
« Alors Jésus arrive avec eux dans un domaine appelé
Gethsémani et il dit à ses disciples: “Asseyez-vous ici pendant que j’irai
là-bas pour prier.” Il prit avec Lui Pierre et les deux fils de Zébédée; et
il se mit à éprouver tristesse et angoisse. Alors Il leur dit : “Mon âme est
triste à en mourir; restez ici et veillez avec Moi.” » (Mt. XXVI, 36-38)
Jésus
laisse ses trois apôtres qui s’activent à allumer un feu, car la nuit est
très fraîche, et s’éloigne. Il grimpe sur un petit sentier étroit et
rocailleux, jusqu’à un rocher s’ouvrant sur une petite grotte. Jésus
s’assoit sur la grosse pierre placée à l’entrée de la grotte, et murmure les
paroles du prophète Osée : « Le prophète est une sentinelle pour
Éphraïm ; il est avec Dieu, mais on lui tend des pièges sur tous ses
chemins, et même dans la Maison de son Dieu il rencontre des adversaires ».
(Os. 9, 8)
– Pourtant, continue Jésus : « C’était moi, qui
apprenais à marcher à Éphraïm. Je les prenais dans mes bras, mais ils ne
voyaient pas que je prenais soin d’eux. Je les menais avec des liens
humains, avec des liens d’amour ; j’étais pour eux comme celui qui soulève
un nourrisson contre sa joue et lui donne à manger » (Os. 11, 3-4).
Jésus soupire profondément et, regardant comme en
Lui-même Il poursuit : « Comment pourrais-je t’abandonner, Éphraïm, ou
te livrer, Israël ?... Mon cœur se fond en moi, je suis ému au plus profond
de moi-même » (Os. 11, 8).
– Ô Père ! Je vois le traître qui déjà se prépare à me
livrer, et j’entends ceux qui veulent ma mort alors qu’ils devraient me
soutenir... Père, ne M’abandonne pas, n’abandonne pas mes amis... ils sont
si faibles et si fragiles !
Jésus se prosterne, comme écrasé par des visions
épouvantables, et pourtant Il murmure :
– Oui, Père, j’accomplirai ta volonté, « je ne
laisserai pas déborder ma colère, je ne détruirai pas de nouveau Éphraïm,
car je suis Dieu et non pas homme. Je suis le saint, et je ne suis pas venu
pour détruire » (Os. 11, 9).
La lumière de la lune qui se lève éclaire maintenant
l’entrée de la grotte et l’illumine. Jésus tressaille et s’écrie : ”Non !”
en se levant brusquement. Jésus est haletant et la sueur ruisselle sur son
visage... Des plaintes jaillissent de son Cœur :
« Jusqu’à quand, Yahvé, appellerai-je au secours sans que
tu m’écoutes ? Jusqu’à quand vais-je crier : “Violence !” sans que tu me
sauves. Pourquoi me fais-tu voir l’injustice ? Tes yeux supportent-ils
l’oppression ? Je ne vois que pillage et violence; on vit de disputes et de
querelles. Du coup la loi a disparu, et la justice n’arrive jamais ; tant
que le méchant opprime le juste, la sentence est faussée » (Ha. 1, 2-4).
– Ô Père ! s’écrie Jésus, s’il est possible, éloigne
de Moi ces visions diaboliques !
Satan, en effet, est là, près de l’Agneau de Dieu. On
ne le voit pas, mais sa présence délétère est sensible et sa voix emprunte
les paroles de Job et les susurre aux oreilles de Jésus pour Le conduire à
la révolte et au désespoir :
« Que périsse le jour où je suis né, la nuit qui dit la
nouvelle : “Conception d’un garçon !” Que ce jour s’en aille aux ténèbres,
que Yahvé, là-haut l’ignore à jamais, et qu’aucune lumière pour lui ne se
lève ! Que le noir et les ténèbres s’en emparent, qu’un nuage s’installe sur
lui et que l’obscurité étouffe son jour ! » (Jb. 3, 3-5)
Satan ricane lorsque Jésus déclare :
– Arrière, Satan !
