

FLEURS DE LA PASSION
PENSEES DE SAINT PAUL DE LA CROIX
FONDATEUR DES PASSIONISTES
Cueillies dans les lettres du
Saint
Par le R. P. Louis-Th. de Jésus-Agonisant
du même Institut
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DÉDICACE
A SA GRANDEUR MONSEIGNEUR
FONTENEAU,
ÉVÊQUE ÉLU D’AGEN.
Monseigneur,
Votre
Grandeur a bien voulu me permettre de réclamer les prémices de vos bénédictions
épiscopales en faveur de ces Fleurs de la Passion, écloses dans l’âme de
saint Paul de la Croix au souffle embrasé de son amour pour Jésus crucifié.
La bienveillance dont vous m’avez
toujours donné de si touchante preuves, Monseigneur, vous a fait accueillir avec
une bonté qui m’honore la dédicace de ce modeste travail : l’hommage vous en
était dû à plus d’un titre. Votre haute piété, si bien faite pour comprendre
celle du Saint, votre dévouement connu, puisé au cœur de notre Éminent Cardinal,
pour la famille des Passionistes, votre récente nomination à l’évêché d’Agen,
dans ce beau diocèse où j’ai eu le bonheur de recevoir l’onction sacerdotale,
tout me faisait une douce obligation de déposer ce volume à vos pieds comme un
faible témoignage de ma gratitude et de ma piété filiale.
Toutes les sympathies chrétiennes
que vos vertus avaient su vous concilier à Bordeaux, vous les retrouverez,
Monseigneur, au milieu du troupeau bien-aimé dont Dieu vous a fait le pasteur.
Je connais l’âme de mes frères d’Agen, je connais la vôtre aussi, et je suis
heureux de pouvoir proclamer, bien haut, que Dieu aura réuni pour le bonheur
d’un diocèse qui m’est si cher, des cœurs si dignes de s’entendre.
Daignez agréer, Monseigneur,
l’hommage du profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être
DE VOTRE GRANDEUR,
le très humble et très obéissant serviteur,
LOUIS-TH. DE JESUS-AGONISANT,
Supérieur des Passionistes.
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APPROBATION
DE SON ÉMINENCE MONSEIGNEUR LE CARDINAL-ARCHEVÊQUE DE BORDEAUX.
Bordeaux, le 3 décembre,
Fête de saint François Xavier 1874.
Mon Révérend Père,
Dans votre Histoire si
pieuse et si attachante de la Vie de saint Paul de la Croix, vous n’avez pu,
pour ainsi dire, nous faire connaître que l’extérieur et les dehors de votre
saint Fondateur ; vous nous l’avez montré comme il se montrait à tous. Vous avez
voulu, et c’était pour nous un grand avantage, que, comme ses contemporains et
ses heureux disciples surtout, nous devinssions à notre tour les témoins de ses
paroles et de ses actions, reflet fidèle des actions du Maître divin, en un mot,
de cette héroïque existence, dont une seule journée ne fut jamais perdue ni pour
le salut des âmes, ni pour le triomphe de la Croix.
Mais vous, dont les ardeurs
filiales avaient creusé plus avant dans le cœur de votre Père, vous qui,
soulevant tous les voiles de l’humilité du Saint, aviez su arracher, avec une
patience amoureuse, tous les secrets que renferme la vie la plus intime, et qui
étiez entré hardiment, si j’ose ainsi parler, jusque dans les entrailles de
saint Paul de la Croix, ébloui, ravi de tous les trésors de pieuse tendresse et
de science mystique ouverts devant vous, inspiré par la charité, vous n’avez pas
voulu jouir tout seul de cette magnifique découverte. Comme l’homme de
l’Évangile qui a trouvé une perle précieuse, vous ne vous êtes pas dit : Je
l’achèterai pour moi seul, et j’en ferai ma propriété exclusive. Non, Mon
Révérend Père, vous avez voulu qu’elle brillât aux yeux de tous et pour le
profit spirituel de chacun. Et en cela vous avez été mu par deux sentiments
également dignes d’un cœur chrétien et sacerdotal : le zèle pour la gloire d’un
Père, et le désir de faire du bien à l’âme de vos frères.
