JÉSUS-CHRIST EST LE FILS DE DIEU
TOME II

La vie cachée de Notre Seigneur jusqu'à son départ pour le désert

 

par Paulette Leblanc

 

4
La vie de Jésus adulte à Nazareth

 

  • 4-1-Jésus charpentier (tome 2 – Chapitre 18)

Marie-Aimée de Jésus remarque "que tous les actes du Verbe incarné eurent le double mérite de l'acte volontaire et de l'acte d'obéissance... Que choisit le Fils de Dieu?... Jésus est homme, mais il est Dieu également et il veut l'abjection[1]..." Jésus avait tout ce qu'il fallait pour traiter d'égal à égal avec les Docteurs de Jérusalem, mais il veut encore être oublié, ignoré, caché, inconnu, car l'Heure n'est pas encore venue. Jésus veut manger le pain qu'il aura gagné: il sera charpentier comme Joseph. Ainsi, chez les hommes comme en Dieu, Jésus occupera "le juste milieu... Ainsi, il montrera aux âmes simples et pures quelque chose de l'éclat de sa gloire...."  Et Marie-Aimée de s'écrier: "Il est des âmes qui vous contemplent, il en est qui vous comprennent autant qu'il est possible à de chétives créatures. Il en est auxquelles vous découvrez vos attraits intérieurs..." Ces âmes, peu nombreuses, apprennent l'estime de la vie cachée, obscure, oubliée.

De nouveau, Marie-Aimée s'adresse directement aux religieux et aux religieuses. "Leur vie est séparée de la multitude, mais pour les chrétiens, cette vocation est considérée comme un état supérieur et digne d'estime." Mais dans le monastère, si une âme est favorisée de quelque grâce exceptionnelle, elle doit le cacher, le dérober aux yeux des autres. Certes, cette vie dérobée est cruelle pour la nature, et l'âme doit demander souvent à Dieu la force nécessaire pour résister aux révoltes de l'amour-propre et aux aiguillons de Satan.

  • 4-2-Jésus au travail (tome 2 – Chapitre 21)

              4-2-1-Marie-aimée contemple Jésus dans son atelier

Marie-Aimée contemple Jésus qui s'est mis au travail dès que ses forces le lui ont permis: quel exemple! "Le labeur d'un Homme-Dieu, quel paiement à la justice divine pour le péché de l'homme et quelle leçon pour celui-ci!... Si l'homme était demeuré dans l'innocence, le Verbe se serait incarné... alors le Christ n'aurait pas souffert et ne serait pas mort; il aurait sans doute travaillé avec l'homme, non péniblement, puisque la terre aurait tout produit d'elle-même, mais pour vivre la vie de l'humanité... Il se serait interrompu pour chanter avec l'homme les louanges de Dieu..." Mais l'homme a péché et il doit manger son pain à la sueur de son front. Alors le Verbe s'incarne "par un amour de compassion envers sa créature déchue... pour glorifier et faire glorifier la Bonté manifestée par la Miséricorde." Et le travail de l'homme est ennobli, élevé à l'ordre divin. Grande joie pour les ouvriers!

"Les pensées de l'esprit de Jésus, les sentiments de son cœur sont si divins... qu'ils sauvent le monde. Jésus sait qu'Il nous instruit, nous console, nous soutient par son labeur... Il révèle dans une éclatante lumière son amour de la pauvreté... Jésus se plaît à agir comme les pauvres... Il n'est pas pauvre par nécessité, mais par attrait... Ô humilité de Celui qui, ayant tout fait de rien ne recherchait pas tel ou tel travail en lui-même, mais voulait surtout nous inspirer, en toutes choses, l'amour de la simplicité... Seigneur, Vous ne cessez jamais d'être grand, même dans vos abaissements parce que vous êtes la grandeur même..."

