Saint Jean-Baptiste De La Salle
(1651-1719)

Quatrième partie

La pédagogie de Saint-Jean Baptiste De La Salle

4
Les vertus nécessaires aux pédagogues pour conduire leurs élèves à Dieu

 

4-1-Les grands signes du chrétien

4-1-1-Tout d’abord le signe de la Croix:

– L’usage de ce signe est aussi ancien que l’Église

4-1-2-Les pratiques intérieures: ce sont d’abord les vertus.

Les vertus ordinaires se nomment morales parce qu’elles servent à régler les mœurs. Ces vertus ne sont pas propres aux chrétiens mais également à tous les peuples. Les vertus théologales, ainsi appelées parce qu’elles n’ont rapport qu’à Dieu, et qu’elles l’ont pour objet: la foi, l’espérance, et la charité. (DA, 0) Ayant ainsi présenté les principaux points de sa spiritualité pratique, Jean-Baptiste De La Salle peut aborder tous les détails de la foi chrétienne:

– la connaissance de Dieu,

– Les vérités de foi, connues par l’Écriture sainte et la tradition

– La création du monde

– L’Incarnation du Fils de Dieu et la Rédemption des hommes,

– La vie, la Passion et la Résurrection de Jésus,

– La formation, le développement et le gouvernement de l’Église.

Jean-Baptiste De La Salle ayant ainsi rappelé les points essentiels du dogme, peut également aborder l’amour de Dieu pour nous et notre devoir d’aimer Dieu en observant ses commandements et ceux de l’Église, tous ces commandements n’étant que les moyens habituels de prouver notre amour pour Dieu. À partir de ces commandements, Jean-Baptiste développe longuement tout ce qui a trait au péché et aux conseils évangéliques. Il pourra alors, presque naturellement, se consacrer à l’étude des sacrements, en insistant particulièment sur l’Eucharistie et le sacrement de pénitence.

4-1-3-Le culte que les chrétiens sont obligés de rendre à Dieu (DC[1])

Jean-Baptiste De La Salle continuant ses enseignements aborde successivement les diverses cérémonies initiées par l’Église, pour que les fidèles puissent rendre à Dieu le culte extérieur qui lui est dû, et le fassent avec goût et ferveur. Tous les exercices de culte sont énumérés et expliqués avec des mots simples que tout le monde peut comprendre. Ainsi les Frères, dûment formés, sauront former leurs élèves et les conduire à Dieu, ce qui est le but de leur vocation.

Jean-Baptiste De La Salle ne craint pas non plus d’expliquer le rôle des processions, des pèlerinages, des confréries et des diverses cérémonies qui se font dans les exercices publics de la religion chrétienne. Jean-Baptiste De La Salle explique aussi longuement le pourquoi et l’utilité des bénédictions données par l’Église, des cierges, de l’eau bénite, des offrandes, du pain bénit, de l’encens et des encensements... (DC 10 et 20)

Le saint Fondateur des Écoles chrétiennes, conscient de la nécessité de tout apprendre à des enfants religieusement incultes parce que leurs parents le sont, expose également le sens et ce qui caractérise les différents temps liturgiques. Sous la forme d’un dialogue très simple: questions-réponses, tout est présenté, expliqué, décortiqué.

Tous ces textes devraient être relus par nos contemporains, y compris ceux qui concernent certaines cérémonies aujourd’hui disparues, ou oubliées. Ils approfondiraient leur vocabulaire, ils réapprendraient le sens de certains mots et rites tombés dans l’oubli, comme la solennité des Quarante heures, coutume introduite par saint Charles Borromée, pendant les trois derniers jours du Carnaval: “C’est l’exposition du Très Saint Sacrement pendant quarante heures, c’est-à-dire trois jours de suite, depuis six heures du matin jusqu’à sept heures du soir.”

