Deuxième partie

Les enseignements de l’Incarnation
Dieu s’incarne. Dieu vit avec nous, comme nous

Chapitre 8

La sainteté

Qu’est-ce que la sainteté? Jésus a dit un jour à ses apôtres: “Soyez saints comme votre Père du ciel est saint!” Quand Jésus parle ainsi, ce n’est pas un vœu pieux, c’est une obligation: Jésus veut que les hommes soient tous des saints... Pour la plupart d’entre nous, cette perspective nous effraie: comment être des saints? La sainteté est-elle vraiment faite pour nous? Soyons francs: la sainteté nous fait peur... Mais au fond, savons-nous ce qu’est la sainteté? Savons-nous que seule la sainteté peut nous faire découvrir combien Dieu est QUELQU’UN pour nous ?

Contemplons de nouveau la Création... Contemplons la Terre... Qu’est ce que ce bandeau noir qui entoure la terre: d’où vient-il, que fait-il, pourquoi est-il là? Quelque chose nous dit: c’est le mal. C’est le mal? Mais d’où vient-il? Pourquoi troubler l’amour? Notre intelligence s’obscurcit, nous ne comprenons pas très bien. Face au mal et à ses mystères de mort, nous ne sommes que pauvreté. Seul reste l’amour que nous devons à Dieu. Et l’amour de nos frères. Et la sainteté... qui n’est rien d’autre que de l’amour.

Vous nous avez faits libres, Seigneur, pour que, librement, nous puissions Vous aimer. Et comme Vous saviez combien nous étions faibles et petits, Vous avez multiplié les gestes d’amour. 

Nous sommes jeunes, Seigneur, et inexpérimentés. Nos pas sont vacillants, mais Tu multiplies pour nous les signes de ton Amour, de ta Miséricorde, de ta sollicitude, de ta patience aussi, et peu à peu nous n’avons plus d’autre crainte que de blesser ton Amour.

Vois Seigneur, nous ne pouvons rien pour Toi, nous sommes trop jeunes et trop petits. Nous ne pouvons rien pour Toi, Jésus, car ton Œuvre est trop grande: pour T’aider, il Te faudrait des saints, de grands saints, des héros. Et nous, nous ne sommes rien, rien que de pauvres hommes, faibles, petits et trop jeunes...

Nous sommes jeunes, Jésus, et beaucoup trop petits pour pouvoir T’aider, T’aider dans ton Travail de notre Rédemption. Mais nous T’aimons, Jésus, au moins un peu. Oui, nous T’aimons Jésus, malgré notre jeunesse et notre petitesse...

Notre cœur est jeune, Jésus... Voici que nous avons vingt ans... tout est neuf autour de nous. Notre cœur est jeune et découvre l’Amour. Chaque jour nous Te découvrons, Jésus, et nous découvrons ton Amour. Car ton Amour est toujours neuf, toujours renouvelé, toujours changeant dans sa fidélité. Ton Amour, Jésus, est un puits infini dans lequel nous pouvons, nous devons nous plonger.

Nous avançons et nous nous enfonçons dans ce puits infini, mais nous ne tombons pas. Nous ne pouvons pas tomber car ta main nous soutient, ta main nous porte et nous guide. Nous avançons dans ce puits infini, parfois dans la nuit, mais nous ne nous perdons pas: nous ne pouvons pas nous perdre car ton regard nous suit, ton regard nous illumine. Nous avançons dans ce puits de silence, mais ce silence ne nous écrase pas, car dans notre cœur nous entendons ta voix.

Nous avançons dans ce puits infini. Dans ce puits il n’y a ni repère ni paroi. Et pourtant nous avançons en sûreté car nous savons que Tu nous conduis. Nous ne savons pas où nous allons, mais nous avançons en confiance. Nous n’avons pas de repère, mais nous savons que Tu es là, nous ne savons pas comment, mais nous Te savons présent.

Nous avançons dans un puits infini, sans limite et sans fond, nous avançons sans tomber, sans nous perdre dans l’obscurité. Nous avançons dans ce puits de silence et de nuit, mais ton regard est notre lumière, et ta voix se fait tendre... Car ce puits est Amour,  ce puits c’est ton Amour, et ce puits, c’est Toi. Nous avançons dans ce puits, ô Jésus, nous avançons dans l’Amour. Et nos cœurs amoureux de l’Amour trouvent, sans trop savoir comment, ton Cœur qui est l’Amour. Avançant dans l’Amour, notre cœur a rencontré ton Cœur.

