L'Appendice du tome I
Après
avoir rapidement raconté la vie de Dorothée Quoniam, nous
avons présenté à nos lecteurs les petits écrits de Sœur
Marie-Aimée de Jésus. Puis, nous nous sommes longuement
attachés à l'étude des trois premiers tomes de son œuvre,
œuvre destinée à prouver que Jésus est vraiment le Fils de
Dieu, contrairement aux affirmations d'Ernest Renan. Nous
avons pu remarquer dans ces trois premiers tomes, que Sœur
Marie-Aimée de Jésus présentait chaque étape de la vie et de
la prière du Christ, non comme une simple description des
épisodes de sa vie, mais surtout comme la preuve ou le
fondement d'un énoncé dogmatique. Et nous avons pu aussi
remarquer que chaque chapitre se terminait par une longue
analyse de la vie spirituelle, à partir des propres
expériences de Marie-Aimée. Des conseils, des mises en garde
et des explications émaillent chacun des thèmes traités,
rendant ces "choses" spirituelles trop souvent abstraites,
particulièrement vivantes, concrètes et sereines.
Cependant, il semblerait que ces réflexions sur la vie
spirituelle aient semblé insuffisantes à la religieuse
carmélite qu'était Marie-Aimée. À moins que l'Esprit de
Jésus qui inspirait Marie-Aimée ait voulu présenter et
approfondir les divers éléments qui constituent la vie
mystique, généralement trop peu connus, voire méprisés. Peu
importe, mais ce qui est sûr, c'est que l'œuvre
"Jésus-Christ est le Fils de Dieu" telle qu'elle est
présentée aux lecteurs dans le tome 1, comporte, dans son
long appendice, et suite à des méditations sur Moïse, des
précisions remarquables sur la vie spirituelle, telle que
l'a connue, dans son carmel, Sœur Marie-Aimée de Jésus.
Après
s'être un peu arrêtée sur les douleurs de Job, pour montrer
aux âmes religieuses toute la valeur de la souffrance:
souffrances spirituelles ou corporelles, Marie-Aimée de
Jésus va suivre Moïse et le peuple hébreu tout au
long de leur interminable périple à travers le désert,
depuis la sortie d'Égypte jusqu'à l'approche de la terre
promise.
Quant à
nous, après avoir traversé le désert avec Jésus, pour entrer
dans la vie intérieure que le Seigneur nous demande, et
avant de suivre Jésus tout au long de sa vie publique, nous
allons, à la suite de Moïse, nous préparer au long parcours
de vie spirituelle que nous offre Marie-Aimée contemplant
Jésus.
1-1-Notre
Moïse, c'est Jésus-Christ
Parlant de Moïse, le
Deutéronome affirme: "Je leur susciterai du milieu de
leurs frères un prophète qui sera semblable à toi. Je
mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce
que je lui commanderai..." Marie-Aimée entre tout de
suite dans la vie intérieure. Elle écrit: "Lorsqu'une
âme est appelée à être épouse d'une manière plus parfaite,
il faut qu'elle soutienne les travaux de la vie intérieure;
et pour cela il faut auparavant qu'elle les connaisse et les
accepte... Si l'âme marche devant Dieu avec une entière
droiture... sans se préoccuper de l'heure... son attente
paisible, son abandon lui vaudront toute grâce, car la
soumission à la volonté de Dieu est non seulement le
commencement de la sainteté, mais elle en devient la
consommation...
Il faut passer par le désert pour entrer dans la terre
promise... et nous avons Moïse pour nous y conduire...
Dieu
le Père nous donne son Fils afin que ce Fils nous conduise à
Lui. Le Père descend vers nous par son Fils; par le Fils
nous allons au Père: nous ne pouvons y aller de nous-mêmes.
Le Saint-Esprit, lien d'amour personnel entre le Père et le
Fils, nous conduit également au Père par le Fils. Notre
Moïse, c'est donc Jésus-Christ... C'est le divin
ambassadeur, c'est l'envoyé et en même temps celui qui
envoie...
1-2-Le
directeur spirituel
Dans
l'exode Dieu dit à Moïse: 'Tu répéteras à Aaron tout ce que
tu auras appris de Moi, et il parlera pour toi au peuple.'
