Honorez votre Père et
votre mère, afin que vous viviez longtemps sur la terre que le
Seigneur Dieu vous donnera.
Les trois Commandements
que nous venons d’expliquer sont les premiers à cause de la dignité.
Et de l’excellence de leur objet. Ceux que nous abordons maintenant
ne tiennent que le second rang, mais on peut dire qu’ils ne sont pas
moins nécessaires. Les premiers se rapportent directement à notre
fin qui est Dieu ; les seconds ont pour objet immédiat la Charité
envers le prochain, mais logiquement, c’est-à-dire, s’ils atteignent
leur but, ils nous mènent aussi à Dieu, ce but suprême pour lequel
nous aimons le prochain lui-même. Ce qui a fait dire à
Notre-Seigneur Jésus-Christ que le précepte d’aimer Dieu et le
précepte d’aimer le prochain sont deus Commandements semblables.
Quant à celui que nous expliquons ici, à peine peut-on dire et
énumérer les avantages immenses qu’il renferme. Ses fruits sont
abondants et exquis. Il est comme le signe qui fait briller notre
soumission et notre attachement au premier Commandement. « Celui
qui n’aime point son frère qu’il voit, dit l’Apôtre Saint Jean,
comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? » On peut dire de
même: si nous n’avons ni respect ni amour pour nos parents, que nous
devons aimer selon Dieu, eux que nous avons presque continuellement
sous les yeux, quel honneur et quel culte aurons-nous pour Dieu qui
est aussi notre Père — Père tout puissant et infiniment bon, mais
qui ne tombe jamais sous nos regards ? On voit par là combien ces
deux Commandements ont de rapports l’un avec l’autre.
Ce quatrième précepte
est d’une application très étendue. Outre ceux qui nous ont donné la
vie, il est un grand nombre de personnes qu’il nous fait un devoir
d’honorer comme nos pères et nos mères, à cause de leur autorité, de
leur dignité, du besoin que nous avons d’elles, ou de l’excellence
de leurs fonctions. II rend aussi moins lourde la charge des parents
et des supérieurs, dont le soin principal est d’amener ceux qui sont
placés sous leur autorité à vivre dignement et d’une manière
conforme à la Loi divine. Or il est évident que cette tâche leur
deviendra très facile si leurs inférieurs sont convaincus que c’est
Dieu Lui-même qui leur impose l’obligation d’honorer leurs pères et
leurs mères.
Pour atteindre ce but,
il est nécessaire de connaître la différence qui existe entre les
préceptes de la première table et ceux de la seconde.
§ I. — DIFFÉRENCE DES TROIS PREMIERS
COMMANDEMENTS ET DES SUIVANTS.
Voici ce que le Pasteur
expliquera tout d’abord. Il enseignera que les divins préceptes du
Décalogue furent gravés sur deux tables différentes. La première,
comme nous l’apprennent les Saints Pères, contenait les trois
Commandements que nous venons de commenter, et la seconde les sept
autres. Cet ordre est absolument logique, et nous fait comprendre
par avance l’importance relative des préceptes, par la place même
qu’ils occupent. tout ce que la Loi divine, en effet, ordonne ou
défend dans nos Saints Livres se rapporte toujours à deux
catégories. L’amour de Dieu ou l’amour du prochain, voilà le fond de
toutes ses prescriptions. Or, les trois Commandements précédents
nous apprennent quel amour nous devons à Dieu, et les sept qui
suivent renferment les devoirs de Charité que les hommes sont
obligés de pratiquer les uns envers les autres. Ce n’est donc pas
sans raison qu’on les a divisés en préceptes de la première table,
et en préceptes de la seconde.
Les trois premiers
Commandements dont nous avons parlé ont Dieu pour objet,
c’est-à-dire le souverain bien. L’objet des autres est le bien du
prochain. Les premiers proposent l’amour souverain, les seconds,
l’amour le plus grand après l’amour souverain. Les uns regardent la
fin suprême elle-même, les autres seulement ce qui se rapporte à
cette fin.