Jésus, nous sommes si souvent des hommes de peu de foi... Nous ne sommes que de pauvres tout petits instruments entre tes mains. Nous sommes faibles, fragiles, pleins de misères et de chutes. Nous manquons de foi et de confiance. “Que faire?” Alors, nous Te prions Seigneur, parfois très fort... et voilà que Tu nous fais comprendre que Tu nous veux saints...”

Quand on lit la vie des saints, leur sainteté, du moins telle qu’elle est présentée, nous  paraît toute naturelle. Certes ils ont fait de gros efforts sur eux-mêmes, ils ont beaucoup lutté et souffert, mais cela nous semble naturel. Nous ne voyons pas toujours combien ils étaient humbles et combien ils cherchaient à se laisser conduire par Dieu dont la volonté se manifestait, comme pour nous, à travers les événements ordinaires. Simplement, ils laissaient faire Dieu... Maintenant la sainteté nous paraît plus simple, plus facile.

Qu’est-ce que la sainteté ? La sainteté doit commencer par les commandements : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toutes tes forces... Tu aimeras aussi ton prochain comme toi-même.”

C’est évident, la sainteté commence par les deux premiers commandements: tu aimeras. Les autres commandements en découlent automatiquement, car ils ne sont que la manière de mettre en œuvre le “tu aimeras”. Mais ce n’est que le B.A. BA, le minimum vital pour vivre en société. Il doit bien y avoir autre chose pour devenir des saints.

Oui, la sainteté comporte autre chose, et ce sont vos Béatitudes, Jésus. Pour que nous devenions les saints que vous désirez, Vous avez dit: “Soyez parfaits comme votre Père du Ciel est parfait”. Et, pour nous aider, Vous nous avez donné les Béatitudes: “ Bienheureux les pauvres de cœur, bienheureux les doux, bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, bienheureux les miséricordieux, bienheureux les cœurs purs, bienheureux les pacifiques, bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, bienheureux serez-vous lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement toutes sortes de mal contre vous... Réjouissez-vous alors, et tressaillez d’allégresse car votre récompense sera grande dans les cieux,... car vous serez des saints. “

Oui, pour devenir des saints, il faut commencer par vivre vos Béatitudes, Jésus, et ce n’est pas facile, quoique leurs exigences soient toujours positives. Ceux qui vivent de vos Béatitudes, Jésus, sont déjà sur le chemin de la sainteté puisque, à ceux-la, Vous promettez une grande récompense dans les cieux...

Il y a aussi vos conseils évangéliques. On a trop tendance à les réserver uniquement à ceux qui ont choisi une vie consacrée à votre service. C’est dommage! car la sainteté n’est pas réservée à un petit nombre de grandes âmes; la sainteté, Vous la voulez, Seigneur, pour tous vos enfants et dans toutes les conditions de leur vie.

Et puis, quand on y regarde d’un peu près, vos conseils, Jésus, ne sont en réalité que la mise en œuvre de vos Béatitudes: la pauvreté du cœur, la chasteté dans tous les états de vie, c’est-à-dire, en fait, le juste équilibre qui fait de l’homme, un homme, et non pas une bête ou un être dégénéré. Et puis, il y a l’humilité des pauvres, des purs, des miséricordieux, des justes, des fidèles, de vos fidèles qui marchent selon vos lois malgré les moqueries ou les haussements d’épaules.

Tout cela, c’est très bien, mais ne manque-t-il pas autre chose? Vos saints, Seigneur, n’ont-ils pas mis davantage l’accent sur l’amour, l’amour que l’on doit à Dieu, l’amour que l’on doit donner au prochain. Notre pauvre humanité a bien du mal à répondre à votre Amour, et encore plus de mal à aimer vraiment le prochain, comme Vous, Vous savez l’aimer. Notre pauvreté nous apparaît alors dans toute son ampleur, et nous nous disons: “Mais alors, la sainteté, est-ce pour nous, est-ce pour moi? Comment devenir des saints dans notre pauvre monde du vingt et unième siècle?”

Pourtant, Seigneur, Vous voulez que vos enfants, tous vos enfants, deviennent des saints. Que faire? 

Jésus, nous savons que Vous êtes dans nos cœurs, là où Vous nous donnez la vie. Vous êtes toujours en nous, Jésus, puisque notre vie, c’est Vous. Vous êtes en nous, Seigneur, et notre sainteté, c’est encore Vous. Notre sainteté, c’est Vous, c’est Vous prenant de plus en plus de place dans nos cœurs, là où Vous nous donnez la vie. Notre sainteté, c’est Vous, Seigneur, prenant toute la place en nous jusqu’à nous transformer en Vous.