              4-2-2-Réflexions sur le travail dans la vie religieuse

La vie religieuse est toujours et obligatoirement, à la fois active et contemplative. Mais l'amour du travail bien fait est une vertu qui a pour modèle la vie même du Verbe incarné sur la terre. Cette vertu "n'existera plus au ciel, mais elle est indispensable sur la terre, car le véritable amour préfère le labeur au repos; il préfère se dévouer à son objet que d'en jouir, c'est l'amour désintéressé... Nous ne pouvons et nous ne devons pas plus nous dispenser du travail que de la nourriture; l'une doit être gagnée par l'autre... L'enseignement de Jésus est infaillible. Il nous apprend non à vivre comme des anges, mais comme a vécu un Homme-Dieu... Gardons notre esprit et notre pensée pour Dieu; abandonnons le corps à ce pour quoi il est destiné... En vraie pauvre, l'âme religieuse aime

à penser que son travail aide à soutenir la vie de ses sœurs et à faire l'aumône: ainsi faisait Jésus... L'âme solitaire travaille dans la retraite et le silence... L'obéissance règle le travail de toute âme religieuse."

              4-3-La vie de Jésus avec Marie et Joseph (tome 2 – Chapitre 19)

Jésus-Christ est Dieu. Il ne veut et n'agit que sous l'inspiration du Saint-Esprit. Mais Il est vraiment homme, et, pour les choses extérieures et courantes, Il est soumis à Marie et à Joseph. Cela est un grand mystère. Jésus apprend de Joseph le métier de charpentier, Il écoute ses leçons avec grande attention. Son intelligence divine se soumet à une intelligence humaine. Quelle humilité! Marie-Aimée s'extasie: "Il y a en Jésus un sentiment auquel on pense peu, c'est celui de la joie que l'humilité lui fait rencontrer et goûter, dans l'héroïque soumission qu'il rend à ses créatures en vue de son Père céleste... Jésus est simple, très simple... Il obéit dans la sérénité, toutes ses puissances étant tournées vers Dieu le Père céleste... Jésus n'a qu'un seul désir: accomplir la volonté de son Père... Jésus obéit, et c'est tout... Plus les actes de Jésus sont ordinaires pour nous, plus il est merveilleux qu'un Dieu s'y assujettisse. Jésus ne voit que son Père, et Il obéit...

Ô divinité, que votre nom est glorifié par une telle humilité! Que votre puissance est dignement louée par une telle impuissance! Que votre sagesse est hautement louée par une telle folie! Que votre science est divinement exaltée par ce semblant d'ignorance! Ô anges, ô hommes, abîmons-nous dans ce mystère!"

D'où la méditation de Marie-Aimée sur la vertu d'obéissance. "L'âme qui vit avec Jésus-Christ depuis sa naissance et qui l'a suivi avec fidélité en contemplant assidûment tous ses actes, est obéissante sans aucun doute... Mais est-elle soumise? La soumission est la parfaite obéissance, celle qui joint à l'accomplissement exact, prompt et joyeux de ce qui est commandé, l'humilité de l'esprit, l'adhésion de la volonté, l'approbation du jugement; le contentement du cœur..." Jésus a donné l'exemple en se soumettant aux hommes. Soumettre ses facultés, pour Dieu, c'est le triomphe de l'amour, et "plus on aime, plus on s'élance vers ce qui peut plaire à Dieu qu'on aime... La soumission, pour être parfaite, s'étendra à toutes les personnes qui à un degré ou à un autre, peuvent intimer des ordres; car, pour une entière conformité avec le divin Maître et par amour pour lui, l'âme se complaît dans une obéissance totale qui la soumet à toute créature..."

  • 4-4-Jésus et le Sabbat (tome 2 – Chapitre 24)

La justice de Dieu est toute bonté. Après avoir créé le monde, Dieu se reposa le septième jour. C'est un modèle pour l'homme qui devra se reposer, selon le précepte, pour se souvenir de Dieu. Mais que se passait-il dans la sainte famille, le jour du Sabbat? Marie-Aimée nous répond:

"Entrons dans la maison de Nazareth. C'est  le soir du sixième jour de la semaine. Le soleil... disparaît à l'horizon. Au même instant Jésus, Marie et Joseph se prosternent devant celui qui a créé toutes choses... Le Christ passe la nuit en prière et la plus grande partie du saint jour. .."