– Arrière ! ironise le diable. Mais n’as-Tu pas dit
Toi-même que c’était maintenant l’Heure de la Puissance des Ténèbres. C’est
mon Heure, à présent, et Toi, Tu n’y peux rien !... Écoute encore ton
prophète : « Que la ténèbre s’empare de cette nuit, qu’elle ne puisse
s’ajouter aux autres jours de l’année, qu’elle n’entre pas en compte avec
pour le mois ! Que cette nuit soit stérile à jamais, que les cris de joie
n’y pénètrent pas ! Que la maudissent ceux-là mêmes qui fuient le jour, et
qui s’affairent à réveiller les démons !... » (Jb 3, 6-8)
« Pourquoi ne suis-je pas mort dans le sein, pourquoi ne
suis-je pas né déjà mort ? Pourquoi ai-je trouvé deux genoux pour
m’accueillir, deux mamelles pour m’allaiter ? Car maintenant je serais
tranquille sur ma couche, je dormirais et j’aurais mon repos ». (Jb. 3,
11-12)
– Ton repos ? Oui, ton repos Tu l’auras bientôt !!! Ne
T’inquiète pas, j’y pourvoirai...
Satan se fait de plus en plus triomphant, tandis que
la clarté lunaire révèle que la sueur de Jésus s’est transformée en sueur de
sang ; ses paroles, alors, deviennent perfides et menaçantes :
« Vois, tu as prêché à bien des gens, tu rendais la force
à celui qui abandonne, tes mots remettaient sur pied celui qui trébuche, tu
affermissais les genoux qui fléchissent. Et puis, quand vient mon tour, tu
faiblis; lorsque c’est toi qui est frappé, tu t’effondres ! »
Lentement
Jésus descend le sentier et se dirige vers les trois, espérant trouver
auprès d’eux réconfort et consolation. Ils dorment, profondément :
– Vous n’avez donc pas pu veiller et prier une heure
avec Moi, soupire Jésus qui les réveille. Ce n’est pas le moment de dormir ;
veillez, priez ; priez avec insistance le Père des cieux, car le Tentateur
est là.
Jésus s’éloigne de nouveau en soupirant :
– Il faut que les Écritures, toutes les Écritures
s’accomplissent. “J’ai cherché des consolateurs, mais je n’en ai pas
trouvé.”
Abandonné des siens, Jésus s’effondre et se prosterne
en appelant le Père : « Ô Père ! Pourquoi me caches-tu ta face et me
regardes-tu comme ton ennemi ? » (Jb. 13, 24) « Père, épargne ton
Fils, épargne-moi, et je ne me cacherai plus devant toi. Que ta main cesse
de me frapper, que ta terreur cesse de m’épouvanter » (Jb. 13, 20-21).
– Ô Père ! Pitié ! « Même mon ami ne fait que se
moquer lorsque je crie vers Dieu et demande une réponse. Un homme droit,
parfait, on s’en moque ».(Jb. 14, 4)
Satan qui est toujours là, rit silencieusement. Il
suscite maintenant dans l’esprit du Rédempteur du monde, du Sauveur de tous
les hommes, des visions si atroces, tellement insupportables que Jésus
crie :
– Non ! Père ! Pas çà! Père, que ce calice s’éloigne
de Moi. Ce sont tous les hommes que je suis venu sauver, tous les hommes de
toutes les nations et de tous les temps, et pas seulement quelques-uns. Ô
Père, ne permets pas que nos enfants soient perdus !
Jésus se prosterne encore plus profondément et prie
longuement :
– Père ! Que ce soit ta volonté qui se fasse, et non
la mienne.
Satan n’est plus là. L’Ange de la Consolation de Jésus
s’approche.


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