
Lavée dans le Sang du Christ
1
Dieu dit à
Sainte Catherine : “Je suis Celui qui
EST. Tu es celle qui n’est pas.”
Jésus est le Pont
[1] qui
mène à Dieu. Dieu dit à Catherine :“Nul
ne peut venir à Moi que par Lui (Jésus) et c’est pourquoi J’en ai fait un pont à
trois marches. Ces trois marches représentent les trois états de l’âme, ou les
trois puissances de l’âme: la mémoire, l’intelligence, et la volonté.
Dieu admire ce
Pont, son Fils unique : “Regarde ce Pont qu’est mon Fils unique. Vois sa
grandeur: il touche le Ciel d’un côté et la terre de l’autre... Il remplit
l’espace depuis le Ciel jusqu’à la terre, grâce à l’union que J’ai consommée
dans l’homme... Et ce Pont est maçonné et il est abrité par ma Miséricorde,..”
La Miséricorde de Dieu qui nous a créés et recréés dans le sang du Fils“
est parfaite et illimitée. Si une comparaison était possible ce serait celle du
fini à l’infini.”
Nous, nous
sommes les sarments de la vigne qu’est le Fils de Dieu... Dieu dit : “Je
suis l’Ouvrier qui a planté la vigne,
mon Fils, dans la terre de votre humanité, afin que vous, sarments, unis à la
Vigne, vous puissiez fructifier... En demeurant dans le Verbe, mon Fils, vous
demeurerez en moi parce que Je ne suis qu’une seule chose avec Lui, et Lui avec
Moi... “
Le 25 mars 1347 naissait à Sienne
celle qui deviendra Sainte Catherine de Sienne. Catherine Benincasa était la
vingt troisième des vingt cinq enfants de Jacques et de Lapa, ses père et mère.
Ses parents, teinturiers, étaient relativement aisés bien qu’appartenant au
“petit peuple”. Consacrée à Dieu très jeune, elle souhaitait devenir
dominicaine. Sa famille s’opposa avec force à cette vocation, et Catherine
n’entra jamais dans les ordres mais fut seulement reçue tertiaire de Saint
Dominique vers 1365. Elle restera toujours chez ses parents, pourra sortir
librement, et apprendra à rejoindre Dieu dans la vie quotidienne.
Sa vie, exceptionnellement austère,
fut favorisée de nombreuses révélations et extases destinées à la préparer à la
difficile mission à laquelle Dieu la destinait dans l’Église. Pourtant Catherine
n’est qu’une créature comme les autres, et le Seigneur lui rappellera un jour
cette vérité essentielle: “Sais-tu, ma fille, qui tu es et qui Je suis? Si tu as
cette double connaissance tu seras heureuse. Tu es celle qui n’est pas; Je suis
Celui qui suis...”
Catherine recevra des grâces
extraordinaires: elle sera mystiquement épousée par le Christ qui échangea son
coeur contre le Sien. Elle sera également stigmatisée. Elle mourut le 29 avril
1380 à l’âge de 33 ans.
C’est à cause du grand Amour
de Dieu, que nous avons été lavés et re-créés
dans le Sang répandu par le Fils unique avec un si grand Amour...
Remarques préliminaires importantes
Aux mystiques et à ses âmes
choisies, c’est généralement Jésus qui se révèle Lui-même, qui révèle son Amour
et son Coeur, ou qui révèle le Père. Ainsi, la plupart des mystiques, depuis
ceux des origines du Christianisme jusqu’à nos jours, ont reçu leurs révélations
de Jésus Lui-même, Jésus qui souvent montre son Coeur “qui a tant aimé le
monde.” La conséquence directe et obligatoire, mais pas toujours
explicitement exprimée, est la révélation du Coeur du Père.
Dans Le Livre des Dialogues la
démarche de Dieu s’adressant à sa servante Catherine est inverse: c’est le Père
qui révèle son Fils, avec un Amour et une complaisance tels que le Cœur du Fils
est finalement amoureusement manifesté. Et cette double connaissance du Coeur du
Père et du Cœur du Fils conduit irrésistiblement à découvrir le Cœur de la
Trinité.