Quel est ce Moïse pour nous sinon Jésus-Christ? Quel est cet
Aaron, sinon l'Église ou les prêtres chargés par
Jésus-Christ de nous communiquer tout ce qu'Il leur a dit de
la part de son Père?... Dieu confie à ses ministres le soin
de nous indiquer la voie et de nous y assister..."
Hélas!
il y a des âmes qui prétendent n'avoir besoin de personne et
que Dieu leur suffit! C'est un manque de foi et d'humilité,
et c'est une erreur car elles croient n'avoir besoin de
personne. Il est nécessaire de traiter des affaires de son
âme avec un directeur spirituel. S'inspirant des conseils de
Thérèse d'Avila, Marie-Aimée traite alors non seulement de
la nécessité d'avoir un directeur spirituel, mais également
de la manière de se conduire avec lui. "Quand Dieu a
donné un guide à l'âme, elle doit s'abandonner à sa conduite
avec confiance et esprit de foi... L'âme doit obéissance et
respect à la direction... On doit aimer le guide de son
âme... le saint prêtre qui aime par le Cœur et le sang de
Jésus-Christ..." Suit la description du bon prêtre,
dévoué aux âmes.
Mais attention, nous indique
Marie-Aimée, "l'âme
qui n'a pas de directeur, sans qu'il y ait rien de sa faute,
ne doit pas s'affliger, mais plutôt penser qu'elle est de
celles dont Dieu se charge... du nombre de celles dont Dieu
s'est réservé le soin... et que son amour doit lui
suffire...
Le
Seigneur marchait devant Israël dans une colonne de nuée et
dans une colonne de feu. C'est ainsi que Jésus-Christ marche
devant nous. Il nous conduit pas ses ministres comme par la
colonne de feu; il nous dirige par son Saint-Esprit comme
par la colonne de feu..."
Marie-Aimée explique très bien que "le démon n'a pas
coutume d'attaquer ouvertement l'âme qui est tiède ou qui
est liée par quelque imperfection habituelle; il l'endort...
Au contraire, quand l'ennemi la voit sortir de son
sommeil... il s'inquiète, lève le masque, prépare ses armes
et poursuit cette âme jusque dans la solitude où Dieu
l'attire pour lui parler au cœur..." Comme une âme qui
correspond à la grâce rend plus de gloire à Dieu, l'enfer
mettra en œuvre tous ses moyens pour l'attiédir et
l'empêcher d'avancer. La vie des saints abonde en traits qui
sont la preuve de la rage de Satan contre eux. Marie-Aimée
cite certains saints qui ont été particulièrement la cible
de Satan, comme par exemple: saint Antoine du désert, Marie
l'Égyptienne, ou sainte Thérèse.
2-1-Le
désert
Les âmes
généreuses s'enfuient au désert, mais Satan les suit. "En
langage ascétique, désert est synonyme d'obscurité, de
sécheresse... L'âme entrant dans le désert, entre dans
l'obscurité. Dieu la guide, mais elle ne le voit pas... À
l'état d'obscurité se joint bientôt l'état de sécheresse...
L'âme ne voit et ne sent plus rien." Elle ne peut
avancer que par l'exercice des vertus théologales: foi,
espérance et charité. L'âme avance dans le désert et arrive
à Mara (les eaux amères que Dieu rendit douces pour les
Hébreux) où elle doit boire les amertumes de la contrition.
L'âme considère la perte des grâces qu'elle avait reçues,
elle a honte de ses péchés. Enfin elle contemple Jésus
crucifié.
Si l'âme
est découragée, qu'elle regarde Jésus en Croix. "Au pied
de la Croix, l'âme contrite et humiliée oubliera ses
intérêts personnels pour regarder le visage de Jésus
mourant..." Le démon s'enfuira.
2-2-L'appétit
des consolations humaines
Les Hébreux sont dans le
désert. Ils n'ont pas tout ce qu'ils désirent et ils
murmurent contre Moïse... Marie-Aimée écrit:
"Le démon, qui sait combien
l'âme profite dans les privations du désert, excite en la
partie inférieure l'appétit des consolations humaines et
divines... afin d'entraver l'œuvre purificatrice de Dieu...