Au reste l’amour de
Dieu ne dépend que de Lui-même, puisque c’est pour Lui-même et non à
cause d’un autre que Dieu doit être souverainement aimé. L’amour du
prochain, au contraire, a sa source dans l’amour de Dieu qui doit
être en effet sa règle invariable. Car si nous aimons nos parents,
si nous obéissons à nos supérieurs, si nous respectons ceux qui sont
au dessus de nous, ce doit être principalement parce que Dieu est le
Créateur, parce qu’Il a voulu les élever au dessus de nous, et que
par leur entremise II veille sur les autres hommes, les gouverne et
les conserve. Et comme c’est Dieu lui-même qui nous commande de les
honorer, nous devons le faire précisément par le motif qui les a
rendus dignes de cet honneur. D’où il suit que l’honneur que nous
rendons à nos pères et mères semble plutôt se rapporter à Dieu qu’à
eux personnellement. C’est ce qu’on peut voir dans Saint Matthieu,
quand il est question du respect envers les supérieurs. « Celui
qui vous reçoit me reçoit. » L’Apôtre Saint Paul, dans son
Epître aux Ephésiens, ne craint pas de dire: « Serviteurs,
obéissez à ceux qui sont vos maîtres selon la chair, avec crainte,
avec respect, et dans la simplicité de votre cœur, comme à
Jésus-Christ Lui-même. ne les servez pas seulement lorsqu’ils ont
l’œil sur vous, comme si vous ne vouliez que plaire aux hommes, mais
comme vrais serviteurs de Jésus-Christ. »
Mais remarquons-le
bien, ni nos hommages, ni notre piété, ni le culte que nous rendons
à Dieu ne seront jamais parfaits, car l’amour que nous Lui devons
n’a pas de limites et peut s’accroître indéfiniment. Il est même
nécessaire que cet amour devienne de jour en jour plus ardent et
plus fort, puisque Lui-même veut que nous L’aimions de tout
notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces. Au
contraire l’amour que nous avons pour le prochain a ses limites ; vu
que le Seigneur nous ordonne de l’aimer comme nous-mêmes.
Celui donc qui dépasserait ces bornes, et qui en viendrait à aimer
Dieu et le prochain d’un amour égal, commettrait un grand crime. « Si
quelqu’un vient à Moi, dit le Seigneur, et ne hait pas son
père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sueurs et même
sa propre vie, celui-là ne saurait être mon disciple. »
Et c’est dans ce même
esprit qu’Il dit à un jeune homme qui voulait d’abord inhumer son
père, et Le suivre, après « Laissez les morts ensevelir les
morts. » Mais cette vérité devient plus claire encore par ces
paroles que Saint Matthieu met dans la bouche de Notre-Seigneur: « Celui
qui aime son père ou sa mère plus que Moi, n’est pas digne de Moi. »
Nous ne pouvons douter
cependant que nous ne soyons obligés d’avoir pour nos parents un
amour très grand et un respect très profond. Mais avant tout la
piété exige que nos premiers hommages et notre principal culte
appartiennent à Dieu, qui est le Principe et le Créateur de toutes
choses. Elle exige également que nous aimions nos parents mortels
d’ici-bas, de manière que tout, dans cet amour, ait pour fin
dernière notre Père céleste et éternel. — Que si, d’aucunes fois, il
nous commandent des choses contraires aux préceptes divins, il est
hors de doute que nous devons absolument préférer la volonté de Dieu
à leurs caprices. C’est le moment de nous rappeler cet oracle de
l’Esprit Saint: : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. »
§ II. — HONOREZ VOTRE PÈRE eT VOTRE MÈRE.
