Saint Jean-Baptiste De La Salle
(1651-1719)

Quatrième partie

La pédagogie de Saint-Jean Baptiste De La Salle

7
Comment se conduire avec les écoliers

 

7-1-Le premier soin de ceux qui enseignent les enfants doit être de les éloigner du péché.

Il faut que vous mettiez tout en usage pour faire retourner à Dieu ceux qui sont sujets à quelques vices... L’une des principales choses qui contribuent le plus à perdre la jeunesse est la fréquentation des mauvaises compagnies... La plupart se corrompent par le mauvais exemple et par les occasions dans lesquelles ils se rencontrent... (MD 56) Là-dessus Jean-Baptiste de La Salle est catégorique:

Il est de votre devoir d’apprendre aux enfants leur religion; et s’ils ne la savent pas, faute de la savoir vous-mêmes, ou que vous négligiez de les instruire, vous êtes de faux prophètes qui, étant chargés de leur faire connaître Dieu, les laissez dans une ignorance capable de les damner par votre négligence... Vous avez deux comptes à rendre à Dieu:

– le premier regarde l’obligation que vous avez d’enseigner aux enfants le catéchisme et les maximes de l’Évangile,

– le second regarde la piété.  (MD 60)

L’homme est si porté naturellement au péché, qu’il semble ne prendre de plaisir qu’à le commettre; c’est ce qui paraît particulièrement dans les enfants n’ayant pas encore l'esprit  formé... Ainsi le moyen de délivrer de l’enfer l’âme d’un enfant, c’est de se servir de ce remède qui lui  procurera de la sagesse, au lieu que si on l’abandonne à sa volonté, il courra risque de se  perdre, et causera bien des chagrins à ses parents...

C’est pourquoi il faut que ceux qui ont la conduite des jeunes enfants, les reprennent, comme dit saint Paul, avec toutes sortes d’autorité pour les faire revenir de leurs égarements, en les tirant des pièges du démon qui les tenait captifs selon sa volonté (2 Tm 2,25-26). (MR 203)

7-2-Mais comment corriger les défauts des élèves?

Avant de corriger un enfant, il est à propos de se recueillir intérieurement pour se donner à l’Esprit de Dieu et  se disposer à faire la répréhension ou la correction avec le plus de sagesse qu’il sera possible, et de la manière la plus capable de la rendre utile à qui on prétend la faire. Car les hommes, et  même les enfants, étant doués de raison, ne doivent pas être corrigés comme des bêtes, mais  comme des personnes raisonnables. Il faut les reprendre et les corriger avec justice. Les maîtres qui reprennent et qui corrigent ceux qui manquent, attirent sur eux les louanges des  hommes, les bénédictions de Dieu, et la reconnaissance de ceux qui auront été corrigés... Le maître doit être patient et modéré en reprenant ceux qui résistent parce que, peut-être, Dieu leur donnera l’esprit  de pénitence... 

Si le maître est trop ému, il doit d’abord, avant de corriger, laisser passer le temps de la  colère, sans en faire rien paraître au-dehors. Quand il se sentira libre de passion, il pourra alors, après s’être abandonné à l’Esprit de Dieu, faire la correction qu’il avait préméditée avec le plus de modération qu’il lui sera possible.  (MR 204)

7-3-La responsabilité des maîtres

Le maître ne doit jamais oublier qu’il aura des comptes à rendre à Dieu qui ne seront pas peu considérablse parce qu’ils regardent le salut des âmes des enfants que Dieu a confiés à ses soins, car il en répondra au jour du jugement, autant que de la sienne propre...  D’où la question sans cesse répétée: Avez-vous regardé jusqu’à présent le salut de vos élèves comme votre propre affaire, pendant tout le temps qu’ils ont été sous votre conduite?... Et comme les enfants en sont la portion la plus innocente, et ordinairement la mieux disposée à recevoir les impressions de la grâce, son intention est aussi que vous vous acquittiez tellement à les rendre saints, qu’ils parviennent tous à l’âge de l’homme parfait et de la  plénitude de Jésus-Christ. (MR 205)

Ainsi, vous rendrez compte à Dieu:

– si vous avez été exacts à faire le catéchisme, et à le faire tous les jours autant de temps qu'il vous est prescrit;

– si vous y avez appris à vos disciples les choses qu’il leur convient de savoir, selon leur âge et leur capacité; si vous n’en avez point négligé quelques-uns, qui étaient même les plus ignorants, peut-être aussi les plus pauvres... Ce qui vous doit mettre plus en peine dans le compte que vous aurez à rendre à Dieu n’est pas ce que vous aurez dit et ce que vous aurez fait (car les fautes que vous commettez dans l’une et dans l’autre de ces deux choses, vous sont ordinairement assez sensibles et assez facilement présentes à votre esprit), que l’intention et la manière dont vous aurez fait l’un et l’autre.  (MR 206)

Mais Dieu est juste et sait récompenser: Dieu est si bon qu’il ne laisse pas sans récompense le bien qu’on fait pour lui, et le service qu’on lui rend, surtout à l’égard du salut des âmes... La récompense de ceux qui travaillent au salut des âmes, est la consolation qu’ils ont de voir Dieu bien servi par ceux qu’ils ont instruits, et que leur travail n’a pas été inutile; mais qu’il a servi à sauver ceux qu’ils étaient chargés d’instruire. (MR 207)

Qu’il sera consolant à ceux qui auront procuré le salut des âmes, d’en voir un grand nombre dans le Ciel, à qui ils auront contribué l’avantage de jouir d’un si grand bonheur!  (MR 208)

7-4-Les muets

Mais pour enseigner correctement la religion aux enfants, les maîtres doivent oser parler.

Jean-Baptiste De La Salle insiste sur ce point: les Frères ne doivent pas ressembler à des personnes muettes; et le Fondateur mentionne trois sortes de muets:

Les premiers sont ceux qui ne savent point parler de Dieu, et la raison est parce qu’il n’y a point de correspondance entre Dieu et eux. On n’apprend à parler à Dieu qu’en l’écoutant; car savoir parler à Dieu et s’entretenir avec lui, cela ne peut venir que de Dieu qui a son langage qui lui est propre, et qu’il ne communique qu’à ses amis et à ses confidents, à qui il procure le bonheur de converser avec lui.

La deuxième sorte de muets ce sont ceux qui ne peuvent parler de Dieu; il y en a un grand nombre de cette sorte qui pensent rarement à Dieu, ne le connaissent presque pas... Ils sont donc aussi peu capables de parler de lui et de ce qui le concerne que des enfants qui ne feraient que de naître.

La troisième sorte de muets, ce sont ceux à qui Dieu n’a pas donné le don des langues, et qui ne peuvent parler pour Dieu... car Dieu ne gagne pas toutes les âmes à lui par les mêmes moyens... Vous qui êtes chargés d’instruire les enfants, vous devez vous rendre habiles dans l’art de parler à Dieu, de parler de Dieu et de parler pour Dieu... C’est ordinairement la surdité qui est cause qu’on devient muet... Pour guérir un muet, un jour, Jésus le tira à l’écart, afin que le bruit du monde ne puisse pas l’empêcher d’écouter ses paroles et de les goûter... (MD 64)

D'où la résolution qui s'impose: il faut rester dans le silence pour entendre Dieu qui nous parle.

    

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