Cette formule de prière
chrétienne nous vient de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même. Et
elle est composée de telle sorte qu’avant de nous donner à exprimer
nos désirs et nos demandes, elle nous oblige à réciter une sorte de
Préface, qui a pour but d’augmenter encore notre confiance envers
Dieu et notre piété, au moment où nous allons Lui parler dans la
Prière. C’est donc un véritable devoir pour le Pasteur d’expliquer
chacun des mots de cette Préface, avec toute la clarté et toute la
précision possible, afin que les Fidèles se portent à la Prière avec
joie et empressement, sachant bien qu’ils vont traiter avec un Dieu,
qui est aussi un Père.
Cette Préface est très
courte, si nous ne faisons attention qu’au nombre des paroles
qu’elle emploie. Mais si nous allons au fond des choses qu’elle
exprime, elle est extrêmement importante, et toute pleine de
mystères.
§ I. — NOTRE PÈRE.
Le premier mot que nous
prononçons dans cette prière, par l’ordre et l’institution même de
Dieu, c’est celui-ci: Pater, Père.
Notre Sauveur aurait pu
commencer cette divine Oraison par une expression qui aurait eu plus
de majesté, par exemple celle de Créateur et de Seigneur. Il ne l’a
pas voulu, parce que de telles expressions pouvaient nous inspirer
des sentiments de crainte. Il a choisi un terme qui inspire
nécessairement la confiance et l’amour à ceux qui prient, et qui
demandent quelque chose à Dieu. Qu’y a-t-il en effet de plus doux
que ce nom de Père, qui rappelle tout ensemble l’indulgence et
l’amour ? Mais comment ce nom de Père convient-il à Dieu ? C’est ce
qu’il est facile d’apprendre aux Fidèles, en leur parlant des
mystères de la Création, de la Providence et de la Rédemption.
Dieu a créé l’homme à
son image, et II n’a point accordé cette faveur aux autres êtres
animés. C’est donc avec raison que pour ce privilège unique dont il
a honoré l’humanité la Sainte Eglise l’appelle le Père de tous,
aussi bien des Fidèles que des infidèles.
Le gouvernement de ce
monde nous fournit un argument semblable. En veillant aux intérêts
des hommes, sans jamais les perdre de vue, Dieu par ces soins
touchants et cette Providence assidue, ne nous donne-t-Il pas la
preuve d’un Amour vraiment paternel ?
Mais pour mettre plus
en lumière cette vigilance paternelle de Dieu sur tous les hommes,
et pour la rendre plus sensible, il nous semble qu’il y a lieu de
dire ici quelque chose des Anges Gardiens qui sont donnés à chacun
de nous.
C’est qu’en effet la
Providence divine a confié à des Anges la garde du genre humain.
Elle les a chargés de protéger sans cesse tous les hommes pour les
préserver des dangers qui pourraient les menacer. De même que les
parents donnent des gardes et des défenseurs à leurs enfants,
lorsqu’ils les voient entreprendre quelque voyage difficile et
périlleux, ainsi dans ce voyage que nous faisons tous vers la
céleste Patrie, Dieu notre Père nous a confiés à la garde d’un Ange,
afin que son secours et sa vigilance nous fissent éviter les
embûches secrètement préparées par nos ennemis, repousser les plus
terribles attaques dirigées contre nous, marcher constamment dans le
droit chemin, et empêcher que quelque piège tendu par notre perfide
adversaire ne nous fît sortir de la voie qui mène au ciel.
Et ce qui prouve
combien est utile aux hommes cette attention, cette Providence
spéciale de Dieu, dont l’exercice et l’application sont confiés aux
Anges — lesquels sont de véritables intermédiaires entre Dieu et
nous — c’est cette foule d’exemples que nos Saints Livres nous
rapportent, et qui nous montrent clairement que la Bonté divine a
permis souvent aux Anges d’opérer des prodiges sous les yeux des
hommes. Or, pourquoi ces mêmes exemples ne nous convaincraient-ils
pas que nos Anges Gardiens font tous les jours, pour notre utilité
et pour notre salut, une multitude de choses aussi extraordinaires,
bien que nous ne les voyons pas.
