
Gethsémani : combat titanesque entre Jésus soumis à la
volonté du Père, et Satan, le Grand Ennemi des hommes.
Gethsémani : combat monstrueux entre le Bien et le mal.
Gethsémani : la Rédemption est maintenant imminente, et
Satan ne veut pas que l’Homme soit sauvé. S’il réussit à vaincre Jésus, il
sera le grand vainqueur, et jamais il n’aura à se soumettre au Verbe de Dieu
Incarné.
Gethsémani : pour vaincre, Satan doit accabler Jésus des
plus grandes et plus subtiles tentations. A quoi bon son sacrifice ?
Pourquoi et pour qui tant de souffrances ? De toutes façons ces malheureux
hommes ne comprendront rien... Ils continueront à pécher, à blasphémer, à
s’entretuer... Jésus trouvera-t-Il encore la foi sur la terre quand Il
reviendra ? Et si les jours de malheur spirituel n’étaient abrégés, les élus
eux-mêmes ne se soutiendraient pas... Mais seront-ils abrégés ?
Jésus est accablé de tentations et Jésus supplie le Père
d’éloigner de Lui ce calice. Tant d’âmes continueront à se perdre malgré sa
Passion qui vient, sa Passion qui arrive vite, car c’est l’Heure. Et Jésus
repense aux premières tentations, après son long jeûne de quarante jours. Il
allait commencer sa vie publique. Il connaissait ses pouvoirs, Il pourrait
faire de nombreux et extraordinaires miracles... Il pourrait devenir un chef
puissant et respecté, ce Messie guerrier que son peuple attendait... Ah !
comme Il aurait été bien reçu alors.
Il aurait pu aussi apparaître sur les nuées du ciel et
convaincre tout le monde! Il aurait pu être un maître puissant et vénéré, un
gourou incontesté capable de montrer qu’Il était le vrai Fils de Dieu. Fils
de Dieu ! Oui, Jésus l’est, et Il aurait pu le prouver, faire usage de ce
titre, déployer sa puissance, mais...
Mais Dieu est humble, Dieu est pauvre, et le Fils, le
Verbe ne pouvait être que pauvre et humble. Et Dieu qui a créé la terre, qui
a fait la nature et qui l’a trouvée bonne, Dieu ne pouvait aller contre les
lois parfaites de cette nature merveilleuse. Alors Jésus a renoncé aux
grandes actions d’éclat. Jésus a choisi l’humilité de Dieu, Jésus a choisi
la pauvreté, cette richesse du coeur qui conquiert les coeurs ouverts, les
cœurs de ceux qui peuvent comprendre les Béatitudes : heureux les pauvres de
cœur !
Jésus est devenu péché à cause de nous, et le Père ne
veut plus de Lui qui, pour nous sauver, s’est fait péché quoique Innocent.
Parce qu’Il a obéi au Père, à toutes ses volontés, le Père semble Le
rejeter, ce Jésus, doux, humble et pauvre de cœur !
Oui, au moment le plus dramatique de la vie du
Rédempteur, Satan renouvelait auprès de Jésus les grandes tentations qu’il
avait déjà essayées au désert, après le long jeûne de Celui qu’il ne
connaissait pas encore. Satan, en effet, ne savait pas alors qui était
vraiment cet homme exceptionnel, lequel pourtant l’inquiétait déjà.
Aujourd’hui, c’est l’Heure décisive, et, coûte que coûte, Satan doit faire
le maximum pour que Jésus renonce à sa mission, celle pour laquelle Il était
venu chez nous. Et, au lieu de soutenir son Fils, le Père se taisait !... Le
Père abandonnait son Verbe, le Père rejetait le Fils.
Jésus, nous Vous contemplons. Durant toute votre vie
terrestre, la deuxième Personne de la Trinité, celle qui mystérieusement
était en Vous, votre nature divine demeurait sans cesse en union intime avec
le Père avec qui Vous n’étiez qu’un. Et maintenant, en cette Heure
dramatique, votre Heure, votre nature divine semble délaisser l’Être Jésus
Dieu-et-Homme, pour ne laisser que la nature humaine souffrir l’angoisse et
la souffrance. C’est comme si votre nature humaine était soudain seule,
livrée à elle-même, car c’est l’Homme en Vous qui devait racheter le monde.