Après ces
préliminaires, le Pasteur expliquera les mots de ce Commandement, et
d’abord ce que signifie le premier: honorez. Honorer quelqu’un c’est
avoir pour lui des sentiments d’estime, et faire très grand cas de
tout ce qui se rapporte à lui. Cet honneur suppose nécessairement
l’amour, le respect, l’obéissance, le service. Ce n’est pas sans
motif que Dieu en nous donnant cette Loi a employé ce mot honorez,
au lieu de aimez ou craignez, bien que cependant nous
soyons obligés d’aimer fortement et de craindre nos parents. Car
celui qui aime n’honore pas toujours, et celui qui craint n’honore
pas non plus nécessairement. Mais celui qui honore du fond du cœur,
possède par là -même l’amour et la crainte.
Après avoir donné ces
explications le Pasteur devra dire quels sont ceux qui sont désignés
par le nom de pères dans ce Commandement.
Or, quoique la Loi
entende principalement ici ceux qui nous ont donné la vie, néanmoins
ce nom de pères s’applique encore à d’autres que la Loi semble aussi
avoir en vue, comme il est facile de le conclure de plusieurs
endroits de la Sainte Ecriture. En effet, outre nos pères naturels,
nos Livres sacrés, ainsi que nous l’avons vu plus haut, nous donnent
encore d’autres pères que nous devons respecter et honorer d’une
manière spéciale. tels sont les chefs de l’Eglise, les Pasteurs et
les Prêtres, comme l’attestent ces paroles de l’Apôtre aux
Corinthiens: : « Je ne vous écris point ces choses, pour vous
causer de la honte ; mais je vous avertis comme mes plus chers
enfants. Quand même vous auriez dix mille maîtres en Jésus-Christ,
vous n’auriez pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui, par l’Evangile,
vous ai engendrés en Jésus-Christ. » On dit encore dans
l’Ecclésiastique: « Honorons la mémoire des hommes illustres et
de nos pères dans leur postérité. »
Ceux qui exercent un
commandement, une magistrature, une autorité, ceux qui gouvernent la
chose publique, reçoivent aussi le nom de pères. C’est ainsi que
Naaman était appelé père de ses serviteurs.
Nous nommons encore
pères les personnes au soin, à la fidélité, à la probité et à la
sagesse desquelles d’autres sont confiés, comme par exemple les
tuteurs, les curateurs, les précepteurs, les maîtres. C’est ainsi
que les enfants des prophètes appelaient Elie et Elisée leurs pères.
Enfin nous donnons
également ce nom aux vieillards, à ceux qui sont très avancés en âge
et que nous devons particulièrement respecter.
Le Pasteur, dans ses
instructions, insistera donc sur ce point que nous devons honorer
tous ceux à qui on donne le nom de pères, mais surtout ceux qui sont
pères selon la chair, puisque c’est d’eux avant tout que parle la
Loi. Ils sont en effet pour nous comme une personnification du Dieu
immortel ; nous contemplons en eux l’image de notre origine. Ce sont
eux qui nous ont transmis la vie. C’est d’eux que Dieu s’est servi
pour nous donner une âme et une intelligence. Ce sont eux qui nous
ont ouvert la porte des Sacrements, qui nous ont instruits de la
Religion, qui ont formé en nous l’homme et le citoyen, qui nous ont
élevés dans la pureté des mœurs et la vraie Vie chrétienne. — Le
Pasteur n’oubliera pas de faire remarquer ici que le mot de mère a
été inséré très justement dans ce Commandement. Dieu voulait nous
rappeler par là tous les services et tous les bienfaits dont nous
sommes redevables à nos mères, les soins et la sollicitude avec
lesquels elles nous ont portés, les peines et les douleurs au milieu
desquelles elles nous ont mis au monde et élevés.
§
III. — eN QUOI CONSISTE L’HONNEUR DÛ AUX PARENTS.
[Si nous voulons
pratiquer ce Commandement comme Dieu nous le demande], il faut que
l’honneur et les égards que nous témoignons à nos pères et mères
procèdent de l’amour que nous avons pour eux, c’est-à-dire d’un
sentiment sincère et profond de l’âme. Et certes, nous le leur
devons bien, à cause de la tendresse qu’ils ont pour nous ;
tendresse telle qu’ils ne reculent devant aucune fatigue, aucun
effort, aucun danger pour nous la prouver, et que rien ne peut leur
être plus agréable que de se sentir aimés par des enfants que de
leur côté ils aiment si vivement. Joseph qui, après le Pharaon,
était le plus puissant et le plus honoré de toute l’Egypte, reçut
son père à son arrivée dans ce pays avec les plus grandes marques
d’honneur. Salomon, voyant un jour sa Mère venir à lui, se leva, la
salua avec un profond respect, et la fit asseoir à sa droite sur le
trône royal.
