QUE VOTRE NOM SOIT SANCTIFIÉ.
§ I. — POURQUOI CETTE DEMANDE EST LA
PREMIÈRE ?
Notre-Seigneur
Jésus-Christ, Maître et Seigneur universel, a voulu nous enseigner
et nous prescrire Lui-même ce que nous devons demander à Dieu, et
l’ordre dans lequel nous devons le demander. La Prière, en effet,
n’est que l’expression de nos vœux et la manifestation de nos
désirs. Dès lors, pour qu’elle soit bien faite, d’une manière
convenable et raisonnable, nos demandes, c’est-à-dire nos vœux et
nos désirs, doivent suivre l’ordre même dans lequel les choses sont
désirables.
Or, la vraie Charité
nous fait un devoir de rapporter tout notre cœur et toutes nos
affections à Dieu. Dieu en effet n’est-Il pas en Lui-même le seul et
souverain Bien ? et à ce titre, ne mérite-t-Il pas d’être aimé d’un
amour supérieur et tout particulier ?
D’autre part, il nous
est impossible de L’aimer de tout notre cœur et plus que toutes
choses, si nous ne préférons son honneur et sa gloire à tout ce qui
existe. Car tous les biens, quels qu’ils soient, les nôtres, ceux du
prochain, enfin tout ce que nous appelons de ce nom de biens, tout
vient de Lui, et est infiniment au-dessous de Lui, le souverain
Bien. Aussi, pour mettre de l’ordre dans nos Prières, le Sauveur a
fait de la demande du souverain Bien la première et la principale de
nos requêtes. Il a voulu nous apprendre qu’avant de demander ce qui
nous est nécessaire, à nous ou à notre prochain, nous devons
demander ce qui se rapporte à la Gloire de Dieu, et présenter à Dieu
Lui-même nos affections et nos désirs à cet égard. De cette manière
nous resterons dans les règles de la Charité, qui nous ordonne
d’aimer Dieu plus que nous-mêmes, et de demander d’abord ce que nous
désirons pour Lui, avant ce que nous souhaitons pour nous.
§ II. — QU’EST-CE QUE LA GLOIRE DE DIEU ?
On ne désire et on ne
demande que ce qu’on n’a pas. Mais à Dieu rien ne manque ; Il ne
peut recevoir ni accroissement, ni augmentation, puisqu’Il est
infini et parfait sous tous les rapports. Et par conséquent ce que
nous demandons à Dieu pour Lui-même n’intéresse ni ses perfections,
ni sa nature, mais uniquement sa Gloire extérieure. nous désirons et
nous demandons que son nom soit connu davantage dans le monde ; que
son Règne s’étende ; et que chaque jour de nouveaux serviteurs
obéissent à sa sainte Volonté. Or ces trois choses, le nom, le
Règne, l’Obéissance, ne font point partie du bien intérieur même de
Dieu: ce sont au contraire des choses qui lui sont tout-à-fait
extérieures.
Mais pour mieux faire
comprendre la force et la valeur de cette demande, le Pasteur aura
grand soin de montrer aux Fidèles que ces mots: sur la terre
comme au ciel peuvent s’appliquer et s’étendre à chacune des
trois premières parties de l’Oraison Dominicale, et signifier:
que votre Nom soit sanctifié sur la terre comme au ciel ; que
votre Royaume arrive sur la terre comme au ciel ; que votre
Volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Ainsi donc, lorsque
nous disons: que votre Nom soit sanctifié, nous désirons de
voir augmenter la sainteté et la gloire du nom divin. Ici le Pasteur
n’oubliera pas d’enseigner à ses pieux auditeurs que Notre-Seigneur
Jésus-Christ, en employant ces expressions, n’a pas entendu dire que
ce nom devait être sanctifié sur la terre comme Il l’est au ciel,
c’est-à-dire que la sanctification terrestre devait égaler en
intensité, la sanctification céleste — ce qui est radicalement
impossible — mais seulement Ruelle devait procéder de la Charité et
des plus profonds sentiments de l’âme. Sans doute il est très vrai
de dire, car la chose est réelle, que ce nom adorable n’a pas besoin
en Lui-même de sanctification, puisqu’Il est Saint et terrible,
comme Dieu Lui-même est Saint par sa nature, qu’Il ne peut recevoir
du dehors aucune sainteté qu’Il ne possède déjà de toute éternité.