Comment expliquer cela? Vous êtes en nous, Jésus et souvent nous Vous demandons de prendre toute la place en nous, pour que Vous viviez seul en nous. Mais des tendances inverses, ces tendances nées du péché, retardent en nous l’ouverture à votre vie. Vous voulez toute la place en nous, car la sainteté, c’est cela, mais il y a encore, en chacun de nous, tant de recoins qui ne sont pas vraiment dépliés, des craintes, des peurs, des égoïsmes cachés.

Jésus, notre esprit est lent à comprendre les choses de Dieu. Et il nous faut toujours beaucoup de temps pour assimiler vos paroles et les mettre en pratique. Et comme il est presque impossible de dire les choses de Dieu avec des mots humains, nous allons encore utiliser quelques images.

Imaginons que nous nous trouvions dans une immense salle sombre, pleine de tohu-bohu. Il y a deux portes-fenêtres dans cette salle. L’une, grande ouverte, donne sur un monde de ténèbres. L’air y est pestilentiel et des bouffées nauséabondes, écœurantes et étouffantes, pénètrent abondamment dans la salle sombre, bruyante et pleine de personnes s’agitant dans tous les sens, hurlant des slogans effrayants, se contorsionnant dans tous les sens au rythme déstructurant de musiques techo et de cris assourdissants. Dans ces ténèbres, par moments, éclatent des éclairs qui dévoilent, l’espace d’un instant, un monde de désespoir.

Dans la grande salle, donnant comme en son centre, là où est la vie, là où est Dieu, il y a aussi une autre porte-fenêtre. Celle-ci n’est pas ouverte. Elle est au contraire soigneusement fermée. Et pour que la lumière, l’éclatante lumière de Dieu qu’elle devrait laisser entrer ainsi que l’air pur et vivifiant qui l’accompagne ne puissent pénétrer, on a placé devant elle une série de rideaux et d’épaisses tentures.

La grande salle, c’est le cœur de l’homme dans lequel pénètrent sans gêne, tous les bruits du monde et les miasmes de l’Enfer. Au centre, derrière l’autre fenêtre fermée et soigneusement calfeutrée, il y a Dieu. Dieu qui ne peut pas pénétrer dans les cœurs désespérés livrés au monde de Satan.

Imaginons maintenant qu’une des épaisses tentures se soulève et s’en  aille. Alors une très faible lumière apparaît, si faible que c’est à peine si on peut la deviner. Mais voici qu’une deuxième tenture s’ouvre, puis une troisième, et à chaque fois, c’est un peu comme si la faible lumière se faisait plus visible. C’est un peu comme si un peu d’air frais pénétrait dans la salle encore obscure et nauséabonde: c’est un cœur d’homme qui est en train de s’ouvrir à la grâce. Mais cela se fait lentement, et malheureusement, parfois, quelqu’un remet une tenture, et cela sans ménagement... Et les ténèbres reviennent, plus intenses et plus douloureuses.

Quel rapport peut-il y avoir entre ces scènes étonnantes et la sainteté? Pensons à l’être humain que nous sommes, en route sur le chemin de la sainteté. La grande porte qui donne sur les ténèbres extérieures a été soigneusement bouclée. Au centre de notre cœur, derrière l’autre porte, il y a Dieu. Dans la grande salle du cœur, les plus épaisses tentures ont été retirées. La lumière du Seigneur commence à entrer dans le cœur qui, déjà, sent comme un léger courant d’air vivifiant, tandis qu’une douce voix murmure: “M’aimes-tu?”

L’homme que Dieu conduit à la sainteté est fasciné par la lumière et par la voix qui appelle. Enlevons encore un rideau, puis un autre. Nous ne voyons pas encore très bien ce qu’il y a derrière la fenêtre, mais la lumière pénètre dans la salle. Les murs s’illuminent ainsi que tout ce qui meuble la pièce. Mais il y a un beau désordre et tellement de poussière! Alors, il faut faire un grand ménage, et repousser le long des murs les meubles qui génèrent des zones d’ombre, empêchant la lumière de tout illuminer.

Plus nous faisons le ménage, plus nous rangeons, plus nous nous débarrassons d’objets devenus inutiles, mieux nous respirons, mieux nous voyons clair, et plus nous sommes heureux... Mais il y a encore un ou deux voiles qui masquent ce qu’il y a derrière la fenêtre centrale. Et nous distinguons aussi, grâce à la lumière qui emplit la pièce déjà bien nettoyée et rangée, que des zones d’ombre subsistent, qu’il y a encore des recoins mal nettoyés et qu’il y a des plis mal ouverts dans la jolie tapisserie. Oui, nous commençons à comprendre ce que c’est que la sainteté.

