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L'annonce de la Passion de
Jésus
chez les prophètes
Parlant du Sauveur, les prophètes
ont parfois cru qu'il serait un simple prophète, comme eux : vraie sentinelle
affrontée à de nombreux adversaires.
Le prophète est une sentinelle
pour Éphraïm; il est avec Dieu, mais on lui tend des pièges sur tous ses
chemins, et dans la Maison de son Dieu il rencontre des adversaires. (Osée
9, 8)
La mission du Serviteur de Dieu
Plusieurs prophètes ont fait
mention de ce que serait la mission du Serviteur de Yahvé. Ainsi, Malachie fait
parler Dieu :
Voici que j’envoie mon messager
pour aplanir le chemin devant moi ; et soudain le Seigneur que vous cherchez
entrera dans son Temple. Voici venir l’ange de l’alliance, dit Yahvé Sabaot...
Maintenant je vous envoie Élie, le prophète, juste avant que vienne le jour de
Yahvé, jour grand et redoutable. Il réconciliera les pères avec leurs fils, et
les fils avec leurs pères, de sorte que, lors de ma venue, je n’aie pas à
maudire la terre. (Malachie, 3, 1 et 23)
Zacharie avait, de même, annoncé un
Messie doux et humble :
Réjouis-toi, Fille de Sion,
lance des cris de joie fille de Jérusalem, car voici que ton Roi vient à toi. Il
t’apporte justice et victoire, il est humble, monté sur un ânon, petit d’une
ânesse. (Zacharie, 9, 9)
Mais c'est Isaïe qui avait le mieux
annoncé la mission du Serviteur :
Moi, l'Éternel, je t'ai appelé
pour le salut, et je te prendrai par la main, je te garderai, et je t'établirai
pour traiter alliance avec le peuple, pour être la lumière des nations, pour
ouvrir les yeux des aveugles, pour faire sortir de prison le captif, et de leur
cachot ceux qui habitent dans les ténèbres. Je suis l'Éternel, c'est là mon nom,
et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni mon honneur aux idoles. Voici,
les premières choses se sont accomplies, et je vous en annonce de nouvelles:
avant qu'elles arrivent, je vous les prédis. (Isaïe 42, 1 et 9)
Les exploits du Serviteur
Il ne faut pas oublier que lorsque
Dieu éclaire un prophète, souvent, dans ses prédictions et ses visions, de
nombreuses images peuvent se superposer, ne tenant pas compte du temps
terrestre. Ainsi, après avoir présenté le Serviteur qui sortira du Petit Reste
d’Israël, Isaïe se réjouit des victoires de Cyrus. Mais ce chant de victoire,
très terre à terre, annonce peut-être d’autres victoires du peuple juif sur ses
ennemis. L’Élu choisi n’est-il pas également, et plus sûrement, le Serviteur sur
qui réside l’Esprit, et qui sera définitivement vainqueur du mal. Dans cette
optique, ce qui suit est peut-être une allusion au Sauveur que l’Éternel va
envoyer...
C’est le prophète qui parle :
Îles, écoutez-moi! Îles
lointaines, soyez attentives! L'Éternel m'a appelé dès le sein de ma mère, il a
connu mon nom avant que je sois né. Il a rendu ma bouche semblable à un glaive
tranchant, il m'a couvert de l'ombre de sa main ; il a fait de moi une flèche
aiguë, il m'a caché dans son carquois. Et il m'a dit : “Tu es mon serviteur,
Israël en qui je me glorifierai.”
Je ferai marcher les aveugles
sur un chemin qu'ils ne connaissent pas, je les conduirai par des sentiers
qu'ils ignorent. Je changerai devant eux les ténèbres en lumière, et les
endroits tortueux en plaine : voilà ce que je ferai, et je ne les abandonnerai
point. Ils reculeront, ils seront confus, ceux qui se confient aux idoles
taillées, ceux qui disent aux idoles de fonte : vous êtes nos dieux ! Sourds,
écoutez ! Aveugles, regardez et voyez !
C'est peu que tu sois mon
serviteur pour relever les tribus de Jacob et pour ramener les restes d'Israël.
Je t'établis pour être la lumière des nations, pour porter mon salut jusqu'aux
extrémités de la terre.
Au temps de la grâce je
t'exaucerai, et au jour du salut je te secourrai. Je te garderai, et je
t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour relever le pays, et pour
distribuer les héritages dévastés, pour dire aux captifs : “Sortez !” et à ceux
qui sont dans les ténèbres : “Paraissez!” (Isaïe 49, 1 à 12)
Lassitude du Serviteur
Mais avant d'être la lumière du
monde, le Serviteur connaîtra des moments de lassitude et il sera même méprisé :
Jusqu’à quand, Yahvé,
appellerai-je au secours sans que tu m’écoutes ? Jusqu’à quand vais-je crier :
“Violence !” sans que tu me sauves. Pourquoi me fais-tu voir l’injustice ? Tes
yeux supportent-ils l’oppression ? Je ne vois que pillage et violence ; on vit
de disputes et de querelles. Du coup la loi a disparu, et la justice n’arrive
jamais ; tant que le méchant opprime le juste, la sentence est faussée. (Habaquq
1, 2 à 4)
Moi je disais : C'est en vain
que j'ai travaillé, c'est pour le vide et le néant que j'ai consumé ma force.