Marie-Aimée contemple Jésus qui est comme en extase, et elle distingue en lui trois regards:

- "Le premier regard du Verbe incarné s'étend du premier jour du monde au septième. Jésus se repose en contemplant la magnificence des œuvres divines...

- Le deuxième regard du Verbe incarné s'étend du septième jour du monde, au jour plus brillant de sa glorieuse résurrection... Ce sont quarante siècles qui passent[2], et avec eux toutes les générations: les patriarches, les prophètes, Marie, l'Incarnation, sa naissance, sa vie, sa mort... Jésus entre d'avance dans le repos si doux du Dieu Rédempteur et dans les célestes joies de sa Résurrection. C'est principalement pendant cette extase que la vigueur du corps sacré de Jésus se renouvelle, pour endurer de nouveaux travaux.

- Le troisième regard du Verbe incarné s'étend du jour de la résurrection auquel le sabbat cèdera, pour tous les siècle à venir, son repos religieux à cet autre huitième jour qui sera celui du dernier jugement... Et Jésus entre d'avance dans le repos de Dieu sanctificateur. Tout son être le loue, par anticipation avec tous les saints, anciens, présents et futurs, dont il a la consolante vision.

Ces trois regards sont des regards d'admiration: admiration dans le monde de l'homme, admiration dans le monde du Christ, admiration dans le monde de la grâce."

Jésus bénéficie aussi de trois repos: "un repos de silence et d'adoration, un repos d'amour et de reconnaissance, un repos de louange et de jubilation. Silence et adoration en Dieu Créateur, amour et reconnaissance en Dieu Sauveur, louange et jubilation en Dieu Sanctificateur..."

Sœur Marie-Aimée se "retrouve" dans la sainte Trinité dont elle contemple les repos. Pour elle, "le repos du septième jour est le repos du Père, parce que la création est son particulier ouvrage. Le repos de la résurrection est le repos du Fils... Le repos de l'éternité, suivant la cessation du temps, est particulièrement le repos du Saint-Esprit, parce que la sanctification des âmes est son particulier ouvrage... Ainsi, à cause de l'unité des personnes dans la Trinité, ce que l'une fait, l'autre le fait aussi... Ainsi, le Père et le Saint-Esprit faisaient entrer le Christ dans leurs repos respectifs..."

Marie-Aimée revient à la vie religieuse et à la façon dont l'âme religieuse doit sanctifier le dimanche, glorieux anniversaire de la résurrection de Dieu Rédempteur. Le dimanche remplace le sabbat dans la loi nouvelle, car l'œuvre de la Rédemption est plus grande que celle de la création, et cette œuvre de la Rédemption demanda un sublime effort de l'amour. Seule l'assistance au saint sacrifice est obligatoire le dimanche, et les œuvres serviles sont défendues. Malgré cette tolérance, Marie-Aimée s'afflige des profanations si nombreuses du saint jour du dimanche:

"Pour la religieuse, la plus grande partie du dimanche s'écoule dans le doux repos de la prière; si elle s'accorde quelque distraction, c'est par pure nécessité... D'un dimanche bien sanctifié, la religieuse tire des fruits de renouvellement dans l'amour de Dieu et dans l'esprit de sa vocation... Le dimanche est comme un jour de retraite... Ce jour-là elle a un immense besoin de contempler l'objet de son amour, de se perdre en lui pour le mieux trouver et le mieux glorifier... Plus l'âme vraiment contemplative s'est adonnée au travail, en vue de Dieu, durant la semaine, mieux elle se repose en lui le dimanche... Le lendemain du Jour du Seigneur, elle se montre empressée à remplir son devoir... La flamme de son amour est plus vive et l'entraîne plus loin." D'où la plainte de Marie-Aimée: "C'est que hier, elle a vu les impies transgresser la loi du Seigneur, elle veut satisfaire sa justice, dédommager son amour... et attirer sur les coupables par les mêmes moyens qu'employa son Sauveur, des grâces de conversion."

