§ I. — DE LA CONFESSION.
Tous les Chrétiens
croyants et pratiquants sont persuadés que tout ce qu’il a plu à la
bonté de Dieu de conserver, en ce temps-ci, dans son Eglise, de
sainteté, de piété et de religion, on le doit en grande partie à la
Confession. Il ne faut donc pas s’étonner que l’ennemi du genre
humain, qui voudrait par ses satellites et ses ministres détruire la
Foi catholique jusque dans ses fondements, ait fait tous ses efforts
pour renverser cette sorte de citadelle de la Vertu chrétienne.
§ II. — UTILITÉ ET NÉCESSITÉ DE LA
CONFESSION.
II faudra enseigner
tout d’abord que l’institution de la Confession ne nous était pas
seulement avantageuse ; mais qu’elle nous était même nécessaire.
Sans doute, — et nous le reconnaissons — la Contrition efface les
péchés, mais ne voit-on pas qu’elle doit être dans ce cas, si forte,
si vive, si ardente, que la violence de la douleur puisse égaler et
atteindre l’énormité des fautes commises ? et comme il y en a peu
qui soient capables de parvenir à un si haut degré de repentir, il y
en a peu aussi qui doivent espérer par ce moyen le pardon de leurs
péchés. II était donc nécessaire que Notre-Seigneur Jésus-Christ,
dans son infinie clémence, pourvût au salut de tous par une voie
plus facile. Et c’est ce qu’il a réalisé d’une manière admirable, en
donnant à son Eglise les clefs du Royaume des cieux. En effet,
l’enseignement de la Foi catholique est formel. nous devons tous
croire et affirmer sans réserve, que si quelqu’un est sincèrement
repentant de ses péchés, s’il est bien résolu à ne plus les
commettre à l’avenir, — lors même qu’il ne ressentirait pas une
Contrition suffisante pour obtenir son pardon — tous ses péchés lui
sont remis et pardonnés par le pouvoir des clefs, s’il les confesse
à un Prêtre approuvé. Aussi tous les saints Pères ont eu soin de
proclamer, et avec raison, que le ciel nous est ouvert par les clefs
de l’Eglise, et le Concile de Florence a mis cette vérité hors de
doute en décrétant « que l’effet du sacrement de Pénitence est de
purifier du péché. »
Voici encore une autre
considération qui nous montre les avantages et l’utilité de la
Confession. L’expérience prouve que rien n’est plus propre à
réformer les mœurs des personnes corrompues, que la confidence
réitérée de leurs pensées, de leurs paroles et de leurs actions à un
ami sage et fidèle qui peut les aider de ses services et de ses
conseils. De même, et pour la même raison, nous devons regarder
comme très salutaire à ceux qui sont troublés des remords de leurs
fautes, de découvrir les maladies et les plaies de leur âme au
Prêtre qui tient la place de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et qui est
soumis par les lois les plus sacrées au plus inviolable silence. Ils
trouveront aussitôt par ce moyen des remèdes tout prêts, et qui
possèdent une vertu céleste, non seulement pour guérir les maladies
dont ils souffrent, mais encore pour les fortifier en vue de
l’avenir, et rendre leurs rechutes très difficiles.
Il ne faut pas oublier
non plus un autre avantage de la Confession, qui intéresse vivement
la société tout entière. En effet, retranchez de la Religion
chrétienne la Confession sacramentelle, et bientôt le monde sera
inondé de crimes cachés et monstrueux. Puis, en peu de temps
l’habitude du mal rendra les hommes si dépravés qu’ils ne rougiront
plus de commettre publiquement ces iniquités, et d’autres beaucoup
plus graves encore. Au contraire, la honte salutaire attachée à la
Confession est un frein à la licence et à l’audace du vice, et elle
retient les plus pervertis.
Ces avantages une fois
exposés, les Pasteurs auront à faire connaître la nature et la vertu
de la Confession. Voici comment on la définit: une accusation de
ses péchés faite pour en recevoir la rémission par la vertu des
clefs, dans le sacrement de Pénitence.
