
Saint Jean-Baptiste
De La Salle
(1651-1719)
Deuxième
partie
Évolution de la pensée de saint
Jean-Baptiste De La Salle

2
La spiritualité des Frères
Nous avons vu que, à mesure que les
années passaient, les Frères avaient été conduits à accepter des enfants moins
défavorisés. La gratuité était pour tous, et nous savons que cela ne plaisait
guère aux maîtres-écrivains. Les Frères ne devaient rien accepter, ni en argent,
ni en dons, ni en cadeaux. Mais comment
vivre
dans ces conditions? Certes, Jean-Baptiste De la Salle recherchera des fonds
privés ou publics pour soutenir ses œuvres. Il s’adressera constamment aussi aux
riches donateurs et à la hiérarchie cléricale pour “doter” ses institutions,
mais à condition de conserver toute sa liberté et son indépendance.
Le Fondateur insiste
particulièrement: l’enseignement populaire gratuit devra être la seule activité
des Frères “qui font le vœu de n’avoir d’autre occupation que celle
d’enseigner les pauvres...”
Comment, dans ces conditions,
concilier le vœu et les obligations du devoir d’état? Une seule réponse: la foi.
2-1-L’esprit de foi
L’esprit de foi
Ce qui surprend le plus lorsque
qu’on s’adonne à la lectures des œuvres de Jean-Baptiste, c’est la foi, c’est
l’esprit de foi, “car l’école ne porte de fruit que si les Frères l’animent
selon l’esprit de l’Institut.”
Jean-Baptiste De La Salle écrira en
1717 lors de la révision de la Règle: “L’esprit de cet Institut est
premièrement un esprit de foi qui doit engager ceux qui le forment à n’envisager
rien que par les yeux de la foi, à ne rien faire que dans la vue de Dieu et à
attribuer tout à Dieu.’” (CL 25, 18)
Pour entrer dans cet esprit, les
Frères “auront un très profond respect pour la Sainte Écriture... et ne
passeront pas un jour sans en faire quelque lecture par un sentiment de foi, de
respect et de vénération pour les divines paroles qui y sont contenues...”
Mais la foi se manifeste aussi par les œuvres:
“C’est particulièrement dans vos actions
que la foi doit paraître en ne les faisant que par esprit de foi comme vous y
êtes obligés selon l’esprit de votre institut.
(MF 147, 3) La foi doit être en vous une
lumière qui vous guide partout et une lumière ardente pour ceux que vus
instruisez pour les conduire dans la voie du Ciel.” (MF 178, 1)
L’esprit de foi renvoie toujours au
Créateur et permet “d’user de ce monde comme n’en usant pas.” Il permet
de “tout faire dans la vue de Dieu... Et c’est toute la trame de notre vie
que Dieu investit et qu’il met en œuvre pour porter son salut jusqu’aux plus
humbles et aux plus pauvres.”
2-2-La volonté de Dieu
Pourquoi une telle insistance
sur la foi?
La vie des premiers Frères, pendant
presque toute la durée de la vie de Jean-Baptiste fut souvent si dure, si
misérable et parfois si héroïque, que seule la foi pouvait permettre à
l’Institut de survivre. C’était vital dans tous les sens du terme. “C’était
une question d’authenticité, voire même de vie ou de mort: avec cet esprit nous
sommes Frères, sans lui nous ne le sommes pas.”
Aussi les Frères animeront-ils
toutes leurs actions de sentiments de foi, et en les faisant ils auront toujours
en vue les ordres et la volonté de Dieu qu’ils adoreront en toutes choses et par
lesquels ils auront égard de se conduire et de se régler.” (Règle de 1718,
chapitre 2)
La foi et la volonté de Dieu
sont donc essentiels pour les Frères: “Les Frères de cette Société
animeront toutes leurs actions de sentiments de foi et, en les faisant, ils
auront toujours en vue les ordres et la volonté de Dieu. “ (CL 25)
2-3-La vocation des
Frères: l’éducation des enfants
“Sans la foi, dit Saint
Jean-Baptiste de La Salle, il est impossible de plaire à Dieu et par
conséquent d’être sauvé et d’entrer dans la céleste patrie: car la foi est le
fondement de l’espérance.” (MR 199, 1) D’où la nécessité absolue d’instruire
les enfants, c’est-à-dire de les catéchiser. En conséquence, après
l’esprit de foi, ce qui domine chez saint Jean-Baptiste De La Salle, c’est le
zèle envers les enfants. En 1717, après avoir insisté sur l’esprit de foi
caractérisque des Frères, il écrit: ”Secondement l’esprit de cet Institut
consiste dans un zèle ardent d’instruire les enfants et de les élever dans la
crainte de Dieu.” (CL 25,18) Et encore: “Notre consécration, notre vie
tout entière n’ont d’autre fin que l’évangélisation des jeunes.” (MR 196, 1)
Et la Règle de 1718 précise: “Les Frères de la Société s’efforceront par la
prière, par les instructions, par leur vigilance et leur bonne conduite dans
l’école de procurer le salut des enfants qui leur sont confiés en les élevant
dans la prière et dans un véritable esprit chrétien, c’est-à-dire selon les
règles et les maximes du saint Évangile.” (CL 25, 20)
2-4-La prière et
l’oraison
2-4-1-Pourquoi prier?
Mais, nous dit Jean-Baptiste De La
Salle, parce que nous ne pouvons aimer Dieu qu’en possédant sa grâce qui nous
rend agréables à lui, et cette grâce ne nous est donnée que par la prière et par
les sacrements. (CL 20) En effet, la prière nous dispose à tendre à Dieu,
à nous unir à Lui par une conformité d’affections, pour ne plus rien vouloir et
ne plus rien désirer que lui par rapport à lui. (Cl 20, 407)
Chaque Frère doit prier d’abord
pour lui-même, afin que Dieu lui donne les lumières qu’il devra ensuite
transmettre aux enfants. Il prie aussi pour ses élèves afin qu’ils reçoivent
avec un cœur ouvert toutes ses instructions. En effet, “leur ignorance est
grande, leur besoin est pressant et vous n’avez pas de quoi les satisfaire...
Recourez donc à Dieu, frappez à sa porte, priez; sollicitez avec instance
jusqu’à l’importunité.” (MD 37, 2)
Et surtout il ne faut jamais
oublier que la prière est peu efficace si elle n’est soutenue par la
mortification (MF 95,2)
2-4-2-Incitations à l’oraison
La vraie prière, simple et
confiante, doit déboucher sur l’oraison et l’union à Dieu. Jean-Baptiste revient
souvent sur cette obligation: “Pensez souvent, écrit-il souvent à ses
Frères, que vous devez être des hommes d’oraison. Vous devez beaucoup vous
appliquer à la prière pour réussir dans votre ministère. En effet, votre
emploi serait peu utile si vous n’y aviez pour fin le salut des âmes... Plus
vous vous appliquerez ardemment à l’oraison pour le bien des âmes qui vous sont
confiées, plus Dieu vous fera trouver de facilité à leur toucher le cœur.
Enfin, l’obligation que vous
avez d’instruire les enfants et de les élever dans l’esprit du christianisme
vous doit engager à être fort assidus à la prière afin d’obtenir de Dieu les
grâces dont vous avez besoin pour vous bien acquitter de votre emploi et afin
d’attirer sur vous les lumières dont vous devez être éclairés pour former
Jésus-Christ dans le cœur des enfants qui sont confiés à votre conduite...



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