

Deuxième partie
Les faits extraordinaires
de la vie de saint Jean Bosco
La vie de don Bosco nous étonne à
plus d’un titre. Mais ce qui est le plus surprenant, ce sont les relations qu’il
entretenait avec le Ciel. Certains ont pu dire qu’il recevait du monde
surnaturel la plupart des directives de sa pensée et de son action. L’humble
prêtre était bien l’instrument choisi par Dieu pour réaliser une mission
spéciale, une œuvre colossale pourrait-on même affirmer. Dès l’âge de dix ans
don Bosco fut incontestablement un voyant. Il s’affirmera plus tard comme un
véritable thaumaturge.
Ce qui frappait en don Bosco,
c’était son regard, un regard qui transperçait les âmes. Les secrets des cœurs,
même les plus intimes, n’étaient pas des secrets pour don Bosco. Parfois, à ses
enfants, ou à des inconnus, il révélait leur avenir. C’est ainsi qu’un jour de
1855, à la fin d’un repas, il déclara soudain:
― L’un de vous sera un jour
évêque.
Vingt neuf ans plus tard, l’abbé
Cagliero chef de la première expédition de missionnaires salésiens en Patagonie,
était consacré évêque de Magida, le 7 décembre 1884. Il sera promu ensuite
cardinal.
Don Bosco fut parfois doué de ce
pouvoir stupéfiant: la vue à distance. Le 31 janvier 1862, durant une promenade
avec ses enfants, don Bosco fit signe à l’abbé Cagliero:
― J’entends tinter des sous. On
doit jouer quelque part à l’argent. Va chercher un tel, un tel et un tel, tu les
trouveras en train de jouer.
L’abbé obéit et trouva les enfants
engagés dans une partie où l’on pariait de l’argent... Don Bosco les avait aussi
vus en songe, la nuit précédente.
De même il détectait ceux qui
fumaient, notamment cachés dans le grenier. Parfois, c’était beaucoup plus
grave: ainsi, pendant des vacances, un enfant s’était, au cours d’une promenade
dans les bois, éloigné du groupe. Au détour d’un chemin sombre, un individu se
plaça devant lui et lui fit des propositions vicieuses que l’enfant ne comprit
pas; mais il demeurait là, comme paralysé. Deux coups de sifflet retentirent:
tout heureux l’enfant déclara:
― C’est mon surveillant inquiet.
Et il se sauva. Interrogé, le
surveillant déclara qu’il n’avait pas appelé. Mais dès qu’il fut en présence de
don Bosco, il comprit que ce dernier avait suivi l’enfant, sans arrêt, pendant
ces instants de vrai danger...
Il y a plus surprenant encore: don
Bosco était à l’église Sant’Ignazio pour la prière des complies avec un groupe
de retraitants. II commence le “De profondis” et s’arrête brusquement; au
bout d’une minute il veut continuer la prière, mais ne peut que bredouiller des
mélanges d’italien et de latin.. Ne pouvant plus continuer, il s’arrête. Plus
tard, à la demande de ses jeunes abbés, il répondra:
― Au moment où je disais “si
iniquitates”, j’ai vu deux flammes partir de l’autel. Sur l’une d’elles, j’ai vu
le mot “hérésie”, et sur l’autre “mort”; comme elles se dirigeaient vers le fond
de l’église, je les suivis du regard, avec une anxiété facile à comprendre.
Elles se sont posées sur la tête de deux personnes que j’ai parfaitement
reconnues à la lumière de ces flammes.
Don Bosco n’en dira pas davantage,
mais peu de temps après, un grand catholique de Turin passait scandaleusement au
protestantisme; le second retraitant de Sant’Ignazio mourait un peu plus tard.
Tous les exemples ne sont pas aussi
dramatiques: les actes de vertu, les sacrifices cachés, don Bosco les voyait
aussi, et c’était un moyen d’encourager ceux qui faisaient des efforts.
― Quelle perle tu as gagnée pour
le paradis en accomplissant ce sacrifice ! ― dit-il un jour à un enfant
qu’il rencontrait pour la première fois.
― Quel sacrifice ? demanda
l’enfant.
― Mais celui-ci...
Et don Bosco raconta ce qui s’était
passé, avec tous les détails.
Il est impossible d’aller plus loin
tant les faits sont nombreux. Don Bosco ne cachait pas ses dons, et parfois il
en parlait ouvertement. Un soir, il dit à ses fils :
― J’ai reçu du Seigneur le don
de discerner les hypocrites. Quand l’un d’eux s’approche de moi je décèle sa
présence à une odeur nauséabonde que j’ai peine à supporter.
