Paulette Leblanc

LUCIE-CHRISTINE
1844-1908

SA VIE ET SA SPIRITUALITÉ

7
La Sainte Trinité

Parfois Lucie-Christine sentait le besoin de Dieu dans toute sa plénitude, et parfois aussi, Dieu se rendait à son désir ; ainsi, le 4 août 1882, elle put écrire : « Soudain mon âme fut emportée comme au ciel, et là elle vous contempla, ô Père, ô fils, ô Saint-Esprit… Mon cœur sentit qu’il avait besoin de Dieu dans toute sa plénitude, dans ses trois personnes, et à cette heure il était satisfait… Après, le Père et le Saint-Esprit me firent sentir leur présence sur l’autel où ils sont inséparables de la divinité du Fils.  Et cette Trinité adorable, en même temps qu’elle m’imprimait un respect qui n’a pas de nom sur la terre, m’invitait doucement à reposer mon âme en Elle, au-dessus de toutes les choses de la vie. »

Le 30 mars 1883, Lucie-Christine était dans la peine quand soudain, la Sainte Trinité envahit son âme de sa présence, et l’éleva dans la vue incomparable de Dieu trois en un: « Après s’être manifestée au haut du ciel, la présence des trois personnes divines se rendit sensible dans mon âme. Quand Dieu la pénètre ainsi de sa nature, l’âme éprouve deux effets : le premier est un amour irrésistible, un attrait qui la subjugue par des moyens qu’elle ne sait pas ; elle admire, elle adore la beauté de la nature divine, sans pouvoir cependant comprendre ce qu’elle voit ; elle est saisie, ravie à elle-même par une force qui n’a pas de nom sur la terre, et cette force ne la retient que par la douceur. Le second effet, c’est que l’âme se sent comme participante de cette divine nature ; elle voit, à une clarté indéniable, qu’elle vient de ce Dieu qui se montre à elle, et qu’elle rentre en lui… » 

 

7-1-La plénitude de la Sainte Trinité

 

Le 2 novembre 1882, Lucie-Christine écrit : « Mon âme s’est reposée dans le sein de l’adorable Trinité, contemplant la beauté et la bonté de Dieu, un en trois personnes. L’âme n‘est pas dépaysée au sein de la famille divine ; elle se sent, au contraire, dans son centre, dans son élément, et pleinement aimée et heureuse. » Le 24 novembre 1882, l’âme de Lucie-Christine fut, après la communion, « admise à contempler la Très Sainte Trinité et particulièrement la personne du Père, le principe éternel par qui tout existe, celui qui engendre la famille divine… » Pénétrée de respect, « son âme adora aussi le Fils et le Saint-Esprit, voyant les rapports qui sont entre ces trois personnes adorables, voyant ce qu’elle ne pouvait comprendre et ce qu’elle peut encore moins exprimer.. . »

Bien plus tard, le 29 août 1888, Lucie-Christine « vit » Dieu au-dessus de toutes ses agitations et de tous les mondes créés. Elle écrit : « Mon âme jouissait de sa vie, de son éternité, de son immensité. Je voyais Dieu en lui-même, Dieu Un, Dieu Famille, dans ses trois adorables Personnes, et cette vie était beauté, bonté et magnificence. Mais là, il n’est pas permis à l’âme d’exprimer ce qu’elle a senti ni même à l’esprit de comprendre ce qu’il voit. »

Le 13 janvier 1893, Lucie-christine décrit l’une de ses dernières oraisons. Elle écrit, entre autres : « Mon âme, adorant simplement Notre-Seigneur eut un vif sentiment de la présence des trois personnes divines, inséparables l’une de l’autre, et des rapports par lesquels elles communiquent entre elles… En Dieu tout est immuable et rien n’est monotone. Je voyais cet échange de rapports entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit, échange toujours le même et égal à lui-même dans son inaltérable perfection, simplicité faite de l’ampleur même de la perfection divine. »

Le 25 mai 1902, elle précisera davantage: "Quelle que soit celle des trois personnes de la sainte Trinité qui se communique à l'âme, c'est le même et le seul Dieu qui se révèle, dans une personnalité différente, mais avec la même et unique nature. De sorte que, outre l'enseignement de la foi, il serait impossible à l'âme de ne pas croire à un seul Dieu en trois personnes. Qu'il soit béni!"

Et encore le 3 septembre 1902: "L'âme reconnaît, à ne pouvoir s'y méprendre, l'unité de la nature divine. Elle la reconnaît aussi dans les trois personnes divines, mais en sentant avec une force non moins grande, avec une évidence non moins palpable, la distinction des personnes. Autre  est le Père, autre est le Fils, autre  est le Saint Esprit. Si vous demandez à l'âme à quoi elle les reconnaît, elle ne pourra vous le dire, et pourtant elle sait Celui qui l'a touchée..."