L’âme de Catherine, “s’unit à
Dieu par la prière et l’imitation du Christ crucifié. Par ce désir, par cette
volonté et par cette union d’amour, elle devient un autre Lui.” Voulant
connaître et imiter la Vérité, Catherine adressa au Père suprême quatre
requêtes, pour elle-même, pour l’Église, et pour le monde entier. La quatrième
requête était une supplication envers la divine Providence en faveur des besoins
du monde. Dieu répondit à Catherine, et son âme “semblait alors se serrer plus
suavement contre Dieu et mieux connaître sa vérité (l’âme est alors en Dieu et
Dieu dans l’âme comme le poisson est dans la mer et la mer dans le poisson). Le
Père, la Vérité éternelle se manifestant, révèle “la douce Vérité — son
Fils — qui envoie le feu de la clémence du Saint-Esprit.”
Ce sont les demandes de Catherine
et les réponses du Père qui constituent le Livre des Dialogues dans lequel le
Père, sans le nommer, laisse transparaître son Coeur plein d’Amour et de
Miséricorde, et révèle le Coeur du Fils tant chéri.
Au sujet du pardon et de
l’expiation de ses fautes, Catherine entend: “Tout désir et toute vertu n’ont
de pouvoir et de vie que par le Christ crucifié, mon Fils unique, et pour autant
que l’âme puise en Lui son amour et l’imite vertueusement... C’est à cause de
cet amour ineffable que J’ai eu pour vous, que voulant vous “re-créer” de
nouveau par la grâce, Je vous ai lavés et re-créés dans le Sang répandu par mon
Fils unique avec un si grand Amour... Seul ce Sang, et lui seul, fait connaître
la vérité à celui qui a dissipé, par la connaissance de soi-même, la nuée de
l’amour-propre... Pour cela Je vous donnai le Verbe de mon Fils unique... Vous
étiez mon image, Je suis devenu la vôtre en prenant forme humaine... Mais... le
monde n’est pas conforme à Moi et c’est pourquoi il a persécuté mon Fils unique
jusqu’à le faire mourir ignoblement sur la Croix.”
On sent qu’ici, et on le sentira
bien souvent dans les Dialogues, le Père qui parle, et le Fils se confondent.
Ou, s’ils ne se confondent pas, l’admiration et la tendresse du Père pour le
Fils débordent constamment: “Je vous envoyai le Verbe de mon Fils... C’est en
souffrant dans son corps, jusqu’à l’ignominieuse mort sur la Croix, qu’il
apaiserait ma colère... J’agréai le sacrifice du Sang de mon Fils tout mêlé et
pétri dans sa nature divine par le feu de ma divine charité qui fut ce lien qui
le tint cloué et rivé sur la Croix.. C’est pour vous soigner qu’il vous donna sa
vie.” Car seul le Fils peut souffrir, le Père, lui, ne souffre pas.
Voici ce que dit le Père, à
l’adresse des âmes qui sont parvenues au quatrième état, celui des larmes
unitives, en fait l’union parfaite avec Dieu: “L’âme qui est parvenue à ce
dernier état se repose contre le sein de ma divine charité, serrant entre ses
lèvres le saint désir de la chair du Christ crucifié: elle imite son exemple et
sa doctrine puisque, lors du troisième état elle a compris que ce n’est pas Moi,
le Père, qu’elle doit suivre (dans le Père Éternel nulle douleur ne saurait
être) mais mon Fils bien-aimé, ce doux et amoureux Verbe en qui se trouve toute
douleur. Or vous ne pouvez avancer sans la douleur.”
[3]
La tonalité est tout à fait
différente dans la correspondance de Catherine: ce qui domine c’est le Sang du
Christ, ce sang versé par le Sauveur, “le doux Christ” qui donne sa vie,
symbolisée par le sang, pour racheter les pécheurs que nous sommes tous. Le sang
du Seigneur, qui nous lave et nous redonne la vie, vient de son Coeur. Donc, si
nous tenons compte des différences de mentalités, d’expression et de
vocabulaire, en fonction des époques, le sang dont parle Catherine, c’est le
Coeur du Seigneur. Quand donc Catherine parle “sang”, pensons “Coeur” pour nous
retrouver sur la même longueur d’ondes, en fait la réalité du Seigneur et de son
Amour.
Remarque :
Des mystiques modernes, notamment
Sainte Faustine, récemment canonisée, nous permettent de justifier ce
raisonnement. L’image que Jésus demande à Sœur Faustine de propager dans le
monde représente le Seigneur et son Cœur ouvert d’où partent des rayons rouges
et blancs: le sang et l’eau. Les rayons rouges, explique Sainte Faustine,
signifient le sang qui est la vie des âmes, les rayons pâles représentent l’eau
qui justifie les âmes. ”Ces deux rayons jaillis des entrailles de la
Miséricorde de Jésus alors que son Coeur, agonisant sur la Croix, fut ouvert par
la lance.”