Une sage direction la fera généreusement renoncer à toutes
sortes de consolations intérieures et extérieures et
accepter le jeûne, le silence et la solitude... Heureuse
l'âme qui sait obéir et comprendre le don de Dieu sous cette
apparente rigueur!"
Si, au contraire elle cherche
secours auprès de ceux qui n'ont pas la mission de la
conduire, si on la plaint, on l'amollit... et Dieu se
retire. Dès lors elle perd son temps dans une stérile
impuissance. "L'Écriture nous montre encore, (avec
l'image des cailles et de la manne données aux israélites)
combien les
consolations humaines sont inférieures aux divines... La
manne est la figure de la Sainte Eucharistie, dans laquelle
Jésus-Christ, pain vivant descendu du ciel, s'incorpore à
l'âme pour la fortifier... Sachons croire, sachons espérer,
sachons surtout beaucoup aimer, même et surtout à nos
dépens... Nous avons notre Moïse pour nous conduire. Il est
notre voie et notre vie; il voyage avec nous jusqu'à... ce
que nous soyons entrés dans la vraie terre promise..."
2-3-La
soif
"De
même que le pain et l'eau sont indispensables à la vie
naturelle de l'homme, de même la sainte Eucharistie, figurée
par la manne, et la sainte Écriture, figurée par l'eau du
rocher, sont également indispensables à la vie surnaturelle
de l'âme...
La
manne ne suffisait pas aux Hébreux, il leur fallait de
l'eau. Une des plus grandes épreuves que Dieu puisse envoyer
à une âme, c'est de lui retirer le goût et l'intelligence de
la sainte Écriture et des lectures spirituelles... L'âme qui
passe par cette épreuve doit s'appliquer, humblement, à la
méditation de la sainte Écriture à l'aide de commentaires...
L'âme fidèle verra la roche inébranlable de l'Écriture se
fendre sous la verge puissante du véritable Moise; bientôt,
elle se désaltérera à ses eaux vivifiantes..."
2-4-Amalec,
figure du démon
Amalec
était le roi des ennemis d'Israël. C'est contre lui que
Josué eut à lutter, Moïse lui ayant confié le commandement
de la bataille. C'est durant ce combat que les bras de Moïse
furent soutenus pas Hur et Aaron. Quand les bras de Moïse
étaient levés, les Hébreux avaient le dessus; au contraire,
dès que Moïse baissait les bras, les Amalécites avaient
l'avantage. Pour Marie-Aimée de Jésus, Amalec "dans la
vie spirituelle, peut être regardé comme la figure de
Lucifer, roi de l'abîme, chef des démons, par conséquent
ennemi de Dieu, tyran des âmes..." Les armes des démons
sont surtout les tentations de toutes sortes qui excitent
les passions et la concupiscence. "Mais ce qui peut nous
rassurer, c'est que, malgré toute leur rage, les démons ne
peuvent rien faire sans la permission de Dieu..." Dieu,
en effet, veut éprouver notre liberté.
Marie-Aimée décrit ensuite les
tentations suscitées par les démons et les moyens de s'en
protéger. Elle écrit: "L"âme qui veut être victorieuse de
ses ennemis doit se munir, contre toutes leurs attaques, de
ses armes habituelles: la défiance d'elle-même, la confiance
en Dieu, le mépris de ses adversaires et la prière..."
Le Seigneur est à la fois notre Josué et notre Moïse. Josué
combat avec nous, et Moïse prie pour nous. Après la victoire
des Israélites sur les Amalécites, Dieu demanda à Moïse
d'écrire ce fait dans un livre, afin que le souvenir en soit
conservé. "C'est
ainsi que l'âme après ses victoires, au lieu de se
considérer elle-même, doit graver dans sa mémoire les grâces
et les assistances de Dieu..."
Si au contraire l'âme a
succombé à la tentation,
"qu'elle se plonge au plus tôt
dans le sang de Jésus-Christ, au lieu de se désespérer... Le
sang de Jésus-Christ, c'est un sang divin, c'est un sang
intelligent, c'est un sang régénérateur, c'est un sang qui
nous sauve..."
