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La vie en Dieu, la vie dans l'Amour

 

6-1-Vivre la volonté de Dieu 

Quand une âme a complètement remis sa volonté au Seigneur pour qu’elle devienne sienne, il y a entre la volonté de Dieu et la volonté offerte une telle symbiose, une telle interpénétration, qu’il est impossible de faire la différence entre ce que Dieu veut et ce que l’âme désire. Les deux volontés, parfaitement unies n’en font plus qu’une. L’âme est transformée en Dieu qui la modèle à son image et la noie dans son Amour. On ne peut plus parler de transfusion d’amour, mais d’osmose tant les contacts sont étroits. Tous les saints ont vécu cela, puisque c'est cela la sainteté.

Supposons que les âmes soient des gouttes d’Amour que Dieu fait passer sur le pont (l’humanité) pour façonner les hommes. Ces gouttes d’Amour, devenues hommes, si elles acceptent l’Amour de leur Seigneur, vont alors recevoir comme des pluies d’Amour. Chaque goutte de ces pluies d’Amour (Dieu) va s’unir à un coeur d’homme (âme-goutte d’Amour + matière). Ainsi on peut dire, au sens propre: “Dieu est dans votre coeur, au dedans de vous. Entrez en vous, vous trouverez Dieu.” Si l’âme recueille avec soin chaque goutte de la pluie d’Amour qui la pénètre, alors son union à Dieu devient de plus en plus étroite, de plus en plus réelle. Ce qu’elle veut, c’est ce que son Seigneur veut. Ce qu’elle aime, c’est son Seigneur qui est en elle. Sa vie, c’est la vie qui est en elle, plus réelle qu’elle même, et plus vivante aussi, la vie de Dieu: son Amour, la goutte d’Amour, substance de Dieu, que Dieu a mise en elle.

Ces gouttes d’Amour, celle de l’âme et celles de Dieu, ces gouttes d’Amour réunies pour n’en plus faire qu’une seule, tout en conservant les deux vies qui la constituent: la vie de Dieu en l’âme et la vie propre de l’âme, est-ce cela le mariage spirituel dont ont parlé tant de saints? Ce n’est pas toujours facile pour des gens du XXIème siècle, d’essayer de comprendre Jean de la Croix et Thérèse d’Avila... Notre vertige devient stupeur, émerveillement, amour éperdu quand nous pensons au Créateur dont le nom est Amour, qui est Amour, qui fait tout par amour, qui aime chacun d’entre nous comme s’il était unique (et chacun d’entre nous est réellement unique).

Contemplons notre Créateur, la Trinité merveilleuse qui connaît le coeur de chacun et appelle chaque homme par son nom. La Trinité-Amour envoie la petite goutte d’Amour qui crée chaque homme. Et la petite goutte d'Amour va recevoir une autre Goutte d’Amour, une Goutte de la pluie d’Amour qui inonde la Terre, une Goutte de l’Amour de Dieu qui veut nous unir à Lui, nous transformer en Lui, pour mieux nous épouser dans l’Amour. Contemplons et adorons la volonté d'amour de Dieu. Nous ne pouvons rien faire d’autre.

 

6-2-L’Union à Dieu 

L’union à Dieu, c’est une réponse d’amour. C’est une réponse à un appel précis du Seigneur. Elle ne vient pas de nous, Dieu seul est le Maître de l’union divine, Dieu seul peut nous introduire dans le secret de son cœur. 

        6-2-1-La Fleur Trinitaire 

Une image trinitaire peut nous aider. Imaginons une fleur immense constituée de deux pétales s’épanouissant à partir d’une unique Tige, deux pétales étroitement emboités l’un dans l’autre. Mais ces deux pétales, dont l’un, le Fils, est engendré par l’autre, le Père, n’en font plus qu’un tant leur embrassement est puissant et étroit. De leur embrassement, de leur Amour, cet Amour qui est leur ÊTRE même, jaillit une fontaine abondante: l’Esprit. L’Esprit jaillit du Père et du Fils et retombe à l’infini en gerbes créatrices. Alors naissent les univers, naît la vie, naissent les âmes... C'est la Trinité Unique qui crée par le Père, via  son Verbe, dans l'Esprit.