Il est encore d’autres
devoirs que nous devons accomplir envers nos parents, si nous
voulons leur rendre tout l’honneur auquel ils ont droit. Ainsi nous
les honorons
lorsque nous demandons
humblement à Dieu que tout leur réussisse très heureusement, qu’ils
soient environnés de la faveur et de la considération publiques, et
surtout aimés de Dieu, et agréables aux Saints qui sont dans le
ciel.
Nous les honorons
aussi, lorsque nous réglons nos dispositions sur leur jugement et
sur leur volonté. C’est le conseil de Salomon: « Ecoutez, ô mon
fils, les instructions de votre père, et n’abandonnez point la loi
de votre mère. Ces instructions et cette obéissance seront un
ornement pour votre tête et comme un collier à votre cou. »
Saint Paul a des recommandations du même genre : « Enfants,
dit-il, obéissez à vos parents dans le Seigneur ; car cela est
juste. » Et encore : « Enfants, obéissez en tout à vos
parents, car cela est agréable à Dieu. » D’ailleurs ces maximes
trouvent leur confirmation dans l’exemple des plus saints
personnages. Quand Isaac fut lié par son père pour être sacrifié,
il obéit humblement et sans résistance. Et les Réchabites, pour ne
jamais désobéir à leur père, s’abstinrent pour toujours de l’usage
du vin.
Nous honorons encore
nos parents, lorsque nous imitons leurs bonnes actions, et leur
conduite vertueuse. En effet, la plus grande marque d’estime que
l’on puisse donner à quelqu’un, c’est de vouloir lui ressembler.
C’est encore les
honorer que de demander leur avis, et surtout de le suivre.
Nous les honorons
enfin, si nous avons soin de subvenir à leurs besoins, en leur
procurant ce que réclament la nourriture et l’entretien. C’est ce
que Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même nous enseigne, quand II
reproche aux Pharisiens leur impiété. « Pourquoi vous-mêmes,
leur dit-Il, violez-vous le Commandement de Dieu, pour suivre votre
tradition ? Car Dieu a dit: honorez votre père et votre mère: celui
qui maudira son père et sa mère sera puni de mort. Mais vous, vous
dites: quiconque dira à son père ou à sa mère: toute offrande que je
présenterai, vous servira ; celui-là n’honorera pas son père et sa
mère ; et vous avez rendu vain le Commandement de Dieu à cause de
votre tradition. »
Accomplir nos devoirs
envers nos pères et mères est pour nous une obligation de tous les
instants, mais surtout dans leurs maladies graves et dangereuses.
C’est alors que nous devons faire le nécessaire pour qu’ils ne
soient point privés de la Confession et des autres Sacrements que
les Chrétiens sont tenus de recevoir aux approches de la mort. Il
faut aussi veiller de très près à ce qu’ils reçoivent fréquemment la
visite d’hommes pieux et craignant Dieu, capables de les fortifier
s’ils sont faibles et de les aider de leurs conseils, et s’ils sont
déjà bien disposés, d’élever de plus en plus leur âme par
l’espérance de l’immortalité, afin que, entièrement détachés des
choses humaines, ils se confient uniquement à Dieu. Ainsi fortifiés
et comme environnés de ce magnifique cortège des vertus de Foi, de
Charité et de Religion, non seulement ils ne craindront pas la mort
puisqu’elle est inévitable, mais même ils la désireront puisqu’elle
ouvre directement l’éternité.
En dernier lieu, nous
honorons encore nos parents après leur mort, en leur faisant des
funérailles dignes d’eux, en leur donnant une sépulture convenable,
en faisant célébrer pour eux des Sacrifices anniversaires, et en
exécutant avec fidélité leurs dernières volontés.
