

L’Espérance
Tous les habitants du village de Nazareth, du moins ceux que
l’âge, les infirmités ou quelque obligation impérative ne retiennent pas à la
maison, sont en route vers Jérusalem. C’est une longue route, souvent fatigante
pour les mamans chargées d’enfants, mais c’est pourtant la joie, ce sont de
vraies vacances, et tout le monde est heureux de délaisser momentanément les
tâches quotidiennes. Dans quelques jours c’est la Pâque... et cette année, les
rabbins ont décidé que c’est tout le village, uni dans une même fête, qui
célébrera la délivrance d’Israël.
Les femmes et les jeunes filles marchent avec tous les
enfants: c’est une belle cohue, chaleureuse mais bruyante. Pour une fois on peut
laisser libre cours à toutes ses envies de chanter, de jouer, de courir, et même
de bavarder. Les hommes, de leur côté, ne sont pas plus réservés, et parfois on
entend de grandes exclamations ponctuées de cris et de rires... Les jeunes
hommes se bousculent amicalement, ce qui ne les empêche pas, lorsque c’est le
moment, d’écouter leurs aînés quand ils abordent des sujets plus sérieux.
On devra marcher ainsi pendant plusieurs jours avant
d’atteindre la ville sainte, et les rabbins présents en profitent pour donner
quelques avis, quelques conseils et même des enseignements à leurs troupes
avides de connaître les bienfaits de Dieu pour son Peuple.
Jésus marche avec les hommes, mêlé à eux, mais sa haute
taille fait qu’on le voit tout de suite. Comme ses compatriotes, Jésus écoute
les rabbins. Il sait aussi se mêler aux jeux des jeunes et aux chants qui
expriment la joie et les espoirs d’Israël. Jésus est un homme parmi les hommes.
Jésus vit comme tous les hommes ses frères, mais parfois sa charité entraînante
se manifeste davantage quand il faut aider quelqu’un. Jésus est toujours présent
pour ceux qui ont besoin d’un réconfort, d’une parole apaisante, d’un sourire
qui redonne des forces. Il semblerait même que les Nazaréens apprécient la
gentillesse de Jésus, car sans cesse on l’appelle: pour tout et pour rien, juste
pour sentir sa présence, jouir de son sourire, bénéficier de sa paix, de son
amour qui toujours transparaît.
Les Nazaréens montent vers Jérusalem. Malgré la joie et le
bonheur qui règnent dans le groupe, les journées sont parfois rudes à cause de
la chaleur et des chemins montants et rocailleux. C’est pourquoi le soir, quand
les familles sont réunies, que les repas champêtres ont été rapidement pris, et
que les plus petits enfants sont couchés, il fait bon se rassembler autour d’un
beau feu de branchages, pour évoquer les événements de la journée, ses joies,
mais aussi ses fatigues et ses peines. On rend grâce à Dieu et on chante la
confiance que l’on a en Lui. Comme l’exprime si bien le psaume, le Dieu
Tout-Puissant mais si bon, si on observe les commandements, sera toujours l’abri
de son Peuple, car en Lui se trouve l’espérance du peuple Juif.
Psaume 71 (70)
1-En Toi, Seigneur, j’ai mon abri, ne me laisse pas sur
une déception.
4-Ô Dieu, libère-moi de la main du méchant, tire-moi des
griffes du pervers et du violent.
9-Ne me rejette pas au temps de ma vieillesse, ne
T’éloigne pas quand déclinent mes forces.
– Oui ! L’Éternel nous protégera toujours; toujours Il nous
délivrera de la main des méchants, commente le rabbin qui semble être le chef du
village. Bien sûr, les Romains sont là, qui occupent le pays et le soumettent à
leurs lois impies. Bien sûr il faut leur payer des impôts souvent
insupportables, mais bientôt le Messie attendu viendra, -peut-être est-il déjà
né...- et Il nous délivrera de la mains des oppresseurs, de ces Romains
honnis... Curieusement, à l’évocation des Romains, le silence cesse, les
langues se délient bruyamment, et des cris de haine jaillissent çà et là...