Ainsi l’Ange Raphaël,
que Dieu donna pour compagnon et pour guide à Tobie dans son voyage,
le conduisit et le ramena sans qu’il lui fût arrivé aucun mal. C’est
lui qui l’empêcha d’être dévoré par un poisson énorme, et lui fit
connaître les vertus secrètes du foie, du fiel et du cœur de ce
monstre. C’est lui qui chassa le démon, enchaîna sa puissance et
préserva Tobie de ses atteintes. C’est lui qui apprit à ce jeune
homme les droits légitimes et l’usage du Mariage. C’est lui enfin
qui rendit au père de Tobie la vue dont il avait été privé.
Il en est de même de
cet autre Ange qui délivra le prince des Apôtres. L’histoire de ce
miracle est un thème admirable, pour convaincre les pieux Fidèles
des effets extraordinaires de la vigilance et de la protection de
nos Anges Gardiens. Les Pasteurs ne manqueront pas de montrer l’Ange
de Saint Pierre illuminant les ténèbres de sa prison, touchant son
côté et le secouant en quelque sorte pour l’éveiller, puis dénouant
ses chaînes, brisant ses liens, lui commandant de se lever, de
prendre ses chaussures et ses vêtements et de le suivre, puis enfin
le conduisant et le faisant passer sans obstacle au milieu des
gardes, lui ouvrant les portes de la prison, et ne le quittant
qu’après l’avoir fait sortir, et l’avoir mis en sûreté.
Nos Saints Livres,
comme nous l’avons déjà remarqué, sont pleins d’exemples semblables
et bien propres à nous faire comprendre la grandeur des bienfaits
que nous recevons de Dieu par le ministère des Anges. Et ce n’est
pas seulement pour quelque affaire particulière et déterminée que
Dieu nous confie à eux, ou qu’Il les députe vers nous. non, dès
notre naissance, Il les prépose à notre garde, et les établit
individuellement pour veiller au salut de chacun de nous.
Cette doctrine
clairement expliquée aura pour conséquence d’exciter le courage des
auditeurs et de les amener à reconnaître et à vénérer avec un plus
grand respect les soins paternels et la Providence de Dieu à leur
égard.
Ici le Pasteur mettra
en pleine lumière et exaltera de toutes ses forces l’immense Bonté
de Dieu envers les hommes. II dira que depuis le péché de notre
premier père jusqu’à ce jour, Il n’a point cessé d’être outragé par
toutes sortes de désordres et de crimes, et que néanmoins Il nous
conserve tout son amour, et ne dépose jamais cette sollicitude si
touchante qu’Il a pour nous. Penser qu’Il nous oublie serait une
folie et en même temps le plus cruel outrage. Dieu s’irrite contre
Israël, parce que ce peuple L’avait blasphémé, en s’imaginant que le
secours du ciel lui avait été retiré. Ecoutons ce que nous dit
l’Exode à ce sujet: « ils ont tenté le Seigneur en disant: Dieu
est-Il avec nous, ou n’y est-Il pas ? » et dans Ezéchiel la
colère divine s’enflamme de nouveau contre ce même peuple, parce
qu’il avait osé dire: « Le Seigneur ne nous voit point, le
Seigneur nous a abandonnés ; le Seigneur a abandonné cette terre. »
L’autorité de ces exemples suffit pour détourner les Fidèles de
cette pensée abominable, que Dieu puisse jamais oublier les hommes.
Dans le Prophète Isaïe nous lisons les plaintes insensées du peuple
d’Israël contre Dieu, et la réponse pleine de bonté que Dieu voulait
bien y faire par une comparaison touchante. « Sion dit: Le
Seigneur m’a délaissée ; mon Dieu m’a oubliée. Mais, répond le
Seigneur, une mère peut-elle oublier son enfant, et n’être pas émue
par le fils de ses entrailles ? et cependant quand elle
l’oublierait, Moi Je ne t’oublierai jamais. Je te porte gravée dans
mes mains. »Les textes que nous venons de citer établissent très
clairement que Dieu n’oublie jamais les hommes, et que, en tout
temps, Il leur prodigue les témoignages de sa tendresse paternelle.