C’est l’Homme Jésus qui devait souffrir la Passion car l’homme devait être
sauvé par l’Homme.
Jésus, en cette Heure dramatique de votre Agonie, nous
Vous contemplons Homme. Et Vous êtes l’Homme seul, car le Père se tait, car
le Père se cache. Vous êtes seul Jésus, et le Père ne répond pas à vos
appels, le Père semble ignorer votre détresse. Vous criez vers Lui, mais Il
se tait, et même, Il semble Vous dédaigner, Jésus, Vous qui, par amour pour
les pécheurs Vous êtes fait péché. Jésus, Satan rit de Vous et le Père Vous
méprise, et votre âme est seule, et votre Coeur ne comprend pas... Et votre
Coeur ne voit plus que les méchants, ceux qui continueront à refuser votre
Amour, ceux qui ne veulent pas être sauvés. Jésus, votre Père se tait, votre
Père Vous délaisse, votre Coeur est seul et aride, votre Cœur ne connaît
même plus la douleur apaisante des larmes. Votre Coeur est sec car Satan
Vous persécute.
Jésus à Gethsémani Vous avez, comme nous, connu la
sécheresse du Coeur, l’aridité de l’esprit, la détresse totale de l’esprit
qui erre et ne peut plus connaître Dieu. Alors, dans un sublime effort, un
effort héroïque et inhumain, Vous Vous tournez cependant vers le Père, vers
le Père qui se tait, et Vous Lui murmurez : “Père, que ce calice
s’éloigne de Moi. Cependant Père, non pas ma volonté, mais la Tienne.”
Jésus, Vous avez voulu connaître toutes nos souffrances.
Vous avez voulu aussi prendre toutes nos misères spirituelles. Vous avez
voulu connaître nos sécheresses et nos aridités, Vous avez voulu connaître
la détresse des coeurs qui ne trouvent plus Dieu, parce que Dieu se cache,
parce que Dieu se tait. Vous avez voulu nous apprendre l’humilité en nous
faisant connaître nos impuissances, nos impossibilités de prier Dieu
autrement qu’en acceptant sa Volonté même quand nous n’en voulons pas. Pour
cela, il Vous fallait vivre, Vous aussi Jésus, la détresse infinie du Cœur
le plus parfait puisqu’Il est Coeur de Dieu et coeur d’Homme; il Vous
fallait connaître la détresse infinie du Coeur humain quand le Père se tait.
Vous voilà à Gethsémani, et Satan Vous tente. Car il
fallait Jésus, que Vous subissiez toutes les tentations pour nous, pour que,
plus tard, nous puissions ne pas succomber aux attaques du Malin. Satan Vous
tente pour Vous amener à renoncer à votre tâche essentielle de l’oeuvre de
la Rédemption, la Passion et la mort sur la Croix : “A quoi bon un tel
sacrifice ? Les hommes ne le méritent vraiment pas. D’ailleurs si peu le
comprendront, si peu se convertiront. Regarde, ils pervertiront complètement
ton enseignement. Ils bafoueront la Loi de Dieu. Quant à ta loi d’Amour, ils
n’en ont vraiment rien à faire. D’ailleurs, Tu n’as qu’à regarder: vois
toutes ces guerres, ces massacres, ces violences, ces tortures. Ils ne
respectent plus rien, pas même leurs enfants...”
La tentation atroce continue, et, devant les yeux
horrifiés de votre Cœur, Jésus, Satan fait défiler des images terribles, des
images de petits enfants dont on tue les âmes. C’est vraiment trop et Vous
ne pouvez plus supporter cela. Alors vous criez, Jésus : “Non ! Père, pas
cela !” Et nous qui ne sommes rien, qui sommes seulement près de Vous durant
votre Agonie, nous qui n’avons aucun courage, nous qui cependant contemplons
tout ce que l’on fait subir aux petits que Vous aimez tant, nous qui sommes
obligés de vivre l’horreur de nos sociétés dépravées, nous crions avec Vous
Jésus : “Non ! pas çà !”