Ce jaillissement d’Amour, ce tourbillon d’Amour appelle tous les êtres créés à Le rejoindre, à participer à cette puissance d’Amour. Mais pour cela, pour remonter le flot et atteindre le cœur de la Fleur, le Cœur de Dieu et entrer dans la Vie, il faut dire “oui”. Il faut librement accepter de dire “oui” à l’Amour, à la volonté aimante de l’Amour, il faut humblement entrer dans le Tourbillon de l’Amour, donc entrer dans le cycle éternel de l’Amour. Sinon on reste en dehors, et il devient impossible de rester dans le tourbillon d'Amour ni de se laisser saisir par la courbe ascendante: on piétine et on s’enlise dans le péché et dans la mort.

La Fleur contemple les pauvres âmes enlisées, et l’Amour ne peut accepter leur détresse. Alors, ô Merveille! Voici que du pied de la Fleur, du cœur profond de sa tige, s’élève une Croix, une Croix qui grandit, qui monte, qui entre dans le jaillissement de l’Esprit, qui entre dans le Tourbillon de l’Amour et se fond dans l’Amour. Et voici que cette Croix se met à aspirer les âmes retardataires, les âmes enlisées, les âmes perdues. Voici que l’Amour se fait Miséricorde, et le Fils se penche vers ceux qui ont péché, les appelle, leur tend la main. Le Fils offert au Père sur sa Croix miséricordieuse offre aussi son cœur aux hommes pour, qu’avec Lui, ils puissent entrer, réconciliés et purifiés, dans l’Amour insondable et merveilleux de la Haute et Sainte Trinité. Et demeurer unis à Dieu, dès aujourd'hui et pour l'éternité. 

        6-2-2-Mais comment dire cet amour? 

Parfois nous aimerions dire que l’Amour est un feu, un feu qui embrase et qui purifie, un feu qui consume sans détruire, un feu qui transforme et qui divinise. Parfois nous aimerions dire que l’Amour est un océan dans lequel nous nous perdons, mais sans nous égarer. Un océan dans lequel nous nous fondons mais sans disparaître, un océan dont la substance devient la nôtre, mais sans que nous perdions notre identité. On devient l’Autre, tout en restant soi... On est imbibé par l’Être de l’Autre, tout en restant libre... Parfois nous aimerions pouvoir dire aussi que l’amour est une rencontre qui devient osmose. C’est une vie qui vit dans l’Autre, dans une symbiose permanente, voire éternelle. C’est une fusion qui transforme, qui absorbe  mais qui conserve...

Généralement nous n'avons pas les mots pour exprimer l’Amour car nous sommes comme submergés par l’Amour et par la nécessité du pardon qu’il implique. Car l'amour c’est d'abord le pardon, le pardon donné et reçu[1]. Et nous nous émerveillons de L’Amour que Dieu nous donne et de l’amour qu’Il attend de nous. Et ce qui envahit notre cœur, c’est encore le pardon.

Nous sommes pécheurs, tous, plus ou moins. Et pourtant nous aimons Dieu, notre Seigneur et notre Maître, notre Ami, et l'Époux de nos âmes. Nous L’aimons plus que tout, du moins nous le croyons, et nous implorons son pardon, avec des larmes, comme Marie-Madeleine. Nous implorons son pardon dès que nous comprenons un peu mieux le drame de Gethsémani, toujours actuel. Nous implorons le pardon de Dieu, car, comme le psalmiste, nous pouvons dire: “ma faute, moi, je la connais, et mon péché est toujours devant moi.” Dès lors il y a des jours où, poursuivant le constat du psalmiste, notre prière se résume à ces mots: “Seigneur Dieu, je Vous demande pardon. Je Vous demande pardon du plus profond de mon cœur.” Et nous savons que Dieu nous pardonne et que nous pouvons vraiment L'aimer et nous unir à Lui.