Mais pour convaincre davantage encore le peuple fidèle de cette
double vérité, les Pasteurs apporteront en preuve l’exemple si connu
de nos premiers parents: ils avaient méprisé et violé les ordres
formel de Dieu ;ils avaient été sévèrement blâmés et condamnés, et
cette sentence effrayante était tombée sur eux: « La terre est
maudite dans votre travail ; vous n’en tirerez chaque jour votre
nourriture qu’avec un grand labeur. Elle ne produira pour vous que
des épines et des chardons ; et vous vous nourrirez de l’herbe de la
terre. » Ils avaient été chassés du paradis terrestre ; et pour
leur ôter tout espoir d’y jamais rentrer, Dieu avait placé à
l’entrée du jardin de délices un Chérubin de feu, tenant à la main
un glaive flamboyant qu’il brandissait toujours ; enfin Dieu,
pour se venger contre eux de leur outrage, les avait accablés de
tous les maux intérieurs et extérieurs. A la vue de ces terribles
châtiments, ne dirait-on pas que c’en est fait de l’homme ? ne
croirait-on pas qu’il est pour toujours dénué de tout secours divin,
et réservé à toutes les misères ? et cependant, au milieu de tant et
de si cruelles preuves de la colère et de la vengeance divines, on
vit paraître comme une lueur de la Bonté de Dieu à leur égard. « Le
Seigneur Dieu, nous dit la Genèse , fit à Adam et à sa femme
des tuniques de peau, et Il les en revêtit. » Marque évidente,
entre tant d’autres, que Dieu n’abandonnera jamais les hommes.
Cette pensée, si belle
et si vraie, que jamais l’iniquité humaine n’épuisera la Bonté de
Dieu, David l’exprimait aussi en ces termes: « La colère de Dieu
enchaînera-t-elle ses miséricordes ? » Habacuc l’énonçait
également quand il disait en s’adressant à Dieu: « Même au temps
de votre colère, Vous Vous souviendrez de votre miséricorde » et
Michée la rendait ainsi: « Qui est semblable à Vous, ô Dieu, qui
ôtez l’iniquité, et qui oubliez les péchés du reste de votre
héritage ? Le Seigneur n’enverra plus désormais sa fureur, parce
qu’Il veut la miséricorde. »
Oui, c’est bien ainsi
que les choses se passent. C’est au moment où nous nous croyons
perdus et absolument délaissés de Dieu, c’est alors qu’Il nous
cherche avec une Bonté infinie, et qu’Il prend soin de nous. Il
suspend dans sa colère le glaive de sa justice, et II ne cesse de
répandre sur nous les inépuisables trésors de sa miséricorde.
La Création d’une part,
et la Providence de l’autre, sont donc très propres à faire
ressortir les dispositions particulières de Dieu à aimer et à
protéger le genre humain. Mais sous ce rapport, l’œuvre de notre
Rédemption l’emporte tellement sur les deux autres, que c’est par ce
troisième bienfait que notre Dieu infiniment bon, et qui est en même
temps notre Père, met vraiment le comble à tous ses bienfaits.
Le Pasteur enseignera
donc aux Fidèles, qui sont ses enfants spirituels, et il leur
rappellera sans cesse cet effet incomparable de la Charité divine à
notre égard, afin qu’ils comprennent bien que la Rédemption a fait
d’eux, d’une manière merveilleuse, de vrais enfants de Dieu.