3-1-Les
purifications nécessaires
Dieu va se manifester à Moïse
et aux enfants d'Israël. Auparavant les Hébreux devront se
purifier pendant trois jours. Marie-Aimée de Jésus se
penche sur les grandes souffrances que le divin Époux peut
envoyer aux âmes.
"Le divin Maître a deux raisons pour cela: 'éprouver l'âme
et épurer son amour. Cette âme aime-t-elle le Seigneur pour
Lui seul... Est-ce bien lui seul qu'elle cherche?'... Si
l'âme s'est proposé, pour but de ses efforts, l'union à
Dieu, si elle n'a vraiment en vue que sa plus grande
gloire... alors, si le Bien-Aimé se cache... si ses yeux
semblent menaçants... l'amour de l'âme ne fera que
s'accroître, se fortifier, s'épurer.
L'amour s'épurera, car tel est le second dessein de Dieu en
traitant l'âme aimante avec rigueur... Dieu plongera l'âme à
plusieurs reprises dans l'épreuve... et quand l'âme sera
jugée digne du céleste Époux,... alors le Seigneur lui fera
connaître ses desseins avec un redoublement d'amour..."
Moïse apporta aux Hébreux les
ordonnances du Seigneur, et tous promirent d'y être fidèles.
Alors Moïse égorgea des victimes.
"De même l'âme renouvelle ses
engagements avec une générosité fortifiée par l'épreuve...
L'autel, dans son âme, c'est l'amour qui immolera les
victimes que sont les vues, les désirs et les convoitises de
l'amour-propre..."
3-2-Les
tentations contre la foi
Moïse
doit rejoindre Dieu sur la montagne. Comme il s'attardait,
le peuple demanda à Aaron de lui faire un dieu visible: le
veau d'or. Suivant les divers épisodes de cet événement
dramatique, Marie-Aimée indique qu'il y a deux sortes de
tentations contre la foi: celles qui ont rapport aux vérités
mystiques, comme la présence de Dieu dans l'âme, malgré son
silence apparent, et celles qui ont rapport aux vérités
dogmatiques comme l'existence de Dieu ou la présence réelle
de Jésus-Christ dans l'Eucharistie.
Quand Moïse vit le veau d'or,
il entra dans une grande colère et brisa les tables de la
Loi. De même, "si vaincue par la lassitude, l'ennui,
l'âme a été infidèle à ses saintes résolutions, si elle a
lâchement délaissé le céleste Époux, qu'elle retourne à Lui
sans différer..." La différence qui existe entre les
élus et les réprouvés, c'est que tous sont tombés plus ou
moins; mais les uns se sont relevés autant de fois qu'ils
sont tombés, tandis que les autres ne se sont pas relevés.
En ce qui concerne les autres
tentations, relevant du domaine dogmatique, Marie-Aimée
estime que ce n'est pas en scrutant avec son esprit les
vérités mises en doute, mais avec son cœur, en disant:
"Je crois mon Dieu
que vous pouvez faire plus que je ne puis comprendre. Si je
vous comprenais, vous ne seriez pas mon Dieu..."
Et voici un nouveau couplet
contre les hérétiques:
"Tandis que les malheureux
hérétiques sont réduits, et sans s'en douter, à l'état
humiliant d'êtres sans raison à cause de leur incrédulité
coupable, l'âme fidèle sera comme déifiée à cause de sa foi
et rendue capable de voir éternellement l'Invisible et de
comprendre éternellement autant qu'il se peut
l'Incompréhensible."
4-1-Les
bonnes œuvres
Dans le désert, les enfants
d'Israël étaient conduits par une nuée, sombre le jour et
comme un feu durant la nuit. Suivant ce modèle, Marie Aimée
écrit que "l'un des
plus grands soins de l'âme doit être de suivre l'action de
Dieu en elle, dans les différents états par lesquels il lui
plaît de la faire passer... toute bonne œuvre est précédée
d'une grâce et suivie d'une autre. Celle qui précède est
lumière pour l'esprit... Ce secours, Dieu l'accorde par pure
bonté... La grâce qui suit toute bonne œuvre est celle que
Dieu attache, comme fruit, à la fidélité de l'âme,... dans
les différents états par lesquels il la fait passer..."
