DÉLIVREZ-NOUS DU MAL
Cette dernière demande, par
laquelle le Fils de Dieu a voulu finir sa divine Prière, est comme le
résumé et la résultante de toutes les autres. Pour en montrer
l’importance et la vertu, Il l’employa Lui-même, la veille de sa mort,
en priant Dieu son Père pour le salut des hommes. « Je Vous prie,
dit-Il, de les préserver du mal. » Nous avons donc ici, dans cette
Prière qu’Il nous a enseignée par ses préceptes et qu’Il a confirmée par
ses exemples, une sorte d’abrégé qui renferme en substance la force et
l’esprit de toutes les autres demandes. Lorsque, au témoignage de Saint
Cyprien, nous avons obtenu ce qu’elle renferme, nous n’avons plus rien à
demander. Par le seul fait que nous avons imploré et obtenu la
Protection de Dieu contre le mal, nous sommes tranquilles et en sûreté
contre tous les assauts du monde et du démon.
Mais si cette demande a
l’importance que nous venons de dire, le Pasteur se fera un devoir de
l’expliquer aux Fidèles avec le plus grand soin.
§ I. — COMMENT ON DOIT DEMANDER D’ÊTRE DÉLIVRÉ DU
MAL.
Dans la demande précédente
nous sollicitons la grâce d’éviter la faute, et dans celle-ci nous
prions Dieu de nous délivrer de la peine.
Il ne paraît pas nécessaire
ici de rappeler aux Fidèles les maux dont ils souffrent, les ennuis qui
les dévorent, les calamités qui les accablent, et par suite le besoin
pressant qu’ils ont du secours d’En-Haut. La vie humaine est en proie à
toutes les misères, les écrivains sacrés et profanes sont d’accord sur
cette triste vérité qu’ils ont développée de toutes manières. Personne
du reste ne peut en douter raisonnablement ; qu’il le sache par sa
propre expérience ou par celle des autres. tout le monde est convaincu
que Job, cet admirable modèle de patience, n’a rien exagéré. « L’homme
né de la femme, dit-il, ne vit que peu de temps, et ce peu de
temps est rempli de beaucoup de misères. Il est comme une fleur qui
serait foulée aux pieds en naissant, il fuit comme l’ombre, et jamais ne
demeure dans le même état. » Nous ne pouvons en effet passer aucun
jour sans chagrin et sans afflictions. Notre-Seigneur nous en avertit:
« A chaque jour suffit sa peine. » Au surplus, n’était-ce pas
assez nous avertir de la misère de notre condition en nous disant que
chaque jour il faut prendre notre croix et marcher à sa suite ?
Mais comme chacun sent par
lui-même toutes les charges et tous les dangers de la vie, il ne sera
pas difficile de persuader aux Fidèles qu’ils doivent demander à Dieu
d’être délivrés de leurs maux. Et cela est d’autant plus vrai que rien
ne porte plus les hommes à la Prière que le désir et l’espoir d’être à
l’abri des maux qui les affligent, ou qui les menacent. nous sommes
naturellement portés à recourir à Dieu à l’heure de l’épreuve, et sans
aucun délai. C’est pour cela sans doute qu’il est écrit
« Couvrez leur visage
d’ignominie, Seigneur, et ils invoqueront votre Nom. » Mais si nous
nous portons presque spontanément à invoquer le secours de Dieu, dans
les périls et dans les calamités, nous avons besoin d’être instruits,
par ceux à qui notre salut a été confié, sur la méthode à suivre, pour
le faire dignement.
Il n’est pas rare en effet
de trouver des Chrétiens qui renversent l’ordre établi par Jésus-Christ.
Car, en nous ordonnant de recourir à Lui au jour de la tribulation
, Il nous a prescrit en même temps l’ordre à suivre pour faire cette
Prière. Avant donc de Le prier de nous délivrer du mal, Il nous
oblige à Lui demander que son nom soit sanctifié, que son Royaume
arrive, en un mot Il veut que nous fassions toutes les autres demandes,
qui sont comme autant de degrés pour arriver à celle-ci. Mais si l’on
souffre de la tête, de la poitrine, ou d’ailleurs, si l’on éprouve
quelque perte dans ses biens, si les ennemis font des menaces et nous
mettent en danger, si la famine, la guerre et la peste se font sentir,
aussitôt on voit des Chrétiens qui ne tiennent plus aucun compte des
degrés intermédiaires de la Prière et qui songent uniquement à
solliciter la délivrance de leurs maux. Une telle conduite est contraire
au Commandement de Notre-Seigneur Jésus-Christ: « Cherchez d’abord
le Royaume de Dieu ».