L'Amour est aussi un don mutuel; alors nous cherchons ce que nous pourrions bien "rendre" à Dieu qui nous a tout donné, son Amour et même la Vie de son Fils, et qui a pardonné toutes nos fautes: nos ignorances, nos lenteurs à croire ou à Le comprendre, nos incompréhensions, nos infidélités, nos manques d’amour. Jésus nous a tout donné. Essayons, nous aussi, de tout Lui donner, de ce que d’ailleurs nous tenons de Lui...

Dès lors, comme l’épouse bien-aimée du Cantique des cantiques, il nous semblera souvent que nous sommes séparés du Bien-Aimé; en réalité, nous devons, comme l'épouse, et selon ce que nous rappelle Saint Bernard, nous devons encore nous purifier... Mais l’attente, la si longue attente sera récompensée quand l’Époux sera enfin là, pour toujours. 

        6-2-3-La nuit de Saint Jean 

Un jour, saint Jean l’Évangéliste a dit à sainte Gertrude d’Helfta, moniale allemande qui vécut au XIIIème siècle, que sa mission spécifique, à lui, Jean, avait été de révéler le Verbe de Dieu. En effet le chapitre 14 de son Évangile insiste beaucoup sur le Père, UN avec le Fils: “Qui M’a vu a vu le Père... Je suis dans le Père et le Père est en Moi,” déclara Jésus à Thomas, le soir du Jeudi Saint. Et presque immédiatement Il ajouta: “Le Père vous donnera un autre Paraclet pour qu’Il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité...”

Ainsi, en l’espace de quelques instants, une ou deux heures au maximum, avant de partir pour sa Passion, Jésus se révèle entièrement et révèle la sainte Trinité. Il ne semble pas que les apôtres aient vraiment compris, et après un autre enseignement, tout aussi dense, ils sortent tous pour aller au Jardin des Oliviers, où ils avaient l’habitude de se rendre quand ils étaient à Jérusalem.

Jésus vient de dire à ses apôtres: “Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation.” Mais ils vont tous dormir... Tous? Peut-être pas car, curieusement, Jean ne raconte pas ce qui s’est passé au cours de ces heures atroces pour Jésus. Par contre Marc s’étend sur cette agonie, et il insiste sur la première défection de Pierre: “Simon? Tu n’as pas été capable de veiller une heure avec Moi...” Nous savons que Pierre a toujours insisté sur ses défaillances, et celle-ci, il ne pouvait pas manquer de la raconter; Jean, au contraire, ne voulant pas rappeler les fautes du premier pape, s’effaçait toujours et ne parlait jamais de ce qui le concernait directement. Revenons à notre sujet: qui a pu assister à l’Agonie de Jésus, sinon Jean?

Jean se remémore les paroles de Jésus: “Qui me voit, voit le Père...”  Qu’est-ce que cela veut dire? Jean se souvient soudain que lorsqu’il a rencontré Jésus pour la première fois au Jourdain, le ciel s’était ouvert et une voix venue du ciel avait dit: “Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-Le.” Et puis, il y a moins d’une semaine, sur le mont Thabor, il avait encore entendu cette voix... Jean est perplexe; il veut demander à Jésus des explications. Alors Jean se lève doucement, quitte ses deux compagnons endormis, et s’approche de Jésus; mais il ne va pas loin, car ce qu’il voit et entend le glace d’effroi. Jésus est là, prosterné et tremblant. Jean voit son Maître qui frémit de tout son être et semble vouloir chasser des visions obsédantes et terrifiantes.  Jean voit et entend et il reste là, comme paralysé. Il n’ose plus faire un seul mouvement, il a peur... Cela dura longtemps, jusqu'à ce que, soudain, comme s’il réagissait à une vision d’horreurs, Jésus s’écriât: “Non Père! Non! Pas ça!... Ô Père, pardonne-leur! Ô Père aie pitié de nos enfants!...”