On pourrait aussi se souvenir des Quatre-Temps: “Ce sont des jours consacrés par l’Église en quatre différents temps de l’année, pour prier et jeûner pour les nécessités publiques. Ces jours sont le mercredi, le vendredi et le samedi de la première semaine de carême, de l’octave de la Pentecôte, d’après l’Exaltation de la Sainte Croix et de la troisième semaine de l’Avent.

Pour que tout le monde soit bien averti, Jean-Baptiste De La Salle s’attarde aussi sur les fêtes et leur signification: fêtes en l’honneur de Dieu et de Jésus-Christ, son Fils, de Marie, des saints... On ne peut qu’être en admiration devant un tel souci du salut des âmes et une telle pédagogie. (DC)

Attention! Nouveau Rappel! Il y a des choses qui peuvent nous choquer; mais il ne faut jamais oublier que le fondateur des Écoles Chrétiennes vivait au XVIIème siècle, avec des mentalités très différentes des nôtres; il faut aussi se souvenir que sur le plan biblique, les connaissances n’étaient pas encore très élaborées, ce qui explique quelques erreurs, minimes, sur lesquelles il ne faut pas s’attarder. (Par exemple sur saint Joseph (DC 44, 18) ou sur saint Nicolas (DC 44, 22)

4-2-Pauvreté et humilité

La pauvreté que Jésus exerce éminemment dans sa naissance, nous doit engager à avoir beaucoup d’amour pour cette vertu, car c’est pour nous la faire aimer qu’il naît dans cet état... Car, poursuit J.B. De La Salle, nous sommes de pauvres Frères, oubliés et peu considérés des gens du monde: il n’y a que les pauvres cœurs qui nous viennent chercher.

La pauvreté doit être peu estimée si elle n’est accompagnée de l’humilité... Plus vous serez humbles et plus vous serez comblés de grâces. C’est une vertu dont vous avez un grand besoin dans votre état. (MF 142) Puisque vous avez l’avantage d’être employés particulièrement à l’instruction des pauvres, vous devez, selon l’esprit de votre institut, les considérer beaucoup plus que les riches. Vous devez aussi vivre en pauvre et dans un dégagement de toutes choses, pour avoir quelque conformité avec eux. (MF 143)

Les Frères doivent toujours avoir le souci des enfants pauvres.

À propos de saint Léon, J.B. signale que la douceur et la sagesse de saint Léon ont été admirables... Est-ce ainsi que, par votre douceur et votre sagesse, vous obligez ceux qui vous sont confiés de quitter le vice et le libertinage, et de se donner à la piété? Ces deux moyens, joints à la prière, ont souvent plus d’effets sur les âmes que tout autre qu’on puisse imaginer. (MF 114)

Cependant la pauvreté de nos cœurs peut souvent entraver notre prière. Jean-Baptiste De La Salle le sait parfaitement, lui qui affirme: comme plusieurs personnes n’ont pas la facilité de faire d’elles-mêmes de ces sortes d’actes, on en a dressé un nombre suffisant pour pouvoir entretenir l’esprit et animer le cœur pendant un assez long espace de temps...

Il a  rédigé aussi de nombreuses prières à leur intention. Ces textes, incontestablement nombreux ont été prévus pour ceux qui avaient du mal à prier ou à se recueillir. Toutefois, il y a des phrases qui relèvent plus de la mystique des plus humbles que de la simple prière vocale ordinaire. En voici un exemple:

Vous me connaissez, ô mon Dieu, vous savez que je suis la plus fragile de vos créatures, la plus facile à tomber dans le péché, la plus insensible quand elle y est, et la plus faible à s’en retirer. Je vous expose mes faiblesses, que vous connaissez mieux que moi, afin que vous me donniez la vigueur qui m’est nécessaire pour me relever de mes chutes, pour me soutenir dans le bien...