§ IV. — QUI SONT CEUX QUE L’ON DOIT eNCORE HONORER AVEC LES PARENTS,
eT COMMENT ?
Ce n’est pas seulement
envers ceux qui nous ont transmis la vie naturelle que nous sommes
redevables des devoirs dont nous venons de parler, c’est aussi
envers ceux qui portent le nom de pères, c’est-à-dire les Evêques,
les Prêtres, les rois, les princes, les magistrats, les tuteurs, les
curateurs, les maîtres, les précepteurs, les vieillards et autres
semblables. tous méritent de ressentir les effets, de notre charité,
de notre obéissance et de nos efforts, mais pas au même degré.
Voici ce qui est écrit
des Evêques et des Prêtres: « Que les Prêtres qui gouvernent
bien soient doublement honorés, principalement ceux qui travaillent
à prêcher et à instruire. » Et quelles marques d’affection
profonde les Galates ne donnèrent-ils pas à l’Apôtre Saint Paul,
pour qu’il pût rendre à leur bienveillance ce témoignage
incroyable : « Oui, je l’atteste, vous étiez prêts alors, si la
chose eût été possible, à vous arracher les yeux pour me les
donner ? »
Il faut aussi fournir
aux Prêtres les choses qui leur sont nécessaires pour vivre. « Quel
est le soldat, demande l’Apôtre, , qui fait la guerre à ses dépens ?
» et n’est-il pas écrit dans l’Ecclésiastique ? « Honorez les
Prêtres purifiez-vous par les oblations présentées de vos mains,
donnez-leur la part des prémices et des hosties d’expiation, comme
il a été ordonné. » L’Apôtre enseigne qu’il faut aussi leur
obéir. « Obéissez, dit-il, à vos conducteurs et
soyez-leur soumis, car ils veillent sur vos âmes comme devant en
rendre compte. » Bien plus, Notre-Seigneur Jésus-Christ commande
d’obéir même aux mauvais Prêtres, lorsqu’il dit, en parlant des
Scribles et des Pharisiens : « Ils sont assis sur la chaire de
Moise ; en conséquence, faites tout ce qu’ils vous ordonnent, mais
ne faites point ce qu’ils font ; car ils disent ce qu’il faut faire
et ne le font point. »
Il en faut dire autant
des rois, des princes, des magistrats et de tous ceux à qui nous
devons être soumis. L’Apôtre Saint Paul, dans son Epître aux
Romains, s’étend longuement sur l’honneur, les égards et le respect
qui leur sont dus. Ailleurs, il nous avertit que nous devons prier
pour eux. Saint Pierre nous dit à son tour: « Soyez soumis, pour
l’amour de Dieu, à toute créature revêtue du pouvoir, soit au roi
comme au souverain, soit au gouverneur, comme étant envoyé par lui. »
— Car si nous leur rendons honneur, c’est à Dieu que cet honneur
s’adresse. Les dignités humaines, si hautes qu’elles soient,
n’obtiennent nos respects et nos hommages, qu’autant que nous voyons
en elles l’image de la puissance même de Dieu. Et en agissant ainsi,
nous vénérons en même temps la divine Providence qui confie à
quelques hommes la charge des fonctions publiques, et qui se sert
d’eux comme d’autant de ministres qui tiennent d’Elle leur pouvoir.
S’il se rencontre
parfois des magistrats indignes, ce n’est ni leur perversité, ni
leur malice que nous honorons, mais l’autorité divine qui est en
eux. Et même, ce qui paraîtra peut-être incroyable, les inimitiés,
les colères, les haines implacables qu’ils peuvent nourrir dans leur
cœur contre nous, ne sont point des raisons suffisantes pour nous
dispenser de nos devoirs envers eux. David ne rendit-il point les
plus grand services à Saül, quoique celui-ci fût son plus cruel
ennemi ? C’est ce qu’il nous rappelle lui-même par ces paroles: « J’étais
pacifique avec ceux qui haïssent la paix. »
Cependant, s’ils
avaient le malheur d’ordonner quelque chose de mauvais ou d’injuste,
comme alors ils n’agiraient plus de par cette autorité légitime
qu’ils ont reçue de Dieu, mais en suivant leurs sentiments injustes
et pervers, nous ne serions obligés en aucune façon de leur obéir.
