2-1-Départ pour le Canada
Les Augustines
Hospitalières de la Miséricorde de Jésus, de la maison de
Dieppe, avaient fondé, en 1639, l'Hôtel-Dieu de Québec, en
Nouvelle France. En 1648, les besoins de cet Hôtel-Dieu de
Québec étaient grands, et les religieuses insistaient pour qu'on
leur envoyât des recrues. Dès lors, Marie-Catherine de
Saint-Augustin désira aller au Canada, et elle se porta aussitôt
volontaire. Elle n'avait pas encore seize ans. On tenta de la
dissuader, et son père s'opposa à son dessein; même au sein de
sa communauté les oppositions allaient bon train. Alors,
Catherine fit le voeu "de vivre et de mourir en Canada, si
Dieu lui en ouvrait la porte".
Catherine pria
beaucoup. Elle fit l'acte de donation à la Vierge Marie, dont
nous avons parlé ci-dessus, lui léguant "tous ses mérites
passés, présents et futurs, son corps, son cœur et son âme, la
suppliant très humblement d'en prendre le soin en sa qualité
d'héritière" Et elle ajoutait: "Je vous supplie encore,
dans toute l'étendue de mon âme, de présenter à votre cher Fils,
ce pauvre et indigne héritage, afin qu'Il daigne, pour l'amour
de vous, l'agréer, l'accepter comme tel, et le mettre dans le
domaine de son infinie bonté et miséricorde."
Et la porte du
Canada s'ouvrit... et tout alla très vite.
Ayant atteint ses
seize ans, Catherine fit, à Nantes, dans la chapelle de
Notre-Dame-de-toute-Joye, sa profession religieuse le 4 mai
1648, avant son embarquement, le 27 mai 1648.
2-2-La traversée
En France, à cette
époque, on admirait beaucoup tous ceux qui avaient "l'audace
de braver l'océan et la férocité des Iroquois." Aller au
Canada était une véritable aventure qui durait entre deux et
quatre mois, sur des petites embarcations inconfortables et
soumises souvent à des tempêtes redoutables. Il y avait aussi
les maladies graves, et beaucoup de malades en mouraient... La
traversée qui emmenait les Hospitalières et Catherine fut, comme
prévu, difficile, et dura trois mois. Une maladie très
contagieuse et incurable se déclara, et plusieurs marins, dont
le commandant de la flotte, moururent. Catherine fut également
malade; elle était sur le point de mourir quand elle fut de
nouveau affrontée à un dragon redoutable et tentateur. Pendant
cette horrible vision dont elle se souviendra toute sa vie, elle
eut "la vue claire et distincte du nombre et de la qualité de
tous ses péchés, qui lui parurent si horribles qu'elle se
condamnait elle-même à l'enfer." Mais immédiatement après le
monstre disparut, et la Vierge Marie la guérit. Elle devait, en
effet, travailler à l'établissement de l'Église, dans la
Nouvelle-France. Cependant la conscience de l'horreur du péché
resta profondément gravée en elle.
Voici enfin le
golfe du Saint-Laurent. Il faut maintenant remonter le fleuve
dont les rives sont couvertes de forêts sauvages. Bientôt
quelques rares habitations françaises apparaissent... Et voici
Québec dont la population, à l'époque, ne dépassait pas 500
personnes. Le 19 août 1648, le bateau accoste: Marie-Catherine
de Saint-Augustin est arrivée dans son " Petit Paradis de
Québec".
2-3-Le Petit Paradis de Catherine
Rigueurs de l'hiver
canadien, privations de toutes sortes, manque de vivres et
menaces continuelles des Iroquois, éloignement de la Mère
Patrie, voilà le "Petit Paradis de Québec", tant désiré par
Marie-Catherine de Saint-Augustin.
À peine arrivée, et
malgré son jeune âge, Catherine se mit courageusement à l'œuvre.
Elle commença par aider ses sœurs devancières à préparer un
nouveau local pour recueillir les nombreux malades qui étaient
encore à bord des vaisseaux. Puis elle partagea tous leurs durs
travaux et apprit les langues indiennes. Catherine sut
rapidement ces langues et devint la catéchiste des indiens. Par
ailleurs, elle manifesta vite de bonnes qualités d'infirmière et
faisait montre d'un sens pratique remarquable[1].
Malheureusement
l'ère des Martyrs venait de s'ouvrir à Québec. En effet, le 4
juillet 1648, les Iroquois avaient brûlé le bourg Saint-Joseph,
massacré de nombreux Hurons[2],
martyrisé leur pasteur, le Père Daniel. Cela avait été prédit
dix ans auparavant, au Père de Brébeuf, quand ce dernier eut la
vision d'une grande croix, venant du pays des Iroquois et
s'étendant sur tout le territoire des Hurons. Après le martyre
du Père Daniel, ce fut, le 16 mars 1649, le tour des Pères de
Brébeuf et Lalemant. Le Père Paul Ragueneau[3]
devint le directeur spirituel de Catherine qui prit le Père Jean
de Brébeuf pour son protecteur céleste. Les attaques des
Iroquois contre les Hurons durèrent longtemps, jusqu'à
extinction presque complète du peuple des Hurons.
En 1651, Catherine
écrivait à M. de Bernays: "Les Iroquois continuent leur
guerre... Nous sommes entre la vie et la mort... Tout cela ne me
fait aucune peur... Les croix du Canada, qui sont assez
fréquentes, n'ont point diminué ni altéré ma paix intérieure...
Je veux absolument être à Dieu et n'avoir rien à cœur que son
service..."
Le 9 novembre 1651,
la situation était devenue tellement grave, que Catherine
écrivit en France: elle craignait d'être obligée de quitter son
pays d'adoption: "Dieu veuille, par sa grâce, que nous ne
soyons pas dans la peine de le quitter. C'est la plus grande de
me appréhensions... Mais quand je pense que Dieu m'a appelée
ici, je crois qu'il prétend de moi quelque chose de particulier
en ce pays... Mais je puis vous assurer que la nature n'y trouve
aucun contentement... Il ne faut rien chercher que Dieu seul..."
En 1653 la désolation régnait partout; les Iroquois continuaient
leur guerre; même Québec était menacé.
2-4-Notes concernant le Père de Brébeuf
Le Père Jean de
Brébeuf, jésuite, naquit à Condé-sur-Vire, près de Bayeux, le 25
mars 1593. Il arriva à Québec en juin 1625 et fit un travail
d'évangélisation remarquable auprès des peuples canadiens,
surtout les Hurons. Lui et le Père Lalemant furent pris par les
Iroquois qui les torturèrent atrocement jusqu'à leur mort, les
16 et 17 mars 1649. Au Père Brébeuf, on arracha de gros morceaux
de chair sur les bras, les cuisses et les jambes. Son dos fut
arrosé d'eau bouillante, pour se moquer du Baptême. Une ceinture
faite d'écorce, pleine de bois et de résine avait brûlé
lentement tout son corps. Son crâne fut écorché; enfin, les
barbares lui arrachèrent le cœur et le mangèrent... Catherine de
Saint-Augustin qui pourtant ne l'avait jamais vu de son vivant,
le prit pour protecteur, sûre qu'elle était de son éminente
sainteté, surtout après qu'il lui fût apparu en gloire.
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