« Car le Verbe, dit Saint Jean , leur a donné le pouvoir de devenir
enfants de Dieu, et ils sont nés de Dieu. » C’est pourquoi le
Baptême, qui est le premier gage et le premier effet de notre
Rédemption, est appelé le Sacrement de la régénération ; car c’est
par lui que nous naissons enfants de Dieu. « Ce qui est né de
l’esprit, est esprit, dit Notre-Seigneur Lui-même . » Et encore:
« Il faut que vous receviez une nouvelle naissance. » Et
Saint Pierre dit aussi: « Vous êtes nés de nouveau, non point
d’une semence corruptible, mais d’une semence incorruptible, par la
parole du Dieu vivant. »
C’est par le mérite de
cette Rédemption que nous avons reçu le Saint-Esprit et que nous
avons été jugés dignes de la Grâce de Dieu. C’est ce don aussi qui
nous a valu l’être adoptés pour ses enfants, ainsi que l’Apôtre
Saint Paul l’écrit aux Romains. « Vous n’avez point reçu,
dit-il , l’esprit de servitude pour vous conduire encore par la
crainte, mais vous avez reçu l’esprit d’adoption des enfants par
lequel nous crions: Père, Père ! » et Saint Jean explique la
force et l’efficacité de cette adoption, en disant : « Considérez
quel amour le Père a eu pour nous, de vouloir que nous soyons
appelés, et que nous soyons vraiment enfants de Dieu. »
Ces explications
données, il ne faut pas manquer de représenter aux Fidèles ce qu’ils
doivent en retour à Dieu, le plus aimant des Pères, c’est-à-dire
leur faire sentir combien ils ont à témoigner d’amour, de piété,
d’obéissance, et de respect à Celui qui les a créés, qui les
gouverne et qui les a rachetés, et avec quel espoir et quelle
confiance ils doivent L’invoquer. Mais pour éclairer les ignorants.
Et pour redresser les idées fausses de ceux qui pourraient
considérer la prospérité et le cours d’une vie heureuse comme
l’unique preuve que Dieu nous continue son amour, et l’adversité et
les malheurs qui nous éprouvent, comme un signe qu’Il nous a
complètement retiré son attachement et qu’Il a contre nous des
dispositions hostiles, il sera nécessaire de démontrer que lorsque
la main du Seigneur nous frappe, elle ne frappe jamais en ennemie ;
qu’elle guérit en frappant, et qu’une plaie qui vient de Dieu est un
véritable remède.
C’est qu’en effet, Il
châtie ceux qui pèchent, afin que la punition les rende meilleurs,
et que la peine présente les délivre de la peine éternelle. « Il
visite, il est vrai, nos iniquités la verge à la main, et Il
frappe nos péchés, mais Il ne nous retire point sa Miséricorde
»
II faut donc
recommander aux Fidèles de voir dans ces sortes de châtiments
l’effet de la paternelle Bonté de Dieu, d’avoir par conséquent, et
dans le cœur et sur les lèvres, ces paroles de Job, le plus patient
des hommes : « Il blesse, et Il guérit ; Il frappe, et sa maint
applique le remède », de se redire souvent ce que Jérémie
écrivait sous le nom des enfants d’Israël : « Vous m’avez frappé,
et je me suis instruit, comme un jeune taureau indompté ;
convertissez-moi, et je serai converti, parce que Vous êtes le
Seigneur mon Dieu », de se proposer enfin l’exemple de Tobie
qui, étant devenu aveugle, reconnut la main paternelle de Dieu dans
ce malheur, et s’écria : « Je Vous bénis, Seigneur, Dieu
d’Israël, parce que Vous m’avez châtié, et que Vous m’avez sauvé. »
Enfin les Fidèles
doivent bien se garder de croire que, quels que soient leurs revers
ou leurs malheurs, Dieu puisse les ignorer. Certes, Il a dit
Lui-même : « Il ne tombera pas un cheveu de votre tête », à
mon insu. Qu’ils se consolent donc bien plutôt par cet oracle divin
que nous lisons dans l’Apocalypse : « Ceux que J’aime, Je les
reprends et Je les châtie. » Qu’ils se tiennent en paix, en
relisant cette exhortation de Saint Paul aux hébreux : « Mon
fils, ne négligez point la correction du Seigneur, et ne vous
laissez point abattre lorsqu’Il vous reprend. Car c’est celui qu’Il
aime qu’Il châtie, et il frappe à coups de verge tous ceux qu’il
reçoit parmi ses enfants. Si vous n’êtes point châtiés, vous êtes
donc des enfants étrangers à Dieu et qu’Il n’a pas adoptés. nous
avons eu du respect pour les pères de nos corps, lorsqu’ils nous
corrigeaient, combien ne devons-nous pas avoir plus de soumission
pour Celui qui est le Père de nos âmes, afin d’avoir la vie ? »
§ II. — POURQUOI CHACUN DIT-IL NOTRE PÈRE
Lorsque nous prions
Dieu le Père, chacun en notre particulier, nous L’appelons néanmoins
notre Père, nous sommes donc bien avertis par là que le privilège et
les droits de l’adoption divine font que tous les Fidèles sont
frères, et qu’ils doivent s’aimer en frères. « Vous êtes tous
frères, dit Jésus-Christ , et vous n’avez qu’un seul Père
dans les cieux. » C’est pourquoi, dans leurs Epîtres, les
Apôtres donnent aux Fidèles le nom de frères.