Et d’abord, c’est avec
raison qu’on l’appelle une accusation, parce que nous ne devons
point confesser nos péchés, comme pour en faire parade, à l’exemple
de ceux « qui se réjouissent quand ils ont fait le mal » ;
ni pour faire un récit, comme s’il s’agissait d’amuser des auditeurs
oisifs ; mais il faut les énumérer avec l’intention de nous avouer
coupables, et le désir de les venger sur nous-mêmes par la
Pénitence.
Mais si nous confessons
nos péchés, c’est pour en obtenir le pardon. Car le tribunal de la
Pénitence est bien différent des tribunaux humains. Là, en effet, la
peine et la confusion des aveux sont loin de compter pour
l’acquittement de la faute, et pour le pardon des égarements.
Les Saints Pères
semblent avoir donné de la Confession une définition semblable à la
nôtre, quoique en termes différents, quand ils disent comme Saint
Augustin: « La Confession, c’est la révélation d’une maladie
cachée, avec l’espoir d’en obtenir la guérison. » ; ou bien,
comme Saint Grégoire: « C’est la détestation des péchés, »
Ces deux définitions peuvent facilement se rapporter à la nôtre,
puisque la nôtre les contient.
§ III. — JÉSUS-CHRIST AUTEUR LE LA
CONFESSION.
Mais ici, — et c’est
une de leurs obligations les plus importantes, — les Pasteurs auront
soin d’enseigner aux Fidèles, et sans la moindre hésitation, que la
Confession a été instituée par Notre-Seigneur Jésus-Christ (qui a
bien fait toutes choses, et uniquement pour notre salut), et
qu’elle est un effet de sa bonté et de sa miséricorde infinies
envers nous. En effet, un jour que ses Apôtres, après sa
Résurrection, étaient réunis dans le même lieu, Il souffla sur eux,
en disant: « Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à
ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui
vous les retiendrez. »
Mais si Notre-Seigneur
a donné aux Prêtres le pouvoir de retenir et de remettre les péchés,
évidemment Il les a aussi établis juges en cette matière. C’est ce
qu’Il semble avoir voulu exprimer, lorsque, au moment de la
résurrection de Lazare, II chargea les Apôtres de le dégager des
liens qui le tenaient enseveli, Voici en effet comment Saint
Augustin explique ce passage: « Maintenant, dit-il, les Prêtres
peuvent eux-mêmes être encore plus utiles et remettre beaucoup plus
aux pénitents dont ils pardonnent les péchés dans la Confession ;
car en donnant à délier à ses Apôtres Lazare qu’Il venait de
ressusciter, Jésus-Christ montrait par là que les Prêtres ont reçu
le pouvoir de délier. » C’est encore pour nous apprendre la même
vérité que le Sauveur ayant guéri les dix lépreux, sur le
chemin, leur ordonna « d’aller se faire voir aux Prêtres » et
de se soumettre à leur décision. Et comme, selon la sage remarque du
Concile de Trente, il est impossible de porter un jugement
équitable, et de garder les véritables règles de la justice en
punissant le crime dans une cause qui n’est point suffisamment
instruite, et que l’on ne connaît point à fond, il s’ensuit que les
pénitents sont obligés de révéler aux Prêtres, par la Confession,
tous leurs péchés les uns après les autres.
Voilà donc ce que les
Pasteurs enseigneront, conformément aux décisions du Concile de
Trente. Et à la doctrine constante de l’Eglise catholique. Partout
en effet nous trouvons, en lisant les Saints Pères avec attention,
les témoignages les plus clairs pour établir que le sacrement de
Pénitence a été institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ, et qu’il
faut regarder comme vraiment évangélique la loi de la Confession
sacramentelle, appelée par les Grecs exomologèse et
exagoreuse (c’est-à-dire, confession et manifestation d’une
chose secrète.) et même, si nous consultons les figures de
l’Ancien testament, nous n’aurons pas de peine à reconnaître que
c’est encore à la Confession qu’il faut rapporter ces sacrifices si
variés qui étaient offerts par les Prêtres, pour expier les
différentes sortes de péchés.
