

Deuxième partie
Les faits extraordinaires
de la vie de saint Jean Bosco
Don Bosco avait toujours souhaité être
missionnaire. Il le fut, certes, mais à Turin et en Italie ; ce sont ses fils
qui partiront dans les missions lointaines. Cela il le savait. En 1854, pendant
l’épidémie de choléra, don Bosco et ses fils s’étaient dévoués au chevet des
mourants. Jean Cagliero avait tant fait qu’il était tombé malade à son tour :
une typhoïde. Il est bientôt mourant et Jean Bosco est appelé à son chevet :
― Voyons, Jean, que préfères-tu, vivre ou aller
en paradis ?
― Aller en paradis.
― Et pourtant, ce ne sera pas encore pour cette
fois. La Sainte Vierge veut te guérir. Tu t’en tireras, tu prendras la soutane,
tu seras prêtre, et un jour, bréviaire sous le bras, tu partiras bien loin, bien
loin...
Plus tard don Bosco s’expliquera: près du petit
malade, dans une vision, il avait vu une colombe portant au bec un rameau
d’olivier. Elle en effleurait les lèvres de l’enfant et finalement laissa la
branche d’olivier sur l’oreiller. Par derrière, une foule d’hommes étranges :
des Peaux-Rouges, semblaient fixer le malade et l’implorer anxieusement. C’était
clair : la colombe symbolisait les dons du Saint-Esprit dont le futur évêque
serait empli le jour de son sacre. Les hommes étranges, c’étaient les futures
brebis de ce pasteur.
Cette première vision avait été
complétée, seize ans plus tard, une nuit de 1871. Don Bosco fut alors transporté
en songe dans une région sauvage et inconnue. Des montagnes se profilaient à
l’horizon. Des hommes au teint bronzé, mi-nus, parcouraient l’immensité et se
livraient à des exercices variés: course, chasse, luttes sanglantes, entre eux
ou contre des soldats vêtus à l’européenne. Et la plaine se jonchait de
cadavres. Soudain, parut une troupe d’hommes que don Bosco reconnut pour être
des missionnaires. Ils s’approchèrent de ces malheureux en souriant. Mais les
hommes étranges les massacrèrent, les coupèrent en morceaux, et ramenèrent les
morceaux fichés au bout de leurs piques. Don Bosco pensait en lui-même : “Qui
arrivera jamais à convertir ces hordes sauvages ?”
Mais bientôt se profile à l’horizon
un nouveau groupe de missionnaires, peu nombreux, jeunes et joyeux: des
Salésiens. “Ils vont se faire massacrer,” pense don Bosco qui reconnaît
plusieurs de ses fils. Don Bosco veut les arrêter et leur faire rebrousser
chemin, mais voici que leur approche met en joie les cannibales qui déposent
leurs armes, et accueillent les nouveaux missionnaires avec des marques de
sympathie. Les apôtres se mêlèrent aux sauvages et se mirent à les instruire...
Puis ils récitèrent le chapelet et chantèrent des cantiques... Et don Bosco se
réveilla... mais il avait compris que les Salésiens partiraient un jour pour les
missions lointaines. Cela se fera en 1875
La vie de don Bosco fut ponctuée de
miracles. Il les attribuait tous à la Vierge Marie, Notre-Dame Auxiliatrice.
Nous en avons déjà raconté quelques-uns. Nous verrons maintenant que les
miracles accompagnèrent don Bosco chaque fois que son œuvre menacée avait besoin
d’être soutenue, ou quand la charité envers des pauvres les nécessitait.
Lorsque don Bosco chercha à faire
approuver la Congrégation des Salésiens, il rencontra de nombreuses oppositions,
dont certaines, en dehors du pape qui le soutenait, émanaient des plus hauts
dignitaires de l’Église. Que faire? Prier le Seigneur qui ne fut pas sourd comme
le prouvent les étonnantes histoires qui suivent:
Le cardinal Bérardi, l’un des plus
grands adversaires de don Bosco avait un jeune neveu de onze ans, unique
héritier d’une grande fortune. Ce garçon était très malade: atteint d’une
typhoïde, il était à toute extrémité. Les parents suppliaient don Bosco de
guérir l’enfant.