Une autre conséquence
nécessaire de cette adoption, c’est que non seulement tous les
Fidèles sont unis entre eux par les liens de la fraternité, mais que
le Fils de Dieu étant homme, ils sont encore appelés des frères, et
le sont en effet. Dans son épître aux Hébreux, l’Apôtre Saint Paul,
parlant de Notre-Seigneur Jésus-Christ, écrit ces paroles
remarquables : « Il n’a point rougi d’appeler les hommes ses
frères, en disant: J’annoncerai votre nom à mes frères. » Et
bien longtemps auparavant David avait mis ces mêmes paroles dans sa
bouche . Mais du reste, ne savons-nous pas en quels termes
Jésus-Christ Lui-même s’adresse aux saintes Femmes : « Allez,
annoncez à mes frères de se rendre en Galilée ; c’est là qu’ils Me
verront. »
Or, chacun sait que
Notre-Seigneur prononça ces paroles après sa Résurrection, lorsque
déjà il était devenu immortel. Ainsi personne n’aurait le droit de
croire que les liens de fraternité qui nous unissaient à Lui avaient
été brisés par sa Résurrection et par son Ascension. Et non
seulement ces liens n’ont pas été rompus, non seulement notre union
avec Lui et la Charité fraternelle qu’Il a pour nous n’ont pas été
détruites, mais nous savons qu’un jour, lorsque du haut de son trône
de gloire et de majesté Il jugera tous les hommes rassemblés devant
Lui, ce jour-là, Il donnera ce doux nom de frères aux moindres
d’entre les Fidèles.
Au surplus, comment
pourrait-il se faire que nous ne fussions pas les frères de
Jésus-Christ, nous dont il est dit que nous sommes ses
cohéritiers ? Sans doute, Il est le premier né, l’héritier
constitué de tout ; mais nous avons été engendrés après Lui, pour
être ses cohéritiers, dans la mesure des dons de Dieu, et selon
l’étendue de la Charité avec laquelle nous aurons coopéré à la vertu
du Saint Esprit et à l’action de la grâce. Car, [ne l’oublions pas]
c’est le Saint Esprit qui nous porte à la vertu, qui nous pousse aux
bonnes œuvres, qui enflamme notre ardeur, qui nous fortifie
par sa Grâce et nous donne le courage de descendre dans l’arène pour
les combats du salut. C’est Lui qui nous aide à les soutenir
jusqu’au bout avec constance et habileté. C’est Lui enfin qui, après
cette vie, nous fait obtenir du Père céleste la juste récompense de
la couronne promise à tous ceux qui auront fourni la même carrière.
