

Le combat de Jésus

En Toi, Jésus, il y a un mystère qu’il nous est très
difficile d’appréhender: c’est ta double nature, ta nature divine associée,
mais comment? à ta nature humaine. Dieu nous as tous créés à son image;
donc, si nous réfléchissons à ce qui se passe en nous quand Tu permets que
nous soyons tentés, peut-être comprendrons-nous un peu la Vie qui est en
Toi.
Considérons-nous affrontés à une tentation: nous avons
bien envie de faire telle chose qui n’est pas mauvaise en soi, mais qui
n’est pas pour nous, pour des raisons de santé, parce que nous voulons
offrir un sacrifice au Seigneur, ou pour d’autres raisons. Pendant un temps
plus ou moins long nous ne cessons de nous battre, dans notre conscience, en
faisant valoir les multiples arguments qui nous incitent, tous, à satisfaire
notre envie. C’est souvent un combat épuisant jusqu’au moment où nous
prenons enfin la bonne décision: nous ne succomberons pas à cette tentation.
Alors, c’est la paix qui revient. Ce combat de tous les hommes contre les
tentations, ne serait-il pas celui que Jésus a vécu, Lui aussi, pendant
toute sa vie, mais à un niveau supérieur et avec une intensité souvent
dramatique?
Suivons Jésus. Fermons les yeux et essayons de vivre près
de Lui. C’est un jour de sabbat, proche de la Pâque, et ce matin, à la
synagogue, le Rabbin a lu un texte de l’Exode. Le Peuple hébreu se révolte:
il n’a rien à boire dans ce désert... il n’a rien à manger... il en a assez
de cette vie misérable!... Au moins, en Égypte, ils avaient de quoi se
rassasier!
Le peuple ne cesse de récriminer contre Dieu, ce Dieu
qu’il ne voit pas, qui ne se manifeste que par ses actions. Certes, les
actions de Dieu sont parfois grandioses, mais elles sont rares. Et puis, il
serait bien commode d’avoir des dieux comme en ont les autres peuples: on
pourrait les voir, les toucher. Oui, c’est sûr, elles ne parlent pas, mais
elles sont à portée de main, tout près des hommes. Et Yahvé notre Dieu est
si loin... Et nous, nous ne pouvons plus supporter ce désert, cette vie
errante...
Dieu a donné de l’eau à son Peuple assoiffé. Dieu a donné
de la viande pour accompagner le pain de manne. Et le Peuple ne comprend
toujours pas. Alors, Dieu se fâche, et envoie des serpents au venin mortel.
Le Peuple enfin se retourne vers Dieu et implore sa miséricorde. Dieu
n’attendait que cela, la conversion de ses enfants. Il demande à Moïse de
fabriquer un serpent d’airain qui sera élevé, sur un haut monticule, pour
que tout le monde puisse le voir: ceux qui seront mordus par un serpent
n’auront qu’à regarder le serpent de bronze, et ils ne mourront pas.
La parabole est jolie. On ne sait d’ailleurs pas très
bien si cet épisode est historique ou pas, cela n’a d’ailleurs aucune
importance; ce qui compte, c’est ce que Dieu veut nous enseigner: dans
toutes nos misères ou nos difficultés, tournons-nous vers Dieu et nous
serons sauvés.
Contemplons de nouveau Jésus. Vivons avec Lui pendant
quelques instants. Suivons-Le. Jésus, Tu viens d’entendre la lecture du
texte sacré, Tu fermes les yeux un moment, puis, l’office étant terminé, Tu
sors de la synagogue, mais Tu T’éloignes de la foule bruyante. Tu vas dans
un champ proche, situé à une distance inférieure à celle permise le jour du
Sabbat et Tu achèves ta méditation...
Jésus, Tu es assis sur un tas de pierres et Tu regardes
le Mont Tabor que Tu peux contempler d’où Tu es. Tu imagines le serpent
d’airain élevé de terre: tous ceux qui regardaient le serpent d’airain
étaient guéris de sa morsure. Jésus, Tu es homme et Dieu, et Tu sais qu’il y
a ici, bien plus que Moïse, bien plus que le serpent... Tu sais que Tu dois
être élevé de terre pour sauver tous les hommes, les pauvres hommes mordus
et empoisonnés par le péché, et les attirer tous à Toi. Tu sais...
Tu sais, Jésus mais il se passe en Toi un étrange combat,
un dramatique dialogue entre le Père et Toi. Jésus, une vision terrible se
forme en Toi. Tu contemples soudain, sur une autre montagne, le sommet du
Calvaire, Tu contemples un autre serpent d’airain, une autre figure, le
signe du salut pour l’humanité entière. Tu contemples une croix sur laquelle
meurt un homme atrocement torturé, et cet homme, c’est Toi. Et ta nature
humaine, secouée de douloureux frémissements, se révolte et dit non. Non
Père! Non Père!...
Ta nature humaine, Jésus, crie non! de toute sa
puissance, mais en Toi, en même temps, une autre voix s’élève:
– Ô mon Fils Bien-Aimé, mon Unique, Tu sais bien que
c’est notre volonté, notre volonté divine. Souviens-Toi comment le Verbe,
mon Verbe, me proposa la Croix pour guérir tous nos enfants. Souviens-Toi,
mon Fils, Toi, mon Verbe et Fils Unique qui deviendrait le Christ,
souviens-Toi comment Tu proposas pour Toi, le Chemin de la Croix pour sauver
tous les hommes. Ta proposition devint Notre volonté trinitaire, devint ta
volonté...
– Oui, Père, j’accepte ta volonté divine, mais
aujourd’hui ma nature humaine se révolte. Donne-Moi, Père, la force de
continuer le chemin décidé pour devenir le Nouveau Serpent d’airain, la
Croix bienheureuse vers qui se tourneront, pendant les siècles des siècles,
les regards angoissés des hommes qui cherchent la paix, des hommes qui Nous
cherchent.
Cet étrange combat dans le Cœur de Jésus dura longtemps.
Très longtemps. Jésus-homme se débattait, Jésus-Dieu s’apaisait. Des larmes
ruisselaient sur les joues de Jésus... Mais l’Amour fut le plus fort. Jésus
se releva, et rempli de la force du Père et de son Esprit, retourna vers les
hommes.


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