Mais mon droit est auprès de l'Éternel, et ma récompense auprès de mon Dieu. Car
j’ai de la valeur aux yeux de Yahvé, et mon Dieu est ma force. Maintenant,
l'Éternel parle, lui qui m'a formé dès ma naissance, pour être son serviteur,
pour ramener à lui Jacob, et pour qu’Israël se refasse. Il m’a dit: ainsi parle
l'Éternel, le Rédempteur, le Saint d'Israël, à celui qu'on méprise, qui est en
horreur au peuple, à l'esclave des puissants. Des rois le verront, et ils se
lèveront, des princes se prosterneront, à cause de l'Éternel qui est fidèle, du
Saint d'Israël, qui t'a choisi. (Isaïe 49, 1 à 12)
La formation du Serviteur
Avant de l'envoyer accomplir sa
mission, le Seigneur forme son Serviteur qui répond et ne se dérobe pas.
Le Seigneur, l'Éternel, m'a
donné une langue exercée, pour que je sache soutenir par la parole celui qui est
abattu. Dès le matin il éveille mon oreille, pour que j'écoute comme écoutent
des disciples. Le Seigneur, l'Éternel, m'a ouvert l'oreille, et je n'ai point
résisté, je ne me suis point retiré en arrière. J'ai livré mon dos à ceux qui me
frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. Je n'ai pas dérobé
mon visage aux ignominies et aux crachats.
Mais le Seigneur, l'Éternel, m'a
secouru ; c'est pourquoi je n'ai point été déshonoré, c'est pourquoi j'ai rendu
mon visage semblable à une pierre, sachant que je ne serai point confondu. Celui
qui me justifie est proche : qui disputera contre moi ? Allons ! comparaissons
ensemble ! Que mon adversaire s'avance vers moi ! Si le Seigneur Yahvé est avec
moi, qui me condamnera ? Quiconque marche dans l'obscurité et manque de lumière,
qu'il se confie dans le nom de l'Éternel, et qu'il s'appuie sur son Dieu !
(Isaïe 50, 4 à 11)
Le Serviteur souffrant.
Annonce de la Passion du Christ.
C'est pour nous que le Serviteur souffre.
Le poème du Serviteur souffrant a
été écrit cinq siècles avant la venue de Jésus-Christ. À qui le prophète
pensait-il en proclamant un Sauveur humilié ? Au petit reste, fidèle mais
humilié, du peuple juif ? Ou mieux, à celui que Dieu enverra, et qui, par son
sacrifice et son humiliation, sauvera le monde ? Mais qui pourrait croire une
telle chose ? Dieu avait dit : Voici, mon serviteur prospérera, il montera,
il s'élèvera, il sera porté au plus haut.
Mais, ajoute le Seigneur : Voici
qu'il a été pour plusieurs un sujet d'effroi, tant son visage était défiguré,
car il n’avait plus figure humaine, son apparence n’était plus celle d’un homme.
De même il sera pour beaucoup de peuples un sujet de joie ; devant lui des rois
fermeront la bouche, car ils verront ce qui ne leur avait point été raconté, ils
apprendront ce qu'ils n'avaient point entendu. (Isaïe 52, 13 à 15)
Et le prophète Isaïe constate :
Qui a cru à ce qui nous était
annoncé ? Qui a reconnu le bras de l'Éternel ? Il s'est élevé devant lui comme
une faible plante, comme un rejeton qui sort d'une terre desséchée. Il n'avait
ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et son aspect n'avait rien pour
nous plaire. Méprisé et abandonné des hommes, homme de douleur et habitué à la
souffrance, semblable à celui devant qui on détourne son visage. Nous l'avons
dédaigné, nous n'avons fait de lui aucun cas. Cependant, ce sont nos souffrances
qu'il portait, c'est de nos douleurs qu'il s'était chargé. Et nous pensions
qu’une plaie de Dieu l’avait frappé et humilié. Mais il était blessé pour nos
péchés, brisé à cause de nos iniquités. Le châtiment qui nous donne la paix est
tombé sur lui, et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.
Nous étions tous errants comme
des brebis, chacun suivait sa propre voie. Et l'Éternel a fait retomber sur lui
l'iniquité de nous tous. Il a été maltraité et opprimé, et il n'a point ouvert
la bouche, semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie. Comme une brebis
muette devant ceux qui la tondent, il n'a point ouvert la bouche. Il a été
enlevé, puis jugé, puis éliminé. Qui a réfléchi à son sort ? Et parmi ceux de sa
génération, qui a cru qu'il était retranché de la terre des vivants et frappé,
pour les péchés de mon peuple ?