  • 4-5-Les conversations de Jésus  (tome 2 – Chapitre 23)

Marie-Aimée de Jésus pénètre au sein de la pensée de la sainte Trinité: "Le Père connaît son Fils, le Fils connaît son Père; le Père et le Fils connaissent le Saint-Esprit comme le Saint-Esprit connaît le Père et le Fils. Le Père n'a pas une autre pensée que la pensée du Fils, le Fils n'a pas une autre pensée que la pensée du Père; le Père et le Fils n'ont pas d'autres pensées que les pensées du Saint-Esprit, comme le Saint-Esprit n'a pas d'autres pensées que les pensées du Père et du Fils. Le Père aime son Fils et le Fils aime son Père; le Père et le Fils aiment le Saint-Esprit comme le Saint-Esprit aime le Père et le Fils. Voilà précisément ce qui peut expliquer ce qui est vraiment inexplicable, c'est-à-dire ce mode de communication qui existe entre les trois personnes de l'indivisible Trinité, mode qui est un sublime langage, sans parole, et dont l'entretien d'âme à esprit peut seul donner une idée... Oh! qu'il est doux et agréable l'entretien des trois personnes qui, étant distinctes, forment une réelle société, et qui, étant unies indivisiblement, sont un seul et même Dieu, le seul Dieu! Et cependant que dit ce Dieu par son Verbe? 'Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes!'...

Le Verbe s'est fait homme pour converser avec l'homme, et le premier homme avec lequel il converse, c'est lui-même, étant Dieu et homme...  Deux natures et une seule Personne, le seul Verbe, le seul Christ, Fils unique de Dieu, Fils unique de la Vierge!... La perfection achevée, complète, incréée, avec la perfection créée, la vie avec la Vie, l'amour avec l'Amour! Y avons-nous pensé? Le ruisseau avec sa source, la fleur avec sa tige, le fini avec l'infini, le créé avec l'incréé, Dieu avec l'homme, Emmanuel!..."

Ainsi la divinité se montre à l'intelligence de l'âme de Jésus-Christ, en se manifestant à elle; celle-ci lui répond en l'adorant. "L'intelligence de Jésus-Christ ne peut cesser de parler le langage de l'adoration parce que la divinité ne cesse point de lui parler celui de la vision... La volonté de Jésus-Christ ne peut cesser de s'entretenir avec la divinité par l'amour... L'intelligence de Jésus-Christ ne peut pas pénétrer par elle-même toutes les pensées et tous les desseins de la divinité, mais la divinité lui communique ses secrets par intuition..."

Jésus-Christ voit, avec les pensées de Dieu, nos maux et nos besoins. "Ô Dieu, quelles grandes choses! L'âme peut à peine les envisager, elle a besoin de s'abîmer..." Les premières créatures avec lesquelles Dieu s'entretient par Jésus-Christ son Fils, furent Marie et Joseph. Mais que leur dit Jésus? "Excepté pour les choses nécessaires à la vie, Jésus n'eut le plus souvent, avec Marie et Joseph, que des conversations intérieures. La Vierge et Joseph exposaient au Seigneur leurs doutes, leurs difficultés, leurs peines, comme nous le faisons dans l'oraison, et Jésus leur répondait comme il nous répond à nous-mêmes, quoique par des paroles plus distinctes et accompagnées de plus vives lumières... Pour les choses inférieures ou nécessaires à la vie, Jésus usait de la parole ordinaire avec Marie et Joseph, comme avec les autres hommes..."

