lever et à marcher vers l’objet de son étonnement. L’homme approche d’abord lentement, avec précaution, puis plus vite, car soudain il a oublié sa fatigue et son découragement. De loin, il contemple ce brasier ardent qui réchauffe son corps las et son cœur désabusé. Le feu brûle ardemment: pourtant rien ne paraît alimenter ses flammes joyeuses et comme vivantes. Dans le rayonnement du buisson ardent, l’homme sent qu’il retrouve sa joie, et l’espoir... Alors, n’y tenant plus, l’homme court vers le buisson ardent.

L’homme maintenant n’est plus qu’à quelques mètres de ce feu mystérieux. Il cherche à s’approcher davantage, mais quelque chose le retient:

 N’avance plus, dit une voix, ôte tes chaussures, car ce lieu est un lieu saint.

L’homme étonné s’arrête. De nouveau il a peur... Il regarde le feu qui vit d’une vie inconnue, merveilleuse. Il écoute la voix, mais il ne comprend pas. Il ne sait plus ce qu’il désire: s’enfuir ou rester? Mais il reste là, fasciné, et soudain sa crainte a disparu. L’homme sent sa vie renaître, ses forces se refaire. Près du buisson ardent l’homme se sent heureux, étonnamment heureux... Il voudrait rester là, toujours, mais de nouveau la voix se fait entendre:

 Ne crains plus. Tu viens de renconter Dieu... Maintenant, va vers tes frères, et porte-leur la chaleur du brasier, la chaleur de l’amour. Va conforter tes frères et leur donner la vie, la vie que je Te donne, la Vie de Dieu. Va, et prie, et aime, car la prière est amour, et la prière est vie. Écoute le cri de tous les hommes, tes frères, et va les soulager.

Oh! le cri des hommes vers Dieu! La Bible, dans ses prophètes, ses psaumes, etc, n’est qu’un cri d’appel, un cri de douleur: quand le Seigneur notre Dieu nous entendra-t-Il? Quand viendra-t-Il à notre secours? Et ce cri se répète, s’amplifie, devient une douleur immense qui emplit la terre et le Ciel...  Notre cri à nous, pauvres du XXIème siècle, ne fait que reprendre  l’appel de détresse des hommes pécheurs qui ont perdu Dieu, des hommes qui sont si petits, si petits et si seuls... Et cependant Dieu nous aime; et cependant Dieu entend notre cri, et Dieu nous répond, mais nous sommes si petits, si englués dans le péché, que nous ne L’entendons pas...

Nous sommes si petits, et pourtant si parfaits. Et nous oublions la perfection que nous sommes car nous avons oublié la perfection qui nous crée. Dieu est perfection et ce qu’Il crée est perfection; la liberté qu’Il nous a donnée après l’avoir confiée à ses anges est perfection aussi; mais nous sommes libres, libres de la rejeter... Mystère insondable: la créature peut refuser la perfection et même sa propre perfection, et dire non à Dieu. Et c’est la naissance du grand malheur de l’homme, alors que le bonheur nous attend...

Une étonnante méditation

La grande croix et les acariens

Seigneur, sommes-nous si petits?

Dans mon esprit, dans mon intellect, naît une grande croix. Mon intelligence me la montre sans que je la voie. Pourtant, bien qu’elle soit sombre elle aussi, elle  semble se détacher sur le ciel de l’univers. Dans cet univers de ténèbres, comme devait être, -peut-être?- le chaos initial avant que Dieu ne créât la lumière, la croix domine tout. Sous le pied de la croix, il y a une minuscule boule, la terre; et sur la terre, des milliards d’hommes... Nous sommes tous parmi ces miliards d’hommes. Et je crie, et j’ai peur...

Un jour, Dieu dit à Moïse: “J’ai entendu le cri de mon Peuple...” Dieu peut-il entendre le cri de son Peuple? Au milieu des milliards d’hommes, je crie de toutes mes forces, mais si le son de ma voix est à l’échelle de ce que mon esprit me “montre”, ou imagine, ça ne doit pas faire beaucoup de bruit, même si d’autres voix se joignent à ma voix.