Jean est tétanisé. Il regarde Jésus de plus en plus intensément. Dans la clarté lunaire, il voit Jésus se lever, couvert de sang. Alors Jean revient à lui et se sauve pour retrouver les autres: il ne veut pas que le Maître sache qu’il a été vu dans son immense détresse. Quelques instants plus tard Jésus arrive près de ses disciples et dit: “Pierre! Tu dors... Tu n’as pas été capable de veiller une heure avec Moi? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation, car Satan a obtenu de vous passer tous au crible, cette nuit.”  Pierre est confus et marmonne quelques mots. Jésus s’éloigne de nouveau, Pierre se rassied, et se rendort instantanément. Quant à Jacques, il ne s’était même pas réveillé.

Jean est de plus en plus inquiet: que se passe-t-il? Non, vraiment, il ne peut pas laisser le Maître dans cet état: il doit faire quelque chose... Alors Jean se lève de nouveau, et tout doucement s’approche de Jésus. À deux pas de Jésus, il s’arrête terrifié: le Maître est de nouveau prosterné, frémissant, gémissant:

– Ô Père, si c’est possible, éloigne de Moi ce calice!...

Succède un long moment pendant lequel Jésus semble se battre contre quelque chose d’effrayant, puis Jean entend:

– Père, si je dois boire ce calice, que ta volonté soit faite!

Jean est sidéré: ce qu’il contemple maintenant est surprenant au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. Voici qu’une grande lumière apparaît et un Ange brillant comme le soleil s’approche de Jésus, et Lui tend une coupe. Jésus se relève légèrement, et boit longuement puis dit:

– Père, Merci!

L’Ange s’éloigne, la lune brille à son maximum, et Jean contemple toujours son Maître. Le voici qui se lève: il ne saigne plus; il a même retrouvé toutes ses forces et toute son énergie. Jean se sauve de nouveau retrouver Pierre et Jacques. L’apôtre que Jésus aimait s’assied et murmure: “Le Père et Jésus, Verbe de Dieu, Fils de Dieu et Fils de l’Homme ne sont qu’un. Maintenant je comprends. Et le Paraclet que Jésus nous a promis, c’est leur Esprit commun.”

Jean pleure, il ne sait pas pourquoi... Jésus arrive: “Levez-vous, vite, celui qui Me livre est tout proche.”

Celui qui livre Jésus est tout proche... Jean ne sait pas ce qui va arriver, mais, il le sait, quoi qu’il arrive, il ne quittera pas son Maître... Plus tard, à tous ceux qui l’entoureront, il racontera souvent et longuement les évènements de cette nuit extraordinaire et terrible. 

        6-2-4-La joie de l'union à Dieu et le bonheur en Dieu 

Quand les apôtres eurent reçu le Saint-Esprit, l’Amour du Père et du Fils, leur vie fut transformée, et n’ayant plus de peur, ils se mirent à prêcher Jésus-Christ. Ils ne craignaient pas les persécutions et, après avoir été durement fouettés, ils “étaient tout joyeux d’avoir été trouvés dignes de souffrir pour le Seigneur Jésus.”

Saul, qui avait approuvé le meurtre d’Étienne, le premier martyr chrétien, “ravageait l’Église...” Il ne respirait que “menaces et meurtres contre les disciples du Seigneur...” L’Écriture ne dit pas s’il était heureux dans sa haine, mais ce que l’on sait bien, c’est que, lui aussi, après avoir rencontré le Christ sur le chemin de Damas, se mit à prêcher Jésus et son message d’amour. Et il “tressaillait de joie dans les tribulations.” Saul, que l’on appelera désormais Paul, était heureux...

