16
Méditation sur le Samedi Saint
L’angoisse
et l’attente des hommes d’aujourd’hui
« Voici
ce qui arrivera plus tard: je répandrai mon esprit sur tous les vivants; vos
fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, et vos
jeunes des visions. Même sur les serviteurs et les servantes je répandrai
mon esprit en ces jours-là.
Je
ferai voir des prodiges dans les cieux et sur la terre: du sang, des colonnes
de fumée. Le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang avant la
venue du jour du Seigneur, un jour grand et redoutable. Alors sera sauvé,
quel qu’il soit, celui qui invoquera le nom du Seigneur. Car Yahvé a dit:
il y aura des rescapés sur le Mont Sion, il y aura des survivants à Jérusalem:
ceux que Yahvé a désignés. (Jo. 3, 1-5)
Le
premier Samedi Saint fut un jour terrible pour Marie et les quelques apôtres
qui s’étaient retrouvés: Jésus allait-Il se relever d’entre les morts,
ainsi qu’Il l’avait dit? Marie conservait sa foi intacte, mais les pauvres
apôtres, qui s’étaient tous enfui, étaient comme assommés par les événements
qui les dépassaient trop et leur faisaient trop mal.
Mais
Jésus ressuscita, et l’Église naquit... Mais aujourd’hui, que signifie
le Samedi Saint, pour nous les chrétiens, et comment le vivons-nous ?
Chaque
Samedi Saint l’Église est en attente, le monde retient son souffle :
le Christ va-t-il ressusciter ? Le Monde ? Mais quel monde,
aujourd’hui ? Notre monde occidental tellement enfoui dans le matériel
qu’il ne sait plus que Dieu existe. Et d’ailleurs, quel Dieu ? Et
Dieu existe-t-Il? Et pourquoi la vie ? Et à quoi sert la vie, et quel
est son sens ? Comme le monde est désorienté quand il a perdu Dieu
parce qu’il l’a d’abord refusé !
Le
monde ? Mais quel monde aujourd’hui ? Le monde qui prône le
meurtre et le suicide pour mieux tuer ceux qui ne pensent pas comme lui ?
Le monde qui détourne la parole de Dieu : “Tu ne tueras pas !”
Ou ce monde terrible de l’Islam
qui réduit cinquante pour cent de la population en esclavage : toutes
les femmes.
Le
Monde ? Mais quel monde aujourd’hui ? Le monde des doctrines
orientales ou ésotériques, et de la réincarnation dont le but final, le
Nirvana, n’est que la dissolution des êtres dans un Grand Tout impersonnel,
un effroyable néant ? Ou le monde de l’athéisme qui conduit au désespoir,
à la drogue et au suicide ? Ou le monde des sectes sataniques, ce monde
de la haine, où l’ennemi du genre humain prend la place de l’Amour ?
Le
Monde ? Mais quel monde, aujourd’hui ? Le Samedi Saint, c’est le
jour où l’Église attend la Résurrection du Christ et son retour parmi
nous, dans la gloire ; les chrétiens retiennent leur souffle. Quelle espérance
pour eux et pour le monde ! Quelle espérance pour ceux qui croient en
l’Amour ! Oui, mais quelle espérance ? Souvent, aujourd’hui,
notre monde semble expérimenter comme un nouveau vertige, un effroyable
vertige métaphysique: mais au fond, qu’est-ce que Dieu ? Qui est ce
Dieu qui nous a créés mais qui nous dépasse tellement que nous n’arrivons
pas à Le saisir ?
Oui!
Qu’est Dieu ? Au delà de la création – mais qu’est-elle,
cette création ? – au-delà de la Création, au-delà des univers
que nous pouvons appréhender ou imaginer, au-delà de tout, où est Dieu ?
Quelle est cette intelligence qui gouverne tout ? Mais comment est-elle,
comment réagit-elle, de quoi est-elle faite puisque c’est elle qui a tout
fait ? Nos intelligences sont dans une impasse, nous ne maîtrisons plus
rien, nous n’imaginons plus rien. Nous ne détectons que du vide, mais un
vide qui n’est pas néant, un vide peuplé, mais de quoi ? Ô mon Dieu !
Quel vertige, quel abîme ! Où tout cela nous mène-t-il ?
Nous
voici dans un désert atroce, mais quel désert ? Est-ce que nous vivons
vraiment, et pourquoi ? D’où venons-nous ? Et où allons-nous ?
Nous perdons pied et nous n’avons plus rien à quoi nous raccrocher...
Notre
monde d’aujourd’hui paraît vivre ce néant horrible qui pourtant n’en
est pas un. Notre monde d’aujourd’hui crie sa nausée face à ce vertige
incompréhensible, à la réalité – ou l’irréalité – de nos
vies. Notre monde d’aujourd’hui crie sa détresse immense, perdu qu’il
est dans le néant qu’il s’est lui-même fabriqué. Tout n’est-il que néant
absolu ? Quelle détresse horrible ? Pourquoi cette douleur atroce,
insaisissable parce métaphysique ? Oui, pourquoi ? Pourquoi Dieu,
s’Il existe, nous abandonne-t-Il ainsi ?
Non,
Dieu ne nous abandonne pas, Il veut simplement nous faire comprendre
l’horrible réalité du péché. C’est le péché qui a tout désorganisé.
C’est le péché qui a caché toute la réalité divine. Depuis le péché
d’Adam au Jardin d’Eden, la terre, est devenue terre d’épreuve, et
pendant toute la durée de l’épreuve, la vérité de Dieu et de l’Homme
est voilée, impénétrable, hors de notre portée. C’est le péché qui en
est cause.
Parfois,
en faveur d’êtres privilégiés qui auront ensuite une mission difficile à
assumer, Dieu lève un coin du voile, mais très peu, juste pour nous aider à
vivre, à espérer. Pris de pitié pour les pauvres hommes dévoyés à cause
du péché, et surtout à cause du péché de Satan qui, lui, savait, Dieu
envoya son Fils. Nous ne savons pas du tout ce qu’est le Fils de Dieu; Dieu
nous a seulement dit qu’Il était l’Amour incarné, juste ce qu’il faut
pour nous permettre de vivre, et d’espérer.
Chaque
Samedi Saint, le monde attend la Résurrection de Jésus, Fils de Dieu qui
s’était incarné pour nous rendre l’espoir. Le monde attend la Résurrection
du Fils de Dieu que nous avions crucifié par notre désespoir. Jésus va
bientôt revenir parmi nous. Bientôt nous sentirons l’Amour, même si nous
ne pouvons pas le comprendre complètement. Bientôt nos cœurs vibreront au
rythme du Cœur de Jésus, au rythme du Cœur de Dieu, au rythme du Cœur de Jésus
ressuscité qui doit revenir parmi nous...
Bientôt
Jésus va de nouveau ressusciter pour chacun d’entre nous. Chaque Samedi
Saint réveille en nous l’Espérance de l’Amour, l’espérance de la
vie... Oui, mais en attendant ?
En
attendant, chacune de nos vies est comme un samedi saint renouvelé :
nous attendons la Résurrection de Jésus. En attendant, dans chacune de nos
vies, Jésus revit sa Passion qui durera jusqu’à la fin des siècles. Car Jésus
est en Agonie jusqu’à la fin du monde. À chaque instant Il vient nous dire :
j’ai versé, je verse, telle goutte de Sang pour toi. Car la Passion de Jésus
continue en nous depuis sa Résurrection. Car sur sa Croix qui domine la Création,
Jésus le Crucifié continue sa Passion.
FIN