Cependant, "le silence des trois saints contemplatifs était rarement interrompu et pour fort peu de temps... La vie de Jésus n'est pas extraordinaire comme nous le pensons; elle est, à l'extérieur, on ne peut plus simple et ordinaire. Le Christ était considéré comme le Fils de Joseph... Et comme à Nazareth, Marie et Joseph avaient des relations de connaissances, il est hors de doute que Jésus eut, dans des circonstances inévitables, des occasions qui sollicitaient de leur part des rencontres, des entretiens ou ce que réclame la charité." Tout naturellement, Marie-Aimée de Jésus va traiter de la manière de sanctifier les récréations, dans son couvent. Mais ce qui suit regarde aussi chaque âme en particulier.

"Il est une conversation continuelle que toute âme doit avoir avec Dieu: aspiration, adhésion, regard simple de l'intelligence, souvenir affectueux de la mémoire, volonté droite, intention pure, amour fidèle. Ce langage ne fatigue pas puisqu'il est sans parole... Pour ses relations extérieures, Jésus-Christ regardait tous les hommes comme ses frères... Les entretiens de la religieuse doivent respirer la simplicité et l'humilité de Jésus conversant... Dans la plupart des ordres religieux, on travaille en se récréant... et ce délassement n'est pas moins nécessaire à l'âme qu'au corps... Au point de vue spirituel, cette détente est également indispensable...

C'est le Seigneur qui a voulu que de temps en temps les récréations s'interposassent entre lui et notre esprit, non pour cacher à celui-ci son divin objet qui est Dieu, mais pour le reposer, alors qu'il le regardera comme à travers les créatures... Heureuses les religieuses à qui Dieu départit le don de dilater les âmes, comme le faisait Jésus pour ceux qui l'approchaient... Ainsi, les récréations sont une école de perfection... Croyons que l'humilité qui demande et qui obtient du céleste Époux la suspension de ses plus précieuses faveurs à ce moment, en est bien dédommagée ensuite... Dilatons-nous, épurons-nous, simplifions-nous..."

  • 4-6-La mort de Saint Joseph (tome 2 – Chapitre 25)

L'Évangile ne dit rien de la mort de saint Joseph, ni de la date, ni des circonstances. Sœur Marie-aimée de Jésus en est très consciente. Elle ne peut que constater que Joseph bénéficia d'un "privilège incomparable de mourir entre les bras de Jésus et de Marie... Joseph va mourir; Jésus éprouve en son cœur la douleur de se séparer de lui. Il ressent en même temps la douleur de Marie qui perd... son époux, son protecteur, son ange visible et son soutien." Quant à Joseph, le mourant, sa douleur est grande aussi car il va être séparé de Jésus et de Marie qu'il ne reverra qu'après l'ascension de Jésus.

Marie-Aimée s'étend peu sur saint Joseph; par contre, elle profitera de cette méditation pour conseiller les âmes religieuses, celles qui vont mourir et celles qui les assistent. Après avoir redit que les monastères sont des maisons de paix, elle sait que de temps en temps "l'ange de la mort vient dire, de la part de Dieu, à l'une des âmes qui y vivent: 'Voici l'Époux qui vient'!" Un certain temps va s'écouler entre l'annonce et la mort de l'âme choisie qui devra "se préparer, se laisser purifier, consumer." Et la garde malade devra "imiter, à la lettre, Jésus auprès de saint Joseph... L'âme religieuse doit bien se garder de parler aux malades à cette heure suprême, des choses de ce monde auxquelles elles doivent être mortes depuis longtemps. Elle les entretiendra peu du purgatoire, moins encore de l'enfer, à moins d'une nécessité particulière; beaucoup de la Passion de Notre Seigneur, beaucoup du ciel et de ceux qui l'habitent... Témoigner, aux malades, une sincère affection, mais forte, élevée, toute passée en Dieu, est le fait d'une âme qui possède et qui donne Jésus-Christ..."