Jésus, Vous êtes à Gethsémani. Il n’y a que deux ou trois
heures que Vous venez d’inventer l’Eucharistie et de Vous livrer totalement,
chair, sang et âme à vos apôtres. Pour la première fois, ils ont goûté
l’ineffable bonheur de Vous posséder en eux, dans leur coeur. Mais pour
l’instant, fatigués et inquiets, ils dorment, car c’est l’heure de la
Puissance des ténèbres. Et même, dans quelques instants, ils fuiront,
complètement déboussolés... Même Pierre Vous reniera! Cela, Jésus, Vous le
savez, Vous le voyez. Mais vous voyez aussi bien d’autres défections, tant
d’autres reniements... Vous voyez tous les siècles du monde, les siècles à
venir, Jésus Vous les voyez, Vous les vivez, et ce n’est pas très beau.
C’est même terrible ! Comme si votre Sacrifice n’avait pas eu lieu.
Vous voyez tous les siècles, Jésus, ou plutôt Satan Vous
présente tous les siècles, et il insiste particulièrement sur ce terrible XXe
siècle. Tout y passe, les guerres, les tueries, les trahisons, les athéismes
de toutes sortes, et nos indifférences, et nos lâchetés... Parmi toutes ces
douleurs il en est une qui est particulièrement sensible à votre Coeur broyé
et meurtri. Votre Saint-Sacrement, votre Corps et votre Sang, présents sous
les apparences du pain et du vin, votre Saint-Sacrement qu’on adora pendant
longtemps dans vos églises et devant lequel on se prosternait pour Vous
rendre grâce, votre Saint-Sacrement n’est plus honoré. Parfois même on Vous
relègue, car l’Eucharistie, c’est Vous Jésus, mais on ne le sait plus, on
Vous relègue dans un coin caché de vos églises en voie de sécularisation.
Votre Pain Eucharistique est souvent reçu sans dignité, voire en état de
péché grave. Et surtout on n’adore plus, on ne Vous adore plus.
Une autre phrase résonne sur la Croix : “Père, pourquoi
m’as-Tu abandonné ?” Jésus, le Rédempteur du monde, est-il condamné à être
abandonné de tous ? Du Père Céleste et des hommes ? Votre Agonie Jésus,
continue donc encore ? Jusqu’à la fin du monde ?
Jésus, pourquoi faut-il que tous Vous abandonnent ?
Pourquoi faut-il que même le Père, en cet instant dramatique de votre mort
sur la Croix, cet instant suprême de la Rédemption, cet instant de l’éternel
présent de Dieu, pourquoi faut-il que le Père semble Vous abandonner, Vous,
son Fils Bien-Aimé, son unique ? Vous la deuxième Personne de la Trinité
Sainte ? Vous, chargé des péchés du monde que Vous êtes venu sauver ? Vous
qui Vous êtes fait péché pour nous délivrer de nos péchés ?
L’amour est douleur, l’Amour porte la Croix, l’Amour
pleure de n’être pas aimé. Ton Amour, ô mon Dieu est un Amour de joie
souvent baigné de larmes. Ton Amour, ô Jésus, est bonheur et douleur. Il est
paix dans les peines et les bourrasques. Il est joie et il est tristesse.
Il est calme dans les tempêtes. Nos coeurs saignent, ô Seigneur, dans
l’Amour de ton Cœur car Tu n’es pas aimé. Car Tu es incompris des hommes
trop pécheurs, des hommes désespérés qui ont perdu l’espoir, qui ne peuvent
plus accepter ton espérance, l’espérance que Tu apportes quand ton cri de
détresse traverse les siècles et les mondes: “Père! pourquoi m’as-Tu
abandonné ?...”