Quand le Pasteur aura
exposé successivement les différents points que nous venons de
traiter, il ne manquera pas de faire remarquer combien est belle et
convenable la récompense réservée à ceux qui observent ce quatrième
Commandement de Dieu. Or le premier fruit de leur obéissance, c’est
une longue vie. On mérite en effet de jouir très longtemps d’un
bienfait dont on garde fidèlement la mémoire. Ceux donc qui honorent
leurs parents et qui leur témoignent une vive reconnaissance pour le
bienfait de la vie et de la lumière, ont droit à jouir de la vie
jusqu’à la plus grande vieillesse. Mais cette promesse divine veut
être expliquée plus au long. Il faut savoir qu’elle n’a pas
seulement pour objet la Vie Eternelle et bienheureuse, mais encore
cette vie que nous avons à passer sur la terre. Saint Paul exprime
très bien cette vérité quand il dit: « La piété est utile à
tout: elle a les promesses de la vie présente et celles de la vie
future. »
Et qu’on veuille bien
le croire, cette récompense n’est ni vile, ni méprisable, encore que
de très saints personnages comme Job , David , et Saint Paul aient
désiré la mort, et qu’il soit peu agréable de voir sa vie se
prolonger, quand on est accablé de chagrin et de misère. Car ces
paroles qui accompagnent la promesse divine : Que le Seigneur
voire Dieu vous donnera, n’assurent pas seulement la longueur de
la vie mais encore le repos, la tranquillité, la santé nécessaires
pour vivre heureusement. Aussi bien le Deutéronome ne dit pas
seulement: « afin que vous viviez longtemps, » il ajoute: « afin
que vous soyez heureux sur la terre. » Et l’Apôtre, plus tard,
redit la même chose.
Dieu accorde ces biens
à ceux dont Il veut récompenser la piété, autrement Il ne serait ni
fidèle ni constant dans ses promesses ; puisqu’il arrive quelquefois
que les enfants qui se distinguent le plus par leur piété filiale,
ne jouissent pas pour cela d’une longue existence. Si Dieu le permet
ainsi, c’est à coup sûr pour leur plus grand bien. Ils sortent de la
vie, avant d’avoir abandonné le chemin de la vertu et du devoir . « Ils
sont enlevés, disent nos Saints Livres, de peur que la malice
ne corrompe leur esprit, et que l’illusion ne séduise leur âme. »
Ou bien encore parce que, au moment où la ruine et le bouleversement
de toutes choses menacent le monde, ils sont dégagés des liens du
corps pour échapper aux calamités publiques. Le juste, dit le
Prophète , « a été soustrait à la malice des hommes, » de
peur que son innocence et son salut même ne fussent en danger,
lorsque Dieu par ses châtiments punirait les crimes des hommes ; ou
enfin, pour leur épargner dans les temps de grande désolation, les
douleurs, les deuils et les amertumes que nous cause la mort de nos
amis et de nos proches. C’est la raison pour laquelle nous devons
être saisis de crainte lorsque Dieu rappelle à Lui les gens de bien
par une mort prématurée.
§ VI. — CHATIMENT RÉSERVÉ A CEUX QUI VIOLENT
LE QUATRIÈME PRÉCEPTE.