Quand l'Époux est venu chercher l'âme de son épouse, c'est un devoir pour celles qui lui survivent, "de garder son corps pour lui rendre les derniers devoirs... Car ce corps, c'est le Temple de la Sainte Trinité, c'est le tabernacle et le ciboire de Jésus-Christ. Ce corps n'a pas été créé pour le tombeau, mais pour le Christ... Traitons ce corps avec honneur et respect: un jour il suivra l'Agneau partout où il ira... Enfin, quand tout est fini aux yeux du corps, tout commence aux yeux de l'âme qui a la foi..."

  • 4-7-Jésus pénitent universel (tome 2 – Chapitre 22)

Marie-Aimée contemple Jésus avec ses yeux de la fin du 19ème siècle et la connaissance qu'elle avait des habitudes et des misères de la société des débuts de l'ère industrielle. Ses méditations sur les austérités et les pénitences de Jésus sont également conformes aux mentalités de son époque. Ainsi, Marie-Aimée écrit: "Le Fils de Dieu fait homme n'a pas été un seul instant sans souffrir, depuis son incarnation jusqu'à sa mort." Cette affirmation est peut-être exagérée, car Jésus, Dieu fait homme pour connaître tout ce qui fait une vie humaine, a forcément éprouvé des plaisirs, des satisfactions et de la joie dans ses activités quotidiennes et dans son travail. Ceci étant bien posé, on peut revenir à la méditation de Marie-Aimée, en la transposant sur les ouvriers de son temps dont les souffrances et la misère étaient très grandes. Ainsi, Marie-Aimée écrit: "Jésus-Christ qui est l'humilité même a voulu que les hommes de son temps ne soupçonnassent point sa pénitence et qu'elle ne leur parût qu'une suite de sa pauvreté...

Dès le matin il quittait le lieu où il était déjà depuis longtemps prosterné devant son divin Père, et il commençait sa pénible journée d'ouvrier... Il soutenait sa vie avec de pauvres aliments... tout comme les pauvres. Jésus ne quittait le travail que lorsque le jour lui refusait sa lumière... et il demeurait en prières bien avant dans la nuit... Ô mon Jésus! Quelle vie! La vie d'un ouvrier et d'un anachorète tout ensemble... Nul sur la terre, sinon Marie et Joseph, ne connaît le secret de vos jeûnes, de vos abstinences, de votre nourriture, de vos fatigues, de vos veilles..."

Marie-Aimée raconte que pendant qu'elle méditait les austérités de la vie de Jésus, "elle comprit que le Verbe ne s'était incarné, à titre de Rédempteur, que pour mener une vie pénitente, parce que la divine justice avait résolu de sauver, par la pénitence, l'homme déchu de l'innocence... Les impies n'ont-ils pas dit dans l'égarement de leurs pensées: 'L'homme après sa mort n'a plus de bien à attendre, et on ne sait personne qui soit revenu des enfers... Le temps de notre vie n'est qu'une ombre qui passe: après la mort, il n'y a plus de retour... Allons donc, jouissons des biens présents. Hâtons-nous d'user des créatures tandis que nous sommes jeunes. Enivrons-nous des vins les plus excellents... car c'est là notre sort et notre partage.'

Et le Christ, couvrant la voix arrogante des insensés a dit au Très-Haut: 'Je m'offre à vous, ô mon Dieu, pour vivre, dès ma jeunesse, dans la plus austère pénitence et dans la privation de toutes choses... Je vous aurai dignement glorifié, Père Saint. J'aurai sauvé des hommes, je serai en droit de dire à ceux qui, malgré tout, se seront perdus: qu'aurais-je dû faire pour vous que je n'aie pas fait'?"

