Chapitre
4
Cornelius Jansenius
(1585-1638)
4-1-Qui était Cornelius
Jansen ?
Cornelius JANSEN naquit dans la province
d'Utrecht, aux Pays-Bas, le 28 octobre 1585. Il entra en 1602 à
l'université
de Louvain. C’est là qu’il se lia d’amitié avec un autre étudiant, venu de la
région de Bayonne, en France: Jean du Vergier de Hauranne, qui deviendra l’abbé
de Saint-Cyran. Ses études terminées, Jansen profita d’un séjour à Paris pour
étudier le grec. Plus tard, il rejoignit à Bayonne, son ami Jean du Vergier.
C’est là que les deux amis étudièrent les premiers Pères de l’Église, et
commencèrent à réfléchir sur la réforme de l'église préconisée par le Concile de
Trente.
En 1616, revenu à Louvain, Jansen poursuivit des
études de théologie tout en prenant une part active à la résistance de
l’université contre les jésuites qui avaient fondé, également à Louvain, une
deuxième université: les jésuites auraient cherché à évangéliser le pays, mais
sans l’accord des évêques du lieu. Cependant, quoique opposé aux jésuites,
Jansen ne fut jamais proche des protestants; au contraire, il souhaitait les
battre sur leur propre terrain et avec leurs propres armes, principalement en
leur prouvant que les catholiques interprétaient la bible d’une manière tout
aussi pieuse et mystique, qu’eux, les protestants, tout en étant plus rigoureux,
et peut-être plus orthodoxes.
Professeur d’Écriture sainte à l’université de
Louvain, l’exégèse devint la grande spécialité de Jansen, et l’objet de ses
conférences. Mais c’est également vers cette époque, entre 1623 et 1628, qu’il
commença aussi à réfléchir sur ce qui sera l’œuvre de sa vie, L’Augustinus,
œuvre volumineuse, de plus de 1300 pages. Toutefois L’Augustinus ne
sera édité qu’en 1640, deux ans après la mort de Jansen.
Il semble que Jansen ait été mêlé à certains
événements politiques de son époque. Ainsi, il attendait impatiemment le moment
où la Belgique serait délivrée du joug espagnol et deviendrait une république
catholique indépendante, conformément au modèle des Provinces Unies protestantes
de Hollande. Par ailleurs, dans son Gallicus de Mars, paru en 1635,
Jansen attaquait, avec virulence, les ambitions françaises et l'indifférence de
Richelieu face aux intérêts catholiques internationaux.[1]
En 1636 Jansen fut nommé évêque d’Ypres. Il mourut
deux ans plus tard, foudroyé par la peste, le 6 mai 1638.
4-2-L'Augustinus (1640)
L'ouvrage, connu sous son titre abrégé d'Augustinus,
fut terminé vers 1636, lorsque Jansénius devint évêque d'Ypres; mais il ne sera
publié qu'après la mort de son auteur, en 1640.
4-2-1-La concupiscence
Jansen, qui s'était inspiré des textes les plus
sombres de Saint Augustin, explique que la nature humaine, gauchie par le péché,
entraîne l'homme au mal et à l'amour exclusif de lui-même. Égoïste et
orgueilleux, l’homme n'est mû que par la recherche du plaisir: la concupiscence,
qu'il n'espère trouver que dans les créatures. Ainsi, l’homme se précipite, de
lui-même, vers son malheur et sa perdition.
4-2-2-La délectation
victorieuse et la conversion
Mais Dieu, plein de miséricorde, a envoyé son Fils
pour sauver les justes qui reçoivent la grâce du Christ, plus forte que la
concupiscence. C’est ce que Jansen appelle la délectation victorieuse,
laquelle vient à bout du penchant de l'homme pour le mal et l'entraîne vers Dieu
aussi infailliblement qu'il était poussé vers le péché par la concupiscence. La
substitution de la grâce à la concupiscence est ce que l’on appelle l’instant de
la conversion, qui change le coeur de pierre en un coeur de chair. L'homme est
alors libéré de son amour-propre qui le refermait sur lui-même; il devient en
mesure de faire le bien et de s'ouvrir vers Dieu comme vers son prochain.
4-2-3-La place de la liberté
humaine
Le plaisir que l'homme trouvait à faire le mal est
remplacé par un plaisir plus grand, celui de l'Amour: la charité. Cela ne
signifie pas pour autant que l'individu touché par la grâce soit sauvé, car Dieu
peut, à tout moment, la lui retirer; il retombe alors dans les affres du péché,
comme cela est arrivé à Saint Pierre lui-même quand il renia Jésus.
On devine ainsi combien, dans le système de l'Augustinus,
la place de la liberté humaine est fortement réduite: elle n'est plus que
l’assentiment, souvent obligatoire, à la volonté de Dieu ou à celle de Satan,
qui se partagent le coeur de l'homme. Ce débat sur la grâce meurtrira
profondément la chrétienté car ce qu’il engage, ce sont des choix métaphysiques,
une conception de la vie et du monde, une vision de l'homme et de Dieu, et
parfois, jusqu'à une théorie de la société et de la politique.
[1] Plus
tard, ces prises de position de Jansen dans son Gallicus de Mars,
ne faciliteront pas la tâche de ses amis de France.
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