Mais s’il faut
apprendre aux Fidèles que Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même a
institué la Confession, il faut aussi les avertir que l’Eglise y a
ajouté de son autorité certains rites, certaines cérémonies
consacrées, qui, sans tenir à l’essence même du Sacrement, ne
servent pas moins à en faire ressortir davantage la dignité et
l’excellence ; toutes choses qui excitent la piété des pénitents, et
qui disposent mieux leur cœur à recevoir la grâce de Dieu. En effet,
lorsque nous confessons nos péchés, prosternés aux pieds du Prêtre,
la tête découverte, les yeux baissés vers la terre, élevant des
mains suppliantes, et donnant d’autres marques semblables d’humilité
chrétienne qui ne sont pas essentielles, tout cela nous fait
entendre clairement que nous devons reconnaître dans ce Sacrement
une vertu vraiment céleste, et solliciter, en l’implorant avec la
plus vive ardeur, la miséricorde divine.
Et qu’on se garde bien
de penser que la Confession a été instituée par Notre-Seigneur
Jésus-Christ dans des conditions telles que nous ne serions pas
obligés d’en faire usage. Au contraire il faut que les Fidèles
soient bien persuadés que tout homme coupable d’un péché mortel ne
peut revenir à la vie de la Grâce que par la Confession
sacramentelle. Et nous en avons une preuve sensible dans la figure
employée par Notre-Seigneur pour exprimer le pouvoir d’administrer
ce Sacrement ; il l’appelle « la clef du Royaume des cieux. »
De même en effet qu’il n’est pas possible de pénétrer dans un
endroit fermé sans le secours de celui qui en a la clef, de même
aussi personne ne peut entrer au ciel, si les portes n’en sont
ouvertes par les Prêtres à qui Jésus-Christ en a confié les clefs.
Autrement l’usage des clefs semblerait nul dans l’Eglise, et ce
serait en vain que celui qui aurait reçu le pouvoir de ces clefs
voudrait interdire à quelqu’un l’accès du ciel, s’il y avait un
autre moyen de s’en faire ouvrir l’entrée. Saint Augustin comprenait
admirablement cette vérité, lorsqu’il s’écriait: « non, que
personne ne se dise: Je fais en secret pénitence devant le Seigneur,
et Dieu de qui vient le pardon connaît bien ce que j’éprouve au fond
du cœur. Car alors on aurait dit sans raison: ce que vous délierez
sur la terre sera délié dans le ciel ; sans raison aussi les clefs
auraient été confiées à l’Eglise de Dieu ». Tel est également le
sentiment exprimé par Saint Ambroise, dans son livre de la
Pénitence, livre qu’il écrivit pour détruire l’erreur des Novatiens
qui prétendaient que Dieu seul a le pouvoir de remettre les péchés.
« Lequel des deux, dit-il, honore Dieu davantage, de celui
qui obéit à ses Commandements, ou de celui qui y résiste ? Dieu nous
a ordonné d’obéir à ses Ministres, et lorsque nous leur obéissons,
c’est Dieu seul que nous honorons. »
§ IV. — DE L’OBLIGATION DE SE CONFESSER.
Puisqu’il est
impossible de douter que la loi de la Confession a été portée et
établie par Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même, il reste à
examiner qui sont ceux que cette loi oblige, à quel âge, et en quel
temps de l’année on doit la remplir.
Et d’abord, d’après le
Canon du Concile de Latran, qui commence par ces mots: « Tout
Fidèle de l’un et de l’autre sexe, » il est sûr et certain que
personne n’est tenu à la loi de la Confession avant l’âge de raison.
Mais cet âge ne peut être fixé d’une manière générale et positive.
La règle en cette matière est de faire confesser les enfants, dès le
moment où ils distinguent le bien du mal, et commencent à être
capables de quelque ruse. Lorsqu’un homme est parvenu à cette époque
de la vie où il peut et doit penser à son salut éternel, dès lors il
est obligé de confesser ses péchés à un Prêtre, puisqu’il n’y a pas
d’autre moyen de salut pour lui s’il est coupable de quelque péché
mortel.