4-2-La
vie spirituelle
Marie-Aimée de Jésus quitte
rapidement les bonnes œuvres, pour se consacrer à la vie
spirituelle. Pour elle, Dieu (le divin Moïse),
conduit les âmes par deux voies: une voie extraordinaire, et
la voie ordinaire qui est celle du plus grand nombre.
"Ces deux voies sont
environnées de péripéties, remplies de pièges, semées de
croix; toutes deux conduisent au ciel, mais de l'une aussi
bien que de l'autre on peut tomber en enfer. Voilà la
vérité!"
Pour
nous, cela est clair. Comme pour confirmer ce qu'a écrit
Marie-Aimée de Jésus, plus tard, dans plusieurs de ses
messages à d'autres âmes privilégiées, la Vierge Marie dira
que l'on peut se sanctifier dans tous les états de vie.
4-2-1-La
voie extraordinaire
Au sujet
des voies extraordinaires, Marie-Aimée de Jésus précise:
"Les
âmes qui sont conduites par la voie extraordinaire marchent
dans le jour, mais la nuée du Seigneur les couvre... Dieu
leur envoie des peines intérieures et extérieures... L'âme
reçoit de Dieu des faveurs spéciales, mais passe par des
états de purification inconnus à d'autres... et Dieu leur
demande d'héroïques sacrifices... Dans cette voie
extraordinaire il y a plusieurs degrés d'élévation... et
Dieu donne à chaque âme ce qui lui est nécessaire
Les
faveurs les plus élevées sont celles qui sont purement
spirituelles, quels que soient les noms par lesquels on les
désigne. Ces faveurs sont celles qui sont conçues, vues,
entendues... par l'âme et dans l'âme, comme s'opérant au
centre où Dieu habite... Le second ordre des célestes
faveurs renferme celles qui sont nommées imaginaires... mot
qui, ici, signifie une représentation de Dieu, des anges...
sous des formes et des images empruntées. Le troisième et
dernier ordre des faveurs extraordinaires renferme celles
qui sont vues, entendues, touchées par les sens corporels...
L'âme ne peut voir son Seigneur sans un miracle, en elle ou
hors d'elle. C'est ce grand miracle qui a lieu dans la
vision soit intellectuelle, ou imaginaire spirituelle, ou
imaginaire corporelle... Les faveurs de ce dernier ordre
sont les plus sujettes à l'illusion... Car le démon peut
prendre toutes sortes de formes, pourvu que Dieu le lui
permette afin d'éprouver ses épouses... Les faveurs du
second ordre peuvent aussi être sujettes à l'illusion..."
Marie-Aimée se réfère ensuite
à la doctrine de sainte Thérèse d'Avila pour expliquer les
faveurs du premier ordre, car le sanctuaire de l'âme en état
de grâce, est interdit au démon. Et Marie-Aimée de
poursuivre: "Ce qui
préserve surtout les âmes de l'illusion, c'est l'esprit de
Dieu qui enseigne l'humilité... Dieu a voulu, par certains
effets, donner à l'âme le moyen de reconnaître si les
faveurs qu'elle reçoit sont véritables:
- Le
premier effet est une sainte frayeur... Dieu communique à
l'âme dont Il veut s'approcher... un profond respect...
- Le
deuxième effet des célestes faveurs est de faire succéder
une paix profonde à la pieuse frayeur dont l'âme a été
saisie, tandis que le démon répand le trouble...
- Le
troisième effet est l'anéantissement de l'âme devant Dieu,
la Majesté souveraine... Dieu lui témoigne de l'amour, elle,
une pécheresse?...
- La
quatrième effet des célestes faveurs est de purifier
l'âme...
- Le
cinquième effet de ces faveurs est de donner un grand
courage pour agir, pour vaincre et pour souffrir...
- Le
sixième effet est de porter l'âme aux grandes choses en
l'enflammant du divin amour, en la faisant sortir d'elle
même par un transport de reconnaissance... L'amour de Jésus
lui donne un courage au-dessus de la nature..."