Ainsi donc, pour bien
prier, il faut tout rapporter à la Gloire de Dieu, même lorsqu’on Lui
demande d’éloigner les peines, les calamités et les maux présents.
Lorsque David disait à Dieu: Seigneur, ne me reprenez pas dans votre
colère, il ajoutait immédiatement à cette Prière une raison qui
prouvait bien l’ardent désir qu’il avait de la Gloire de Dieu. La
mort, disait-il , ne garde pas votre souvenir, et qui est-ce qui
chantera vos louanges dans le tombeau ? De même lorsqu’il implorait
la Miséricorde de Dieu, il avait soin d’ajouter: « J’enseignerai vos
voies aux pécheurs, et les impies se convertiront à Vous. »
Il faut engager fortement
les Fidèles, à l’exemple du Prophète, à prier de cette manière vraiment
salutaire, et bien leur montrer la différence qui existe entre la prière
des infidèles et celle des Chrétiens. C’est qu’en effet les infidèles
prient aussi et avec ardeur. Ils demandent à la Divinité la guérison de
leurs plaies et de leurs maladies, ils la supplient de les faire sortir
des maux qui les accablent, ou qui les menacent. Mais en même temps, ils
placent le principal espoir de leur délivrance dans les remèdes de la
nature ou de l’art. Ils vont plus loin même, car ils acceptent sans
scrupule les remèdes du premier venu, quand même ils sauraient que ces
remèdes ont été préparés avec sortilèges, magie et intervention du
démon. Il suffit pour les déterminer qu’ils aient le moindre espoir de
recouvrer la santé.
Mais la conduite des
Chrétiens est bien différente. Dans leurs maladies, dans leurs
adversités, Dieu est leur principal refuge et, à vrai dire, leur seul
soutien. Précisément parce qu’ils Le reconnaissent, et L’adorent comme
l’Auteur de tout bien, et leur Libérateur, ils n’oublient point que les
remèdes n’ont de vertu curative que celle que Dieu leur a donnée, et par
suite qu’ils ne sont utiles aux malades qu’autant que Dieu le veut. La
médecine en effet vient de Dieu, qui l’a donnée Lui-même aux hommes pour
guérir leurs maladies. De là ces paroles de l’Ecclésiastique: « Le
très Haut a fait produire à la terre les remèdes, et l’homme prudent ne
les dédaignera pas. » Aussi ceux qui appartiennent à Jésus-Christ ne
mettent point dans ces remèdes leur principal espoir de guérison ; mais
ils se confient surtout en Dieu qui est le Créateur même de la médecine.
C’est pourquoi nos Saints
Livres reprennent fortement ceux qui ont trop de confiance dans la
science, et ne demandent aucun secours à Dieu. Il y a plus, ceux qui
mènent une vie conforme aux préceptes du Seigneur, s’abstiennent de tous
les remèdes que Dieu n’a pas destinés à cette fin ; quand même ils
seraient assurés de guérir par ce moyen, ils ne laisseraient pas de les
avoir en horreur comme des artifices et des enchantements du démon.
Il faut donc exhorter les
Fidèles à mettre en Dieu toute leur confiance. En nous ordonnant de Lui
demander la délivrance de nos maux, ce Père, plein de Bonté, nous donne
par là même l’espérance d’être exaucés. nous trouvons dans la Sainte
Ecriture un grand nombre d’exemples où brille cette confiance dont nous
parlons, et qui sont très propres à l’inspirer, même à ceux que le
raisonnement ne convaincrait pas. n’avons-nous pas dans la personne
d’Abraham, de Jacob, de Lot, de Joseph et de David autant de précieux
témoins de la Bonté divine ? et le nouveau testament ne nous montre-t-il
pas un très grand nombre de personnes qui ont échappé aux plus grands
dangers par la vertu de la Prière ? Aussi bien, nous n’avons pas à les
nommer ici. nous nous bornerons donc à rapporter ces paroles du
Prophète, bien capables de nous rassurer tous, même les plus faibles:
« Les justes ont crié, et le Seigneur les a exaucés ; et Il les a
délivrés de toutes leurs tribulations. »
§ II. — QUELS SONT LES MAUX DONT nOUS DEMANDONS
ICI D’ÊTRE DÉLIVRÉS.