Dieu se révèle à Sainte
Catherine de Sienne
C’est le Père qui parle :
Nul ne peut venir à Moi le
Père, sinon par Lui, Jésus, le Fils.
Mon Fils est la porte et la voie par où l’on passe
pour venir en Moi qui suis l’océan de paix.
et qui admire le Fils :
Regarde ce Pont qu’est mon
Fils unique.
Vois sa grandeur: il touche le Ciel d’un côté et la terre de l’autre.
La Miséricorde de Dieu
Catherine révèle les sentiments du
Père pour le Fils et pour les hommes, l’Amour et la miséricorde qui expliquent
la Passion : “Dieu aima tellement sa créature qu’Il lui sacrifia son Fils
unique pour qu’Il apaisât sa colère, pour qu’Il tirât l’homme de cette guerre
issue d’Adam, pour qu’Il lavât dans son doux Sang le visage de l’âme, toute sale
de péchés. Il fut notre intermédiaire entre Dieu et nous pour recevoir les coups
de la justice. Il fut le médecin qui vint soigner le genre humain qui gisait
malade... Ce doux Verbe ouvrit son corps qui laissait couler du sang par tous
les côtés. Tout cela prouve bien l’Amour que Dieu a pour l’homme.” (lettre
33)
[4]
Ou encore : “poussé par le feu
de sa charité, le Père nous a envoyé le Verbe de son Fils qui, tel un char de
feu, est venu nous manifester l’ardeur de l’ineffable amour du Père, ainsi que
sa miséricorde...”
Parlant des hommes rachetés par le
Sang de son Fils, et on verra que le Sang de l’Agneau a une grande importance
pour Catherine de Sienne, Dieu dit : “Avec mon humilité (l’humilité de
Dieu !), J’ai détruit sa superbe (de l’homme) ; J’ai humilié ma nature divine en
me revêtant de votre humanité... J’ai accompli la réconciliation au moyen du
Sang de mon Fils... Vous, les hommes, êtes tenus de me glorifier et de Me louer
en suivant les traces du Verbe incarné, mon Fils unique.”
Dieu est ivre d’amour pour le salut
des hommes, et l’âme doit se “noyer dans la Miséricorde de Dieu. Je veux
faire miséricorde au monde puisque la miséricorde est mon apanage. C’est par
miséricorde et par amour pour l’homme que J’ai envoyé le Verbe, mon Fils. Je
l’ai comparé à un pont qui touche le ciel et la terre, grâce à l’union de ma
nature divine et de votre nature humaine”... [5]
Catherine émerveillée par la
Miséricorde de Dieu épanche son coeur. On verra qu’insensiblement la Miséricorde
du Père se confond avec la Miséricorde du Fils, car le Père et le Fils ne font
qu’un : “O Miséricorde éternelle, Tu couvres les fautes de tes créatures... ô
Miséricorde ineffable... qui s’écoule de ta divinité ô Père Éternel!... C’est
dans ta Miséricorde que nous avons été créés, dans ta miséricorde que nous avons
été recréés dans le Sang de ton Fils. C’est ta Miséricorde qui nous conserve. Ta
Miséricorde donne la vie. Elle donne la lumière qui permet de connaître ta
clémence... Ta Miséricorde resplendit dans tes saints. La terre entière foisonne
de ta Miséricorde... Car je sais que la Miséricorde t’appartient en propre et
c’est pourquoi tu ne peux pas la refuser à qui te la demande. Ils frappent à la
porte de ta vérité, puisque c’est dans ta vérité, ton Fils, qu’ils connaissent
l’Amour ineffable que tu éprouves pour l’homme.
Avec ta Miséricorde Tu tempères ta
justice; par ta Miséricorde Tu nous as lavés dans le sang. Par Miséricorde, ô
fou d’Amour, Tu as voulu vivre avec tes créatures! T’incarner ne t’a point
suffi: c’est mourir que Tu as voulu! Mais la mort ne Te suffisant point encore,
Tu descendis aux enfers pour délivrer les saints patriarches, afin qu’en eux
s’accomplissent aussi ta Vérité et ta Miséricorde... C’est ta Miséricorde qui
T’a poussé à donner à l’homme encore davantage puisque Tu t’es laissé Toi-même
en nourriture... ô Miséricorde ! Le coeur s’y perd!
[6]... Ne
tarde pas, tourne vers nous l’oeil de ta miséricorde et réponds-nous de ta voix
miséricordieuse puisque tu veux répondre avant que nous ne t’appelions.