À don Rua et à quelques supérieurs
de ses maisons il confiait :
― Le bon Dieu en use vraiment
avec bonté à l’égard de mes jeunes gens. toutes les fois que je me trouve au
milieu d’eux, si, dans le groupe, il y a une seule âme impudique, j’en ai
immédiatement conscience à la puanteur qu’elle dégage.
Il disait aussi :
― Donnez-moi un jeune homme que
je n’ai jamais vu ; il me suffit de le fixer au front pour lui révéler ses
fautes depuis la plus petite enfance.
Et il n’hésitait pas à révéler :
“Très souvent, au confessionnal, je vois les consciences comme des livres
ouverts.”
Parfois, devant l’embarras de ses
pénitents, il avançait :
― Veux-tu me dire tes fautes ou
veux-tu que je te les dise?”
Que de fois don Bosco fut averti de
la mort de ceux qu’il connaissait; les exemples sont innombrables. Ainsi, en
février 1862, don Bosco, informé de la mort d’un élève de l’Oratoire déclara :
― Ce ne sera pas le seul; d’ici
à deux mois deux autres paraîtront devant Dieu.
Et il donna les noms de ces deux
enfants qui, effectivement, moururent avant Pâque, au grand émoi des deux
surveillants informés. Une autre fois, lors de la sortie de l’église, alors
qu’il était entouré de ses enfants, il s’arrêta soudain :
― Mettons-nous à genoux et
récitons un Ave Maria pour un de vos compagnons qui doit mourir cette nuit...
Rassurez-vous, celui qui doit mourir n’est pas ici... Il joue dans la cour de
l’Oratoire...
Un peu plus tard don Bosco revint
sur la prédiction :
― Prions pour un de nos amis qui
est en train de mourir à l’Oratoire.
Et le lendemain matin :
― Récitons un De profondis pour
votre camarade trépassé cette nuit.”
Le lendemain, un mot rapide du
directeur annonçait en effet la mort imprévue d’un élève de l’Oratoire.
De tels exemples sont innombrables,
et souvent don Bosco en profitait, sans rien révéler de précis, pour inciter les
cœurs à une vraie conversion, à se confesser, et même à reprendre des
confessions volontairement incomplètes.
On ne peut pas ne pas raconter un
épisode particulièrement dramatique. En 1849 un jeune homme de quinze ans
fréquentait le patronage de don Bosco. Il tomba gravement malade pendant une
absence prolongée du saint. Sans cesse il réclamait don Bosco, puis il mourut.
Dès que don Bosco rentra à Turin on l’informa du décès. Don Bosco se rendit
immédiatement au domicile de l’enfant, mais on lui dit:
― Vous arrivez trop tard,
monsieur l’Abbé. Cela fait six heures maintenant qu’il est mort.
― Allons donc, réplique don
Bosco, il n’est qu’endormi.
Stupeur sceptique...
Don Bosco entre dans la chambre,
découvre la tête de l’enfant, et s’écrie :
― Charles, Charles, lève-toi !
À cette voix, le cadavre frémit :
― Comme me voilà drôlement
arrangé ! dit l’enfant qui semble s’éveiller d’un très long sommeil.
Il se soulève et aperçoit don
Bosco :
― Oh ! Don Bosco! Si vous saviez
comme je vous ai appelé... Vous avez bien fait de me réveiller...
Et le jeune garçon raconta :
― Je crois que je devrais être
en enfer maintenant à cause d’un péché que j’ai commis il y a quelques semaines,
et que j’ai tu lors de mes dernières confessions. Un mauvais camarade m’y avait
poussé. À un certain moment j’ai eu un songe: il me semblait être au bord d’une
fournaise ardente, poursuivi par une meute de démons...
Soudain une dame se dressa entre
eux et moi : “Laissez-le tranquille, il n’est pas encore jugé.” À ces mots une
angoisse folle m’envahit l’âme; mais j’entendis votre appel et je me réveillai.
Et maintenant, confessez-moi, mon Père
À ces mots, la mère et la tante
furent pétrifiées de terreur et sortirent un instant. Quand elles rentrèrent,
l’enfant était confessé et il murmura :
― Don Bosco me sauve de l’enfer.
Il vécut ensuite pendant deux
heures en pleine connaissance, mais son corps était toujours rigide. Puis don
Bosco lui dit :
― Maintenant que te voici en
grâce de Dieu, tu es sûr de ton salut. Veux-tu rester avec nous ou t’en aller
là-bas ?
― Je désire aller au ciel,
répondit l’enfant.
― Au revoir donc, au paradis !
murmura don Bosco.
Le jeune garçon inclina alors sa
tête sur l’oreiller, ferma les yeux, reprit son immobilité, et s’endormit pour
de bon dans le Seigneur. (voir Annexe 2)

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