― Ayez confiance en Notre-Dame
Auxiliatrice répondit don Bosco, et commençons une neuvaine en son honneur.
Il récita les premières prières de
la neuvaine, bénit l’enfant, et se retira. Curieusement don Bosco avait à peine
quitté la maison que la fièvre avait quitté le malade qui était guéri.
― Que puis-je faire pour vous
être utile. Je voudrais vous rendre service après cette grâce signalée ? demanda
le cardinal Bérardi.
― Je ne vous demande qu’une
chose, Éminence: employez votre grand crédit auprès du Saint-Père pour faire
approuver mon humble Congrégation.
― Vous pouvez compter sur mon
appui, promit le Cardinal qui tint parole.
Un autre adversaire de don Bosco,
le Cardinal Secrétaire d’État Antonelli, était immobilisé par une crise de
goutte. Don Bosco vint le trouver pour obtenir son appui, mais le cardinal lui
dit:
― Mon pauvre don Bosco, vous
voyez bien que je ne peux pas quitter la chambre.
― Permettez-moi quand même
d’insister, Éminence, et vous verrez que vous irez mieux.
― Que puis-je faire pour vous ?
― Parlez au Saint-Père en notre
faveur.
― Volontiers, dès que je pourrai
remuer.
― Ayez confiance en Notre-Dame
auxiliatrice, et vous reprendrez votre train de vie.
― Entendu, dès que je pourrai me
traîner.
― Donc demain, Éminence ?
― Demain ! Y pensez-vous ?
― Oui, j’y pense. Ayez confiance
en Notre-Dame Auxiliatrice... et demain vous serez chez le Saint-Père.
Le lendemain les douleurs avaient
cessé, la crise était terminée, et le Cardinal était chez le Saint-Père.
D’autres faits comparables se
produisirent qu’il serait trop long de raconter. Mais, toujours, don Bosco
recommandait instamment de prier Notre-Dame Auxiliatrice.
Enfin, le 19 février 1869 la
Congrégation Salésienne était approuvée, mais seulement pour dix ans. Il faudra
attendre encore avant d’obtenir l’approbation définitive qui aura lieu le 3
avril 1874.
Les miracles semblaient naître sous
les pas de don Bosco, et le démon, les maladies et même la mort obéissaient à sa
voix. Dieu et Marie, Notre-Dame Auxiliatrice, voulaient certainement accréditer
la mission de leur serviteur. Toute l’œuvre de don Bosco fut construite à coups
de miracles. Pourtant Don Bosco affirmait que ce n’était pas lui qui faisait les
miracles, mais Marie-Auxiliatrice :
― Quelle erreur quand on dit que
don Bosco fait des miracles! Don Bosco ne fait pas de miracles: il prie et fait
prier pour les personnes qui se recommandent à lui. C’est tout. Les miracles,
c’est la sainte Vierge qui les opère. Elle voit que don Bosco a besoin d’argent
pour nourrir et élever chrétiennement ses milliers d’enfants; alors Elle lui
amène des bienfaiteurs par les grâces qu’elle répand sur eux.”
Nous ne pouvons résister à la
tentation d’en raconter encore quelques-uns parmi des centaines :
Un général, résidant à Turin était
en train de mourir. Don Bosco l’avait confessé, mais, curieusement, il ne lui
avait pas donné la communion malgré la gravité de son état. Don Bosco avait même
déclaré:
― Général, après-demain nous
fêtons Notre-Dame Auxiliatrice; priez la bien et, en reconnaissance de votre
guérison, venez ce jour-là faire la sainte communion dans mon église.
En partant, don Bosco avait
recommandé qu’on ne lui donne pas l’extrême-onction en son absence. Or l’état du
général empirait et la famille était très inquiète. Que faire? On courut partout
appeler don Bosco et on le trouva au confessionnal :
― Vous voyez bien que je
confesse; dès que je serai libre, je viendrai.