L'âme se
souviendra toujours que "l'amour entreprend de grandes
choses, mais il les achève, car l'inconstance est, au point
de vue qui nous occupe, ce qui démasque tôt ou tard les
ruses de l'ennemi..." L'âme aura également soin de se
faire conseiller par quelqu'un qui, à la science des choses
spirituelles, joint la science des choses mystiques...
La science, en effet, a pour
objet les vertus et les voies ordinaires pour aller vers le
Créateur, mais elle ne suffit pas, et parfois Dieu emploie
des voies particulières pour se communiquer à certaines
âmes. Et Marie-Aimée d'écrire, reprenant certaines opinions
de Thérèse d'Avila: "Ce qui est triste à penser, c'est
que le plus souvent les hésitations et les craintes que l'on
conçoit si aisément sur les grâces que Dieu accorde aux
âmes, sont motivées par des préventions naturelles contre
ces faveurs, ce qui est un manque de foi." Marie-Aimée
cite, pour mieux se faire comprendre, le texte même de
sainte Thérèse: "Si
une personne vient vous confier les plus abominables
tentations, vous ne vous étonnez pas, vous ne vous effrayez
pas... Elle est pourtant dans un grand péril... Mais qu'une
autre vienne vous confier simplement qu'elle a entendu une
parole du Seigneur, qu'elle a joui de sa présence, vous vous
alarmez, vous tremblez...
Cependant, ni la contemplation, ni les voies extraordinaires
de Dieu ne sont absolument pas redoutables, parce que Dieu
n'y embarque les âmes que par le grand amour qu'il leur
porte..."
4-2-2-La
voie ordinaire
"Les
âmes qui sont conduites par la voie ordinaire marchent dans
la nuit. Cette nuit se nomme la foi, mais une colonne de feu
les éclaire. Cette colonne est tout ce qui, dans l'ordre
spirituel, se nomme grâce... Dans cette seconde voie, l'âme
se sanctifie par des grâces communes, suffisantes, car elle
ne passent que par les épreuves ordinaires de la vie
intérieure..."
Pourtant Marie-Aimée met en
garde: "Si le mépris
que l'on fait de la voie extraordinaire vient quelquefois de
principes faux et mauvais, ces mêmes principes peuvent
engendrer, dans la voie ordinaire, d'autres illusions, plus
dangereuses peut-être, parce qu'elles conduisent facilement
à faire injure à la bonté de Dieu et à compromettre la grâce
dans une âme..."
Cependant, on pèche si on
désire les dons singuliers, les faveurs spéciales. Il y a
orgueil, égoïsme dans ces désirs, et il faut savoir éviter
les convoitises spirituelles. En effet, il y a une véritable
ingratitude envers Dieu, lorsque l'on ne trouve grand que ce
qui est le partage du petit nombre, et qu'on estime peu les
dons communs à tous, quels qu'ils soient.
4-2-3-Les
deux sentiers communs
Marie-Aimée de Jésus poursuit cet enseignement étonnant en
présentant les deux sentiers communs aux voies ordinaires et
extraordinaires: le sentier de la crainte, et le sentier de
l'amour.
- "Le
sentier de la crainte peut se nommer la pure foi... La
crainte ayant sa cause en Dieu, dépend uniquement de lui et
est absolument différente de la crainte servile qui a sa
cause dans l'âme et qui dépend d'elle. Aussi, loin d'être un
obstacle au parfait amour comme la crainte servile, la
crainte fidèle le sert et seconde les desseins de Dieu...
- Le
sentier de l'amour, c'est la foi jointe à l'expérience. Dans
ce sentier, Dieu se fait sentir à l'âme, dans l'autre il se
contente de la soutenir à son insu.
Heureuse l'âme qui aime davantage et qui est plus aimée,
quel que soit le sentier par où elle marche! L'âme qui
accepte sa voie avec un esprit humble, un cœur joyeux, une
volonté prête à tout, chante, en toute situation son
cantique, écho des cieux: 'À vous toute gloire, ô
Seigneur!'"
Poursuivant son chemin sous la conduite de Moïse,
Marie-Aimée de Jésus quitte le Mont Sinaï et entre, avec le
peuple hébreu, dans un affreux désert, ravagé par un feu
qui dévorait tout. Pour Marie-Aimée, ce désert est comme
l'image d'un désert spirituel.
