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FLEURS DE LA PASSION PENSEES DE SAINT PAUL DE LA CROIXLA PASSION ET LE DÉTACHEMENT PARFAIT.Ne manquez pas de pratiquer la véritable pauvreté d’esprit, en vivant dans un détachement parfait de toute consolation sensible, tant intérieure qu’extérieure, pour ne pas tomber dans le vice de la gourmandise spirituelle. Il faut nous détacher de la satisfaction propre, du jugement propre et du propre sentiment, pour ne pas tomber dans la curiosité spirituelle, et pour pratiquer la véritable pauvreté d’esprit.
Vous ne devez pas trop faire attention ni vous arrêter à certaines faveurs, mais bien à la source divine d’où dérivent ces ruisseaux ; les ruisseaux sont bons, parce qu’ils dérivent de la source ; mais la source vaut mieux.
Abîmez-vous et perdez-vous de plus en plus en Dieu, par un amour pur, net et dégagé de toute propriété ; ne faites pas attention aux consolations sensibles ; faites-en plutôt un sacrifice au Seigneur. Mettez ces faveurs dans l’encensoir de votre cœur et dans le feu du pur amour, et offrez-en le parfum à Dieu avec reconnaissance, tout en demeurant vous-même dans une vraie nudité d’esprit.
Les arbres qui sont au bord des rivières reçoivent, immobiles, leur arrosement et laissent couler les eaux, sans changer eux-mêmes de place ; ainsi lorsque l’âme reçoit l’impression des faveurs divines, elle doit rester immobile en Dieu, le donateur suprême, sans nul retour sur soi ; car par des retours sur les dons et les douceurs, elle aurait grandement à craindre l’illusion. Les dons de Dieu laissent dans l’âme qui est humble, une grande connaissance de son néant, l’amour des mépris, la ferveur pour tous les exercices de la vertu ; ils nous portent à garder le secret pour toutes les créatures, excepté pour le Père spirituel ou directeur.
L’âme ne doit pas se reposer sur le don, mais sur le donateur. Quand on va au jardin, ce n’est pas pour cueillir les feuilles, mais les fruits ; de même dans le jardin sacré de l’oraison, il ne faut pas s’amuser aux feuilles des sentiments et des consolations sensibles, mais bien recueillir les fruits des vertus de Jésus-Christ.
Conservez votre esprit libre et pur de tout fantôme, dépouillé de toutes les créatures, afin qu’il soit plus en état de s’unir au souverain Bien par une volonté fervente.
Si vous voulez que Dieu opère de plus en plus ses merveilles dans votre âme, vous devez vous conserver, autant que possible, dans une abstraction parfaite de tout ce qui est créé, dans une sincère pauvreté d’esprit et dans une véritable solitude intérieure. Laissez aller vos puissances et vos sentiments, comme les brebis de Moïse, jusqu’au fond du désert, parce qu’ils retournent heureusement à leur source. O perte infiniment riche ! ô désert sacré, dans lequel l’âme apprend la science des saints, comme Moïse dans la solitude du mont Horeb !
Heureuse l’âme qui se détache de son propre sentiment, de son esprit propre ! Profonde leçon que celle-là ! Dieu vous la fera comprendre, si vous mettez votre contentement dans la croix de Jésus-Christ, dans la mort sur la croix du Sauveur à tout ce qui n’est pas Dieu.
O silence ! ô sommeil sacré ! ô solitude précieuse ! soyez de plus en plus humble, tenez-vous toujours dans une vraie pauvreté d’esprit, dépouillez-vous de tous les dons, car nous les souillons par nos imperfections ; faites-en un sacrifice de louange, d’honneur et de bénédiction au Très-Haut, en demeurant dans votre nudité. Ce sacrifice doit se faire dans le feu de l’amour, sans jamais sortir du désert sacré.
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