« Car, dit l’Apôtre , Dieu n’est pas injuste pour oublier
nos bonnes œuvres et notre amour pour Lui. »
Saint Jean Chrysostome
nous dit en fort bons termes avec quels sentiments du cœur nous
devons prononcer le mot notre. « Dieu, dit-il , écoute
volontiers le Chrétien qui ne prie pas seulement pour lui-même, mais
encore pour les autres. Prier pour soi, c’est l’inspiration de la
nature, prier pour les autres, c’est l’inspiration de la grâce. En
priant pour soi, on obéit d la nécessité, en priant pour les autres,
on cède aux exhortations de la Charité fraternelle. » Or,
ajoute-t-il « La Prière qui vient de la Charité fraternelle est
plus agréable à Dieu que celle qui procède de la nécessité. »
En traitant une si
importante matière, le Pasteur ne manquera pas d’engager et même
d’exhorter fortement tous les Fidèles, sans distinction d’âge, de
rang et de condition, à ne jamais oublier qu’ils sont unis entre eux
par les liens d’une fraternité universelle, et que, par conséquent,
ils doivent se traiter mutuellement comme des amis et des frères, et
ne pas chercher à s’élever orgueilleusement les uns au-dessus des
autres. Et en effet, bien qu’il y ait dans l’Eglise de Dieu des
fonctions de différents degrés, cependant cette diversité de
dignités et d’emplois ne détruit en aucune façon les rapports
d’union fraternelle qui existent entre nous. Ainsi, dans le corps
humain, la variété des fonctions et des destinations de chaque
membre, n’empêche nullement que toutes les parties du corps n’en
soient de véritables membres. Prenons un homme revêtu de l’autorité
royale. S’il est Chrétien, n’est-il pas le frère de tous ceux qui
comme lui font partie de la Communion chrétienne ? Oui, sans aucun
doute, et pourquoi ? parce qu’il n’y a pas un Dieu pour les pauvres,
et un Dieu pour les riches et les rois, un Dieu qui a fait les
pauvres, et un Dieu qui a créé les rois et leur a donné la
puissance. non, il n’y a qu’un seul Dieu, un seul Père, un seul
Seigneur de tous les hommes.
De là pour tous sans
exception, dans l’ordre spirituel, même noblesse d’origine, même
dignité, même splendeur de race, puisque tous nous avons été
régénérés par le même esprit, puisque tous nous sommes devenus
enfants de Dieu par le même sacrement de la Foi, et cohéritiers du
même héritage avec Jésus-Christ. Il n’y a pas un Christ Rédempteur
pour les riches et les puissants, et un autre pour les pauvres et
les petits. tous participent aux mêmes Sacrements, tous attendent le
même héritage, c’est-à-dire le Royaume céleste. nous sommes tous
frères, et comme le dit l’Apôtre Saint Paul aux Ephésiens : « Nous
sommes les membres du corps de Jésus-Christ, formés de sa chair et
de ses os. » Vérité que le même Apôtre exprime encore en ces
termes, dans son Epître aux Galates : « Vous êtes tous enfants de
Dieu par la Foi en Jésus-Christ ; car vous tous qui avez été
baptisés en Jésus-Christ, vous êtes revêtus de Jésus-Christ. Il n’y
a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni
femme ; vous n’êtes tous qu’un en Jésus-Christ. »
Ce point veut être
traité et établi avec le plus grand soin. C’est pourquoi les
Pasteurs devront y revenir souvent, comme sur une vérité bien propre
à relever et à encourager les pauvres et les malheureux, et en même
temps capable de réprimer et d’abattre l’arrogance des riches et des
puissants. C’est précisément pour remédier à ce mal que l’Apôtre
Saint Paul revenait si souvent et avec tant de force et d’instance
sur cette Charité fraternelle, qu’il voulait faire pénétrer dans le
cœur des Fidèles.
Souvenez-vous donc, ô
Chrétien, au moment d’adresser cette Prière au Seigneur, que vous
devez parler à Dieu comme un enfant à son père. Dès lors, en la
commençant, et en prononçant ces mots: Notre Père, pensez à
quelle dignité Dieu dans sa Bonté infinie a voulu vous élever ! Il
vous ordonne de vous présenter devant Lui, non par contrainte et en
tremblant, comme un esclave devant son maître, mais de vous réfugier
auprès de Lui en toute liberté et en parfaite confiance comme un
enfant auprès de son père. Que ce souvenir et cette pensée vous
fassent comprendre avec quelle ferveur et quelle piété vous devez
prier. Efforcez-vous d’être tel qu’il convient à un enfant de Dieu,
c’est-à-dire que vos Prières et vos actions ne soient jamais
indignes de la divine origine qu’il a plu à sa Bonté de vous donner.
