« Le 26 du mois
d’août, il y eut un terrible orage; je n’ai jamais senti la
justice d’un Dieu irrité comme dans ce moment-là; aussi,
prosternée, j’offrais sans cesse Notre-Seigneur Jésus-Christ à
son Père pour l’expiation de mes péchés et pour les besoins de
la sainte Église. Une de mes sœurs éprouva la même chose, et il
n’est pas inutile que je dise ceci qui fut comme la première
impression de ce que je vais dire.
Le soir de ce même
orage, à l’oraison, je me suis mise au pied de la croix et je
m’approchai de Notre-Seigneur pour Lui demander le sujet de son
courroux et lui parler un peu de cet orage; alors Il changea sa
conduite d’épreuves envers moi et Il dit à peu près ces
paroles :
— J’ai entendu vos
soupirs et vos gémissements, j’ai vu le désir que vous avez de
me glorifier; désir ne vient pas de vous, c’est moi qui l’ai
fait naître dans votre âme.
Alors il m’a ouvert
son Cœur, y a recueilli les puissances de mon âme et m’a adressé
ces paroles :
— Mon Nom est
partout blasphémé ; même les enfants blasphèment !
Alors, Il m’a fait
entendre combien cet affreux péché blessait douloureusement et
plus que tous les autres son divin Cœur plus que les autres.
— Par le blasphème,
le pécheur le maudit en face, l’attaque ouvertement, anéanti la
Rédemption, et prononce lui-même sa condamnation et son
jugement.
Il me fit envisager
le blasphème comme une flèche empoisonnée, qui blessait
continuellement son divin Cœur: alors Il me fit entendre qu’Il
voulait me donner une “flèche d’or” pour le
blesser délicieusement, ou pour cicatriser les blessures de la
malice que lui font les pécheurs.
Voici la formule de
louange que Notre-Seigneur, malgré ma grande indignité, me dicta
pour la réparation des blasphèmes contre son saint Nom et qu’Il
me donna comme une flèche d’or, m’assurant qu’à chaque
fois que je la dirai, je blesserai son Cœur d’une blessure
d’amour :
“Qu’à jamais soit
loué, béni, aimé, adoré, glorifié le très saint, très sacré,
très adorable, très inconnu, très inexprimable Nom de Dieu, au
ciel, sur la terre et dans les enfers, par toutes les créatures
sorties des mains de Dieu et par le Sacré-Cœur de Notre-Seigneur
Jésus-Christ au très Saint-Sacrement de l’autel. Ainsi soit-il.”
Comme je sentais en
mon âme un certain étonnement de ce que Notre-Seigneur ma disait
“dans les enfers”, Il eut la bonté de me faire comprendre
que sa justice y était glorifiée. Je prie d’ailleurs, de
remarquer qu’il ne m’a pas dit dans l’enfer, mais dans
les enfers: ce qui peut s’entendre du purgatoire, où il est
aimé et glorifié par les âmes souffrantes. Le mot enfer
ne s’applique pas seulement au lieu où sont les réprouvés; la
foi nous enseigne que le Sauveur, après sa mort, descendit dans
les enfers, où étaient les âmes des justes, et la sainte Église
ne prie-t-elle pas son divin Époux d’arracher les âmes de ses
enfants aux portes de l’enfer: A porta inferi erue, Domine,
animas eorum ?
Mais revenons à
notre sujet. Notre-Seigneur m’ayant donné cette flèche, ajouta :
— Faites attention
à cette faveur, car je vous en demanderai compte.
A ce moment il me
sembla voir sortir du Sacré-Cœur de Jésus, blessé par cette
flèche d’or, des torrents de grâces pour la conversion des
pécheurs, ce qui me donna la confiance de dire:
— Mon Seigneur,
me chargez-vous donc des blasphémateurs ?
Mais
Notre-Seigneur ne me répondit rien. Moi, sentant ma faiblesse et
craignant le démon, j’ai prié la sainte Vierge de vouloir bien
me garder ce que son divin Fils venait de me confier, et j’ai
pensé que Dieu était irrité à cause des blasphèmes dont la ville
était coupable.