Il nous reste à parler du
sens et de l’étendue de cette demande. C’est le moyen de bien faire
comprendre aux Fidèles que nous ne demandons pas d’être absolument
délivrés de tous les maux. Car il y a des choses que l’on regarde
habituellement comme des maux, et qui, néanmoins, sont très utiles à
ceux qui les endurent. Ainsi cet aiguillon de la chair, que ressentait
si vivement Saint Paul, servait, avec le secours de la grâce, à
affermir sa vertu dans la faiblesse . Voilà pourquoi les personnes
de piété, connaissant le prix et les avantages de ces épreuves. les
supportent avec une très grande joie, bien loin de demander à Dieu d’en
être délivrées.
Nous nous bornons donc à
conjurer par la Prière ces sortes de maux sans profit pour notre âme,
mais nullement ceux qui peuvent nous apporter quelques fruits de salut.
Le véritable sens de cette
demande est donc qu’après avoir été délivrés du péché et du danger des
tentations, nous soyons aussi préservés de tous les maux, tant
intérieurs qu’extérieurs, de l’eau, du feu et de la foudre ; que la
grêle n’atteigne point nos moissons, et que nous n’ayons à souffrir ni
de la disette, ni de la sédition, ni de la guerre.
Nous demandons à Dieu
d’éloigner de nous les maladies, la peste, les ravages, les chaînes, la
prison, l’exil, les trahisons, les embûches, et en général tous les maux
qui épouvantent et désolent le plus la vie humaine.
Enfin nous Lui demandons
d’anéantir toutes les causes d’iniquités et de crimes.
Mais nous ne demandons pas
seulement d’être préservés de ces choses qui, de l’aveu de tout le
monde, sont des maux véritables. nous demandons aussi que ce que l’on
regarde généralement comme des biens, à savoir les richesses, les
honneurs, la santé, la force, la vie même, ne tournent point à notre
malheur, ni à la perte de notre âme.
Nous prions Dieu de ne
point être frappés de mort subite, de ne point soulever contre nous sa
colère, de ne point encourir les châtiments réservés aux impies, de ne
point passer par le feu du purgatoire. nous le supplions en même temps,
avec toute la piété possible, de délivrer les âmes qui y sont détenues.
Enfin le sens que l’Eglise donne à cette demande, à la Messe et dans ses
Litanies, c’est que nous soyons délivrés des maux passés, présents et
futurs.
Mais Dieu, dans sa Bonté
infinie, nous délivre des maux, de plus d’une manière. Il éloigne les
calamités qui nous menacent. C’est ainsi qu’Il sauve le grand Patriarche
Jacob des ennemis que le meurtre des Sichimites avait soulevés contre
lui ; car nous lisons: « La terreur de Dieu se répandit sur toutes
les villes d’alentour, et nul n’osa poursuivre les enfants de Jacob, au
moment de leur retraite. » Tous les Bienheureux qui règnent dans le
ciel avec Notre-Seigneur Jésus-Christ ont été eux-mêmes délivrés de tous
les maux par la Miséricorde de Dieu ; pour nous, tant que nous sommes
dans notre pèlerinage, ce même Dieu ne veut pas que nous soyons exempts
de toutes les misères. II veut seulement nous préserver de
quelques-unes.
Au reste, les consolations
qu’il accorde parfois à ceux que l’adversité accable, sont comme une
véritable délivrance de tous les maux. C’est ainsi que David se
consolait en disant: « Vos consolations, Seigneur, ont rempli mon
âme de joie, à proportion même des cruelles douleurs que j’éprouvais. »
Dieu délivre encore les hommes du mal lorsqu’Il les retire sains et
saufs, du milieu des dangers les plus grands, auxquels ils se trouvaient
exposés, comme Il fit pour les trois jeunes gens dans la fournaise, et
pour Daniel dans la fosse aux lions. Les lions le respectèrent, comme
les flammes avaient respecté les jeunes gens.