Quant au temps où il
est particulièrement nécessaire de se confesser, l’Eglise l’a décidé
et décrété dans le Canon dont nous avons déjà parlé. Elle ordonne à
tous les Fidèles de confesser leurs péchés au moins une fois chaque
année. Mais si nous faisons attention à ce que réclament les
intérêts de notre salut, sans aucun doute, toutes les fois que nous
sommes en danger de mort, ou bien que nous sommes obligés de faire
une chose qu’un homme souillé de péchés n’est pas digne d’accomplir,
comme par exemple d’administrer et de recevoir les Sacrements,
toujours alors nous devons recourir à la Confession. Mais surtout
nous devons user de ce moyen lorsque nous craignons d’oublier
quelque faute. Car nous ne pouvons confesser que les péchés dont
nous nous souvenons ; et nous n’obtenons point du Seigneur le pardon
de nos fautes, si le sacrement de Pénitence ne les efface par la
Confession.
§ V. — DES QUALITÉS DE LA CONFESSION.
Il y a encore plusieurs
choses à observer dans la Confession. De ces choses, les unes sont
nécessaires pour la validité du Sacrement, et les autres ne le sont
pas absolument. toutes néanmoins doivent être expliquées avec
exactitude. Il ne manque ni de traités, ni de commentaires où l’on
peut puiser facilement, sur ces différents points, les explications
désirables. Les Pasteurs enseigneront avant tout que nous devons
nous efforcer de rendre nos confessions entières et complètes. nous
sommes obligés de découvrir au Prêtre tous nos péchés mortels. Pour
les fautes vénielles, qui ne nous font pas perdre la grâce de Dieu,
et dans lesquelles nous tombons plus souvent, s’il est bon et utile
de les confesser, comme le prouve la pratique des personnes pieuses,
cependant on peut les omettre sans péché, et les expier par beaucoup
d’autres moyens. Mais pour les péchés mortels, il faut, comme nous
venons de le dire, les énumérer tous, les uns après les autres,
quand même ils seraient extrêmement secrets, et du genre de ceux qui
sont défendus par les deux derniers Commandements du Décalogue. Car
il arrive assez souvent que ces sortes de péchés blessent plus
dangereusement l’âme que ceux que l’on commet ouvertement et en
public. Et c’est ce que le Saint Concile de Trente a défini, et que
l’Eglise catholique a toujours enseigné, comme on peut le voir par
le témoignage des saints Pères. Saint Ambroise dit: « Nul ne
peut être justifié de son péché, s’il ne le confesse. » Saint
Jérôme, commentant l’Ecclésiaste, confirme pleinement la même
vérité. « Quand le serpent infernal, dit-il, a mordu quelqu’un
secrètement et sans témoin et qu’il l’a infecté du venin du péché,
si celui-ci se tait, qu’il ne fasse point pénitence et qu’il ne
veuille point découvrir sa blessure à son frère ou à son supérieur,
le supérieur qui avait les paroles pour le guérir, ne pourra lui
être utile en rien. » Saint Cyprien enseigne clairement la même
chose dans le traité « de Lapsis », (c’est-à-dire de ceux
qui sont tombés, dans la persécution.) « Quoique ces
personnes, dit-il, n’aient point commis en effet le crime de
sacrifier ou de recevoir un certificat, néanmoins, parce qu’elles en
ont eu la pensée, elles doivent s’en confesser avec douleur au
Prêtre de Dieu. » Enfin tel est le sentiment et la voix unanime
de tous les Docteurs de l’Eglise. D’où il suit qu’il faut apporter
dans la Confession la même application et le même soin que l’on a
coutume de donner aux affaires les plus importantes, et de
concentrer si bien ses efforts sur ce point que l’on puisse guérir
les plaies de son âme, et arracher de son cœur les racines du péché.