Nous allons maintenant essayer de comprendre un peu mieux, non seulement la grandeur de Dieu, mais aussi sa proximité et surtout l’immensité de son Amour. Alors quelle reconnaissance, quelle adoration peut jaillir de nos cœurs! Quel amour aussi! Et quel bonheur pour Dieu!  

Tout d'abord, lisons un texte de Saint Bernard de Clairvaux extrait de son 41ème Sermon sur le Cantique des cantiques:

“Lorsque, l’espace d’un instant fugitif, et avec la rapidité de l’éclair, un rayon du soleil divin est entrevu par une âme en extase, aussitôt, soit pour atténuer une trop vive clarté, soit aussi pour instruire les autres de ce qu’elle a vu, cette âme tire, je ne sais d’où, des représentations imaginaires d’objets terrestres qui correspondent assez exactement aux communications reçues du Ciel; ces images vont en quelque sorte envelopper d’une ombre protectrice l’éclat prodigieux de la vérité apparue, afin que son rayonnement se fasse à la fois plus soutenable pour l’âme elle-même et plus aisément transmissible à ceux qu’elle voudrait y faire participer.”

Rares sont ceux qui, sur la terre, ont eu des extases. Pourtant il arrive parfois que l'on ait de ces impressions fugaces, de ces réponses ou de ces explications soudaines, qui fuient en même temps qu’elles se manifestent, et qui nécessitent un immédiat travail volontaire et conscient de mémoire si l'on ne veut pas les perdre.

Alors, dans un immense bonheur on chante l'Amour, un hymne que dans son cœur, chaque homme peut chanter:

Oui, je chante l’Amour. Je chante ses bienfaits, je chante ses grandeurs, je chante ses merveilles. Je chante l’Amour, je chante pour la vie, je chante pour mon Dieu. Tant que je serai sur la terre je chanterai l’Amour de mon Dieu. Quand je serai au ciel, je chanterai encore, je chanterai l’Amour, je bénirai l’Amour, je Le glorifierai.

Je chanterai l’Amour du Créateur, je chanterai pour ses bienfaits. Toujours je Le louerai par des hymnes d’amour. Car notre partition, c’est l’Amour!   

Le Seigneur fait ce qui Lui plaît et ce qu’il Lui plaît. De toute éternité le Seigneur, le Dieu-Amour a pensé chacun de nous, l’a aimé, façonné, modelé, préparé, éduqué... de toute éternité. De toute éternité Il crée et Il crée chaque personne différente des autres: c’est ainsi. Il n’y a pas de pourquoi, car il n’y a pas de réponse, il n’y a que l’Amour. C’est l’Amour qui nous fait, c’est l’Amour qui nous aime, et c’est l’Amour qui m’aime et qui me veut comme Il veut. C’est comme ça!...

C’est comme ça et c’est merveilleux! Etre une création de l’Amour, un objet vivant de l’Amour, un amour pour aimer l’Amour, pour vouloir avec l’Amour. Une petite chose intelligente pour comprendre l’Amour, pour aimer l’Amour... Un tout petit qui ne peut rien par Lui-même, car Il n’est que dans et par l’Amour qui le crée et qui l’aime... Un tout petit, un tout petit point perdu dans l’immensité de la création, mais un tout petit point d’amour pour aimer l’Amour là où il se trouve, là où il vit, là où il faut aimer avec l’Amour qui aime. Un petit d’homme, un tout petit de cette création merveilleuse qu’est l’humanité qui fait les délices de Dieu. Un tout petit qui contribue au bonheur de Dieu. Un tout petit, une si petite chose qui ne peut rien et qui pourtant peut contribuer au bonheur de Dieu...    

6-3-Qu'est-ce qu'aimer l’Amour?