Jésus, voyez nos cœurs. Ils sont comme cette grande salle déjà bien nettoyée, bien arrangée, aérée et lumineuse. La lumière, votre lumière peut pénétrer partout et tout illuminer. Et nous pouvons commencer à les ouvrir davantage pour que Vous puissiez prendre toute la place. Mais hélas! Il reste un ou deux voiles sur la fenêtre, des voiles bien légers mais qui masquent encore la beauté totale que Vous êtes. Et l’air ne peut pas pénétrer à plein, il est encore un peu gêné. Il y a aussi quelques replis mal ouverts, difficiles à déployer car ils sont comme incrustés dans les cloisons du cœur.

Jésus, Vous êtes au centre du cœur de ceux qui aspirent à la sainteté, mais comme à la porte, dans la zone centrale pas tout à fait ouverte. Pour devenir de vrais saints selon votre Cœur, il faut retirer les derniers rideaux, les dernières voiles,   transparents, certes, mais qui entravent encore l’entrée de l’Amour. Vous seul Jésus pouvez déployer complètement les replis qui subsistent. Vous seul pouvez achever l’œuvre que Vous désirez. Il faut Vous laisser faire. Car Vous seul êtes l’artisan de la sainteté, de la sainteté que Vous voulez pour chacun de nous.

Résumons-nous :

Le cœur de chaque homme est comme une grande salle ; au centre, il y a Dieu, il y a l’Amour. Mais l’Amour, qui est notre Vie, ne prendra toute la place en nous que si, d’abord, nous fermons hermétiquement la porte qui s’ouvre sur le mal, les ténèbres extérieures, les mauvaises tendances nées du péché originel et de nos propres péchés. Puis il faut mettre un peu de lumière et commencer à aérer : cela se réalise en retirant quelques-unes des tentures qui camouflent la fenêtre centrale derrière laquelle se trouve la lumière.

Ensuite, pour que l’Amour puisse entrer dans nos cœurs et y être à l’aise, il faut faire le ménage, car le désordre n’est pas digne de Dieu, pas digne de l’Amour.

Quand le ménage sera bien fait, la grande salle de nos cœurs sera presque prête à accueillir l’Amour. Il restera encore quelques rideaux à retirer, mais déjà la lumière et la chaleur de l’Amour pénètreront à flots. Mais la lumière de Dieu, la lumière de l’Amour, nous fera encore découvrir quelques défauts cachés, quelques objets mal rangés et sur les tapisseries des murs de la salle, des plis malencontreux. Il faudra arranger tout cela... Alors la grande salle du cœur sera entièrement pleine de Dieu. Est-ce cela la sainteté ?

Jésus, faites de nous des saints : nous Vous le demandons, car c’est votre désir que nous soyons parfaits comme le Père céleste est parfait. Jésus, Vous nous appelez tous à la sainteté, tous, sans exception. Jésus, nous sommes tous vos privilégiés quand nous sommes dans votre volonté, et votre volonté est douce, comme votre fardeau et votre joug sont doux et légers. Jésus faites de nous des saints, des saints  avec qui Vous sauverez le monde.

Jésus, dans nos pays occidentaux, nos cœurs sont sales, ou plutôt la grande salle de nos cœurs, cette salle qui doit Vous accueillir, est sale. Nous vivons dans des salles obscures, des salles encombrées et sales. Jésus, dans nos pays, nous vivons dans des salles sans air, empuanties, sans fraîcheur et sans joie. Jésus, dans notre France nous vivons dans des salles polluées, polluées par le péché, par le mal, par l’ignorance et par la peur. Jésus, vos enfants vivent dans des salles infectées de maladies ignobles, de microbes mortels. Où sont tes saints, Jésus, dans nos pays perdus?

Où sont tes saints, Jésus, dans nos pays perdus? Il y en a, c’est sûr, mais nous ne les voyons plus. Où sont tes saints, Jésus, dans nos pays perdus? Pourquoi les caches-Tu? Pourquoi, Jésus, ne nous montres-Tu pas tes Thérèses, tes Dom Bosco, tes François, tous tes François. Je sais Jésus que Tu as toujours des saints, mais pourquoi les caches-Tu? Il y en a, dit-on, mais où les as-Tu mis? Tu en prépares, dit-on aussi... C’est bien, mais s’il Te plaît, Jésus, hâte-Toi de les achever, de les fignoler! Hâte-Toi, Jésus, de nous donner des saints, les saints dont nous avons besoin.

Jésus, donne-nous des saints, des saints pour aujourd’hui, l’aujourd’hui de notre temps à nous. Hâte-Toi, Jésus, Tu vois, nous périssons!

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