Marguerite d'Albarède
Sœur Sainte-Sophie
Religieuse ursuline de Pont-Saint-Esprit
1740-1794

Le monastère de Sainte-Ursule à Pont-Saint-Esprit était en 1790 un des plus florissants. Les grandes dames qui y avaient autrefois fait profession, et dont les archives du couvent gardaient pieusement le souvenir : Anne de Luynes, la princesse d'Harcourt, entre autres, lui avaient donné un lustre tout particulier. Mais il était aussi des plus fervents.

De ce nombre était Sœur Sainte-Sophie. Née le 8 octobre 1740, à Saint-Laurent-de-Carnols, elle était fille de Gabriel de Berbegie, seigneur d'Albarède et de Marie Laplace. Originaires de Ganges en Languedoc, ses parents avaient appartenu jusqu'en 1738 à la religion protestante. Cette année et le 8 avril, par devant le notaire royal de Cornillon (au diocèse de Nîmes), ils firent leur abjuration de l'erreur de Calvin, «de leur bon gré et... après toutes les instructions reçues du curé de Saint Laurent et de messire Philippe de Calvière sur la vérité de la doctrine catholique». La bienheureuse était le premier enfant né après la conversion de son père et de sa mère ; elle fut baptisée le lendemain de sa naissance.

Les Ursulines fondées à Pont-Saint-Esprit en 1610, possédaient, sous la dépendance et dans les bâtiments du monastère, une maison d'éducation où affluaient les jeunes filles de la noblesse et de la bourgeoisie des environs. Elles entretenaient, d'ailleurs, avec le plus louable désintéressement, des classes gratuites pour les enfants du peuple. Pendant près de deux cents ans, elles se dévouèrent à cette œuvre si méritoire, et en voulurent porter exclusivement la charge souvent très lourde et très pénible.

Les Ursulines étaient si édifiantes que la population espérait, au début de la Révolution, les préserver des mesures de rigueur que la Convention avait décrétées.

Les parents de Marie Marguerite la confièrent de bonne heure aux mains pieuses qui devaient former l'esprit et le cœur de leur enfant. Les soins dont son âme fut, par-dessus tout, entourée, et la patiente formation à la piété dont elle fut l'objet, favorisèrent puissamment chez la jeune fille l'éclosion de la vocation religieuse. Elle fit donc profession au couvent de Sainte-Ursule et elle y vécut une trentaine d'années jusqu'au jour où la tourmente dispersa les religieuses et détruisit le couvent.

Réfugiée à Bollène, elle y passa les quelques mois qui la séparaient de son arrestation. Au mois d'octobre 1792, expulsée une seconde fois du cloître où elle avait fait vœu de vivre et était résolue à mourir, elle ne consentit point à retourner à Pont-Saint-Esprit. Demeurée à Bollène, elle partagea la vie pauvre de ses compagnes, et le 2 mai 1794, sur la même charrette, elle prenait le chemin d'Orange. Incarcérée à la Cure, elle était jugée le 11 juillet, condamnée à mort et consommait son sacrifice le même jour, avec les Sœurs Sainte-Pélagie, Sainte-Théotiste, et Saint-Martin, dont nous avons ci-dessus retracé à grands traits la biographie, comme « religieuse insermentée du couvent de Bollène, du ci-devant ordre de Sainte Ursule ».

Dans son ignorance, ou dans la hâte avec laquelle il rédigeait ses actes, l'accusateur public l'avait comptée comme ursuline de Bollène, alors qu'elle appartenait au couvent de Pont-Saint-Esprit. Dieu qui permet, parfois, aux gestes des méchants, de rendre hommage à la vérité, avait voulu sans doute qu'on ne séparât pas, au seuil de la mort, ces filles d'une même mère, sinon d'un même foyer, dont les âmes avaient été, pendant les derniers jours, si véritablement et si entièrement sœurs.

Le même jour fut immolé un prêtre de Courthézon, l'abbé Benoît Marcel, qui après avoir, le 14 juillet 1791, puis le 16 septembre 1792, prêté le serment exigé par la Constitution, le rétracta courageusement devant ses juges. Le courage admirable des quatre religieuses martyres ne fut sans doute pas étranger à sa conversion. Il monta sur l'échafaud sans faiblir, et renouvela au moment où il allait être exécuté la rétractation de ses erreurs passées.

Abbé Maritan

 

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