Mais, il faut bien le dire, sur la terre Il est loin d’être honoré
comme Il mérite de l’être ; quelquefois même, hélas ! II est outragé
par des malédictions et des blasphèmes. Et voilà pourquoi nous
désirons et demandons qu’Il soit ici-bas loué, honoré, glorifié,
comme Il est honoré, loué et glorifié dans le ciel. En un mot, nous
voulons que l’honneur et le culte que nous Lui rendons soit tout à
la fois dans notre cœur et sur nos lèvres, afin que nous puissions
Lui offrir les hommages de notre vénération intérieure et
extérieure, célébrer de toutes nos forces, à l’exemple des Saints et
des Anges, la grandeur, la sainteté et la gloire de son nom.
§ III. — OBJET DE LA PREMIÈRE DEMANDE.
De même que les
habitants du ciel exaltent la Gloire et les louanges de Dieu dans un
concert parfait, de même nous demandons que toute la terre ait le
même bonheur, que toutes les nations connaissent, honorent et
servent Dieu, qu’il ne se rencontre nulle part un seul homme qui ne
soit Chrétien, que tous se consacrent entièrement à Dieu, qu’ils
soient convaincus que toute sainteté vient de Lui comme de sa
source, et qu’il n’y a de pur et de saint que ce qui procède de la
sainteté du nom divin. En effet, au témoignage de l’Apôtre Saint
Paul: « L’Eglise a été purifiée par l’eau dans la Parole de
vie ; or la Parole de vie, c’est le nom du Père, du Fils, et du
Saint-Esprit, » dans lequel nous sommes baptisés et sanctifiés.
Ainsi, puisqu’il n’y a
ni expiation, ni pureté, ni sainteté en celui sur qui le nom
adorable de Dieu n’a pas été invoqué, nous souhaitons et nous
demandons que le genre humain tout entier abandonne les ténèbres
impures de l’infidélité, qu’il soit éclairé des splendeurs de la
Lumière divine, et qu’il reconnaisse si bien la vertu de ce nom,
qu’il cherche en Lui la véritable sainteté, et enfin qu’après avoir
reçu le Baptême au nom de la Sainte et indivisible Trinité, il
parvienne avec l’aide de Dieu à la plénitude de cette sainteté, qui
doit être l’objet de tous ses vœux.
Nos désirs et nos
supplications s’étendent également ceux qui sont souillés de
désordres et de crimes, qui ont perdu la pureté du Baptême et la
robe d’innocence, et qui ont été assez malheureux pour tomber de
nouveau sous la puissance du démon. nous souhaitons — et demandons à
Dieu — que son nom soit sanctifié en eux, c’est-à-dire qu’ils
rentrent en eux-mêmes, qu’ils reviennent à de meilleurs sentiments,
qu’ils recouvrent par la Pénitence leur ancienne innocence, et
qu’ils redeviennent enfin de vrais temples saints, de dignes
habitations de Dieu, sans tache et sans souillures.