Saint Basile le Grand,
Saint Jean Chrysostome et Saint Augustin nous disent que le mal dont il
est question dans cette demande, serait particulièrement le démon,
parce que le démon fut l’auteur des péchés et des crimes des hommes, et
que Dieu se sert de lui pour punir les criminels et les impies. Car
c’est Dieu qui nous envoie tous les maux que nous souffrons pour nos
péchés: « Y aura-t-il dans la ville un mal qui ne vienne du
Seigneur ? dit le Prophète Amos. C’est Moi qui suis le Seigneur
, est-il dit dans Isaïe, et il n’y en a point d’autre. Je forme la
lumière et Je crée les ténèbres, Je fais la paix et Je produis le mal. »
Le démon est encore appelé
le mal, parce que sans aucune agression de notre part, il nous
fait une guerre sans relâche et nous poursuit d’une haine mortelle. Et,
bien qu’il soit incapable de nous nuire, lorsque nous avons en mains les
armes de la Foi, et le bouclier de l’innocence, cependant, il ne cesse
de nous tenter par les maux extérieurs et de nous tourmenter par tous
les moyens possibles. Voilà pourquoi nous supplions Dieu de nous
délivrer du mal ; (ou du méchant, ou du malin).
Nous disons du mal
et non pas des maux, parce que les maux qui nous viennent du
prochain, doivent être imputés au démon. II en est sûrement l’auteur et
l’instigateur. Ainsi loin de nous irriter contre nos Frères, nous devons
tourner notre colère et notre haine contre Satan lui-même qui a poussé
les hommes à commettre l’injustice envers nous. Si donc votre prochain
vous a offensé en quelque manière, lorsque vous priez Dieu votre Père,
demandez-Lui non seulement de vous délivrer du mal, c’est-à-dire des
injustices dont vous avez été victime, mais encore d’arracher votre
prochain des mains du démon, qui ne cherche qu’à précipiter les hommes
dans le vice.
§ III. — DE LA PATIENCE NÉCESSAIRE DANS LES MAUX.
Enfin il importe de savoir
que si nos Prières et nos vœux ne nous délivrent point des maux que nous
souffrons, nous devons alors les supporter avec patience, et aussi avec
cette conviction que Dieu désire extrêmement nous les voir endurer de la
sorte. Donc pas d’indignation, pas de tristesse, si Dieu ne nous exauce
pas ! Ne devons-nous pas tout soumettre à sa sainte Volonté et à son bon
plaisir ? ne devons-nous pas regarder comme utiles et salutaires les
choses que Dieu approuve et non pas celles qui nous plaisent ?
Que les Pasteurs
s’appliquent donc à bien représenter aux Fidèles qu’ils doivent être
prêts, tant qu’ils sont sur la terre, à supporter les incommodités et
les calamités de tout genre, non seulement sans se plaindre, mais même
avec une certaine joie. Tous ceux, est-il dit dans nos Saints
Livres, qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, souffriront
persécution. C’est par beaucoup de tribulations que nous devons
entrer dans le Royaume de Dieu. Ne fallait-il pas que le Christ
souffrît, et qu’il entrât ainsi dans sa Gloire ? Or, il n’est pas
juste que le serviteur soit au-dessus du maître ; il est même honteux,
dit Saint Bernard, que les membres soient délicats sous un Chef
couronné d’épines.
Nous avons à cet égard un
bel exemple dans la personne d’Urie. Pressé par David d’aller se reposer
dans sa maison, il répondit: « L’Arche de Dieu, Israël et Juda
habitent sous des tentes, et moi, j’irais dans ma maison ? »
Si nous savons nous
présenter devant Dieu avec les pensées et les dispositions que nous
venons de marquer, nous obtiendrons infailliblement, ou d’être
entièrement délivrés de tous les maux qui nous assiègent, comme les
trois jeunes gens furent préservés du feu dans la fournaise ; ou du
moins comme les Macchabées, de supporter l’adversité avec un courage à
toute épreuve.
Au milieu des mépris et des
tourments, nous imiterons les saints Apôtres qui, accablés de coups de
fouets, se réjouissaient vivement , parce qu’ils avaient été trouvés
dignes de souffrir des affronts pour Jésus-Christ. Remplis des mêmes
sentiments, nous chanterons avec allégresse ce cantique de David: « Les
princes m’ont persécuté sans sujet, mais mon cœur n’a craint qu’Il cause
de votre parole. Je me réjouis de vos oracles, comme celui qui a trouvé
de riches dépouilles. »
§ IV. — CONCLUSION DE L’ORAISON DOMINICALE. AMEN.
(AINSI SOIT-IL !)