[7]
Le Père complète la contemplation
de Catherine : “...Sans qu’aucune comparaison soit possible, sache que ma
Miséricorde est encore plus grande que vous ne sauriez le voir, puisque ta vue
est imparfaite et limitée, alors que ma Miséricorde est parfaite et illimitée.
Si une comparaison était possible ce serait celle du fini à l’infini.”
Plus tard le Père évoquera le péché
impardonnable : “C’est celui de l’homme qui, en méprisant ma Miséricorde, n’a
pas voulu être pardonné. C’est pourquoi Je le tiens pour le plus grave, et c’est
pourquoi le désespoir de Judas m’attrista plus Moi-même et fut plus pénible à
mon Fils.”
La Miséricorde de Dieu est présente
même pour les corps ressuscités : “Je te parlais du bien qu’éprouverait le
Corps glorifié dans l’humanité de mon Fils unique qui, elle, vous donne la
certitude de votre résurrection. Là ils exultent (les corps ressuscités) dans
ses plaies toujours fraîches, dans les blessures de son corps toujours ouvertes
et qui clament continuellement miséricorde vers Moi, Souverain Père éternel....
Comme vous êtes en Moi vous serez en Lui parce qu’Il ne fait qu’un avec Moi.”
Ou encore : “Le péché d’Adam a
été guéri sur le bois de la très sainte Croix avec le corps blessé de mon Fils
unique... mon très doux Fils, qui, par son obéissance vous a lavés de votre
désobéissance... Lui a guéri vos plaies avec son propre sang... Le bon berger a
lavé ses brebis dans son sang... J’ai souffert que ses mains fussent liées afin
de vous libérer, vous et tout le genre humain, du péché qui vous enchaînait...
J’ai supporté que ses pieds fussent cloués pour que son corps devînt votre
échelle; que son côté fût percé afin que vous vissiez le secret de son Coeur
dont j’ai fait pour vous un refuge ouvert où il vous est loisible de voir et de
goûter l’Amour ineffable que j’ai pour vous, lorsque vous y découvrirez ma
nature divine unie à votre nature humaine... Le sang ne vous est pas donné sans
le feu qui vous enflamme, puisque c’est par feu d’amour qu’il vous a été
donné”...
[8]
Car tout a été fait par l’Amour :
“Que pouvons-nous voir qui puisse davantage confondre notre orgueil sinon un
Dieu que s’humilie dans l’homme ? La haute divinité descendue vers toute la
bassesse de l’humanité ? Quelle en est la cause ? L’Amour. L’Amour le fait
habiter dans l’étable au milieu des animaux. L’Amour le fait se rassasier
d’opprobres, se vêtir de souffrances et endurer la faim et la soif. L’Amour le
fait courir, dans sa prompte obéissance, jusqu’à l’ignominieuse mort de la
Croix. L’Amour le fait descendre aux enfers et piller les limbes pour
récompenser pleinement ceux qui avaient longtemps attendu leur rédemption.
L’Amour l’a fait se laisser à nous en nourriture. L’Amour, après l’Ascension, a
envoyé le feu du Saint-Esprit qui nous a illuminés par son enseignement... Toute
chose a donc été faite par l’amour.”
Le Pont
[9]
Jésus est le Pont qui mène à Dieu.
Voici ce que le Père confie à Sainte Catherine : “Je t’ai dit que nul ne peut
venir à Moi que par Lui et c’est pourquoi J’en ai fait un pont à trois marches.
Ces trois marches représentent les trois états de l’âme, ou les trois puissances
de l’âme: la mémoire, l’intelligence, et la volonté. La mémoire doit retenir
mes bienfaits et ma bonté; l’intelligence doit considérer mon Amour ineffable
manifesté par mon Fils unique qui doit demeurer l’objet, par excellence, de
votre intelligence. Elle doit contempler en Lui le feu de ma charité. La volonté
doit alors s’unir aux deux autres puissances pour M’aimer et Me désirer, Moi, sa
fin. Dès que ces trois vertus et puissances de l’âme sont assemblées, Je me
tiens au milieu d’elle (l’âme) par ma grâce. Rempli de ma charité et de celle de
son prochain, l’homme trouve aussitôt la compagnie de toutes les autres
vertus... Dès que l’âme a gravi la troisième marche, elle n’est plus seule...
Lorsque l’âme a connu cette volonté, elle s’en revêt... elle ouvre et fixe l’œil
de son intelligence, éclairée par la lumière, la foi, sur le Christ crucifié,
mon Fils unique. Elle aime, elle suit sa doctrine: règle et voie des parfaits
comme des imparfaits. Elle voit alors que l’amoureux Agneau, ma Vérité, leur
donne une doctrine de perfection.”