        6-3-1-L'amour chez les mystiques 

Certains mystiques, hommes ou femmes, et non des moindres, ont eu leur cœur transpercé par l’Amour, peu importe d’ailleurs comment. D’autres ont vécu l’échange des cœurs. Ceux qui ne sont pas des  mystiques ne voient pas très bien comment les choses ont pu se faire. Ni d’ailleurs les résultats, quoique tous les bénéficiares de ces grâces exceptionnelles aient dû répondre à un appel encore plus fort, pour accomplir une nouvelle mission. Une mission qui semble toujours insensée aux yeux des hommes raisonnables, lesquels, ne regardant que par le petit bout de la lorgnette, ne voient, dans le meilleur des cas, que les difficultés vite qualifiées d’insurmontables, mais plus généralement, ou pire, que des désirs fous d’intelligences déréglées.

En réalité tous ces mystiques ont su aimer leur Seigneur, ils ont su répondre à son Amour et à ses désirs en accomplissant la mission qui leur était demandée, malgré les obstacles, en s’oubliant totalement. 

        6-3-2-Comment aimer l'amour 

Et nous? Comment aimons-nous Notre-Seigneur? Nous ne sommes que de tout petits êtres, tout petits, sans forces, sans intelligence spirituelle, malgré une certaine intelligence humaine..., intelligence dont nous n’avons guère à nous glorifier puisqu’elle vient de Dieu seul, et que Dieu pourrait nous reprendre du jour au lendemain si cela Lui convenait...

Jésus, pour Vous aimer, nous regardons comment Marie Vous a aimé. Son cœur et le vôtre ont toujours battu à l’unisson. Son cœur immaculé et le Vôtre ne faisaient plus qu’un tant l’Amour les unissait. Marie Vous aimait, Jésus, à Nazareth, et Vous étiez sa joie... Plus tard, quand elle Vous suivait le long des chemins de votre vie publique, sa joie était toujours grande lorsqu'elle assistait à vos miracles et à vos enseignements, même si, parfois, une sourde inquiétude semblait la gagner. Malgré sa souffrance, la joie de Marie était toujours dans son cœur, même quand, par la pensée, elle Vous suivit à Gethsémani, votre Gethsémani et tous les gethsémanis de la terre.

Comme le cœur de Marie dut souffrir, Jésus, comme son cœur dut saigner quand elle vit, avec vous, dans son âme, que tant de vos enfants, de vos petits enfants que Vous aimez tant, ne Vous connaissaient plus.

Est-ce cela Vous aimer, Jésus? Nous, nous ne savons pas faire, et pourtant nous le voudrions, et nous voudrions que tous les hommes Vous aiment. Jésus, faites nous vivre cet amour de Marie pour vous dans nos pauvres cœurs désemparés. L’amour, le vrai, n’accapare pas. On n’aime pas pour soi, mais pour l’Aimé. On aime pour travailler ensemble, à une tâche commune. On aime pour laisser l’Aimé faire ce qu’Il veut, ce qu’Il aime, ce que le Père veut. On aime pour servir selon ce que l’Aimé désire. Jésus, laissez-nous contempler longtemps Marie, votre sainte Mère, et faites que nous Vous aimions assez pour comprendre cela. 

        6-3-3-L’Amour, encore! 

Qu’est-ce que l’Amour? Voici le genre de question à laquelle il est presque impossible de répondre.

L’Amour, c’est comme un feu dans une petite boîte que l’on garde avec soi, que l’on promène avec soi. Il est bien à l’abri, bien conservé mais attention! Il ne faut pas le lâcher ni le sortir de sa petite boîte, sinon il risque de se propager, souvent bien plus vite que l’on ne voudrait. Il risque d’embraser toute la forêt, d’incendier la ville... L’Amour  est un feu que l’on ne peut plus maîtriser si on lui donne sa liberté...