4-3-La foi et le Zèle

4-3-1-La foi

Avez-vous une foi qui soit telle qu’elle soit capable de toucher les cœurs de vos élèves, et de leur inspirer l’esprit chrétien? C’est le plus grand miracle que vous puissiez faire, et celui que Dieu demande de vous, puisque c’est la fin de votre emploi. (MF 139)

4-3-2-Le zèle

Ceux qui instruisent la jeunesse se doivent d’avoir beaucoup de zèle pour se bien acquitter d’un si saint  emploi. D’où le conseil impératif: vous ne devez pas douter que ce ne soit un grand don de Dieu, que la grâce qu’il vous fait de vous charger d’instruire les enfants, de leur annoncer l’Évangile, et de les élever dans l’esprit de religion; mais en vous appelant pour ce saint ministère, Dieu exige de vous que vous vous en acquittiez avec un zèle ardent pour leur salut, parce que c’est l’œuvre de Dieu et qu’il  maudit celui qui fait son œuvre avec négligence. (MR 201) D'où les conseils que Jean-Baptiste De La Salle donne à ses Frères sur la manière d'agir avec leurs élèves.

En quoi consiste le zèle des Frères des Écoles Chrétiennes?

– Excitez-les souvent à éviter le péché avec autant de promptitude qu’ils fuiraient la présence  d’un serpent.

– Il faut aussi que vous les engagiez à faire le bien et les bonnes actions dont ils sont capables.

– Il faut les exciter, selon la doctrine de Jésus-Christ, à ne pas se contenter de faire des bonnes œuvres, mais aussi à ne pas les faire devant les hommes, afin d’en être regardés et honorés, parce que ceux qui en usent ainsi ont déjà reçu leur récompense  (Mt 6,1.5).

– Il est de conséquence que vous leur appreniez à prier Dieu, comme Notre Seigneur l’a appris à ceux qui le suivaient, et à le prier avec beaucoup de piété et en secret (Mt 6,6), c’est-à-dire avec beaucoup de recueillement, renonçant à toutes les pensées qui pourraient distraire leur esprit  pendant ce temps-là, afin que n’étant occupés que de Dieu, ils obtiennent facilement ce qu’ils  lui demanderont. (MR 203)

Vous avez besoin de beaucoup de zèle dans votre ministère; imitez tellement celui de l’apôtre saint Paul, que ni les outrages, ni les injures, ni les calomnies, ni les persécutions, quelles qu’elles puissent être, ne soient pas capables de le diminuer en rien, ni de vous arracher de la bouche aucune plainte, vous estimant trop heureux de souffrir pour Jésus-Christ. (MF 140)

Regardez votre emploi comme l’un des plus considérables et des plus excellents dans l’Église, puisqu’il est l’un des plus capables de la soutenir, en lui donnant un solide fondement. (MF 155)

Les saint furent de grands éducateurs. En effet, instruire la jeunesse et les enfants du mystère de la très sainte Trinité, et de ceux que Jésus-Christ a accomplis lorsqu’il était sur la terre, c’est ce qu’on appelle poser le fondement de l’édifice de l’Église. Les saints sont donc pour les Frères des modèles car ils étaient généralement de grands éducateurs. En effet, la  première fonction dont Jésus-Christ a chargé ses saints apôtres, selon ce que saint Luc rapporte, c'est qu’aussitôt qu’il les eût choisis, il les envoya prêcher le royaume de Dieu (Lc 9, 2); c’est aussi celle qu’il leur recommanda très expressément, immédiatement avant que de les quitter, en leur disant: "Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au  nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit... "

Les saints apôtres, les grands évêques et pasteurs de l’Église se sont appliqués à instruire ceux qui voulaient être chrétiens: et cela était la cause que cet emploi leur paraissait si considérable et qu'ils s’y occupaient avec beaucoup de soins. (MR 199) Le principal soin qu’avaient les apôtres après avoir instruit les premiers fidèles, était de leur faire recevoir les sacrements, de les faire assembler pour prier ensemble, et de les faire vivre selon l’esprit du christianisme. C’est à quoi vous êtes obligés sur toutes choses dans votre emploi . (MR 200)


[1] DC = Devoirs d'un chrétien III

    

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