Depuis cette
communication, j’ai senti mon âme toute changée; elle a été
toute occupée à glorifier le très saint Nom de Dieu.
Notre-Seigneur m’a inspiré un petit exercice de réparation joint
à cette louange de la Flèche d’Or, pour réparer, par
vingt-quatre adorations, les blasphèmes qui sont proférés à
chaque heure du jour; Notre-Seigneur a eu la bonté de me faire
connaître que cet exercice lui était agréable, mais Il désire
que cette dévotion se répande. Ce divin Sauveur m’a fait
participer au désir qu’Il ressent de voir glorifier le Nom de
son Père; et il me semble que, de même que les anges qui, sans
cesse chantent Sanctus! Sanctus! Sanctus!, il fallait que je
m’applique à glorifier son saint Nom; qu’en faisant cet
exercice, j’accomplirais l’ordre qu’Il m’avait donné d’honorer
son divin Cœur et celui de sa sainte Mère, car ils sont l’un et
l’autre blessés par le blasphème. Il m’a fait également
comprendre que cela ne m’empêcherait pas de l’honorer das ses
mystères, comme j’en ai l’habitude, parce que dans les mystères
de sa vie son Cœur a souffert pour le péché du blasphème.
Je compris encore
que, plus une chose était agréable à Dieu, plus Satan la rendait
amère pour en dégoûter l’âme ; mais si l’on est fidèle, on
acquiert beaucoup de mérites. Notre divin Sauveur me donnait ces
instructions pour me soutenir dans les combats que devait me
livrer le démon, à cause de cette œuvre qu’il voudrait
l’anéantir, comme Notre-Seigneur me l’a fait connaître, mais ses
efforts seront vains. »
(On commence par
le “Magnificat”)
1 En
union avec le Sacré-Cœur de Jésus : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
2 En
union avec le saint Cœur de Marie : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
3 En
union avec le glorieux saint Joseph : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
4 En
union avec saint Jean-Baptiste: Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
5 En
union avec les chœur des Séraphins : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
6 En
union avec le chœur de Chérubins : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
7 En
union avec le chœur de Trônes : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
8 En
union avec le chœur des Dominations : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
9 En
union avec le chœur des Vertus : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
10 En
union avec le chœur des Puissances : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
11 En
union avec le chœur des Principautés : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
12 En
union avec le chœur des Archanges : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
13 En
union avec le chœur des Anges : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
14 En
union avec les sept Esprits qui sont devant le trône de Dieu et
les vingt-quatre vieillards : Venez, adorons le Nom admirable
de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
15 En
union avec le chœur des Patriarches : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
16 En
union avec le chœur des Prophètes : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
17 En
union avec le chœur des Apôtres et les quatre Évangélistes :
Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de
tout nom.
18 En
union avec le chœur des Martyrs : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
19 En
union avec le chœur des saints Pontifes : Venez, adorons le
Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
20 En
union avec le chœur des saints Confesseurs : Venez, adorons
le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
21 En
union avec le chœur des saintes Vierges : Venez, adorons le
Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
22 En
union avec le chœur des saintes Femmes : Venez, adorons le
Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
23 En
union avec toute la cour céleste : Venez, adorons le Nom
admirable de Dieu qui est au-dessus de tout nom.
24 En
union avec toute l’Église et au nom de tous les hommes :
Venez, adorons le Nom admirable de Dieu qui est au-dessus de
tout nom, et prosternons-nous devant lui. Pleurons en présence
du Seigneur qui nous a faits, car il est le Seigneur notre
Dieu ; nous sommes son peuple et les brebis qu’il conduit
lui-même à ses pâturages.