L’Amour, c’est un petit génie qui a été enfermé bien soigneusement dans une bouteille bien scellée. Et l’on a rangé la bouteille à la cave ou dans un endroit très tranquille pour l’oublier, car avec lui, on ne sait jamais ce qui peut arriver quand il réussit à reprendre sa liberté. Il faut à tout prix éviter de lui rendre sa liberté, sinon!... Car c’est cela l’Amour. Il est enfoui tout au fond de nos cœurs comme une petite source bien sage qui irrigue juste ce dont on a besoin. Elle est bien sage, bien maîtrisée, elle ne fait pas encore de dégâts. L’Amour, c’est aussi une petite fontaine qui attend de pouvoir jaillir comme elle le souhaite, mais pour cela, il faudrait ouvrir son robinet et laisser l'Esprit aller...

Mais un jour le Seigneur opère une transfusion, une transfusion de son Amour. Il n’y a plus assez de place pour contenir le flot de la petite source et l’Amour déborde. Il devient une source jaillissante que l’on ne peut plus maîtriser, un flot impétueux qui emporte tout sur son passage.

Prenez garde, alors! On ne maîtrise pas l’Amour en liberté. Il jaillit, il déborde, il embrase, il envahit tout tout. Il dérange, il bouscule; et il prend toute la place.  

6-4-Deux paraboles bien humaines

        6-4-1- LŒil du cyclône 

Comme Jésus utilisait des paraboles, nous allons faire comme Lui et prendre des comparaisons. Pensons à certains pilotes d’essai chargés d’étudier des phénomènes météorologiques complexes, en l’occurrence, les cyclones. Dès qu’un cyclone s'annonce, une petite équipe part aussitôt à sa rencontre, avec pour mission de le traverser. Mission éminemment dangereuse, exigeant de la part des pilotes des conditions physiques particulières, un goût du risque prononcé et une parfaite connaissance de l’appareil. Mais aussi un enthousiasme peu commun. La traversée des turbulences du cyclone est quelque chose de terrible. L’avion ne peut plus être maîtrisé que par des pilotes habitués à toutes les configurations d’essais. Il est, de plus, malmené dans toutes ses structures, torturé, voire déchiré. Mais soudain, c’est le calme le plus absolu, un grand calme irréel à côté de la tempête déchaînée... L'avion est dans l'œil du cyclone.

Et voilà que nous commençons à comprendre l’amour. Nous comprenons la vie des l’âme qui se convertissent et qui veulent aimer Dieu. Nous appréhendons l’essence de la liberté qui conduit à l’union à Dieu. Les hommes, même ceux qui sont fidèles, vivent souvent dans les turbulences d’un cyclone: c’est la vie, et ce sont les conséquences du péché originel. Puis un jour, poussés par une force qui ne dépend pas d'eux, ils se tournent vers l'amour de Dieu, ils quittent les zones orageuses du cyclone de la vie, mais ce n’est pas encore la paix. Ils commencent à comprendre qu'ils doivent accepter la volonté de Dieu sur eux et marcher avec Lui. Un grand calme s'établit alors... Ils sont entrés dans l’œil du cyclone, là où se trouve la lumière et l’Amour... Ils sont entrés dans l’œil du cyclone, mais pas encore au centre, sur les franges seulement, là où l'on ressent encore quelques vents de l’extérieur, et les soubresauts de sa volonté propre qui empêchent de trouver l'Amour.

Pour trouver l’Amour, totalement, il faut avancer encore, dans le calme, la paix, la lumière. La liberté que Dieu nous conserve, ne peut plus dire que oui à son Amour. Notre volonté devenue Sienne ne sait qu’aimer, mais le chemin est long encore jusqu’à l’union qui ne peut se réaliser qu’au centre, tout au centre, là où demeure l’Amour. Quand l’âme, avec la grâce de Dieu, et son amour, a réussi à s’avancer assez près du centre de l’Œil, assez près de l’Amour, alors le Seigneur peut la saisir et l’aspirer en Lui. Désormais Il ne la lâchera plus, elle sera sienne pour l’éternité. Dans le l'Œil de Dieu, son Cœur. 

        6-4-2-Les stations d'oxygène  

Osons une autre comparaison.

