
Méditations
préparatoires à la Grande Passion du Christ

3
Pierre
Je
ne connais pas cet homme!
On
vient d’arrêter Jésus...
Après
avoir embrassé Jésus, Judas s’en est allé, discrètement: il avait ses
trente deniers à toucher. Et puis, il ne tenait pas tellement à rencontrer
Pierre et les autres...
On
vient d’arrêter Jésus. Après un mouvement de stupeur à la vue de Judas,
Pierre a dégainé son épée, mais Judas s’était déjà éclipsé. Alors, se
retournant, malgré la présence des nombreux gardes armés, et le grand risque
qu’il prenait, Pierre coupa l’oreille de Malchus, serviteur du grand-prêtre.
Pierre n’était pas un lâche... Mais Jésus le regarda: “Remets
ton épée au fourreau. Je dois boire la coupe que m’a donnée le Père.”
Pierre
est désarmé: au sens propre et au sens figuré. Il ne comprend pas la parole
de Jésus, mais il rengaine son épée tandis que Jésus guérit l’oreille de
Malchus. Maintenant les soldats se saisissent de Jésus, Le ligotent, et L’emmènent
en Le malmenant durement. La plupart des apôtres se sont enfuis, mais Pierre
est resté avec Jean: il veut voir la suite des événements, et surtout il veut
défendre son Maître: Pierre n’est pas un lâche...
Jésus
est conduit vers Anne, le beau-père de Caïphe, “grand-prêtre
cette année-là.” Caïphe avait déjà décidé dans son cœur, de faire
disparaître Jésus: “Il vaut mieux
qu’un seul homme meure et que la nation ne périsse pas.” Jésus,
innocent, est là, devant ses juges dérisoires. Jésus, le Fils de Dieu, le Roi
des Juifs, jugé par des hommes à l’honnêteté douteuse! Son crime: avoir
fait le bien partout où Il passait, avoir prêché l’amour! “Aimez-vous
les uns les autres!”
Jean
et Pierre qui avaient suivi Jésus, entrèrent dans la cour du grand-prêtre.
Jean connaissait le grand-prêtre, et Pierre n’était pas un lâche. Pierre était
inquiet pour son Maître, il voulait être là pour éventuellement Le défendre.
Non, Pierre n’est pas un lâche, il en est sûr, il donnerait même sa vie
pour Jésus!
Il
faisait froid, cette nuit-là: aussi, en attendant la suite des événements,
les serviteurs et les gardes se serrèrent-ils autour d’un feu, pendant que le
grand-prêtre interrogeait Jésus, dans la cour, en public. Pourquoi un
serviteur se permit-il de gifler Jésus? Pierre a vu ce geste et frémit...
Le
froid, peut-être, ou la peur?... Inconsciemment Pierre s’éloigne et se
dirige vers le feu. Pierre tremble de plus en plus: il voudrait agir, il ne le
peut pas. Il voudrait crier: il ne le peut pas. Il est comme paralysé.
Une
servante le reconnaît: “Toi aussi Tu
étais avec cet homme!” Pris d’une imprévisible panique, d’une épouvante
irrépressible, incontrôlable, Pierre répond: ”Non,
tu fais erreur, tu dois confondre, je n’étais pas avec cet homme.”
Maintenant,
il faut conduire Jésus jusque chez Caïphe. En passant devant Pierre, un des
hommes armés qui tenaient Jésus, le reconnaît. “Mais,
toi, tu étais avec lui; je te reconnais bien!” Pierre répond rapidement:
“Mais non, tu dois confondre!” et
se dirige vers la sortie. Mais là, le gardien s’écrie: “Bien
sûr, je te reconnais; tu étais avec cet homme: je t’ai encore vu avec lui il
y a moins d’une semaine.”
Soudain
le sol se dérobe sous les pieds de Pierre; il ne voit plus rien, il ne sent
plus rien que la peur atroce qui brise les entrailles et qui rend comme fou. Il
bredouille: “Mais non, homme, je ne
connais pas cet homme, je te le jure, oui je le juge sur ce que j’ai de plus
cher.” Aussitôt le coq chanta...
N’accablons
pas Pierre à cause de son péché, de son grave péché. Réfléchissons plutôt
à ce que nous sommes, nous, qui ne voyons les choses que de loin et nous
permettons de juger. Seul celui qui aurait eu la force de surmonter cette peur
incontrôlable pourrait mépriser Pierre. Mais qui a eu ce courage surhumain? Même
les plus grands martyrs, à un certain moment de leur vie, ont eu peur.
Le
coq chanta pour la deuxième fois. Pierre tressaillit. Jésus qui, curieusement
passait à cet instant juste près de lui le regarda longuement... Et Pierre
comprit, et Pierre s’enfuit et partit se cacher et pleurer amèrement.
Pierre
pleura longtemps, longtemps... Il demeura pendant des heures, caché, n’osant
plus sortir de sa retraite, ivre de honte et de chagrin. Ainsi, il n’avait pas
su rester une heure à veiller avec son Maître: il s’était laissé aller à
dormir... Pire, tandis que son cœur s’emplissait de haine pour Judas qui
trahissait, lui, Pierre, reniait Jésus. Trois fois il avait affirmé ne pas
connaître Celui avec qui il vivait depuis trois ans; et cela, il l’avait même
juré, sur sa tête, et sur la tête de ce qu’il avait de plus cher!...
Pierre
est brisé. Son cœur a mal à en mourir, et son corps est une loque incapable
de remuer... Pierre ne sait plus ce qui se passe à Jérusalem. Pierre vit dans
un monde de ténèbres, de honte, d’humiliations. Son esprit ne réagit plus,
ne pense plus. Pierre reste prostré dans son univers de désespoir... Et Pierre
ne comprend pas. Que lui est-il arrivé? Que s’est-il passé en lui? Pourtant,
Pierre n’était pas un lâche!...
Non
Pierre n’était pas un lâche... Mais Jésus voulait lui faire comprendre
l’immensité de la faiblesse humaine. Il fallait que Pierre vive, dans sa
chair et dans son cœur, la réalité de la misère humaine car un jour, il
aurait à secourir le courage des chrétiens persécutés. Il aurait aussi à
pardonner les défaillances de quelques-uns... Jésus avait choisi de souffrir
le reniement de son Pierre afin que ce dernier fût, plus tard, enveloppé de sa
force à Lui, Jésus.


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