Jésus ne dit rien. Doucement, sans éveiller l’attention, Il
se lève et s’éloigne. Joseph Le voit partir mais ne demande rien: il connaît les
habitudes de son saint Fils qui a toujours besoin de prier et de se recueillir.
Maintenant Jésus est seul: ses yeux se lèvent vers le Père du
Ciel et comme dans un souffle Il reprend le psaume que ses amis viennent de
chanter, mais Il poursuit: “Oui, Père, en Toi j’ai mon abri, en Toi je me
confie. Oui Père, mais le prophète a dit aussi: libère-Moi de la mains
des méchants... Père, mes adversaires ne se montrent pas encore, pourtant je
sais, dans mon Cœur,
10-qu’ils parlent à mon sujet. Ceux qui espèrent ma mort
font leurs plans.
11-Et l’on dit: même Dieu l’a abandonné, allons-y,
empoignez-le, nul ne viendra l’aider.
Ô Père, quand l’Heure sera venue, ne M’abandonne pas:
12-ne sois pas loin de moi, en Toi je me confie, Père,
viens toujours à mon aide. Donne-Moi de toujours Te redire:
20-Mes épreuves ont été nombreuses et dures, mais toujours
Tu reviens pour me redonner vie.
21-Tu me feras remonter des abîmes de la terre, Tu me
remettras sur pied, et de nouveau, j’aurai ton réconfort.
Oui ! Père, Je sais que revenu à Toi Je ressusciterai... Mais
ce soir mon Cœur se trouble...
Père Je suis ton Fils, ton Unique, Je suis ton Verbe,
Seigneur, ta Parole créatrice, Je suis le Messie que Tu envoies pour délivrer
les hommes de l’emprise de Satan. Dieu, mon Père, Je sais de toute éternité que
ton Messie, comme le proclame le Psaume 72 (71),
12- délivrera le pauvre qui appelle, et le petit qui est
sans aide.
13-Qu’il aura compassion du faible et du pauvre, qu’il
sauvera l’âme des pauvres.
Père! que ta Miséricorde est grande.
17-Que ton nom demeure à jamais, qu’il dure sous le
soleil! En lui seront bénies toutes les races de la terre, toutes les nations le
diront bienheureux.
Oui Père, car telle est ta volonté... Mais avant il faut que
le Fils de l’Homme soit rejeté, abandonné, livré aux mains des méchants, et tué.
Père, Je sais que c’est ta volonté, que c’est notre Volonté Trinitaire que
l’homme qui unit en Lui les deux natures: divine et humaine, c’est notre volonté
que l’homme Fils de Dieu et Fils de l’Homme doit être élevé de terre et
transpercé pour attirer tout à Lui. Et les pauvres humains qui ne comprendront
pas qu’ils viennent d’être sauvés, regarderont Celui qu’ils auront transpercé,
Celui dont ils auront ouvert le Cœur d’où couleront de l’eau et du sang.
Père, l’Heure de mon Sacrifice est encore loin. Mon œuvre
très humble de prière et d’amour au milieu des pauvres de ton peuple doit se
poursuivre encore. Père, ouvre le cœur de tes pauvres qui M’aiment mais qui
n’ont pas compris que le Messie n’est pas pour eux seuls. Ouvre le cœur de ton
Peuple Choisi qui ne peut pas encore imaginer que ton Messie, ton Envoyé,
viendra appeler toutes les nations. Père, éclaire l’intelligence de tes pauvres
pour qu’ils comprennent que, Toi Père, et Moi, ton Fils que Tu envoies, nous
aimons tous les hommes, sans distinction de race, et même les Romains... Oui,
Père, ce sont vraiment toutes les nations que nous appelons à notre Amour
Trinitaire. Père, que cela devienne leur espérance.”
La prière de Jésus s’achève. Lentement Il revient vers les
siens. Mais voici qu’Il soupire longuement, tristement, car Il sait que beaucoup
ne comprendront pas l’Amour qui vient de Dieu. Jésus revient vers les siens;
pendant longtemps encore Il délivrera le pauvre qui appelle, et le petit qui
est sans aide... sans montrer son angoisse...
Jésus sait qu’Il est l’espérance des hommes, mais les hommes
ne le savent pas encore.


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