Vous êtes là Jésus, à Gethsémani, suppliant le Père de
Vous épargner ce Calice de votre plus grande douleur, la perte de tant
d’âmes. Satan est là aussi : il les étale devant Vous, ces âmes malheureuses
qui se sont données à lui, le Menteur. Et il insiste méchamment sur
l’inutilité de votre Sacrifice, de vos souffrances, de vos angoisses. Et
Vous tremblez, Jésus, et Vous cherchez des consolateurs, et Vous n’en
trouvez pas...
Vous êtes là, Jésus, et Vous suez le sang, et Vous
appelez le Père qui toujours se tait... Le Père se tait, mais Il a tellement
pitié de son Fils qu’Il adoucit un peu sa rigueur, une rigueur nécessaire
car elle est rédemptrice, et Il Vous fait envoyer la Coupe de Consolation...
la Coupe de Consolation dans laquelle il y des petits foyers d’amour, de
chaleur, de lumière, des petits foyers d’amour dont le Père a permis que
Vous deviniez la présence : les Permanents de Gethsémani, c’est-à-dire
toutes les âmes sauvées par Vous et qui, tant qu’elles sont sur la terre,
restent auprès de Vous, pour votre consolation et le salut de leurs frères.
Et Vous reprenez vie, Jésus, et Vous Vous redressez car
Satan est vaincu. Vous pouvez aller vers vos ennemis, et commencer le Chemin
de la Croix...
Parfois nous méditons à propos des déboires de Job et de
ses découragements : pourquoi, oui, pourquoi est-il né ? N’aurait-il pas
mieux valu pour lui qu’il mourût dès le sein de sa mère ?... Paroles nées de
la souffrance. Découragements que la plupart des hommes expérimentent. C’est
la situation de l’homme depuis le péché originel, depuis qu’il s’est
volontairement séparé de Dieu. Et la séparation d’avec Dieu, c’est l’Enfer.
Quand Jésus a pris sur Lui le péché du monde, quand Il s’est fait péché pour
nous libérer du péché, Jésus a connu aussi ce découragement horrible et
destructeur : “Père, pourquoi m’as-Tu abandonné ?”
Jésus, à Gethsémani et à l’heure de votre mort, sur la
Croix, Vous connaissez la détresse profonde des âmes privées de Dieu, Vous
vivez le vertige le plus atroce qu’un être humain puisse subir: l’absence de
Dieu, ou pire, l’impression de l’inexistence de Dieu quand la vie entière a
été appuyée sur Dieu et vécue en fonction de Dieu, mais d’un dieu devenu
hypothétique, absent, inexistant, irréel. C‘est l’écroulement total,
l’entrée abominable dans l’abîme du vide et de l’inexistence. C’est le néant
absolu soudain vécu, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de faire cesser
l’épreuve.
Jésus, à Gethsémani : votre douleur est au paroxysme du
supportable pour un être humain, même fort. Vous souffrez la peine des
pauvres hommes qui ont rejeté Dieu, alors que votre Amour et toute votre
volonté sont tendus vers le Père, pour faire sa volonté. Vous faîtes la
volonté du Père qui Vous punit et Vous rejette à notre place et à cause de
nous.
Jésus, votre souffrance humaine est incommensurable, mais
Dieu qui est en Vous, Dieu qui est Vous se réjouit maintenant: les hommes
que Vous aimez pourront se réconcilier avec Dieu, s’ils le veulent, et
beaucoup le voudront. Alors, Jésus, une joie étonnante commence à sourdre de
votre Coeur, de votre Coeur à l’Agonie. Votre Coeur, crucifié avant votre
Corps mais déjà ressuscité, votre Coeur Jésus, devient le Sacré-Coeur. Vous
êtes glorieux, Jésus, Vous êtes vraiment le Pont qui nous relie à Dieu...
Oui, mais votre Croix aussi est là, juste derrière, car c’est de sa Gloire
que votre Église naît.


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