Mais si Dieu promet une
récompense et des avantages aux enfants qui sont reconnaissants
envers leurs parents, il réserve des peines terribles aux fils
ingrats et dénaturés. Il est écrit: « Celui qui aura maudit son
père ou sa mère sera puni de mort ; et celui qui afflige son
père et chasse sa mère est un misérable et un infâme ; puis
encore: « Celui qui maudit son père ou sa mère, verra sa lampe
s’éteindre au milieu des ténèbres. » Et enfin que l’œil qui
insulte à son père, et qui tourne en dérision l’enfantement de sa
mère, soit arraché par les corbeaux des torrents °t dévoré par les
fils de l’aigle. » nous voyons dans l’Ecriture que souvent la
colère de Dieu s’est appesantie sur les enfants qui avaient outragé
leurs parents. David ne reste point sans vengeance. Son fils révolté
Absalon meurt percé de trois coups de lance: juste punition de son
crime.
De même il est écrit de
ceux qui n’obéissent point aux Prêtres : « Celui qui
s’enorgueillira, ne voulant point obéir au commandement du Prêtre
qui en ce temps-là sera ministre du Seigneur notre Dieu, ni d la
sentence du juge ; celui-là mourra. »
§ VII. — DEVOIRS DES PARENTS eT DES
SUPÉRIEURS eNVERS LEURS eNFANTS eT LEURS INFÉRIEURS.
Si la Loi divine
ordonne aux enfants d’honorer leurs parents, de leur obéir, de les
respecter, elle fait aussi aux parents une obligation et une charge
spéciale d’élever leurs enfants dans des principes parfaits et des
mœurs pures, de leur donner d’excellentes règles de conduite, de les
habituer à la pratique des devoirs de la Religion, et de leur
inspirer pour Dieu un profond et inviolable respect. Ainsi, nous dit
l’Ecriture, firent les parents de la chaste Suzanne.
Que le Pasteur ait donc
soin de rappeler aux pères et mères qu’ils sont obligés de donner à
leurs enfants des leçons de vertu, de justice, de continence, de
modestie et de sainteté. Ils doivent surtout éviter trois défauts,
qui ne sont que trop communs
Le premier, de les
traiter trop durement, soit en paroles, soit en actions. Saint Paul,
dans son Epître aux Colossiens ne dit-il pas : « Vous, pères, ne
provoquez point vos enfants à la colère, de peur qu’ils ne tombent
dans l’abattement. » Car s’ils craignent tout, ils sont en grand
danger de perdre tout courage. Le Pasteur leur recommandera donc
d’éviter une trop grande sévérité, et de corriger leurs enfants
plutôt que de s’en venger.
Le second défaut,
d’user d’une molle indulgence, quand les enfants ont commis quelque
faute, et qu’il faudrait les réprimander et sévir contre eux. Il
arrive souvent que la trop grande douceur, et la trop grande
facilité des parents dépravent les enfants. Pour les détourner de
cette indulgence mauvaise, le Pasteur n’hésitera pas à leur citer
l’exemple du grand prêtre Héli qui, pour avoir été trop bon envers
ses fils, fut frappé par Dieu du dernier châtiment .
Le troisième enfin, et
c’est le plus honteux, de se proposer dans l’éducation et
l’instruction de leurs enfants des desseins condamnables, comme le
font, hélas ! un trop grand nombre de parents, qui n’ont d’autre
pensée et d’autre soin que celui de laisser à leurs enfants des
richesses, de l’argent, un vaste et magnifique patrimoine. Ils ne
les forment point à la religion, à la piété, pas même à l’exercice
d’un emploi honorable, mais au contraire à l’avarice et à
l’augmentation de leur fortune, peu jaloux de la considération et du
salut de leurs enfants, pourvu qu’ils soient riches et opulents.
Peut-on dire, peut-on imaginer rien de plus déplorable ? C’est ainsi
qu’ils en font plutôt les héritiers de leurs crimes et de leurs
désordres que de leur opulence ; et au lieu de les guider vers le
ciel, ils les entraînent aux supplices éternels de l’enfer.
Que le Prêtre donc
fasse entendre aux parents les meilleures instructions ! qu’il les
excite à imiter le saint homme Tobie et ses vertus, afin qu’ayant
formé leurs enfants comme il convient au service de Dieu et à la
sainteté, ils en recueillent à leur tour les fruits les plus
abondants d’amour, de respect et d’obéissance.
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