Mais ce n’est pas assez
de confesser et d’expliquer les fautes graves ; nous devons
également faire connaître les circonstances qui les ont
accompagnées, et qui en augmentent ou en diminuent notablement la
malice. Car il y a des circonstances si considérables qu’elles
suffisent seules pour imprimer à une faute le caractère du péché
mortel. C’est pourquoi on est toujours obligé de les confesser. Si
par exemple quelqu’un a tué un homme, il doit dire si cet homme
était laïque ou ecclésiastique. De même, si le péché a entraîné un
complice, il est nécessaire de faire connaître si cette personne
était libre, mariée, parente, ou consacrée à Dieu par un vœu. Car
toutes ces circonstances sont autant de péchés d’espèce différente.
C’est pourquoi les Docteurs dans la science sacrée distinguent
toujours les fautes en les désignant suivant les circonstances qui
les accompagnent et qui peuvent augmenter ou diminuer le degré de
culpabilité. Le vol aussi est un péché, mais celui qui vole un écu
fait un péché moins grave que celui qui en prend cent, deux cents,
ou davantage, ou qui s’empare des biens d’Eglise. Il faut dire la
même chose des circonstances de temps et de lieu ; mais on trouve là
-dessus dans un grand nombre de livres des exemples trop connus pour
que nous les citions ici. On est donc obligé, avons-nous dit, de
déclarer toutes ces circonstances. Quant à celles qui n’augmentent
pas beaucoup la malice du péché, on peut les omettre sans crime.
Mais c’est une chose tellement nécessaire que la Confession soit
entière et parfaite, comme nous le disions plus haut, que si
quelqu’un omettait exprès et de propos délibéré, quelqu’une de ces
circonstances, en confessant les autres d’ailleurs, non seulement il
ne tirerait aucun fruit de cette Confession, mais encore il
commettrait un nouveau péché. Une semblable déclaration ne saurait
être regardée comme une véritable Confession sacramentelle. Bien
plus le pénitent est obligé de recommencer cette Confession, et de
s’accuser spécialement d’avoir profané la sainteté du sacrement de
Pénitence par une Confession simulée. Mais s’il arrive pour quelque
autre motif que la Confession ne soit pas entière, soit parce que le
pénitent aura oublié quelque péché, soit parce qu’il aura mis
quelque négligence à examiner sa conscience, lorsque cependant il
avait l’intention positive de confesser entièrement tous ses péchés,
il ne sera point nécessaire de la recommencer ; et si ces péchés
oubliés lui reviennent à la mémoire, il suffira de les déclarer au
Prêtre dans un autre moment. toutefois il faut bien voir ici si l’on
n’a point examiné sa conscience avec trop de mollesse et de lâcheté,
et si le peu de soin qu’on a mis à se rappeler ses péchés ne montre
pas que précisément l’on n’avait point la volonté de s’en souvenir.
S’il en était ainsi, il faudrait absolument recommencer la
Confession.
Il est nécessaire en
second lieu que l’accusation soit claire, simple et sincère. Elle ne
doit point être faite avec art, comme il arrive à quelques-uns qui
semblent plutôt exposer la justification de leur conduite que
confesser leurs péchés. non, la Confession doit être telle qu’elle
nous fasse connaître au Prêtre, comme nous nous connaissons
nous-mêmes, et qu’elle donne le certain pour certain, et pour
douteux ce qui n’est pas sûr. Qualité qui manque évidemment à la
Confession, quand on ne passe pas en revue chacun de ses péchés, ou
que l’on dit des choses étrangères à ce que l’on doit dire.
D’autre part, on ne
saurait trop louer ceux qui mettent de la discrétion et de la
modestie dans l’accusation et l’explication de leurs fautes. trop de
paroles ne valent rien. Il faut dire brièvement et avec retenue ce
qui est nécessaire pour faire connaître la nature et la qualité de
chaque faute.
En quatrième lieu, un
des principaux soins, aussi bien du pénitent que du Confesseur,
c’est de faire en sorte que tout ce qui se dit en Confession reste
enseveli dans le secret. C’est pourquoi il n’est pas permis de se
confesser par procureur ou par lettre, parce que le secret ne peut
être assez exactement gardé par ces deux moyens.