Marie-Aimée comprit alors que si le Christ avait embrassé une vie si pénitente, c'était afin d'obtenir le salut de milliers d'âmes. Elle livre alors quelques réflexions sur l'esprit de pénitence dans la vie religieuse. "Si elle est lâche, c'est que l'amour, en elle, n'est pas assez fort pour donner vie à l'esprit d'expiation... et qu'elle a oublié, avec le temps, ce qui manque à la sainte Passion de Jésus... Désormais son âme ne cessera de répéter: 'quoi qu'il t'en coûte, il faut imiter Jésus'..." Marie-Aimée énumère ce qui lui coûte: se mortifier, veiller et travailler après une pénible journée, souffrir de la faim, habiter une cellule incommode, endurer le froid et le chaud, coucher sur la dure, se maltraiter et paraître se ménager. Tout cela coûte beaucoup, mais quand on aime!... "Quand on aime beaucoup, tout ce qui faisait souffrir quand on aimait peu devient un plaisir, tout ce qui peinait devient une joie... C'est toute la théologie de l'amour..."

Marie-Aimée croyait que la vie de Jésus avait été ordinaire, mais elle vient d'entrer dans l'intimité de la vie de Jésus et elle s'écrie: "Mon Dieu, soyez béni! Car les nouvelles connaissances que j'y ai puisées m'ont donné une idée plus vraie de la vie religieuse et de la manière dont je dois en vivre. Vie pénitente, prolongement de la vôtre, ô Jésus!"      

  • 4-8-Jésus quitte Marie pour aller au désert (tome 2 – Chapitre 26)

              4-8-1-Le départ de Jésus

Joseph n'est plus. Jésus, resté seul avec Marie a continué humblement son travail de charpentier. Personne, à Nazareth, n'a deviné qu'Il était le Messie promis. Mais l'Heure vient, et Jésus doit commencer sa vie publique. "Il annonce à sa tendre Mère l'heure prochaine de la séparation et lui montre, sinon dans les détails, du moins dans l'ensemble, les événements qui vont se succéder jusqu'à sa triomphante Ascension...

Jésus et Marie se séparent... Désormais Marie sera seule." Son sacrifice est immense car elle sait où va son Bien-Aimé. Son cœur souffre, car elle est Mère et Mère d'un Homme-Dieu. Jésus s'éloigne, grand dans sa simplicité, fort dans sa douceur. "Rien, en dehors des intérêts de Dieu, ne captive son attention, ne le retient, ne l'attire; seule la cause pour laquelle il est venu ici-bas, le fixe et l'occupe. Sa mission de Rédempteur et de Sauveur, ses augustes titres de prêtre et de Victime, donnent à son caractère une nuance admirable de dignité et de gravité. Il est grand sans hauteur, doux sans faiblesse, fort sans dureté, égal sans être insensible, ferme sans jamais descendre... L'Esprit du Seigneur est sur lui... Le Christ est Dieu. Voilà pourquoi il est beau de cette beauté qui est l'empreinte de la substance du Père, étant sa splendeur, son reflet et... la blancheur de l'éternelle lumière... L'expression de la physionomie du Christ lui est donnée par la divinité qui habite corporellement en tout son être... Sa beauté n'est que le rayonnement de la beauté intérieure de son âme..."

              4-8-2-Le Christ est l'Époux des vierges

Sœur Marie-Aimée de Jésus revient de temps en temps au sujet qui l'a conduite à son travail d'écriture. Elle écrit: "Oui, Jésus est l'Époux des vierges, et elles veulent le chercher jusqu'au midi de sa gloire. C'est pourquoi leur amour, blessé par les blasphèmes des impies, se venge par des cantiques et des supplications. Leur amour s'étonne, non de la longanimité d'un Dieu, mais de la perversité des hommes, non de la miséricorde infinie, mais de l'ingratitude de ceux qui refusent d'y avoir recours..." Entre plusieurs autres saints, Marie-Aimée cite saint Paul de la Croix: "Mes frères, aimez Dieu qui mérite tant d'être aimé! N'entendez-vous pas les feuilles mêmes des arbres qui vous disent d'aimer Dieu?"