Parfois le Père se laisse aller à
contempler ce doux et amoureux Verbe: “Il a couru avec une grande sollicitude
à l’ignominieuse mort de la Croix, Il a accompli l’obédience qui Lui avait été
imposée par Moi, son Père, sans se dérober ni à la douleur, ni aux outrages,
sans reculer ni devant votre ingratitude, ni devant votre ignorance qui ne
voulait point reconnaître un tel bienfait, ni devant les persécutions des juifs,
ni devant les railleries, les affronts, les calomnies et les cris de la foule.
Rien ne L’arrêta... afin que par son combat Il vous arrachât des mains du démon
et vous libérât de la plus perverse des servitudes.”
Ou encore
:
“...tel un amoureux et un véritable obéissant, Il courut vers l’ignominieuse
mort de la Croix pour vous donner la vie, non point en vertu de son humanité,
mais en vertu de ma divinité que ma providence a voulues unies pour punir la
faute qui avait été commise contre Moi... Se dépouillant Lui-même, Il vous
revêtit d’innocence et de grâce... C’est ainsi que J’ai revêtu l’homme, mais Je
l’ai également réchauffé quand mon Fils, par les blessures de son corps, vous
manifesta le feu de ma charité caché sous les cendres de votre nature humaine.”
“Suivez-Le car nul ne peut venir
à Moi le Père, sinon par Lui... Mes élus, mes fils, en suivant la voie de dessus
(les vertus), c’est-à-dire le Pont, suivent et n’abandonnent pas la voie de la
vérité (la vérité qui est le Fils du Père) et cette vérité est une porte
puisqu’Elle-même a dit: “Nul ne peut venir aller au Père sinon par Moi.” Et
aussi: “Il est la porte et la voie par où l’on passe pour venir en Moi qui
suis l’océan de paix.”
Ceux qui le suivent et L’imitent
courageusement “se sont revêtus de l’homme nouveau.”
Dans l’Église, l’homme qui cherche
l’honneur de Dieu, deviendra un fils très cher, et, ajoute Dieu: “Il
reposera, avec mes autres serviteurs, sur la poitrine de mon Fils unique dont
J’ai fait un Pont afin que vous puissiez tous atteindre la récompense de toutes
les peines que vous avez endurées.“ Dieu admire ce Pont, son Fils unique:
“...Regarde ce Pont qu’est mon Fils unique. Vois sa grandeur: il touche le
Ciel d’un côté et la terre de l’autre. Ce que tu vois est donc la grandeur de la
déité unie à la terre de votre humanité. C’est pourquoi Je dis qu’il remplit
l’espace depuis le Ciel jusqu’à la terre, grâce à l’union que J’ai consommée
dans l’homme.”
Mais ce Pont, comment est-il construit ?
“Ce Pont
remplit l’espace depuis le Ciel jusqu’à la terre en vertu de l’union que J’ai
consommée dans l’homme fait du limon de la terre. Ce Pont, qui est mon Fils, a
trois marches dont deux furent taillées sur le bois de la très sainte Croix.
Quant à la troisième, elle éprouva la grande amertume quand on donna à mon Fils
le fiel et le vinaigre... Dans ces trois marches tu reconnaîtras les trois états
de l’âme:
–
”La première marche, ce sont les pieds, lesquels signifient le désir qui porte
l’âme.” Sur cette première marche, s’élevant au-dessus de l’amour de la terre,
l’âme se dépouille du vice.
–
”Les pieds cloués te servent de deuxième marche pour que tu puisses atteindre le
côté, lequel te manifeste le secret du coeur: en effet, en posant l’oeil de
l’intelligence dans le coeur ouvert de mon Fils, l’âme trouve le parfait,
l’ineffable Amour. Je dis qu’il est parfait parce qu’Il ne vous aime pas pour
son intérêt; vous ne Lui êtes d’aucune utilité puisqu’Il ne fait qu’un avec Moi.
L’âme donc se remplit d’amour quand elle se voit aimée à ce point.” Sur cette
deuxième marche, l’âme se remplit d’amour et de vertu.
–
Sur la troisième marche, c’est-à-dire la bouche, l’âme goûte une grande paix.
“Ce pont est élevé mais non point séparé de la terre... il fut élevé quand Il
(mon Fils) fut hissé sur le bois de la croix sans que sa nature divine se
séparât de la bassesse de votre humanité? Quelle plus grande preuve d’amour
aurait-Il pu vous donner que celle de livrer sa vie pour vous?... Il a dit
qu’une fois élevé en haut, Il attirerait tout à Lui, et telle est la vérité.”