Mais ce que les Fidèles
doivent avoir le plus à cœur, c’est de purifier souvent leur
conscience par la confession de leurs fautes. Dès qu’on a eu le
malheur de tomber en quelque péché mortel, rien ne peut être plus
salutaire, à cause des dangers nombreux qui nous menacent sans
cesse, que de s’en confesser sans retard. Et d’ailleurs, quand même
nous pourrions tous nous promettre une longue carrière ici-bas, ne
serait-ce pas une chose vraiment honteuse que, nous qui sommes si
empressés à enlever les taches de nos corps et de nos vêtements,
nous fussions moins zélés pour purifier notre âme des hideuses
souillures du péché ?
Parlons maintenant du
Ministre du sacrement de Pénitence.
§ VI. — DU MINISTRE DU SACREMENT DE
PÉNITENCE.
Ce Ministre, c’est le
Prêtre qui a le pouvoir ordinaire ou délégué d’absoudre. Sur ce
point les Lois ecclésiastiques sont très claires. toutefois, pour
remplir la fonction dont il s’agit, le pouvoir d’Ordre ne suffit
pas, il faut de plus le pouvoir de juridiction. nous avons une
preuve très frappante de cette vérité dans les paroles que Saint
Jean met dans la bouche de Notre-Seigneur « Les péchés seront
remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux
à qui vous les retiendrez. » Or, ce pouvoir n’a pas été donné à
tous les hommes, mais seulement aux Apôtres. Et les Apôtres ont eu
les Prêtres pour successeurs dans ce ministère. C’est d’ailleurs une
chose très naturelle et entièrement conforme à la raison. Car les
grâces que nous recevons dans ce Sacrement nous viennent toutes de
Jésus-Christ, comme d’un Chef dont nous sommes les membres ; et par
conséquent ceux-là seuls doivent administrer la Pénitence au corps
mystique de Jésus-Christ, c’est-à-dire aux Fidèles, qui possèdent le
pouvoir de consacrer son véritable Corps ; d’autant plus que c’est
par ce même Sacrement que les Chrétiens se rendent capables et
dignes de recevoir la sainte eucharistie.
Pour comprendre combien
en cette matière le droit du Prêtre ordinaire était réservé et sacré
dans la primitive Eglise, il suffit de connaître les anciens Décrets
des Pères, qui défendaient à tout évêque et à tout Prêtre d’exercer
le moindre ministère dans la Paroisse d’un autre, sans
l’autorisation de celui qui la gouvernait, ou bien sans une
pressante nécessité. Ainsi l’avait réglé l’Apôtre Saint Paul
lui-même, lorsqu’il ordonnait à Tite « d’établir des Prêtres dans
toutes les villes », pour nourrir et fortifier les Fidèles par
le céleste Aliment de la Doctrine et des Sacrements.
Cependant quand il y a
danger de mort et que l’on ne peut se confesser à son propre
Pasteur, le Concile de Trente nous enseigne que l’Eglise, pour ne
laisser perdre aucune âme dans ces circonstances, a toujours été
dans l’usage de permettre à tous les Prêtres d’absoudre de toutes
sortes de péchés, quel que fût le pouvoir nécessaire à cet effet, et
même de l’excommunication.
Ce n’est pas assez que
le Prêtre soit revêtu des pouvoirs d’Ordre et de juridiction, qui
d’ailleurs lui sont absolument nécessaires ; il est indispensable
qu’il possède les lumières, la science et la prudence de son état,
puisqu’il remplit en même temps les fonctions de juge et de médecin.
Comme juge, il est évident qu’il lui faut une science plus
qu’ordinaire, soit pour découvrir les péchés, soit pour distinguer,
au milieu de leurs nombreuses espèces, ceux qui sont graves de ceux
qui sont légers, selon la condition, le rang et la classe de chacun.