5-1-Le
désert spirituel
Ce
désert spirituel est "celui où les démons attendent l'âme
pour lui ravir le trésor de sa chasteté... Désert
ténébreux... désert fangeux... désert environné de
flammes... que des ruisseaux de larmes et de sang ne peuvent
éteindre, car il est bon à l'homme d'être humilié..."
Mais ce feu ne s'approche que de ce qui compose la partie
inférieure de l'âme: l'imagination, la sensibilité et les
sens. Mais, quelque menaçant qu'il soit, ce feu ne peut
brûler notre âme que si notre volonté le désire. Alors, ce
sera l'abomination. Que doit faire l'âme pour éviter un tel
malheur? Marie-Aimée de Jésus nous répond:
- "L'âme
usera des armes spirituelles en y joignant la fuite et une
instante et ardente prière.
- La
fuite. Quelle que soit l'horreur qu'inspire à l'âme ce
désert affreux, elle doit consentir à y rester autant de
temps que Dieu voudra, mais elle devra le traverser en
fuyant...
- La
prière. Les Israélites fuyaient les environs du camp, là où
la flamme était dévorante... Ils se rapprochaient de Moïse.
Ils poussaient des cris et Moïse priait... Prière ardente
mais calme; prière d'une âme qui se confie en Dieu... qui
attire la grâce, chasse les démons, éteint les flammes de la
concupiscence. Quand l'âme a vaincu le démon, qu'elle en
rapporte toute la gloire à celui auquel tout honneur est
dû..."
5-2-Le
désert de la faim
Les Israélites crient: ils
veulent de la viande à manger... Moïse est excédé...
(Nombres XI) Marie-Aimée pense d'abord à l'ingratitude et à
la sensualité des Hébreux. Puis elle suppose "qu'on peut
appliquer ce texte à la tentation de l'inconstance, dont une
âme religieuse peut être attaquée..." Ce peut être la
pensée de quitter le désert de la religion pour retourner
dans le monde. Ce peut être aussi une suggestion de quitter
l'Ordre dans lequel on a fait profession. Enfin, ce peut
être l'envie de changer de monastère. Marie-Aimée ajoute:
"Pour cette
tentation comme pour la précédente, persuadons-nous bien
qu'il y a partout des croix et des difficultés, que partout
les créatures sont les mêmes..."
Enfin,
la quatrième tentation est "celle d'abandonner la voie
étroite pour marcher dans un chemin spacieux et fleuri...
État de dégoût et de lassitude d'ennui où tout pèse et porte
au relâchement..." Le remède, c'est de découvrir toutes
ces tentations à son directeur, et lui être soumis.
5-3-les
grandes tentations
Ceux que Moïse avait envoyés
visiter le Terre promise, revinrent joyeux, mais il était
impossible d'y entrer car elle était protégée par de hautes
murailles. Marie-Aimée estime que les tentations les
plus terribles que l'âme puisse avoir à soutenir sont celles
de la tristesse, du blasphème, de la haine et du désespoir."
5-3-1-La
tristesse
Suit un
long développement concernant la tristesse. Tout d'abord,
Marie-Aimée écrit: "La tristesse peut être une grâce:
c'est celle qui vient de Dieu et elle n'est pas sans
douceur: douleur des péchés que l'on a commis, mais avec
l'espérance du pardon... le martyr de l'absence de Dieu mais
avec l'espoir si doux de le posséder un jour
éternellement..." Cette tristesse procure joie,
paix, détachement de tout ce qui n'est pas Dieu.
Mais
"la tristesse qui vient du démon est directement opposée à
celle-là; elle peut avoir les mêmes motifs, mais elle n'aura
jamais les mêmes adoucissements et ne produira pas les mêmes
fruits..." Cette tristesse bannit la joie; l'âme qui en
est assaillie désire la mort, mais pas pour voir Dieu
qu'elle craint... Cette tristesse diabolique est souvent
accompagnée des tentations de blasphèmes, de la haine et du
désespoir. Il faut coûte que coûte chasser cette tristesse
en confiant ses peines à Jésus, le recevoir dans son
sacrement et sortir de soi-même.