              4-8-3-Que dire aux blasphémateurs?

Après tous les saints auxquels elle fait référence, que dira Marie-Aimée? Pensant aux blasphémateurs elle écrit: "Depuis longtemps déjà je me reposais à l'ombre de l'arbre chargé de fruits, quand tout à coup retentit à mon oreille ce blasphème: 'Jésus n'est qu'un homme!' Alors, oubliant mes saintes résolutions, mes nobles ambitions, mon sexe même et ma jeunesse, je me suis mise à crier: 'Jésus est le Fils de Dieu!'

L'écho de ma voix est revenu à mes oreilles; j'en fus effrayée, j'en fus troublée, d'autant plus troublée que, dans le transport de ma foi, j'avais parlé; que, dans le délire de mon amour, j'avais écrit. La crainte d'être dans l'illusion m'a fait dire toute la vérité. J'ai voulu ensuite me taire, mais l'obéissance me l'a défendu. J'ai voulu brûler, déchirer, anéantir, mais l'obéissance s'y est opposée. Je tremblais, mais l'obéissance m'a rassurée. Et mon cri est long comme un livre! Ô Dieu, j'adore vos desseins!

Et vous, contempteurs du Christ que vous dirai-je?... Je ne vous ai fait entendre les cris enflammés que de quelques saints... Ma vie qui s'en va ne me permet pas de feuilleter les livres... Le Christ s'en va au désert, et, étant son épouse, je dois l'y suivre... Je veux le contempler et m'en nourrir. Après, ô ariens de nos jours, nous aurons de nouvelles raisons pour dire et de nouvelles forces pour crier: 'Jésus est le Fils de Dieu'!"

              4-8-4-La maturité de la vie intérieure

Marie-Aimée de Jésus conclut le tome 2 de son long ouvrage, par une réflexion sur la vie intérieure arrivée à maturité. En effet, après avoir longuement étudié la vie cachée de Jésus, l'âme épouse a dû comprendre comment Jésus voulait la transformer et la faire parvenir à la maturité –la virilité- de la vie intérieure. L'âme épouse doit maintenant posséder l'équilibre de ses puissances et de ses facultés et entrer avec Jésus dans le désert. Marie-Aimée donne quelques précisions:

"L'âme fidèle a bientôt trente ans dans la vie du Christ. Elle a bientôt cet âge si elle sait avoir l'œil à tout... si elle vraiment imitatrice de Jésus-Christ. Elle a bientôt trente ans l'âme qui a assez d'empire sur elle-même pour dominer l'orgueil et les émotions de l'impatience... Elle sait accepter les réprimandes, les reproches, les accusations sans fondement... Elle aime à rester dans l'ombre... et attend surtout l'heure de Dieu... Elle est assez sincère avec elle-même pour reconnaître et s'avouer ce qu'il y a encore à extirper en elle d'amour-propre... Le Saint Esprit lui montre alors le portrait qu'il lui a tracé de Jésus-Christ... Et elle regardera où elle en est de son recueillement, de sa mortification, de sa simplicité, de sa pauvreté...

Cette âme annonce Jésus-Christ sans dire une parole; elle continue, sans même y penser, l'éloquente prédication de la vie cachée du Sauveur, celle de l'exemple... Voilà ce qu'ont été tous les saints sur la terre. Ils ont vécu 'à l'ombre bienfaisante de l'Arbre chargé de fruits' qui est Jésus; ils se sont nourris de lui, ce fruit si doux à leurs lèvres, ils l'ont offert à ceux qui les entouraient."


[1] N'oublions pas que Marie-Aimée utilise le vocabulaire de son temps, celui de la 2ème moitié du 19ème siècle. Aujourd'hui nous dirions plutôt la modestie ou l'humilité.
[2] À l'époque où vivait Marie-Aimée, on croyait encore que l'histoire des hommes avant Jésus-Christ n'avait que 4000 ans.

   

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