Paulette Leblanc

LUCIE-CHRISTINE
1844-1908

SA VIE ET SA SPIRITUALITÉ

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La personnalité de Lucie-Christine

Le Père Auguste Poulain, spécialiste en théologie mystique, comprit qu’une femme ordinaire, mère de famille pouvait, en utilisant simplement ce que l’Église met à notre disposition, arriver à une grande sainteté : il suffisait de faire son devoir d’état avec beaucoup de soin et d’amour et de  vivre parfaitement dans la condition sociale qui est la sienne. Oui, on peut se sanctifier dans tous les états de vie. Le Père Poulain, ayant décidé de publier le Journal spirituel, protégea l'identité de l'auteur, et celle de sa famille, en lui donnant le pseudonyme de Lucie-Christine. Dans cette étude, nous n'utiliserons que ce nom. 

 

2-1-Des dons extraordinaires

 

Dans son enfance, à plusieurs reprises, Lucie-Christine avait manifesté un don extraordinaire: il lui arrivait de savoir ce qui se passait à de grandes distances. Ainsi, en 1859, pendant la guerre d’Italie, un jeune parent et le fils d’amis intimes, deux jeunes officiers faisant partie de cette campagne, cessèrent de donner de leurs nouvelles. Un jour, les familles des jeunes gens reçurent une lettre disant qu’ils étaient en vie, qu’ils se portaient bien et rentreraient bientôt. C’est Lucie-Christine qui avait écrit ces lettres.  

L’année suivante, en 1860, dans la famille d’un magistrat, un enfant de quelques mois avait été volé. Impossible de le retrouver. Un jour, on trouva une lettre sous la porte d’entrée de la maison de Lucie indiquant où se trouvait l’enfant et comment il était vêtu. La lettre, non signée, fut envoyée à la famille de l’enfant qui fut retrouvé. C’était Lucie-Christine qui avait écrit la lettre mais sans la signer, voulant rester anonyme. C’est à sa  mère seule qu’elle révéla la vérité.

Lucie-Christine n’avait que vingt neuf ans quand elle vécut sa première véritable expérience mystique. Elle comprit alors qu’il était possible « d’être complètement à Dieu seul dans le monde. » Deux ans plus tard, en 1873, naissait son dernier enfant, Alice.

 

2-2-Les souffrances dues à l'entourage de l'époque

 

Nous sommes dans la deuxième moitié du XIXème siècle. À cette époque, Monsieur Dupont (1797-1876) le Saint homme de Tours, reprenant la mission d’une petite carmélite de Tours, sœur Marie de Saint-Pierre (1816-1848), s’efforçait de développer l’œuvre de la Réparation des blasphèmes et le culte de la Sainte Face. En effet, le monde anticlérical non seulement multipliait les blasphèmes, mais se montrait d’une intolérance extrême envers les personnes qui s’efforçaient de vivre pleinement leur christianisme, en multipliant les vexations et les paroles désagréables. Ainsi, Lucie-Christine eut beaucoup à souffrir de ses voisins à cause de sa piété, et peut-être aussi de certains membres de sa famille. Elle fut également critiquée, dans certains milieux catholiques qui ne comprenaient pas les âmes priantes et contemplatives.  

Mais le Seigneur veillait, et elle fit l’expérience de la Miséricorde et de l’amour de Dieu. Jésus lui demandait de témoigner une bienveillance toute particulière envers ceux qui la faisaient souffrir. Vers la fin de sa vie elle pouvait affirmer: «J’ai cherché comment faire mieux aimer Dieu aux âmes… et je n’ai trouvé d’autre moyen, et de plus puissant, que la bonté.» 

 

Remarque:

 

Lorsque le Seigneur désire établir une grande intimité entre une âme et Lui, il commence toujours par la former longuement. L’âme que le Seigneur désire, souvent pour lui confier une mission, est une âme humaine, touchée comme toutes les autres âmes par les séquelles du péché originel. Elle a ses misères, ses faiblesses ; comme les autres âmes, elle est capable de se décourager, de ne pas comprendre les chemins par lesquels son Seigneur la mène. Elle doit donc aller à l’école de Dieu. Et en bon pédagogue, Dieu tient compte de ses capacités intellectuelles et de sa mémoire. Il doit souvent redire les choses, afin qu’elles soient bien comprises et mémorisées. Cela demande beaucoup de temps à l’échelle humaine. On ne doit donc pas s’étonner de trouver dans les journaux intimes des mystiques, écrits généralement à la demande de leurs directeurs, de nombreuses répétitions qui peuvent rendre la lecture un peu fastidieuse. Et les éventuels lecteurs, qui viendraient généralement de nombreuses années plus tard, pourraient peut-être se lasser et passer à côté de conseils irremplaçables. D'où l'importance des travaux de synthèse, qui, bien qu'accompagnés de nombreuses citations, permettent de connaître les dons de Dieu, sans lassitude.

Les seize cahiers du journal intime de Lucie-Christine sont pleins de ces répétitions volontaires du Seigneur. Aussi le Père Auguste Poulain qui publia le Journal Spirituel de Lucie-Christine en a-t-il volontairement supprimé de nombreuses, surtout dans les derniers cahiers, afin de mieux mettre en évidence l’action irremplaçable d’un Maître unique, Dieu. Notre étude n’est pas de reprendre ce qui a déjà été admirablement fait, mais de mettre en évidence les points fondamentaux de la vie spirituelle de Lucie-Christine, son obéissance à la grâce de Dieu, et l’originalité de sa mission.

   

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