C’est là en effet ce que nous recommande l’Apôtre, quand il dit: « Soyez
donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien aimés. »
Alors on pourra dire de nous avec vérité ce que le même Apôtre
écrivait aux Thessaloniciens: « Vous êtes tous les enfants de la
lumière, et les fils du jour. »
§ III. — QUI ÊTES DANS LES CIEUX.
Tous ceux qui ont de
Dieu l’idée qu’il en faut avoir sont d’accord pour reconnaître qu’Il
est partout et en tous lieux. Ce n’est pas à dire pour cela qu’Il
soit dans tous les lieux d’une manière partielle, comme si sa
substance était partagée et distribuée en quelque sorte entre toutes
les parties de l’espace, pour las occuper et les protéger. non,
Dieu est un esprit, et Il ne souffre peint de division. Qui
oserait Lui assigner une place particulière et Le circonscrire dans
certaines limites, lorsqu’Il dit de Lui-même: « Est-ce que Je ne
remplis pas le ciel et la terre ? » Paroles qui, à leur tour,
doivent s’entendre en ce sens que Dieu, par sa Puissance et son
Immensité, embrasse le ciel et la terre, et tout ce que le ciel et
la terre renferment, mais sans être Lui-même contenu dans aucun
lieu. Il est présent à tout, soit pour créer, soit pour conserver ;
mais Il n’est ni circonscrit, ni borné dans telle ou telle contrée
ou dans telles ou telles limites ; Il est présent partout par sa
substance et par son pouvoir. C’est ce que le Saint roi David
exprimait en ces termes: « Si je monte au ciel, Vous y êtes. »
Mais si Dieu est
présent partout, en tout lieu et en toutes choses, sans être borné,
comme nous l’avons dit, par aucune limite, cependant nos Saints
Livres nous répètent souvent qu’Il a son séjour dans le ciel. La
raison
en est que les cieux
que nous voyons au-dessus de nos têtes sont la plus noble partie du
monde, qu’ils demeurent incorruptibles, qu’ils surpassent tous les
autres corps en force, en grandeur, en beauté, et qu’ils sont doués
de certains mouvements réguliers et constants. C’est donc pour
exciter les hommes à contempler sa Puissance infinie et sa Majesté,
qui brillent surtout dans l’œuvre des cieux, qu’Il nous atteste dans
la Sainte Ecriture que le ciel est son séjour. toutefois, Il déclare
souvent aussi qu’il n’y a réellement aucune partie du monde, où Il
ne soit présent par sa nature et par sa Puissance.
Au reste en méditant
ces choses, les Fidèles chercheront à se représenter Dieu non
seulement comme le Père commun de tous les hommes, mais encore comme
Celui qui règne dans les cieux. Dès lors, à l’heure de la Prière,
ils se souviendront qu’ils doivent porter vers le ciel leur esprit
et leur cœur ; et plus le nom de Père leur inspirera d’espoir et de
confiance, plus les sentiments de l’humilité et du respect croîtront
en eux à la vue de l’Etre souverainement parfait, et de la Majesté
infinie de Notre Père qui est dans les cieux.
Ces mêmes paroles
déterminent encore ce que nous devons demander à Dieu dans la
Prière. toute demande qui porterait sur les besoins et les
nécessités de la vie, sans avoir aucun rapport aux besoins
spirituels et aux biens du ciel, serait vaine et indigne d’un
Chrétien. C’est pourquoi les Pasteurs se feront un devoir
d’enseigner à leurs pieux auditeurs cette manière de prier, et ils
pourront s’appuyer en cela sur l’autorité de l’Apôtre Saint Paul,
qui disait: « Si vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ,
cherchez les choses d’en haut où Jésus-Christ est assis à la droite
de Dieu ; n’ayez de goût que pour les choses du ciel, et non pour
celles de la terre. »
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