
C’est l’Heure ! C’est l’Heure de Jésus, l’Heure tant
attendue que le Maître mentionnait souvent à ses disciples quand un danger
de présentait. Alors, ce n’était pas l’Heure; il n’y avait donc rien à
craindre. Mais aujourd’hui, c’est l’Heure. Aujourd’hui Jésus va vivre le
premier Jeudi-Saint.
Aujourd’hui, c’est un jour très particulier: c’est à la
fois un jour d’attente douloureuse pour Jésus, mais aussi de grande joie,
car ce soir, Il inventera l’Eucharistie. Ce jour, Jésus “l’a désiré d’un
grand désir, pour manger la Pâque avec ses disciples avant de souffrir...”
et donner son corps et son sang, qu’Il partagera ensuite avec tous les
hommes, tout au long des siècles du monde. Ce jour, c’est le jour de
l’Eucharistie. Demain, ce sera sa Grande Passion et notre salut.
Nous allons essayer de suivre le Seigneur durant tout ce
jour. Jésus sait qu’Il va mourir; dans moins de vingt quatre heures, tout
sera accompli. Jésus connaît, ou pressent les tortures qui L’attendent. Il
sait que son ami, Judas, “va lever le pied contre Lui” et Le trahir,
et Le livrer aux mains de ses ennemis. Jésus sait...
Jésus, sait. Il sait que ses apôtres, oubliant toutes
leurs présomptueuses promesses de Le défendre et de mourir avec Lui, vont
s’enfuir. Même Pierre, son Roc, va Le renier. Seul Jean, encore un enfant,
va rester avec Lui et sa Mère. Jésus, sait qu’Il va sauver le monde, mais Il
sait aussi que beaucoup d’hommes refuseront son Amour. Et cela Lui brise le
Cœur.
Matin du premier Jeudi-Saint... Jésus a encore une longue
journée à attendre avant que se réalise son Grand Sacrifice. Toutes les
journées d’attente sont pénibles, surtout quand on sait qu’elles doivent
conduire à la mort. Jésus sait que ses amis et que la plupart de ses
disciples, Il ne les reverra plus, avec son corps mortel, que chez Anne et
Caïphe, chez Pilate, sur son Chemin de Croix ou au pied de la Croix...
Jésus semble errer dans Jérusalem; mais non, Il frappe à
la porte de la maison du Cénacle où se sont réunies les femmes qui L’ont
accompagné, qui L’ont servi pendant de longs mois. Il vient leur dire:
“Adieu!” Un cours dialogue s’engage:
– Mes amies, maintenant je dois partir, je dois rejoindre
le Père. Je vous reverrai, mais plus tard, après la grande tourmente. Dans
la paix, disons-nous adieu, non pas un adieu définitif, mais “à Dieu”, car
voici que je vais au Père.
Les femmes se pressent autour de Jésus. Quelques-unes
risquent des conseils inquiets de mères angoissées :
– Surtout, Jésus, sois prudent...
Les femmes écoutent Jésus et pleurent. Elles pleurent,
mais elles ne savent pas très bien pourquoi. Plus fines que les apôtres,
elles pressentent que quelque chose de grave se prépare, mais elles ne
savent pas quoi: alors elles se contentent de pleurer et de L’aimer.
Jésus va aussi chez Lazare, ressuscité depuis peu. Il va
chez Lazare pour que, demain et les trois jours suivants, et quoi qu’il
arrive, ce dernier reste chez lui, afin qu’il puisse, le moment venu,
accueillir les disciples désemparés...
Jésus va vers Lazare, ressuscité; Il va vers Lazare qui,
bien malgré lui, sera en quelque sorte cause de sa mort sur la Croix. Et en
parlant avec Lazare, Jésus doit repenser à bien des choses. Il doit repenser
à ses tentations au désert. Il doit repenser à la tentation terrible que Lui
présenta l’Être de mensonge: arriver à Jérusalem d’une manière
spectaculaire, monter sur le toit du Temple et se jeter en bas porté par les
anges...
Oui, Jésus doit certainement repenser à tout cela et se
redire que le spectaculaire ne convertit pas ceux qui ne veulent pas être
convertis. Ainsi, la résurrection de Lazare sera le prétexte retenu pour
L’éliminer, et Il doit probablement entendre les cris des prêtres et des
docteurs: “Qu’allons-nous faire? Tout le monde court vers Lui. Cet homme
fait de nombreux miracles. Et cette prétendue résurrection de Lazare! Si
nous Le laissons agir ainsi, tout le monde croira en lui...”
Oui, ce sont les miracles de Jésus qui irritent le
Sanhédrin et déclenchent leur haine... C’est à cause de la résurrection de
Lazare, que d’ailleurs ils nient, qu’ils veulent Le faire mourir. Quelle
méditation pour nous, que leur attitude! C’est vrai: Jésus pourrait
multiplier les miracles de nos jours, un très fort pourcentage de nos
contemporains trouverait toutes sortes de bonnes raisons pour refuser ses
avertissements. L’endurcissement des cœurs est quelque chose de bien
difficile à comprendre, mais on est cependant obligé de le constater.
Jésus va vers Lazare qu’Il a ressuscité. Il lui demande
le service d’accueillir ses apôtres meurtris et humiliés. Ensuite, Il fait
ce qu’il faut pour que les apôtres puissent préparer la Pâque, selon ses
désirs. Enfin, Jésus se met à parcourir Jérusalem: curieusement tout est
calme. Même ceux du Temple semblent moins hargneux, moins haineux. C’est
tellement évident que les apôtres, ce soir, se demanderont ce que Jésus peut
redouter: personne ne veut sa mort, c’est son imagination qui travaille
trop,... parce qu’Il est fatigué et qu’Il ne mange presque plus depuis
quelques jours... Pauvres apôtres qui ne sentiront pas l’intensité
dramatique de la dernière Cène!
Jésus va aussi vers la Maman: elle, elle comprend tout de
suite que l’Heure est arrivée, l’Heure redoutable pour laquelle Il est venu,
l’Heure terrible qu’Il désirait tout en la redoutant. La Maman comprend. Pas
de révolte chez Marie, juste une immense souffrance, car elle est toujours
la servante du Seigneur. Mais Marie ne peut retenir ses larmes. Alors, Jésus
la prend dans ses bras et la console avec des mots d’amour. Et Jésus lui
confie ses disciples: qu’elle les aide quand ils seront revenus de leur
aveuglement. Qu’elle les accueille avec amour: aujourd’hui, ils ne savent
pas ce qu’ils font, car c’est aussi l’heure de la puissance des ténèbres...
Pour Jésus, c’est maintenant l’heure de la puissance des
ténèbres, mais tout à l’heure ce sera l’Heure de sa glorification, l’Heure
de l’Eucharistie, l’Heure merveilleuse de son Amour.


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