Comme médecin, il a besoin aussi de la plus grande prudence,
puisqu’il doit mettre tous ses soins à donner au malade les remèdes
les plus propres à guérir son âme, et à le prémunir contre les
rechutes dans le mal. Et c’est ce qui doit faire comprendre aux
Fidèles avec quelle attention chacun d’eux doit se choisir un Prêtre
recommandable par l’intégrité de sa vie, par sa science, sa sagesse,
son jugement sûr, un Prêtre enfin qui se rende compte de
l’importance et de la gravité du ministère qui lui est confié, qui
sache appliquer dans les divers cas les pénitences convenables, et
reconnaître qui sont ceux qu’il faut lier, ou délier.
Mais comme il n’y a
personne qui ne désire très vivement cacher ses crimes et la honte
de ses fautes il faut avertir les Fidèles qu’ils ne doivent craindre
en aucune façon que le Prêtre à qui ils se seront confessés révèle
jamais à personne les péchés qu’ils lui auront fait connaître, ni
qu’il puisse jamais leur arriver aucun mal par suite de la
Confession. Les lois et décrets de l’Eglise veulent que l’on sévisse
de la manière la plus rigoureuse contre les Prêtres qui ne
tiendraient pas ensevelis dans un silence éternel et sacré tous les
péchés qu’ils auraient connus par la Confession. Aussi lisons-nous
dans les actes du Concile général de Latran: « Que le Prêtre
tremble de jamais trahir le pécheur par un mot, -par un signe, ou de
toute autre manière. »
Après avoir parlé du
ministre du sacrement de Pénitence, l’ordre des choses demande que
nous expliquions certains points principaux, qui ont rapport à
l’usage de la Confession et à la manière dont le Prêtre doit agir
dans l’administration de ce Sacrement. Un grand nombre de Fidèles,
hélas ! ne désirent rien tant que de voir s’écouler les jours fixés
par l’Eglise pour la Confession. Ils sont si éloignés de la
perfection chrétienne qu’ils cherchent à peine à se rappeler leurs
péchés pour les accuser au Prêtre, bien loin d’apporter la diligence
et le soin qui seraient nécessaires pour attirer sur eux la grâce de
Dieu.. néanmoins, comme les Prêtres ne doivent rien négliger pour le
salut de leurs pénitents, leur premier soin sera d’examiner
attentivement s’ils ont une véritable Contrition de leurs péchés, et
s’ils sont sincèrement et fermement résolus à ne plus pécher dans la
suite. S’ils les trouvent réellement dans ces dispositions, ils
s’appliqueront de toutes leurs forces à les exhorter vivement à
rendre grâces à Dieu de tout leur cœur, pour un bienfait si grand et
si précieux, et à implorer sans cesse le secours de la grâce
céleste, afin que protégés et couvert par elle, ils puissent
résister et tenir tête à leurs mauvaises passions.
Une autre pratique
qu’il faut également recommander aux pénitents, c’est de ne passer
aucun jour sans méditer quelqu’un des Mystères de la Passion de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, et sans s’exciter, avec toute l’ardeur
possible, à L’imiter et à L’aimer d’un amour souverain. Cette
méditation les rendra de jour en jour plus forts contre les
tentations du démon. En effet si nous succombons si promptement et
si facilement à la moindre attaque de l’ennemi, c’est que nous
négligeons d’entretenir et d’exciter dans nos cœur s par la
contemplation des choses du ciel le feu de cet amour divin qui seul
peut raffermir et relever notre courage. Mais si le Confesseur
s’aperçoit que celui qui lui accuse ses péchés n’est pas
véritablement contrit et repentant, il doit s’efforcer de lui
inspirer un amour très vif de la Contrition, afin qu’enflammé par le
désir d’obtenir un don si excellent, il se mette aussitôt à
l’implorer et à le solliciter humblement de la miséricorde de Dieu.
