|
FLEURS DE LA PASSION PENSEES DE SAINT PAUL DE LA CROIXLA PASSION ET LA SOLITUDE INTÉRIEURE.Examinez-vous bien vous-même pour voir si Dieu seul vit en vous. Vous le saurez en examinant si vous avez une intention pure dans toutes vos œuvres, et si vous vous appliquez de plus en plus chaque jour à la rendre déiforme, c’est-à-dire, toute divine, en faisant toutes vos actions en Dieu et pour son seul amour, en les unissant à celles de Jésus-Christ, Notre Seigneur, qui est notre voie, notre vérité, notre vie (Joan. XIV. 6.). En effet, vous êtes mort, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ (Col. III. 3.). Puisque vous êtes mort à tout ce qui n’est pas Dieu, tenez-vous dans un détachement parfait de toute créature ; soyez vraiment pauvre et dépouillé ; détachez-vous encore de toute consolation sensible : notre mauvaise nature s’en mêle trop ; elle se fait ravisseuse des dons de Dieu, chose dangereuse et fort nuisible. Mettez tous vos soins, avec la grâce de Jésus-Christ, à demeurer au-dedans de vous-même dans une vraie solitude intérieure, pour devenir de vrais adorateurs de Dieu en esprit et en vérité. Tout cela se fera si vous avez soin de vous rapetisser toujours davantage : Dieu aime les âmes enfantines, il leur enseigne cette sublime sagesse qu’il a cachée aux sages et aux prudents du monde (Matth. XI. 25.). Ne vous éloignez jamais des plaies sacrées de Jésus-Christ. Ayez soin que votre cœur soit tout environné et pénétré des souffrances de notre divin Rédempteur, et soyez sûr que Lui, le divin Pasteur, vous conduira à son bercail comme ses chères brebis. Et quel est le bercail de cet aimable Pasteur ? Eh bien ! c’est le sein de son Père céleste. Le Seigneur Jésus réside dans le sein du Père, et c’est là qu’il conduit et fait reposer ses brebis. Or, ce travail tout céleste et divin se fait dans la demeure intérieure de notre âme, par le moyen de la foi pure et nue, du saint amour, du détachement des créatures, de la pauvreté d’esprit et d’une parfaite solitude intérieure. Mais une grâce si éminente ne s’accorde qu’à ceux qui s’efforcent d’avancer chaque jour dans l’humilité, la simplicité, la charité.
Le silence et la retraite sont deux moyens très efficaces pour s’élever à Dieu et entrer dans le sanctuaire de son amour… Sedebit solitarius et tacebit : quia levavit super se [Quand Dieu le lui impose, qu'il s'asseye à l'écart, en silence] (Thr. III. 28.)… Cum quietum silentium contineret omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet, Omnipotens Sermo tuus de caelo [Pendant qu'un profond silence enveloppait tout le pays, et que la nuit était arrivée au milieu de sa course rapide, votre Parole toute-puissante s'élança du haut du ciel] (Sap. XVIII. 14, 15.) etc. Quand l’âme tient les passions assujetties, quand elle vit retirée en Dieu, quand elle chemine à la lumière de la foi, elle est dans ce grand silence et dans ce minuit que Dieu recherche ; alors le Verbe divin prend naissance d’une façon toute spirituelle, toute divine, dans cette âme.
Si vous voulez conserver ou acquérir le don d’oraison, gardez avec soin le recueillement intérieur au milieu même des occupations, en faisant des retours fréquents vers Dieu. Veillez sur vos sens et principalement sur les yeux ; car, lorsqu’on se tient sur la porte et aux fenêtres de la maison, on voit bien ce qui se passe au dehors, mais non ce qui se passe au-dedans ; tout au contraire, quand on se tient dans l’intérieur de la maison, rien de ce qui s’y fait ne nous échappe… Celui-là qui s’applique à la modestie des yeux, acquerra le recueillement intérieur.
Gardez bien le sanctuaire de votre âme ; tenez toujours allumées devant l’autel les trois lampes de la foi, de l’espérance et de la charité.
Profonde humilité, silence, anéantissement respectueux devant Dieu : voilà le moyen de voler bien haut.
Quand vous vous trouverez plus enfoncé dans la solitude intérieure, et que vous reposerez plus paisiblement dans le sein du Père céleste, gémissez comme un enfant, et dites-lui quelle est la méchanceté du démon à votre égard. Il le sait déjà ; mais il veut que vous vous en plaigniez avec des gémissements d’enfant. Dites-lui, en vous humiliant profondément, qu’il ne permette pas au démon de vous molester davantage.
Lorsque l’âme se trouve dans cette douce solitude, dans ce silence sacré de foi et d’amour, si elle éprouve quelque impulsion intérieure, quelque réveil d’amour qui la porte à prier pour les besoins de l’Église ou du monde, pour des besoins particuliers ou généraux, elle doit aussitôt le faire ; mais ce mouvement intérieur cessant, elle soit se remettre aussitôt dans son repos en Dieu. Si ce repos se convertit en sommeil d’amour et de foi, il n’en sera que mieux. La divine Bonté, je l’espère, vous fera entendre ce langage, pourvu que vous soyez bien humble et que vous vous teniez bien dans votre néant.
Aimez la retraite intérieure ; reposez-vous dans l’esprit de Dieu, avec la vue de votre néant, et vous ferez bien toutes choses, vous mêlerez ensemble l’action et l’oraison.
Mettez tous vos soins à rester dans la solitude et à demeurer véritablement dans votre intérieur.
Fuyez le monde ; et commencez par mettre généreusement le respect humain sous vos pieds ; ne rougissez pas d’être serviteur de Jésus-Christ. Regardez ce monde avec l’horreur que vous inspirerait la vue d’un criminel pendu à une potence. Sachez qu’on y respire un air empesté des mille péchés qui s’y commettent, et qu’il faudrait pleurer avec des larmes de sang.
Que voulons-nous faire de ce monde où l’on ne respire qu’un air empoisonné par tant de crimes ?
Je vous prie de fermer la porte à toutes les créatures et de vous tenir bien enfermé dans le secret de votre cœur, pour traiter seul à seul avec le Bien-Aimé ; il ne faut avoir de rapport avec les créatures qu’autant que le réclament la charité et les convenances, et rien de plus.
L’oratoire et la cellule sont le paradis terrestre des vrais serviteurs de Dieu. N’ayez que trois lieux de délices, savoir : l’oratoire, la cellule et le temple intérieur de votre âme qui est le principal.
Les parloirs sont la ruine des monastères.
Gardez le silence comme une clef d’or, destinée à conserver le trésor des autres vertus que Dieu a mises en nous.
Le moment est venu de vous tenir dans la solitude intérieure, et de prendre un repos plein d’amour dans le sein de Dieu. Là vous apprendrez à devenir un saint.
|