Oui, mon Révérend Père, je vous
connais assez pour être convaincu que c’est bien là le noble motif qui vous a
engagé à publier dans notre langue des fragments hélas ! trop courts et trop peu
nombreux des lettres spirituelles de saint Paul de la Croix. Ce que vous aurez
pu en donner nous fera vivement désirer les temps meilleurs qui vous permettront
de produire au jour sa correspondance entière.
Dieu est admirable dans ses saints.
C’est surtout dans le sanctuaire de leur âme qu’il a placé le théâtre de ses
plus étonnantes merveilles. C’est là que sa grâce dit et fait des choses devant
lesquelles pâlissent toutes les choses misérables de la terre, même celles que,
dans notre ignorance des vraies réalités, nous cherchons à couronner
d’immortalité et de gloire. Or, l’humilité clôt la bouche des saints et les
empêche de raconter les prodiges de leur âme. Dans l’enthousiasme de leur
reconnaissance ils laissent bien parfois échapper un cri de leur cœur ému :
Fecit mihi magna qui potens est ! [Le Puissant fit pour moi des
merveilles, Lc 1, 49] Mais, comme celle sur les lèvres virginales de qui ces
paroles enflammées retentirent pour la première fois, ils s’arrêtent, comme
s’ils craignaient d’en avoir trop dit et d’avoir été indiscrets dans les
mystères de Dieu et de l’amour céleste.
Ah ! toutes ces pures ivresses de
l’âme des saints auraient été perdues pour notre édification et pour nos joies
spirituelles, si quelques-uns d’entre eux ne les avaient épanchées dans leur
correspondance. Que de choses on dit dans une lettre qu’on n’aurait jamais eu la
force de dire ailleurs ! et cela pour une raison ou pour une autre, ceux-ci par
amour-propre, et ceux-là par modestie. Une lettre est une solitude à deux : là
on ne cache rien, parce qu’il semble que personne ne vous entende. On y dévoile
son cœur tout entier, parce qu’aucun regard curieux ne l’importune. Dans leurs
lettres, les saints ne sont qu’avec Dieu et qu’avec quelque chère âme qu’ils
veulent éclairer et sauver. C’est là qu’ils se montrent en dedans, pour ainsi
dire ; et comme ils ont mis tous leurs soins à ne pas briller par le dehors et à
concentrer en eux toutes les clartés de la grâce, Omnis gloria ejus filiae
Regis ab intus [Toute la gloire de la fille du Roi est au-dedans, Ps 44, 14],
quand le foyer de ces âmes royales se trahit et se révèle dans les abandons d’un
épanchement intime, l’œil humain en demeure véritablement ravi ; et c’est alors
qu’on s’écrie malgré soi : Mirabilis Deus in sanctis suis ! [Dieu est
admirable dans ses saints, Ps 67, 36]
C’est bien là, mon Révérend Père,
ce que j’ai éprouvé en lisant votre précieux recueil des lettres de saint Paul
de la Croix. Je demeure bien convaincu que tous ceux qui le liront, sentiront
tout ce que j’ai senti moi-même. Oui, quand les Saints nous parlent du fond de
leur âme, nous pouvons dire de leurs célestes entretiens ce que les disciples
d’Emmaüs disaient de la parole de Jésus : Nonne cor nostrum ardens erat in
nobis, dum loqueretur nobis in via ? [Notre cœur n'était-il pas tout brûlant
au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin ? Lc 24, 32]
Agréez, mon Révérend Père,
l’assurance de mes sentiments dévoués et affectueux.
† FERDINAND Cardinal DONNET,
Archevêque de Bordeaux.



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