Mais il faut
particulièrement s’attacher à réprimer l’orgueil de ceux qui
cherchent par des excuses, soit à justifier, soit à diminuer leurs
péchés. Il en est, par exemple, qui, en s’accusant de s’être mis
dans une violente colère, en rejettent aussitôt la cause sur un
autre dont ils se plaignent d’avoir reçu les premiers une injure. Il
faut les avertir que ces sortes d’excuses sont la marque d’un esprit
orgueilleux, et d’un homme qui ne réfléchit pas à la grandeur de son
péché, ou qui ne la comprend nullement ; et qu’elles sont bien plus
propres à augmenter leurs fautes qu"à les diminuer. Car prétendre
justifier ainsi sa conduite, c’est sembler dire ouvertement que l’on
aura de la patience quand on ne sera injurié par personne. Y a-t-il
rien qui soit plus indique d’un Chrétien ? Au lieu de déplorer le
sort de celui qui a fait l’injure, et d’être affligé de la
perversité de son action, on s’irrite contre lui, contre son frère ;
est bien loin de profiter d’une si belle occasion d’honorer Dieu par
la patience, et de corriger son frère par mansuétude, on fait
tourner à sa perte un sujet de mérites.
Cependant, c’est une
faute bien plus funeste encore de ne pas oser confesser ses péchés,
parce qu’on est retenu par une mauvaise honte. Il faut encourager
ceux qui ont ce malheur, et leur représenter qu’ils n’ont rien à
craindre en découvrant leurs fautes, puisque leur Confesseur ne
s’étonnera jamais de trouver les hommes pécheurs: c’est là en effet
un mal qui est commun à tous, et qui est une suite naturelle de la
faiblesse et de la fragilité humaine.
Il en est d’autres qui,
parce qu’ils se confessent trop rarement, ou parce qu’ils n’ont pris
aucune peine, pour examiner leur conscience et reconnaître leurs
péchés, ne savent ni expliquer leurs fautes, ni par où commencer
l’accomplissement de ce devoir. Ceux-là doivent être repris plus
vivement, et surtout il faut bien leur montrer qu’avant de se
présenter au Prêtre, chacun de nous doit faire tous ses efforts pour
avoir la Contrition de ses péchés et que l’on ne peut jamais
atteindre ce but, si l’on ne s’applique à les reconnaître en les
repassant dans sa mémoire les uns après les autres. C’est pourquoi,
lorsque le Confesseur rencontrera des pénitents aussi peu préparés,
ils les renverra dans les termes les plus bienveillants, et il les
exhortera à prendre quelque temps pour penser à leurs fautes, et à
revenir ensuite. Mais si ces pénitents affirment qu’ils ont apporté
à cette affaire tous leurs soins et toute leur diligence, le Prêtre
— dans la crainte trop fondée qu’une fois renvoyés, ils ne
reviennent plus — se fera un devoir de les entendre, surtout s’ils
montrent quelque désir de s’amender, et si lui-même peut les amener
à reconnaître leur négligence, et à promettre qu’une autre fois ils
feront un examen plus soigné et plus exact. Cependant ceci demande
beaucoup de précautions: car si après avoir entendu la Confession de
ces pénitents, le Prêtre juge qu’ils n’ont manqué ni d’exactitude en
accusant leurs péchés, ni de douleur et de Contrition en les
regrettant, il pourra les absoudre. Mais s’il s’aperçoit que l’une
et l’autre de ces deux choses ont fait défaut, il leur conseillera
et tâchera de les persuader d’examiner leur conscience avec plus
d’attention, ainsi que nous venons de le dire, et il les renverra,
après leur avoir parlé avec toute la douceur possible.
Et comme il arrive
quelquefois aux femmes, lorsqu’elles ont oublié quelque péché en
Confession, de n’oser pas retourner au Confesseur dans la crainte
d’être soupçonnées de quelque grand désordre, ou de chercher à se
donner la réputation d’une piété extraordinaire, il faudra enseigner
souvent, et en public et en particulier, que personne ne peut avoir
assez de mémoire pour se rappeler toutes ses actions, toutes ses
paroles, et toutes ses pensées ; que par conséquent rien ne doit
empêcher les Fidèles d’aller de nouveau trouver le Prêtre,
lorsqu’ils se souviennent de quelque péché oublié auparavant.
Telles sont en général
les règles que les Prêtres ont à observer dans la Confession. Venons
maintenant à la troisième partie du sacrement de Pénitence, qui
s’appelle la Satisfaction.
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