Dieu EST. Il est l’Océan d’amour, Il est l’Amour.

Dieu est la pureté même, mais sa création a été polluée par le péché des anges et des hommes. En conséquence, les divers milieux vitaux terrestres sont bien empoisonnés. Ainsi, la mer est devenue tellement dangereuse pour ses habitants que nombre de poissons meurent. Alors les hommes qui se nourrissent plus ou moins de poissons, voyant une de leurs sources de nourriture se détériorer, se sont efforcés de mettre en œuvre de nombreux moyens de dépollution. Ils ont équipé la mer, et grâce à des broyeurs, des cribles et des filtres, ils croient pouvoir remédier aux multiples pollutions. Cependant, les miasmes sont parfois si nombreux, si denses et si pervers, que les pauvres animaux marins étouffent dans l’eau empoisonnée. Ils ont des besoins impérieux d’oxygène pour retrouver force et vigueur.

Prenons un exemple, celui de l’étang de Thau, dans le Midi de la France. Ses eaux salées à point et relativement préservées des pollutions sont idéales pour la conchyliculture, c’est-à-dire l’élevage des coquillages, en l’occurrence ici, l’élevage des moules et des huîtres. Les animaux, heureux, prospèrent rapidement. Mais parfois, lors des étés trop secs et trop chauds, l’eau manque dramatiquement d’oxygène. Il faut agir vite, sinon c’est la mort des bêtes et la ruine des ostréiculteurs. Alors on installe une station d’oxygène liquide et on procède, à travers un réseau adéquat, à des injections d’oxygène dans les zones les plus touchées par les risques d’asphyxie.

La comparaison est simple. L’immensité de l’Océan, ici de l’étang, c’est Dieu, la source de la vie. Les zones d’élevage, c’est la création, c’est l’humanité. Ces zones, touchées par le péché s’asphyxient peu à peu, et la vie, ici la vie de la grâce, risque de s’éteindre. Il faut donc injecter de l’oxygène, ici de l'amour, et les âmes retrouveront la vie, la santé et l'espérance, et les repères indispensables pour continuer à vivre.

Qui injectera l’oxygène vital? Mais Jésus, bien sûr. Avant de mourir, avant son agonie, alors qu’Il était encore au Cénacle avec ses apôtres, Jésus a "connu" la détresse de ses amis, de tous les hommes, quand Il serait retourné vers le Père. Certes, ils auraient pu vivre comme on vivait avant qu’Il ne vienne, mais Jésus avait expérimenté dans sa chair la détresse des hommes, leurs faiblesses, leurs besoins de tendresse, de compréhension, d’amitié et surtout d’Amour. Il fallait qu’Il meure, Jésus, cela c’était la volonté du Père. Mais Il savait... Il savait que nous aurions toujours besoin de Lui. Il fallait donc qu’Il reste avec nous, tout près de nous, sur cette terre. Alors, il inventa l’Eucharistie.

Jésus inventa l’Eucharistie, mais Il fit beaucoup plus: il inventa sa Présence réelle conservée dans les tabernacles. Des tabernacles, il y en a partout. Ils sont innombrables. Ce sont comme des stations d’oxygène réparties dans le monde entier pour redonner un peu de vie aux âmes qui s’étiolent parce qu’elles manquent d’air, parce qu’elles manquent de Dieu, la source de la vie. Oui, Jésus est là, dans ses tabernacles, prêt à accueillir chaque petit être et à lui redonner vie par une injection d’oxygène, l’oxygène de son Amour. Et, en plus, Jésus-miséricorde-de-Dieu profite souvent du passage des âmes près de ses tabernacles pour brûler toutes les scories qui n’ont pas pu être évacuées par les moyens antérieurs.


[1] Pour les couples, c’est une évidence: que de dégâts on aurait évité dans notre société si on avait su se pardonner mutuellement, pardonner à l’autre, mais aussi, savoir recevoir et accepter le pardon de l’autre.

   

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