Tout est sombre sur la terre comme est sombre la grande croix qui domine l’univers ténébreux. On ne voit rien sur la terre, sauf peut-être quelques petites taches minuscules de très faible lumière. Comme la lumière d’une luciole vue d’un avion... C’est le Petit Reste, le Petit Reste des élus qui crient vers Dieu autant qu’ils le peuvent. Mais Dieu entendra-t-Il les cris de détresse du Petit Reste, si faibles et noyés dans les cris de haine de tous les autres, atteindront-ils le Cœur de Dieu, résonneront-ils à ses oreilles divines? La grande croix sombre se détache toujours sur les ténèbres environnantes... Ce n’est pas encore la Croix glorieuse.

Oui, Seigneur nous savons bien que l’immense croix sombre deviendra un jour la Croix glorieuse, la Croix du Sacré-Cœur accueillant tous ses enfants dans les bras de son Amour. Oui, nous savons... Mais pour l’instant nous ne sommes que des fractions d’atome, noyés au milieu des milliards d’hommes tâtonnant dans les ténèbres, et nous crions vers Toi, Seigneur: “Seigneur, au secours, nous périssons, viens nous sauver!” Mais la Croix, l’immense croix sombre entourée de ténèbres demeure sombre, et le Petit Reste continue à crier...

Seigneur, nous sommes comme plongés dans un océan de ténèbres, et pourtant nous T’aimons! Et malgré nous crions et nous Te supplions: “Ô Dieu puissant, brûle-nous dans le Feu de ton Amour. Viens brûler dans ton Buisson Ardent, qu’il éclaire nos ténèbres, et qu’il réchauffe nos cœurs et nos esprits. Et qu’il nous brûle, Seigneur, que Ton Amour nous brûle et nous consume dans son Feu qui ne détruit pas. Ô Seigneur! nous Te prions, que le Buisson Ardent de ton Amour illumine un peu la grande croix qui voudrait devenir ta grande Croix Glorieuse.” 

Qu’est-ce que l’homme pour que Dieu pense à lui. Qu’est-ce que l’homme pour que Dieu se soit incarné dans un homme? Qui est l’homme que le Verbe de Dieu ait pris une chair humaine pour délivrer du péché ces êtres insignifiants et détestables? Qui est l’homme, si petit et si grand?

Dieu porte sa création tout entière dans sa Grande Main. L’univers tout entier, tout petit lui aussi, repose dans la “Main” de Dieu. La terre invisible est aussi dans la “Main” de Dieu. Et les hommes sont dans la “Main” de Dieu. Et Dieu aime les hommes et Dieu a mis les hommes dans son Cœur de Dieu!

Merveille des merveilles! Nous sommes tous dans le Cœur de Dieu. Nous sommes dans le Cœur de Dieu, avec tous les hommes qu’Il aime. Mais Dieu est Trinité. Le Cœur de Jésus, Verbe de Dieu, c’est le Cœur de Dieu. Le Cœur de Jésus est dans le Cœur du Père dans le Cœur de la Trinité. Et chacun de nous, avec Jésus, est dans le Cœur de Jésus: nous sommes dans le Cœur de la Trinité!!! Chaque hommes, avec tous les hommes est dans le Cœur de Dieu, dans le Cœur de Jésus, dans le Cœur de la Trinité! Dans le Cœur de l’Amour!  Nous adorons cette merveille, nous n’avons plus peur, nous n’avons plus le vertige... Nous sommes dans l’Amour... Nous savons que Dieu nous aime malgré notre petitesse. Nous nous abandonnons entre les mains de Dieu, dans son Cœur, dans son Amour: nous sommes en sécurité.   

Nous sommes dans la ”Main” de Dieu, mais si petits... car, toutes proportions gardées, même dans le Cœur de Dieu, dans la “Main” de Dieu, un homme, ce n’est vraiment rien dans l’univers qui nous paraît si immense. Et nous sommes totalement dépendants de Dieu: s’Il nous désire, nous existons; s’Il ne nous veut plus, nous disparaissons. Nous n’existons que par Dieu, et pour Dieu. Dieu n’a pas besoin de nous, et pourtant Il nous maintient en vie, car Il nous aime. Oh! Seigneur, quel vertige! Mais quel bonheur pour nous! Pourtant, il y a le mal, et la souffrance, et le malheur...

Le mal! D’où vient-il le mal?

Satan vient de dire non à Dieu. Non, il n’adorera pas un fils d’homme, fût-Il le Verbe incarné! C’est bien trop petit, un fils d’homme, trop insignifiant. Lui, Lucifer, il est bien au-dessus de ça...

