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LIVRE 9 DE L’ESPRIT DE TRISTESSE CHAPITRE 1
Que le
cinquième combat est contre l'esprit de tristesse. Dommages causés à l'âme par
ce vice CHAPITRE 2
Quel soin
il faut apporter à guérir la maladie de la tristesse CHAPITRE 3
A quoi
comparer l'âme dévorée par les morsures de la tristesse CHAPITRE 4 D'où et comment naît la tristesse
La tristesse
suit parfois la colère; ou naît d'une convoitise frustrée, d'un profit manqué :
l'âme avait conçu à ce sujet un certain espoir, et voilà que tout s'écroule. CHAPITRE 5 Les émotions surgissent en nous, non par la faute d'autrui, mais par la nôtre Il y a là une preuve manifeste que ce n'est pas toujours par la faute des autres que surgissent en nous les aiguillons des contrariétés violentes, mais plutôt par la nôtre. Nous avons en nous-mêmes les causes d'offense et les semences des vices. Que la pluie des tentations vienne à détremper notre âme : aussitôt, ces germes se développent et fructifient. CHAPITRE 6 Que personne ne tombe d'une chute soudaine, mais glisse insensiblement par une longue incurie jusqu'à l'abîme de la perdition Un autre nous excite, mais il ne nous force pas à mal faire, si nous n'avions en notre coeur la cause du péché. Lorsque le spectacle de la beauté d'une personne du sexe fait tomber quelqu'un dans le gouffre de la convoitise, il ne faut pas croire que son illusion soit subite. Mais plutôt, la maladie se cachait secrètement dans ses moelles; cette vue n'a été que l'occasion qui l'a produite à la surface. CHAPITRE 7 Il ne faut pas déserter la société des frères, pour acquérir la perfection, mais cultiver la patience constamment Aussi, le Créateur de toutes choses, Dieu, qui voit mieux que personne le traitement convenable à l'ouvrage de ses Mains, et que les racines et les causes d'offense gisent en nous, ne nous a-t-il point prescrit de déserter la société des frères. Il n'ordonne pas d'éviter ceux que nous avons blessés ou par qui nous nous estimons offensés, mais de les apaiser. Il sait que la perfection du coeur ne s'acquiert point par la séparation d'avec les hommes, mais par la vertu de patience. Solidement possédée, celle-ci est capable de nous conserver pacifiques avec ceux-là mêmes qui haïssent la paix. Mais, si nous ne l'acquérons, nous serons en perpétuel dissentiment même avec les frères parfaits et meilleurs que nous. Les occasions de contrariétés ne peuvent manquer au commerce des hommes. C'est à cause d'elles que nous sommes si pressés de quitter ceux avec qui nous vivons ? Mais, en nous séparant d'eux, nous n'échapperons pas aux causes de tristesse; nous ne ferons qu'en changer. CHAPITRE 8 Si nous étions corrigés, nous pourrions vivre avec tout le monde Notre sollicitude doit donc se porter de préférence à corriger nos vices et amender notre vie en tout empressement. Une fois réformés, nous serons capables de vivre en bonne intelligence, je ne dis pas avec les hommes, mais avec les bêtes sauvages et les monstres, selon ce qui est dit au livre du bienheureux Job : «Les bêtes de la terre seront en paix avec toi.» (Job 5,23). Nous ne craindrions point de rencontrer des pierres d'achoppement et l'on ne pourrait du dehors nous causer aucun scandale, si nous n'avions en nous le principe qui y donne occasion : «Il y a une grande paix, Seigneur, pour ceux qui aiment votre Nom, et rien ne leur est une occasion de chute.» (Ps 118,165). CHAPITRE 9 D'un autre genre de tristesse qui fait désespérer de son salut Il est un autre genre de tristesse plus détestable, qui inspire à l'âme coupable, non pas la réforme de ses moeurs ni la correction de ses vices, mais un fatal désespoir. Elle n'a pas amené Caïn à se repentir, après son fratricide; elle n'a pas mis en Judas, après sa trahison, une sainte hâte à réparer sa faute, mais elle l'a, de désespoir, entraÎné à se pendre. CHAPITRE 10 De l'unique avantage de la tristesse En un cas seulement, la tristesse doit être jugée utile, lorsque nous la concevons par le repentir de nos fautes, ou par le désir de la perfection, ou par la contemplation de la future béatitude. C'est de cette tristesse que le bienheureux Apôtre dit : «La tristesse qui est selon Dieu, opère un repentir salutaire et durable, au lieu que la tristesse du monde opère la mort.» (II Cor 7,10). CHAPITRE 11 Comment discerner la tristesse utile et selon Dieu, de la tristesse diabolique et mortelle
La tristesse
qui «opère un repentir salutaire et durable», est obéissante, affable, humble,
douce, suave et patiente, comme dérivant de l'amour de Dieu. Elle se porte
infatigablement à toute douleur corporelle et à la contrition de l'esprit, pour
le grand désir qu'elle a de la perfection. Joyeuse en quelque sorte et puisant
dans son espoir de progrès une jeune vigueur, elle conserve entier le charme de
l'affabilité et de la longanimité, et possède en soi tous les fruits du saint
Esprit énumérés par le même Apôtre : «Le fruit de l'Esprit saint, c'est la
charité, la joie, la paix, la longanimité, la bonté, la bénignité, la foi, la
mansuétude, la continence.» (Gal 5,22-23). CHAPITRE 12 En dehors de la tristesse salutaire, qui se produit en trois manières, toute tristesse doit être repoussée comme nuisible C'est pourquoi, en dehors de celle que fait concevoir une salutaire pénitence, le zèle de la perfection ou le désir des biens futurs, nous devons repousser indistinctement toute tristesse, comme étant de ce monde et propre à donner la mort, et la bannir entièrement de notre coeur, aussi bien que l'esprit d'impureté, d'avarice ou de colère. CHAPITRE 13 Remèdes propres à exterminer la tristesse de notre coeur
Voici
d'ailleurs comment nous pourrons éloigner de nous cette passion funeste : en
occupant constamment notre âme de la méditation spirituelle, et en la ranimant
par les espérances éternelles et la contemplation de la béatitude promise.
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