Toujours le Pont: avec quoi est-il bâti ?
Le Père explique avec quoi et
comment ce Pont est bâti: “Ce Pont est bâti avec des pierres maçonnées afin
que la pluie n’empêche point l’homme de passer. Sais-tu ce que sont ces pierres?
Les véritables et agissantes vertus. Ces pierres n’étaient point maçonnées avant
la Passion de mon Fils... Mais maintenant ces pierres sont taillées et posées
sur le Corps du Verbe, et mon doux Fils Lui-même les ajuste, pétrit la chaux et
les maçonne avec son propre sang... Par ma puissance, les pierres des vertus
sont maçonnées sur Lui-même, car il n’est pas une vertu qui ne soit éprouvée en
Lui, et c’est de Lui que toutes reçoivent vie... C’est Lui qui a mûri les
vertus... afin que tout fidèle puisse avancer sans encombre, abrité par ma
Miséricorde... qui descendit du ciel lors de l’incarnation de mon Fils... Tu
vois donc que ce pont est maçonné et qu’il est abrité par ma Miséricorde...”
Cette Miséricorde qui nous a créés et recréés dans le sang du Fils. “C’est
pour cela que ma charité a ordonné que vous soient administrés le sang et le
corps de mon Fils unique, tout Dieu et tout homme... Le Pont traversé, on arrive
à la porte, partie du pont lui-même, par laquelle vous devez tous passer. C’est
pourquoi Il a dit: Je suis la voie, la vérité, la vie... et cette voie est le
pont qui vous conduit dans les hauteurs du Ciel.”
Le Père reprend aussi les images
utilisées par le Fils, par exemple l’image de la Vigne et des sarments, et
laisse transparaître sa tendresse: “Vous êtes les sarments de cette vigne
qu’est mon Fils... Je suis l’Ouvrier qui a planté la vigne, mon Fils, dans la
terre de votre humanité, afin que vous, sarments, unis à la Vigne, vous puissiez
fructifier... En demeurant dans le Verbe, mon Fils, vous demeurerez en moi parce
que Je ne suis qu’une seule chose avec Lui, et Lui avec Moi... Ceux qui suivent
la doctrine du doux et amoureux Verbe, Je les taille pour qu’ils produisent
beaucoup et pour que leurs fruits soient doux... Vous êtes unis dans la Vigne du
Corps mystique de la sainte Église dont vous tirez votre vie. Dans cette vigne
est planté le cep de mon Fils unique sur lequel vous devez tous être greffés.”
Les trois marches. Le Père révèle le Fils comme le Fils
révèle le Père
Le Père et le fils ne font qu’un:
“Nul ne peut venir à Moi sans Lui car, il ne fait qu’un avec Moi...La lumière
de la foi fait discerner, connaître et suivre la voie et la doctrine de ma
vérité, le Verbe incarné... nul ne peut venir à Moi que par Lui et c’est
pourquoi J’en ai fait un pont à trois marches.” Ces trois marches sont les
trois puissances de l’âme, la mémoire, l’intelligence et la volonté. “On ne
peut gravir l’une sans gravir les autres si on tient à passer par ce pont qu’est
la doctrine de mon Fils... Tous vous êtes appelés par ma Vérité (le Fils) qui,
angoissée de désir, criait dans le temple: “que celui qui a soif vienne à Moi et
qu’il boive car Je suis la source d’Eau vive.” Pourquoi “à Moi”, le Fils et non
“au Père”? “parce qu’en Moi le Père, il ne peut y avoir nulle souffrance, alors
qu’en mon Fils il y en a.”
Mais : ”En vous trouvant en Lui
vous vous trouverez en Moi, mer pacifique, puisque Je suis une seule chose avec
Lui et Lui une seule chose avec Moi.”
Il faut avoir soif pour gravir les
trois marches : “La mémoire doit retenir mes bienfaits et ma bonté.
L’intelligence doit considérer mon Amour ineffable manifesté par mon Fils unique
qui doit demeurer l’objet par excellence de votre intelligence. Elle doit
contempler en lui le Feu de ma Charité... Voici la deuxième marche gravie, celle
de la lumière de l’intelligence qui se mire dans mon profond Amour, dans le
Christ crucifié qui m’a servi à vous le prouver.”