À onze heures du soir, on implorait
de nouveau don Bosco, mais comme il n’avait pas mangé depuis le matin, il était
exténué. Alors la famille du général décida qu’on lui donnerait à manger chez le
malade, mais par pitié qu’il vienne tout de suite.
Don Bosco suivit la personne qui
était venue le chercher, monta en voiture puis, une fois arrivé, se mit à table
tranquillement. On avait l’impression qu’il faisait exprès de faire attendre le
moribond... La collation terminée, il fit demander la voiture et retourna à
l’Oratoire. Quant au général, on le croyait mort... Il dormait, tout simplement,
et le lendemain matin il pria son fils de lui faire apporter des vêtements parce
qu’il voulait recevoir la communion des mains de don Bosco.
Les œuvres et les constructions
réalisées par Jean Bosco sont immenses. Mais avec quel argent a-t-il pu les
payer, lui dont les caisses étaient toujours vides? Tout d’abord don Bosco
faisait appel à ses amis, riches et pauvres. Puis, quand il avait épuisé tous
les moyens humains, le Seigneur et Notre-Dame Auxiliatrice prenaient le relais,
d’une manière souvent prodigieuse. Nous ne donnerons ici que quelques exemples
de faits miraculeux qui ont eu de nombreux témoins:
Un nouveau pensionnaire de
l’Oratoire de Turin, Dalmazzo, n’arrivant pas à s’intégrer, souhaitait s’en
aller. La maman arrive et l’on prépare le départ. Mais l’enfant veut se
confesser avant de partir, et l’on doit attendre. Bientôt quelqu’un arrive
auprès de don Bosco et dit :
― Il n’y a pas de pain pour le
déjeuner.
― Impossible ! Cherchez bien.
Demandez au responsable.
Un instant se passe et le messager
revient :
― Nous avons fouillé partout, et
nous n’avons trouvé que quelques petits pains.
― Alors, courez chez le
boulanger et demandez-lui d’apporter le pain nécessaire.
― C’est inutile ! On lui doit
douze mille francs, et il refuse de nous donner quoi que ce soit avant d’être
payé.
― Bien, dit alors don Bosco.
Dans ce cas, mettez les pains que vous avez dans une corbeille. Le reste, le Bon
Dieu l’enverra. Je viens tout de suite faire la distribution.
Tranquillement don Bosco acheva les
confessions, puis se leva. Dalmazzo le suivit, curieux et compta les pains:
quinze pour trois cents gaillards affamés...
Le défilé des enfants commença. Don
Bosco les servait, et chacun reçut son petit pain. Quand la distribution fut
achevée, il restait quinze petits pains dans la corbeille...
Dalmazzo, très impressionné, resta
à l’Oratoire et devint prêtre. Il fut le premier curé de la paroisse salésienne
du Sacré-Cœur de Rome.
Le 1er
janvier 1886, trente cinq enfants entouraient don Bosco pour lui présenter leurs
vœux. Don Bosco voulut, pour les remercier, leur donner quelque chose. Un petit
sac de noisettes se trouvait justement sur sa table. Don Bosco y puisa à pleines
mains et donna une grande poignée de noisettes à celui qui se trouvait le plus
près de lui. Les autres sourirent. Il était évident que, à ce rythme, trois ou
quatre seulement auraient des noisettes. Mais à la surprise de tous, la
distribution continua, et chaque étudiant en reçut une grande poignée. D’où
venaient-elles? Un des présents raconta plus tard :
― Je ne sais pas où il a pu
aller les pêcher, le sac ne contenait presque rien.
Don Bosco dut parfois opérer de
prodigieuses multiplications, pour apaiser d’autres faims. C’était un jour de la
fête de la Nativité de Marie; six cents enfants assistaient à la messe. Suite à
une distraction du sacristain il ne restait presque plus d’hosties consacrées
dans le ciboire, et don Bosco ne s’en aperçut qu’au moment de distribuer
l’Eucharistie. Navré, il leva les yeux au ciel, et commença la distribution...
Le ciboire ne s’épuisa pas...

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