

FLEURS DE LA PASSION
PENSEES DE SAINT PAUL DE LA CROIX
LA PASSION
ET LA CHARITÉ ENVERS DIEU.
Je devrais brûler d’amour pour
Dieu, en reconnaissance des bontés qu’il a eues pour moi.
Si le Seigneur m’ouvre les yeux
pour voir les périls dont il m’a tiré et les grâces qu’il m’a faites, un jour ou
l’autre, vous me trouverez mort de douleur et d’amour au pied d’un autel.
Je ne désire que de m’unir à mon
Dieu.
Il est impossible à l’esprit humain
de comprendre cet Être infini, éternel, immense, qui est Dieu ; tout ce qu’on
peut en comprendre dans cette vie n’est rien en comparaison de la réalité.
Comment ! un Dieu fait homme ! un
Dieu crucifié ! un Dieu mort ! un Dieu au Saint-Sacrement ! Comment ! qui ? Un
Dieu !...
O Charité ! ô entrailles d’amour !
Qui ? et pour qui ? O ingrate créature ! Et comment est-il possible qu’on n’aime
pas Dieu ? Je voudrais mettre le feu au monde entier, afin que nous aimions tous
ensemble notre Dieu. Ah ! que n’ai-je la force de retourner prêcher mon bon
Jésus crucifié, ce tendre Père qui est mort sur la croix pour nous pécheurs !
que ne puis-je ainsi arrêter le cours de tant de crimes !
Je voudrais dire de grandes
choses ; mais pour parler de l’amour, il faut aimer ; l’amour seul en enseigne
le langage… Que la terre soit en silence devant le grand Dieu ! Je le répète, je
voudrais dire de grandes choses, mais je me sens muet… Écoutez le divin Époux,
et laissez-vous enseigner par lui… Je voudrais être réduit en cendres par amour.
Ah ! je manque d’expressions ! Je voudrais ce que je ne sais pas dire. O mon
Dieu, enseignez-moi comment je dois m’exprimer ! Je voudrais être tout feu
d’amour ; plus encore que cela. Je voudrais pouvoir chanter dans le feu de
l’amour, pouvoir exalter les grandes miséricordes que l’amour incréé nous a
faites. N’est-ce pas, en effet, un devoir de remercier Dieu de ses grâces ? Oui,
sans doute ; mais je ne sais comment faire ! Je voudrais et je ne sais. Nous
pâmer du désir d’aimer de plus en plus ce grand Dieu, c’est peu. Nous consumer
pour lui, c’est peu. Que ferons-nous ? Ah ! nous vivrons pour cet Amant divin
dans une agonie perpétuelle d’amour ! Mais quoi ! pensez-vous que j’en aie dit
assez ? Non, car je voudrais dire plus, et je ne sais. Savez-vous ce qui me
console un peu ? c’est de voir avec complaisance que notre grand Dieu est un
Bien infini, et que personne n’est capable de l’aimer et de le louer autant
qu’il le mérite. Je me réjouis de l’amour infini qu’il se porte à lui-même ; je
me réjouis de la béatitude essentielle dont il jouit en lui-même, sans nul
besoin de personne. Mais, insensé que je suis, ne vaudrait-il pas mieux
m’élancer comme le papillon dans ces flammes d’amour, et là, rester en silence,
consumé, évanoui, perdu dans ce divin Tout ? Ah ! c’est là l’œuvre de l’amour,
et moi, je suis toujours bien mal disposé à cette perte de soi dans l’amour…
Pensez bien que mon cœur éprouve maintenant une telle soif, qu’un fleuve ne
suffirait pas pour le désaltérer ; il faut l’océan pour étancher cette soif ;
mais c’est un océan de feu et d’amour que je veux boire !
O doux embrassements ! ô baisers
divins ! Quand serons-nous enflammés comme des Séraphins ? Quand serons-nous
embrasés d’amour ?… Que ferons-nous pour plaire à notre doux Jésus ? Ah ! je
voudrais que notre charité fût assez brûlante pour embraser tous ceux qui
s’approcheraient de nous, et tous ceux qui sont au loin, tous les peuples, de
toute langue, de toute nation, en un mot, toutes les créatures, afin que toutes
connussent et aimassent le souverain Bien.
Dans toutes vos œuvres purifiez
votre intention, ayez soin de la renouveler plusieurs fois le jour, répétez
souvent : Tout pour la plus grande gloire de Dieu ! Je me croirais damné
si je dérobais à Dieu la moindre parcelle de ses dons ; je me croirais plus
méchant que Lucifer, si j’avais quelque chose en vue hors de Dieu. Je vous
recommande la simplicité, la pureté d’intention et l’examen pratique sur cette
vertu ; sachez-le bien, pour travailler à la gloire de Dieu, il faut un esprit
libre et détaché de tout, qui ait Dieu seul en vue.
Il faut toujours aimer Dieu, même
lorsqu’il nous afflige.
O mon Dieu, que vous êtes bon ! Je
ne désire que vous seul, ô mon Dieu !
L’amour divin est jaloux ; il
suffit, pour tout ruiner, d’un grain d’affection déréglée pour les créatures.
Que tout dans la création vous
porte à aimer Dieu. Soulagez votre esprit par quelque honnête récréation, par le
repos nécessaire, en vous promenant seul et en écoutant prêcher les fleurs, les
arbres, les prairies, le ciel, le soleil et l’univers entier ; vous verrez
qu’ils vous exhorteront à aimer et à louer Dieu, qu’ils vous exciteront à
exalter la grandeur du souverain Architecte qui leur a donné l’être.



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