Marie-Aimée aborde ensuite les autres tristesses:
- celle
qu'on se fait à soi-même en considérant sans cesse ses
péchés passés... L'âme n'avance pas; elle a peur de Dieu...
Mais si nous lisons bien dans le Cœur de Jésus-Christ, nous
ne tarderons pas à nous y endormir dans la sécurité et la
paix, en nous perdant entièrement en Dieu.
- La tristesse qui vient des passions: tristesse
de l'orgueil, de l'envie, de la volonté contrariée, du
ressentiment. C'est en vain que l'âme cherche la joie si
elle ne combat les causes de cette tristesse...
- La tristesse qui est causée par un certain
mélange de faiblesse et d'amour-propre... L'âme a des peines
imaginaires et très peu de réelles; elle a besoin de
s'occuper d'elle-même et d'en occuper les autres; elle
désire s'épancher, se plaindre et se faire plaindre . Si
elle le fait à quelqu'un d'éclairé, elle sera devinée
promptement et traitée en conséquence... On fera peu de cas
de ses peines... Heureuse cette âme si elle profite de cette
sage conduite... si elle s'humilie et renonce généreusement
à son amour-propre!... L'âme qui surmonte ses difficultés
par amour est bien plus agréable à sa Majesté, tout en
souffrant, que celle qui les entretient par occupation
d'elle-même.
- La tristesse qui est causée par la seule
imagination, tristesse innocente ne dépendant pas
entièrement de l'âme qui l'endure... L'âme méritera en cette
tristesse... si elle va simplement et sincèrement à Dieu...
car Dieu les chérit et les estime...
- Enfin, il y a une tristesse qui est une
maladie; les personnes qui en sont atteintes sont
mélancoliques et ont de réels défauts... Il faut traiter ces
âmes dès le commencement, avec sévérité..."
5-3-2-Le
blasphème
"Cette tentation,
écrit Marie-Aimée,
est comprise dans ces mots:
'Ils murmuraient.' Les démons inspirent le murmure et le
blasphème; ils relèguent le Très-Haut dans un autre monde,
ils le dépeignent rempli d'indifférence pour l'âme, injuste
et rigoureux... Ils suggèrent parfois à l'âme les plus
horribles blasphèmes, une sorte de force satanique essayant
de les faire proférer... Ces âmes sont comme poussées à se
retourner contre Dieu; c'est le comble de l'épreuve! L'arme
la plus défensive, c'est de contraindre la volonté à chanter
des hymnes à la gloire de Dieu, à les répéter
inlassablement. Dieu entend l'âme... les démons s'enfuient."
5-3-3-La
haine
La haine, pense Marie-Aimée,
est exprimée par des israélites ingrats, disant: "Le
Seigneur nous hait." Pour arriver à ses fins, Satan
cherche à rendre l'âme incrédule à l'amour de Dieu. Pour
cela il lui fait perdre le souvenir des grâces reçues, la
connaissance du "Bienfaiteur et de tout ce qui a ravi les
yeux de l'âme et gagné son cœur. C'est un véritable
martyre." Mais que l'âme se rassure: si elle désavoue
ces impiétés, ce n'est pas elle qui hait, c'est celui qui la
tente. Qu'elle dise et redise:
"Mon Dieu je vous aime!...
Satan sera vaincu et l'âme consolée..."
5-3-4-Le
désespoir
Les israélites disaient:
"Le Seigneur nous a fait sortir de l'Égypte pour nous faire
mourir." Le désespoir est le dernier effort de Satan
pour perdre le pécheur, pour le vaincre. "L'épreuve est
complète, le Seigneur se cache, l'âme est seule depuis tant
de jours... et on lui dit: 'Le Seigneur t'a abandonnée, il
t'a rejetée!...' Non, affirme Marie-Aimée,
il ne t'a pas abandonnée... il
t'observe, il est en toi... Il permet seulement à Satan de
t'éprouver... Et l'âme entend son divin Moïse lui dire au
fort de sa douleur: 'Ne crains rien, je combats avec toi et
je te porte entre mes bras comme un père porte son petit
enfant.'... Une telle sœur deviendra bientôt épouse."
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