Plus loin le Père précise : “
Nul ne peut marcher sur le pont sans gravir les trois marches... Ceux qui n’ont
pas atteint la première marche du Christ crucifié n’atteindront pas la deuxième,
celle du Cœur.” Cette dernière phrase est importante. En effet, jusque là on
était baigné dans le Coeur du Père par l’Amour du Père et du Fils, mais sans que
le mot “ Cœur ” soit prononcé. C’est seulement au chapitre 59 du Traité de la
Discrétion que le mot Cœur apparaît pour la première fois.
Peu à peu nous approchons des
mystères de l’union à Dieu, dans le Père, par le Fils. Le Père parle : “...
C’est alors que Je Me manifeste Moi-même, ainsi que ma Vérité (le Fils) l’a dit:
“Celui qui M’aimera deviendra une seule chose avec Moi et Moi avec lui, Je me
manifesterai Moi-même et nous demeurerons ensemble.” Telle est la nature de
l’ami bien-aimé: deux corps, une seule âme. L’Amour en effet devient la chose
aimée. S’ils ne forment plus qu’une âme, il n’est plus de secret...” A ceux qui
aiment Dieu de cette façon, Dieu dit : “Je forme dans leur esprit, et de
multiples manières, la présence de ma vérité, mon Fils unique, selon le désir et
le vouloir de cette âme.”
Et l’on voit apparaître l’unicité de Dieu : Le Père et
le Fils sont UN
La connaissance du Père passe par
la connaissance du Fils : l’âme qui cherche Dieu dans la sagesse du Fils est
satisfaite par le Père qui “lui donne le Fils comme objet pour sa
contemplation.” En effet, à Philippe qui demandait à Jésus: “Montre-nous
le Père et cela nous suffira.” il fut répondu: “Qui Me voit, voit le
Père, qui voit le Père Me voit.” car le Père et le Fils sont UN: “En se
manifestant à vous, le Fils ne vous offrait que ce qu’Il avait reçu de Moi, le
Père, car le Fils ne fait qu’une seule chose avec Moi.” Plus loin, dans le
Traité de l’oraison, Dieu dit: “J’ai eu la prévoyance d’unir le don au
donateur, c’est-à-dire la nature divine à la nature humaine, de vous donner le
Verbe, mon Fils unique, qui ne fait qu’une seule chose avec Moi et Moi avec Lui.
Ainsi, par cette union, vous ne pouvez regarder le don sans Me regarder Moi-même
qui suis le Donateur.”
Le Père et le mystère du Coeur du Fils
Parfois, Dieu le Père laisse
apercevoir le mystère du Coeur de son Fils. Parlant de ceux qu’Il appelle les
parfaits, “ivres et embrasés d’amour, ceux qui ont franchi les trois marches,
ils ont réuni ces trois puissances de l’âme, les trois états représentés par les
trois marches matérielles du corps de Jésus-Christ, mon Fils unique.” Dieu
dit : “ Avec les pieds de la volonté ils sont arrivés à la blessure du côté
où ils ont trouvé le secret du Coeur où, pour avoir tendu la coupe de leur âme,
ils ont connu le baptême de l’eau qui tire du sang toute sa vertu. Où l’âme
a-t-elle connu la dignité de se voir unie et pétrie dans le Sang de l’Agneau en
recevant le saint baptême ? Dans la blessure du côté où elle a connu le feu de
la divine charité. C’est ce que montra ma vérité, s’il t’en souvient...”
Et le Père rappelle ce que Jésus
dit un jour à Catherine : “... Mon désir du genre humain était infini, alors
que les tourments et les souffrances que j’endurais étaient finis. Aussi
n’est-ce point avec ce qui était fini que Je pouvais vous montrer tout l’Amour
que J’avais pour vous, puisque mon Amour était infini. Je voulus donc, en vous
montrant mon côté ouvert, que vous voyiez le secret du Cœur, afin que vous
voyiez que J’aimais beaucoup plus que Je ne pouvais le montrer avec ma
souffrance finie...” Donc, dit le Père à Catherine : “Plonge-toi dans le
Sang du Christ crucifié, de l’humble, du douloureux, de l’immaculé Agneau, mon
Fils unique, en accroissant toujours ta vertu afin qu’en toi s’alimente le feu
de ma divine charité.” Ou encore : “Que votre asile soit toujours le
Christ crucifié, mon Fils unique; habitez et cachez-vous dans la caverne de son
côté ouvert où vous goûterez, par amour, dans sa nature humaine, ma divine
nature. Dans ce Cœur ouvert vous trouverez ma charité et celle de votre
prochain, puisque c’est pour mon honneur à Moi, Père Éternel, et pour accomplir
l’obédience que je lui avais imposée pour votre salut, qu’il courut à
l’ignominieuse mort de la Croix...”