Saint Jérôme, dans ses
commentaires sur Saint Matthieu, nous dit — et il ne se trompe pas — que
ce mot Amen est comme le sceau de l’Oraison Dominicale. Aussi,
comme nous avons prévenu les Fidèles de la nécessité de se préparer à la
Prière, avant de l’entreprendre, nous avons à leur expliquer maintenant
quelle est la raison et le sens de cette conclusion ; car il n’est pas
plus important de bien commencer la Prière que de la bien finir.
Que les. Fidèles sachent
donc que nous retirons des fruits nombreux et excellents de l’Oraison
Dominicale. Mais le meilleur et le plus agréable de tous c’est
l’assurance que nous obtiendrons ce que nous avons demandé. nous avons
suffisamment parlé plus haut de cette consolante vérité, mais nous
devons ajouter ici que par cette dernière partie de notre Prière, nous
n’obtenons pas seulement que nos demandes soient exaucées, nous
recueillons encore des avantages si grands et si remarquables, que la
parole peut à peine en donner une idée.
Lorsque les hommes
conversent avec Dieu par la Prière, dit Saint Cyprien, la Majesté divine
se rapproche, d’une manière incompréhensible, de celui qui prie, bien
plus que de tous les autres hommes, et elle l’enrichit des dons les plus
précieux. On peut comparer celui qui prie avec piété à un homme qui
s’approche du feu. Le feu échauffe celui qui a froid ; il fait suer
celui qui a déjà chaud: de même ceux qui s’approchent de Dieu par la
Prière en deviennent plus ardents, selon la mesure de leur piété et de
leur Foi. Leur cœur s’enflamme pour la Gloire de Dieu ; leur esprit est
éclairé d’une lumière admirable ; et en outre ils sont comblés des dons
célestes. La Sainte Ecriture nous le dit: « Vous l’avez prévenu des
bénédictions de votre douceur. » Moïse, cet illustre personnage, en
est un exemple des plus remarquables. Au sortir de ses entretiens
intimes avec Dieu, son front et son visage resplendissaient d’une
lumière si éclatante que les Israélites ne pouvaient pas le regarder.
tous ceux qui prient avec cette piété, avec cette sainte ardeur,
participent aux effets admirables de la Bonté et de la Majesté de Dieu.
« Dés le matin, dit le Prophète, je me présenterai devant
Vous, et je verrai que Vous n’êtes pas un Dieu qui aime l’iniquité. »
Plus nous connaissons ces
merveilles, plus aussi nous sommes pénétrés d’amour et de respect pour
Dieu, plus nous goûtons combien le Seigneur est doux, et combien
sont heureux ceux qui espèrent en lui.
A la clarté de cette
lumière incomparable qui nous environne, nous commençons à comprendre le
néant que nous sommes, devant l’infinie Grandeur et la Majesté de Dieu.
nous faisons ce que demande Saint Augustin: « Seigneur, faites que je
Vous connaisse et que je me connaisse moi-même ! » Dès lors nous
avons de nous-mêmes et de nos propres forces une juste défiance, et nous
nous confions entièrement en la Bonté de Dieu, ne doutant point qu’Il né
nous reçoive avec une Charité toute paternelle et une admirable
tendresse, et qu’il ne nous donne en abondance tout ce qui nous est
nécessaire pour la vie et pour le salut. Alors nous rendons à Dieu
toutes les actions de grâces dont notre cœur et notre bouche sont
capables, heureux d’imiter en cela le saint roi David, qui, après avoir
commencé sa Prière par ces mots: « Sauvez-moi de tous ceux qui me
persécutent, » finit par ceux-ci: « Je rendrai grâces à Dieu
selon sa justice, et je chanterai à l’honneur du nom du Seigneur très
Haut. »
Presque toutes les Prières
des Saints commencent par la crainte et finissent par l’espérance et la
joie. Mais les plus remarquables en ce genre sont celles du Prophète
David. Après avoir commencé à prier sous l’empire de la crainte et du
trouble, en disant : Combien qui s’élèvent contre moi ! combien qui
crient à mon âme: point de salut pour toi en Dieu, bientôt il se
rassure, et dans la joie qui l’inonde, il ajoute : Je ne craindrai
pas les milliers d’ennemis qui m’environnent. Dans un autre Psaume,
après avoir déploré sa misère, nous le voyons plein de confiance en Dieu
faire éclater une joie extraordinaire dans l’espérance de la béatitude
éternelle. Je m’endormirai, dit-il , et je reposerai dans la
paix. Et ce cri: Seigneur, ne me reprenez point dans votre
colère, ne me châtiez point dans votre fureur, avec quelle terreur,
avec quel effroi n’est-il pas à croire qu’il le prononça ! Mais aussi
quelle confiance et quelle joie dans les paroles qui suivent:
Retirez-vous de moi, vous tous qui commettez l’iniquité, car le Seigneur
a exaucé la voix de mes pleurs ! enfin lorsqu’il avait à redouter la
colère et la fureur de Saül, avec quelle humilité n’implorait-il pas le
secours de Dieu ! Seigneur, disait-il , sauvez-moi par votre
nom, et défendez ma cause par votre Puissance. Puis la confiance et
la joie revenant, il ajoute dans le même Psaume: Voilà que Dieu est
mon aide, et que le Seigneur est le défenseur de ma vie.
