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FLEURS DE LA PASSION PENSEES DE SAINT PAUL DE LA CROIXLA PASSION ET LES ILLUSIONS.Il est certaines imaginations qui se figurent avoir des visions : à quoi cela sert-il ?... Oh ! voilà des inutilités dont le démon s’amuse. Le malin ne se presse pas, mais il va doucement afin de mieux tromper…
Ces visions, ces élévations, ces lumières, etc., sont d’autant plus suspectes qu’elles sont plus fréquentes. Ainsi, dit un grand Saint, le mieux est de toujours les rebuter, de les chasser avec constance et de ne pas s’y fier, surtout quand elles viennent des femmes, dont l’imagination est plus vive. En agissant ainsi, on agit bien, parce que si elles viennent de Dieu, elles ne laisseront pas de produire leur effet, quoiqu’on les chasse ; et si elles viennent du diable, comme c’est plus ordinaire, en les chassant on se garantit de l’illusion.
Les locutions sont très dangereuses, et je ne puis les approuver. Je vais vous en dire la raison, me fondant sur le peu d’expérience que Dieu m’a donné. Quelle nécessité y a-t-il que Dieu révèle à un novice qu’il désire plus de ferveur, de la part de ses confrères, dans la communion ? Est-ce que par hasard leur maître ne sait pas cela de lui-même, à l’aide des lumières que Dieu lui donne pour son emploi ? Et d’autre part, ne sait-il pas aussi que Dieu est très offensé, surtout par les sacrilèges ? Vous voyez donc que cette locution n’est pas nécessaire. Dieu ne révèle qu’en vue de sa gloire et des besoins de la sainte Église ; et ce qu’on peut savoir par les Livres saints ou par l’expérience que Dieu donne, et surtout par les lumières qu’il accorde à ceux qui sont en charge, il n’y a aucune ombre de raison à désirer de l’apprendre par des locutions. Quand Dieu parle aux âmes par le moyen de lumières ou d’impressions, à la manière des Anges, et sans paroles articulées, ces locutions sont très sublimes et ne sont pas sujettes à illusion, étant purement intellectuelles. Dans ce cas Dieu parle avec grande majesté, et sa parole produit des effets inexplicables. Si les locutions sont accompagnées de paroles articulées intérieures, et qu’elles viennent de Dieu ou de l’Ange parlant, comme c’est le plus ordinaire, au nom du souverain Maître, alors aussi elles ont quelque chose d’imposant : les paroles sont nobles, magnifiques ; elles produisent ce qu’elles signifient, font une impression merveilleuse, éclairent d’une manière céleste, élèvent l’âme en Dieu, etc. Sur cent et peut-être sur mille de ces locutions articulées, à peine s’il y en a une ou deux de véritables ; il est difficile, même aux grands maîtres, de discerner les vraies d’avec les fausses, celles de l’esprit propre d’avec celles de l’ennemi, qui sait feindre des effets tout semblables en apparence à ceux de l’Esprit de Dieu. C’est pourquoi le meilleur parti à prendre, c’est d’enjoindre à celui qui les a de les chasser toujours ; de s’humilier devant Dieu et de protester que la foi lui suffit avec les Livres saints et les avis de son Père spirituel qui parle au nom de Dieu… De la sorte on glorifie Dieu, en se défiant de soi-même, en s’humiliant et en s’estimant indigne de telles faveurs, et on se préserve de toute illusion. En effet, si ces locutions viennent de Dieu, elles auront infailliblement leur effet salutaire ; l’âme n’en sera pas privée, quoi qu’elle fasse pour les chasser ; et en pratiquant l’obéissance qui est si chère à Dieu, elle se met à l’abri de l’illusion.
Voici quels sont les effets des opérations divines et des opérations sataniques. Les choses de Dieu et ses faveurs nous donnent une grande connaissance de son infinie majesté, une grande connaissance de notre néant, tellement que l’âme s’abaisserait jusque sous les pieds du démon, pour ainsi dire, tant est bas le sentiment qu’elle a d’elle-même ; les dons de Dieu produisent un grand détachement de toutes choses, un grand amour pour la Croix et les souffrances, une parfaite condescendance et une obéissance exacte pour tout ce qui n’est pas péché ; ils produisent une indicible paix avec l’intelligence des choses célestes ; ils produisent une inclination particulière pour l’oraison, etc. Quelquefois ils produisent tous ces effets ensemble et d’autres encore, quelquefois ils les produisent en partie ; mais il est vrai qu’ils inspirent toujours de bas sentiments de soi-même, une haute idée et un profond respect de la majesté de Dieu. Au contraire, les opérations du démon semblent d’abord donner un sentiment de dévotion, mais qui ne dure pas ; elles engendrent une présomption secrète et l’estime de soi-même ; elles sont suivies, sinon immédiatement, au moins après quelque temps, de troubles d’esprit, de soulèvements des passions, d’opiniâtreté, d’où naissent le manque d’estime pour le prochain et l’attache à son propre jugement. Les opérations du démon produisent ces effets et d’autres semblables.
Dans la Passion point d’illusion ; non, point d’illusion dans la Passion.
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