       

7-2-Le Saint-Esprit

 

Le 14 octobre 1882, Lucie-Christine prie l'Esprit-Saint

« Ô Saint-Esprit, aujourd’hui, après l’absolution, c’est votre présence qui s’est emparée de mon âme par une douce union de complaisance. Vous donnez une paix, une sécurité particulière, car vous êtes la lumière même et le directeur divin de l’âme… Vous êtes aussi l’Amour éternel… Soyez béni !" Rapidement elle retrouve la plénitude de la sainte Trinité:

"Je vous adore, ô Trinité, ô unité ! La sainte messe avançant, notre Seigneur, présent sur l’autel, me fit sentir sa présence en même temps que celle de l’Esprit-Saint. C’est une chose étrange : mon âme, se trouvant à la fois pénétrée de la présence de ces deux personnes divines, et, éprouvant la distinction qui existe entre le Fils et le Saint-Esprit, reposait cependant dans le sentiment d’une très simple unité. Et pourtant autre est la présence de Notre Seigneur Jésus, autre est la présence du Saint-Esprit. Je voudrais exprimer cette différence, mais je ne le puis. »

Au mois de novembre suivant, après une vision intellectuelle, elle pourra même préciser : « … l’âme trouve dans son fond intime quelque chose qui répond à ce mystère, qui réclame Dieu en trois personnes… Là elle éprouve autrement le Père, autrement le fils, autrement le Saint-Esprit, et elle est pénétrée de l’unité trois fois sainte…

 

7-3-Le Fils

 

Le 30 janvier 1884, Lucie-Christine écrit : «Dans la sainte communion, Jésus se révéla à mon âme en lui-même ; c’est là cette connaissance qu’il est impossible de définir et par laquelle l’âme voit ce qu’est Dieu. Et chacune des personnes divines se montre à elle d’une manière diférente, et l’âme voit cette différence sans pouvoir l’expliquer, et elle sent toujours l’unité inséparable de la distinction des personnes… » Puis, le 22 février 1884 : « Mon âme fut encore profondément perdue dans l’infini de Dieu… L’âme sent dans l’infini la plénitude, le complet… l’âme éprouve dans l’infini un ravissement inexprimable, car l’infini, c’est Dieu. »  

  

L’union hypostatique

 

Le 13 janvier 1885, c’est un nouveau ravissement : Lucie-Christine contemple le mystère de Jésus : « Si l’union de l’âme humaine avec son Créateur est déjà une merveille au-dessus de toute autre union qui soit possible à une créature, comment dire ce que  Dieu permet de voir de l’union hypostatique en Jésus ?... L’ensemble d’un être humain, parfait et admirable, uni à la Divinité, et se terminant avec Dieu dans une seule personne ! »

Le 22 mars 1893, Lucie-Christine s'émerveille: "Dans l'humanité sainte de mon Sauveur, l'invisible transperce le visible, l'infini rayonne à travers cette forme humaine... son  regard est inexpressible[1]... Les yeux et les cils paraissent bruns: la chevelure d'un blond éclairé comme par une chaude lumière. Le vêtement, une longue tunique blanche, ondoyant autour des pieds, ne semble pas un tissu, mais une neige ardente, lumineuse; j'ai l'air de dire ici un contresens, mais c'est ainsi."

 

7-4-Le Père

 

Lucie-Christine priait devant le Saint-Sacrement ; soudain son âme fut spécialement unie à Dieu le Père. « Rassurée par lui sur les douloureuses et effrayantes réalités de sa vie présente, elle vit et adora le gouvernement du Père… Elle contempla et adora, dans une lumière et une tendresse ineffables la bonté du Père divin se manifestant lui-même à son âme. » 

 

7-5-Vivre dans la Trinité

 

Le 1er janvier 1889, Lucie-Christine écrit une page étonnante : « Mon âme entendit qu'elle doit vivre dans la Sainte Trinité… Puis, comme par une entr’ouverture du ciel, j’entendis le concert unanime des anges et des élus en l’honneur de la Sainte Trinité. Je saisis l’avenir comme un point, dans une vue plus rapide que l’éclair, toutes les voix du monde mourant et finissant dans le chant de l’immortalité… Voix du génie, voix de la science, voix de la force et de la puissance ; voix de l’amour et de toutes les tendresses du cœur ; voix du courage, voix de l’imagination, voix de la crainte et de l’espérance ; voix de la joie et de la douleur ; voix de toutes les activités et de tous les tumultes ; voix de la nature, des tempêtes et des tonnerres ; voix des évènements et des bouleversements qui changent la face des empires, qui vibrent dans les profondeurs du monde, et secouent  l’équilibre du genre humain du sommet jusqu’à sa base ; tout s’apaisera, tout se taira ; tout, en un jour, fera place à l’alléluia éternel qu’entendait mon âme…

Hors les malheureux qui se seront condamnés eux-mêmes à la haine éternelle et aux châtiments de Dieu, il n’y aura plus qu’un cri, un seul : Sanctus, Sanctus, Sanctus ! à la gloire de Dieu trois fois saint, Père, Fils et Saint-Esprit. »

Les épreuves ont été nombreuses, mais Lucie-Christine vit de foi. Elle va parfois bien au-delà, voire jusqu’à l’héroïsme. Le 30 novembre 1890 elle écrit : « Aujourd’hui il y a un an, mon enfant montait à Dieu… Je fus attirée à offrir cette enfant chérie à la Sainte Trinité. Je l’offris à Dieu le Père, telle qu’il me l’avait donnée… Puis je donnai mon enfant au Verbe, au Rédempteur bien-aimé qui a donné son sang et sa vie pour moi, pour elle… et mon âme demeurait dilatée par l ‘amour. Enfin j’offris cette bienheureuse petite âme au Saint-Esprit par l’intermédiaire de Marie-Immaculée, et l’enfant était comme un trait d’union entre Dieu et moi dans un unique amour où mon âme ressentit un transport inénarrable. »


[1] Lucie-Christine a certainement voulu dire: "indescriptible" ou "inexprimable".

   

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