Que celui donc qui, le cœur
plein de Foi et d’Espérance, se dispose à prier, se présente devant Dieu
son Père avec la confiance ferme qu’il obtiendra ce dont il a besoin.
Or ce mot Amen, qui termine
l’Oraison Dominicale, contient en germe toutes les pensées et toutes les
considérations que nous venons d’exposer.
D’autre part Notre-Seigneur
Jésus-Christ s’en sert si souvent dans l’Evangile, qu’il a plu à
l’Esprit-Saint de le conserver dans l’Eglise de Dieu.
Voici donc, en quelque
sorte, le sens qui y est attaché: Sachez que vos prières sont
exaucées. C’est comme la réponse de Dieu renvoyant gracieusement
celui qui priait, en lui accordant ce qu’il demandait.
Cette interprétation a pour
elle la coutume constante de l’Eglise. Et en effet, dans le saint
Sacrifice de la Messe, lorsqu’elle récite l’Oraison Dominicale, l’Eglise
n’a pas laissé le mot amen aux assistants qui doivent simplement
dire: mais délivrez-nous du mal ; elle l’a réservé pour le Prêtre
qui, étant Médiateur entre Dieu et les hommes, répond au peuple que le
Seigneur est apaisé.
Cette règle n’est cependant
point commune à toutes les Prières, puisque dans les autres, c’est le
peuple qui répond: Amen, elle ne s’applique qu’à l’Oraison
Dominicale. Et en voici la raison, c’est que dans toutes les autres
Prières, ce mot exprime seulement un assentiment ou un désir, tandis
qu’ici il signifie que Dieu exauce les demandes de ceux qui prient.
Il faut dire d’ailleurs que
les interprètes traduisent diversement ce mot amen. Les Septante
lui ont donné le sens de: ainsi soit-il ! D’autres ont dit:
vraiment. Aquila le traduit par fidèlement. Mais il importe peu
qu’on l’entende de telle ou telle manière, pourvu que l’on reconnaisse
que dans la bouche du Prêtre, à la Messe, il exprime bien l’assurance
que ce qu’on a demandé est obtenu. Saint Paul autorise ce sens en disant
aux Corinthiens : « Toutes promesses de Dieu ont en Jésus-Christ leur
vérité ; et c’est par Lui aussi que nous disons ; Amen à Dieu pour la
gloire de notre ministère. »
Ce mot est encore pour nous
comme la confirmation de toutes nos demandes. Le fait seul de le
prononcer rend plus attentifs ceux qui s’adonnent au saint exercice de
la Prière, où il arrive trop souvent, hélas ! que l’esprit est distrait
et entraîné par toutes sortes de pensées étrangères.
Enfin, dans cette courte
parole nous demandons avec une nouvelle et instante ardeur que tout ce
que nous venons de solliciter soit fait, c’est-à-dire accordé.
Ou bien, ou mieux,
reconnaissant déjà que nous avons tout obtenu, la présence du secours
divin nous pénètre de joie, et nous chantons avec le Prophète : « Voici
que Dieu vient à mon aide et que le Seigneur est le défenseur de ma vie. »
Personne en effet n’a le
droit de douter que Dieu ne soit touché tout ensemble et du nom de son
Fils, et d’une parole qu’Il a si souvent proférée ; puisque ce divin
Fils, comme dit Saint Paul , a toujours été exaucé à cause de son
respect pour son Père.
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