Nous demandons en outre
que Dieu veuille bien éclairer tous les esprits de sa Lumière, afin
qu’ils puissent voir et constater, que « tout bien excellent et
tout don parfait, descendant du Père des lumières, vient de Lui, »
et arrive jusqu’à nous par sa divine Volonté, que c’est à Lui qu’ils
sont redevables de la tempérance, de la Justice, de la vie, du
salut, enfin en général de tous les biens du corps et de l’âme,
biens extérieurs et biens intérieurs. Et tout ce qu’ils ont ainsi
reçu, ils ne doivent pas oublier de le rapporter « à Celui de qui
tout procède, » comme le proclame l’Eglise. Car si le soleil
avec sa lumière, si les autres astres avec leur mouvement et leur
cours régulier nous sont d’une utilité admirable ; si l’air qui nous
environne sert à nous nourrir ; si la terre, avec l’abondance de ses
moissons et de ses fruits fournit à la subsistance de tous les
hommes ; si les magistrats avec leur vigilance nous permettent de
jouir du repos et de la tranquillité, c’est à l’infinie Bonté de
Dieu que nous devons tous ces avantages, et une foule innombrable
d’autres du même genre. Et même les causes secondes, ainsi que les
philosophes les appellent, ne doivent être à nos yeux que comme
autant de mains admirablement façonnées et préparées en vue de nos
besoins, par lesquelles Dieu nous distribue ses bienfaits, et les
répand à profusion dans toutes les parties de l’univers.
Mais ce que nous
demandons plus particulièrement par cette première partie de
l’Oraison Dominicale, c’est que tous reconnaissent et révèrent la
très Sainte Epouse de Jésus-Christ, l’Eglise notre Mère. Car seule
elle possède cette source surabondante et intarissable de Grâce
divine capable de purifier et de laver toutes les souillures d
péché, cette source surnaturelle d’où jaillissent tous le Sacrements
de la sanctification et du salut, lesquels, coin me autant de canaux
sacrés, font couler dans nos âme la céleste rosée, l’eau vivifiante
de la sainteté. Seule enfin avec les enfants qu’elle tient réunis
dans ses bras et su son sein, elle a le droit d’invoquer ce nom
adorable qui « est le seul sous le ciel par Lequel il soif donné
aux hommes d’opérer leur salut. »
§ IV. — UN VRAI CHRÉTIEN DOIT HONORER CE
SAINT nOM PAR SES ACTIONS.
Les Pasteurs auront
soin d’insister très spécialement sur ce point qu’il est d’un bon
fils de ne pas prier Dieu son Père, uniquement en paroles, mais de
faire en sorte, par sa conduite et ses actes, que la sanctification
du nom divin brille dans toute sa personne.
Et plut à Dieu qu’il ne
se trouvât point de Chrétiens qui, tout en demandant dans leur
Prière la sanctification de ce nom béni, Le déshonorent par leurs
actions, autant qu’il est en eux, et quelquefois même sont cause des
malédictions qu’on prononce contre Lui ! C’est d’eux que l’Apôtre a
dit: « on blasphème le nom de Dieu à cause de vous, parmi les
nations », et auparavant Ezéchiel avait écrit : « ils se sont
mêlés avec les nations, et ils ont habité avec elles, et ils ont
rendu mon nom méprisable ; ce qui a fait dire d’eux à ces nations:
ce peuple est le peuple du Seigneur et il est sorti de la terre qui
lui appartenait » en effet, telles la vie et les mœurs de ceux
qui professent une religion, tels aussi, pour l’ordinaire, et cette
religion, et son auteur, au jugement de la multitude ignorante.
Aussi bien ceux qui
vivent selon la Religion chrétienne qu’ils ont embrassée, et qui
règlent leurs Prières et leurs actions sur ses préceptes,
fournissent-ils aux autres un des plus grands moyens de louer,
d’honorer et de glorifier e nom du Père céleste. C’est un devoir que
Notre-Seigneur Lui-même nous a imposé ; Il a voulu que par des actes
éclatants de vertu nous portions tous les hommes à louer t à
glorifier le nom adorable de Dieu. ne dit-II pas en flet dans l’Evangile:
« Que votre Lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient
vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les
cieux ; » et Saint Pierre après Lui : « conduisez-vous parmi
les Gentils d’une manière pure, afin que, vous jugeant d’après vos
œuvres saintes, ils glorifient Dieu ».
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