On a mis son sépulcre parmi les
méchants, son tombeau avec les riches, quoiqu'il n'eût point commis de violence
et qu'il n'y eût point de mensonge dans sa bouche. Il a plu à l'Éternel de le
briser par la souffrance... Mais, après avoir livré sa vie en sacrifice pour le
péché, il verra une postérité et ses jours seront prolongés, et l'œuvre de
l'Éternel réussira entre ses mains. À cause du travail de son âme, il rassasiera
ses regards. Après ses épreuves, il sera comblé, et jouira de la pleine
connaissance.
Mon serviteur, le juste,
justifiera beaucoup d'hommes, et il se chargera de leurs iniquités. C'est
pourquoi je lui donnerai sa part avec les grands. Il partagera le butin avec les
puissants, parce qu'il s'est livré lui-même à la mort, et qu'il a été mis au
nombre des malfaiteurs, parce qu'il a porté les péchés de la multitude et qu'il
a intercédé pour les coupables. (Isaïe 53)
Autres allusions à la Passion du
Sauveur annoncé
Au temps du prophète Isaïe, Édom,
un peuple voisin, s’était joint aux envahisseurs pour piller Jérusalem. Aussi le
désir de vengeance était-il grand chez les juifs. Le poème qui suit imagine la
venue du Sauveur et sa victoire sur les païens. Les termes utilisés sont d’une
grande violence. Pourtant, les Chrétiens qui viendront plus tard verront dans ce
serviteur celui qui vient sauver le monde, et ce texte évoquera pour eux la
Passion du Christ couvert de son sang, et assurant la victoire définitive de
Yahvé.
Le prophète s‘étonne :
— Qui est celui-ci qui vient
d'Édom, de Botsra, en vêtements rouges, en habits éclatants, et se redressant
avec fierté dans la plénitude de sa force ?
Le Sauveur répond :
— C'est moi qui ai promis la
justice, et j’ai le pouvoir de délivrer.
— Pourquoi tes habits sont-ils
rouges, et tes vêtements comme les vêtements de celui qui foule dans la cuve?
demande le prophète.
— J'étais seul à fouler au
pressoir, et personne de mon peuple n'était avec moi. Je les ai écrasés dans ma
colère, je les ai piétinés dans ma fureur. Leur sang a jailli sur mes vêtements,
et j'ai souillé tous mes habits. Car j’avais fixé un jour de vengeance, et
l'année du rachat était venue. Je regardais, et personne pour m'aider. J'étais
étonné, et personne pour me soutenir. Alors j’ai agi par moi-même, et ma fureur
m'a servi d'appui. J'ai foulé des peuples dans ma colère, je les ai rendus ivres
dans ma fureur, et j'ai répandu leur sang sur la terre. (Isaïe 63, 1 à 6)
Pour terminer nous donnerons
ci-dessous quelques phrases d'autres prophètes qui semblent bien se référer à la
passion du Sauveur.
Quelques plaintes du
Seigneur devant l'indifférence de son peuple
Que t’ai-je fait, ô mon peuple,
en quoi t’ai-je fatigué ? Réponds-moi. Avec quoi me présenterai-je devant Yahvé?
Avec quoi irai-je me prosterner devant le Dieu Très-Haut? Faudra-il que j’offre
mon fils aîné pour payer mon péché, donner celui qui est né de moi pour expier
ma propre faute ? (Michée 6, 3, 6 et 7)
Pourtant, se plaint Dieu,
c’était moi qui apprenais à marcher à Éphraïm. Je les prenais dans mes bras,
mais ils ne voyaient pas que je prenais soin d’eux. Je les menais avec des liens
humains, avec des liens d’amour; j’étais pour eux comme celui qui soulève un
nourrisson contre sa joue et lui donne à manger. (Osée 11, 3 et 4)
Alors, le Seigneur prend les grands
moyens et se fait le pasteur de ses brebis :
Alors je me fais le pasteur de
ces brebis destinée aux marchands de brebis; je prends deux bâtons, j’appelle le
premier “bienveillance” et l’autre “union” et je m’occupe des brebis.
(Zacharie 11, 7)
Mais il est mal reçu et il veut
partir :
Je leur dis : “Si cela vous
semble bon, donnez-moi mon salaire, sinon peu importe. et ils pèsent trente
pièces d’argent qu’ils me donnent comme salaire. Alors Yahvé me dit : “Jette
dans le trésor cette si belle somme à laquelle ils m’ont estimé. Je prends donc
les trente pièces d’argent et je les jette dans le trésor du Temple de Yahvé.
(Zacharie 11, 12 et 13)
On ne peut pas ne pas penser à
Judas vendant Jésus pour trente pièces d'argent…
Mais, à la fin, le peuple reviendra
à son Dieu, avec amour et confiance, car, dit Dieu : Je répandrai sur la
Maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit d’amour et de
confiance; ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé, et se lamenteront
sur lui comme on fait pour un fils unique; ils le pleureront comme on pleure un
premier-né. (Zacharie 12, 10)
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