 D’ailleurs, pense-t-il, je vais montrer à Dieu combien je les méprise ces hommes! Et j’aurai bien vite fait de les détruire tous dans leur âme, dans leur cœur, dans leur intelligence. Je me mettrai entre Dieu et eux; alors, ne voyant plus Dieu, c’est moi qu’ils adoreront! C’est moi qu’ils suivront, ces pauvres imbéciles qui ne comprendront pas que je les conduis à la mort!

Oh! Seigneur, nous sommes terrifiés. L’orgueil de Lucifer et sa haine pour les hommes a inventé le mal. Les hommes ont suivi... Satan semble vainqueur et il ricane... Seigneur, nous T’appelons: viens vite au secours de tes enfants. Le mal a envahi la terre et Satan triomphe...

De nouveau nous sommes face à la petitesse extrême de la Création matérielle de l’univers; la terre est redevenue invisible tant elle est petite... Quant aux hommes, inutile d’en parler! Alors, la haine de Satan doit aussi être proportionnée à la taille des hommes: ce n’est donc pas grand’chose: juste une vaguelette à peine sensible.  Vraiment! Il n’y a pas de quoi s’enorgueillir!... Oui, mais sur la terre, les pauvres hommes, eux, sont toujours affrontés à la haine de Satan, et cette haine, pour eux, à leur échelle, s’exerce dans des proportions que l’on peut appeler diaboliques. Seigneur, au secours!

Continuons notre réflexion. Dieu a créé l’immensité de l’univers matériel. Dans cette matière dont l’homme a été façonné, Dieu a introduit sensibilité et capacité d’amour: l’homme peut accueillir l’Amour de Dieu et Lui rendre un peu d’amour. Mais il y a autre chose: en créant la matière, Dieu a créé deux infiniment grands: l’infiniment grand que nous pouvons voir ou pressentir, et l’infiniment petit que nous pouvons à peine deviner. Car il y a dans l’infiniment petit un autre infiniment grand que l’on pourrait appeler l’infiniment grand de l’infiniment petit. Dieu, contemplant sa création matérielle, “voit” ses deux infiniment grands: l’infiniment grand de l’infiniment grand, et l’infiniment grand de l’infiniment petit. Et l’homme est au centre! Comment Satan n’a-t-il pas vu cela? Son intelligence était-elle aussi grande qu’il le croyait, ou est-ce son orgueil qui lui a masqué la moitié de la création dont l’Homme est le centre?

Étranges pensées... Maintenant, en nous référant à Jésus-Christ, nous pouvons  “voir” son Corps mystique construit avec les milliards de composants humains arrivés à la sainteté? Le Corps mystique de Jésus, réunit en lui toutes les richesses de Dieu et de sa Création. Et son Cœur, c’est le Cœur du Père, c’est le Cœur de Dieu. Dans ce Corps et dans ce Cœur de Jésus, l’Homme peut enfin rejoindre Dieu, l’Homme est comme divinisé.

Un bon père de famille [1], c’est celui qui peut  être  sévère envers ses  enfants, lorsque c’est nécessaire, afin de préserver leur bonheur futur. Mais la sévérité d’un vrai père est toujours pleine d’amour.

“Qui voit Jésus voit le Père.”  Aimons-nous le Père? Avons-nous besoin du Père? Avons-nous besoin de la bonté du Père qui ne nous rejette pas quand nous avons le malheur de pécher, de nous éloigner de Lui? Nous avons besoin de la tendresse du Père quand nous avons envie de nous sentir aimés. Nous avons besoin de la sollicitude du Père qui nous apprend, à son rythme, tout ce que nous devons savoir sur Dieu, sur le Père, et sur le Fils, et sur l’Esprit. Oh! Oui, soyons pleins de reconnaissance envers le Père qui nous a donné son Amour et qui nous a donné son Fils... Soyons-en sûrs, le Père se penche vers nous, le Père veut nous soigner, nous éduquer, nous aider à grandir. Oui, le Père nous aime et ne nous abandonne pas: encore faut-il que nous acceptions notre petitesse, notre misère.