Le Cœur du Fils est doux et humble
Le Cœur du Fils est doux et humble;
il est aussi pauvre, car pauvreté et humilité vont de pair. Écoutons le Père
parler de la pauvreté du Fils :
“...regarde
ce doux et amoureux Verbe naître dans une étable, alors que Marie était en
voyage... Lui qui était le feu de la charité voulut pâtir le froid de son
humanité... Au moment de sa mort, il fut dépouillé, dénudé et flagellé contre
une colonne... C’est bien une règle d’amour qu’Il vous a donnée puisqu’Il ne
pouvait vous témoigner de plus grand amour qu’en donnant sa vie pour vous... Il
vous a donné la vraie règle de l’humilité en se soumettant à l’ignominieuse mort
de la Croix... Les pauvres en esprit ont choisi pour épouse la Reine
pauvreté... Les murs des cités de la Reine pauvreté sont solides car leurs
assises reposent sur la pierre vive, sur le doux Christ Jésus, mon Unique.”
Le Cœur du Fils est obéissant
Le Cœur du Fils est aussi très
obéissant : “Où trouve-t-on l’obéissance ?... Tu la trouves parfaitement
achevée dans le doux et amoureux Verbe, mon Fils unique. Elle était si vive en
Lui, cette vertu, que, pour l’accomplir, il courut à l’ignominieuse mort de la
Croix...” S’adressant à Catherine, le Père dit : “Les clés de
l’obéissance, je les avais confiées aux mains du doux et amoureux Verbe, ma
vérité... Le Verbe est venu, Il a pris en mains cette clef, Il l’a purifiée au
feu de la divine charité, Il l’a lavée avec son sang, Il l’a redressée avec le
glaive de la justice, Il a forgé vos iniquités sur l’enclume de son propre
corps... O obéissance, tu te conformes au Verbe, mon Fils unique. Tu montes dans
la nef de la très sainte Croix... Je veux que tu connaisses bien, dans l’humble
Agneau immaculé, cette excellente vertu et que tu saches d’où elle procède.
D’où vient que ce Verbe fut
tellement obéissant? De l’amour qu’il eut pour mon honneur et pour votre salut.
D’où lui vient cet amour? De cette lumière qui lui faisait parfaitement voir la
divine essence et la Trinité éternelle. C’est ainsi qu’il me voyait toujours,
Moi, le Dieu Éternel... C’est parce qu’il fut fidèle à son Père Éternel qu’il
courut comme un amoureux, et dans une glorieuse lumière, sur la voie de
l’obéissance. Mais l’amour n’est jamais seul... L’obéissance a une nourrice:
l’humilité. On n’est obéissant que si on est humble. On n’est humble que si on
est obéissant. L’humilité est la nourrice et la gouvernante de la charité: c’est
son propre lait qui nourrit l’obéissance... Et c’est dans le doux Christ Jésus
que vous trouverez l’humilité parfaitement accomplie.”
“L’obéissance est un bien que
vous avez pu connaître dans le Verbe qui vous a montré qu’elle est une règle
puisqu’Il a obéi jusqu’à la mort ignominieuse de la Croix. C’est sur son
obéissance, sur cette clef qui a ouvert le Ciel, qu’est fondée votre obéissance,
commune ou particulière...” C’est la voie que le Christ nous a montrée en
nous enseignant l’humilité, l’obéissance, la patience, la force d’âme et la
persévérance, puisque “malgré les tourments, il ne se débarrassa ni du joug
de l’obéissance envers son Père, ni du joug de notre salut. Il les supporta au
contraire avec un si grande patience qu’on ne l’entendit jamais pousser un cri
ou une plainte. Il demeura fort et patient jusqu’à ce moment suprême où Il donna
pour épouse au souverain Père l’humanité tout entière.” (lettre 35)
Mais : “Il n’est pas
d’obéissance sans humilité, et point d’humilité sans la charité.” Ces
vertus,Catherine, la servante de Dieu les trouve dans le Verbe : “ Avec
l’obéissance envers son Père, avec l’humilité, Il court à l’ignominieuse mort.
Il s’y rive, il s’y attache avec les clous et avec les liens de la charité, il
endure avec une si grande patience qu’on n’entend ni un cri ni une
récrimination.” (lettre 38)
[1] Toutes
les citations qui sont rapportées ci-dessous ont été extraites du
Livre des Dialogues de Sainte Catherine de Sienne - Éditions du Seuil
1953- Réédition de 1981



|