Considérons les acariens; il y en a partout. Ils foisonnent sur chacun de nous. Comme nous ne les voyons pas et que nous les connaissons à peine, nous pouvons, à leur sujet, inventer n’importe quoi... Ainsi, nous pouvons imaginer qu’ils ont une sensibilité: d’ailleurs, comme ce sont des êtres vivants ils ont forcément une sensibilité. Mais on peux penser aussi qu’ils créent, comme tous les animaux, des petites familles. Qui sait? Peut-être, aussi, peuvent-ils constituer des petites sociétés; et peut-être aimer... Ont-ils une voix, peuvent-ils appeler quand ils se sentent en danger? Et s’ils appellent qui peut les entendre? Leurs congénères? Peut-être,... mais s’ils nous appellent, nous, nous  ne les entendons pas. Ils peuvent crier autant qu’ils peuvent, ils ne nous gênent pas: nous sommes sourds à leurs cris... Nous sommes sourds à leurs cris autant qu’ils sont invisibles à nos yeux aveugles pour leur monde. 

Les acariens! Mais pour Dieu, dans sa création, les hommes ne sont que des acariens. Dieu a fait l’univers, puis la terre, et sur la terre Il a mis les hommes: et nous sommes des milliards! Comme Dieu tient l’univers dans sa main, les acariens que nous sommes sont aussi dans sa main, sont en Lui. Et nous vivons sur Lui, et nous nous nourrissons de Lui. Nous ne pouvons rien sans Lui qui nous donne la vie, mais nous ne le savons pas toujours. Pire, depuis que les hommes ont péché et sont se éloignés de leur Père, ils ne connaissent plus Dieu qui peut-être nous a oubliés: nous sommes si petits. Et nous pouvons crier, hurler même, nous entendra-t-Il?

Le Seigneur nous a entendus. Le Verbe de Dieu a accepté de venir chez nous, de se faire l’un de nous, à notre taille... notre taille d’acariens. Dieu s’est fait l’un de nous, Il a vécu avec nous, Il nous a aimés, et Il a accepté d’être rejeté par nous et crucifié par nous, pour nous!...

Les acariens nous ont entraînés dans une étrange méditation. Certes, nous sommes petits, incroyablement petits: pour Dieu nous sommes moins que des acariens. Nous sommes infimes, insignifiants, inutiles dans la Création, inutiles pour Dieu. De nous-mêmes nous ne pouvons rien. Si Dieu cesse de nous penser, de nous vouloir, nous disparaissons et nous tombons dans l’oubli éternel. Et plus personne ne se souviendra de nous qui serons retombés dans le néant, dans le vide, dans l’inexistence. Et pourtant Dieu nous a voulus, Dieu nous veut et Dieu nous aime!...

Dieu nous veut, et Dieu nous aime, et Dieu veut avoir besoin de chacun d’entre nous, car Dieu a voulu que ayons une fonction à remplir dans l’immense construction de son Corps mystique. Dieu nous a pensés pour une fonction bien spécifique que chaque homme sera seul à pouvoir remplir car chaque homme est unique, chaque homme est voulu, chaque homme est aimé, chaque homme a sa fonction propre: celle de la terre qui doit préparer celle de l’éternité. Ainsi Dieu nous a voulus pour une fonction spéciale, mais Il désire que, librement, nous marchions avec Lui, dans son Amour, soutenus par son Amour, pour que, librement nous nous préparions, et surtout que nous nous laissions préparer, en vue de ce dessein d’amour, ce dessein de l’amour.

C’est ainsi que nous avons des désirs: le Seigneur inspire toujours dans nos cœurs les désirs qui peuvent nous permettre d’avancer dans ses desseins. Mais nos désirs terrestres, nos désirs de créatures pécheresses qui ne voient pas toute la Vérité, sont souvent des désirs trop humains. Ils peuvent être bons, mais ce ne sont pas les désirs de Dieu. Oh! Seigneur! Comment comprendre vos désirs?


[1] Pendant  des  années, dans  nos  sociétés  ex-chrétiennes, on a  bafoué et  moqué  l’image du  père et son autorité qui pourtant, dans la majorité des cas, était pleine d’amour. Pourtant, il est indispensable d’élever correctement ses enfants si on veut qu’ils soient heureux dans la vie. La Bible, d’ailleurs, est, à ce propos, pleine de sages conseils. Mais, pour des raisons obscures, nous avons négligé cette sagesse. Nous nous sommes cru beaucoup plus intelligents et éclairés que nos pères qui, durant des siècles, avaient acquis une solide expérience concernant l’éducation des petits hommes. Nous nous sommes cru supérieurs à eux tous: on voit les résultats aujourdhui...

 

   

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