* * *
« Un jour que
j’allai chez notre Révérende Mère lui rendre compte de mes
dispositions intérieures, je lui dis que, dans mon oraison, je
me trouvais tout occupée à réparer les outrages faits à Dieu par
les blasphémateurs ; elle me gronda beaucoup et me défendit de
continuer, m’enjoignant de m’appliquer à méditer simplement sur
mes fins dernières ou sur quelque autre sujet. Elle me reprocha
de vouloir me mêler de faire réparation pour les autres, tandis
que moi-même j’avais peut-être blasphémé Dieu dans mon cœur.
— Et ne
feriez-vous pas mieux de méditer ces paroles qui peuvent vous
être dites un jour : « Allez, maudits, au feu éternel ! »
Voyant que notre
bonne Mère avait l’air d’être si mécontente de moi, j’allai dire
mes peines à Notre-Seigneur; car je me trouvais fort embarrassée
pour changer ma méthode d’oraison et résister à l’attrait qu’il
me donnait. J’avais aussi très grand peur de désobéir. C’est
pourquoi je m’acquittai de mon mieux de la méditation qu’on
m’avait indiquée; puis j’en rendis compte à notre Mère, et
lorsqu’elle m’eut dit que j’avais bien rempli son intention, le
calme revint dans mon âme. Un jour, Notre-Seigneur me fit
entendre qu’il fallait que j’obéisse à mes supérieurs plutôt
qu’à ce que je croirais qu’il me disait lui-même; aussi, avec le
secours de la grâce, je me suis toujours soumise à leurs sages
conseils. »
[Je ne trouvais
nulle part du réconfort, ni dans mon confesseur, ni dans mes
supérieurs], « lesquels, dans leur sagesse, voulaient éprouver
mon esprit pour s’assurer de l’œuvre de Dieu. Ah! c’est alors
que je sentis la pesanteur de la croix que Notre-Seigneur, avant
mon entrée au Carmel, avait promis de me donner en religion. »
« Quand
Notre-Seigneur me communiquait quelque chose au sujet de son
œuvre, je n’osais en parler à notre bonne Mère; mais je
l’écrivais, et je lui portais cet écrit dans son office; j’étais
bien aise quand je ne la trouvais pas. Une fois entre autres,
j’étais toute tremblante devant le Saint-Sacrement, ayant en
main ma petite lettre pour la présenter à Notre-Seigneur avant
d’aller la remettre. Quelquefois l’œuvre de réparation était en
moi comme un feu dévorant; je sentais le besoin d’en parler à
quelqu’un qui s’y serait peut-être intéressé, mais on ne voulait
point me le permettre.
A la fin pourtant,
Notre-Seigneur me donna une grande consolation: j’étais un jour
aux pieds de notre Révérende Mère à lui rendre compte des
souffrances intérieures que m’occasionnait l’œuvre dont j’étais
chargée. La bonne Mère me disait :
— Que
voulez-vous, ma fille ? Je n’y puis rien faire ; il faut que
vous l’enfantiez, cette œuvre, dans la douleur.
Voilà tout à coup
que, par un trait de la Providence, il tombe, d’un livre qu’elle
tenait à la main, un petit imprimé où il y avait une amende
honorable au très saint Nom de Dieu, suivie d’un “avertissement
au peuple français” pour apaiser la colère de Dieu irrité à
cause des blasphèmes. Cet écrit avait un rapport frappant avec
les communications que je recevais, et qui paraissaient alors
une chimère de mon imagination. La Révérende Mère était dans le
plus grand étonnement. Elle ne connaissait pas auparavant cet
imprimé; personne ne savait qu’il fût dans la maison; le livre
qui le contenait n’était peut-être pas sorti de la bibliothèque
depuis vingt ans, et ce fut en ma présence que cet incident
arriva. J’étais ravie de joie, et ne pouvais m’empêcher de
reconnaître que le ciel commençait à parler en ma faveur.
Dans sa surprise,
notre bonne Mère me dit en souriant :
— Ma sœur, si je
ne vous connaissais pas, je vous prendrais pour une sorcière.
Je répondis :
— Ma Mère, ce
sont les saints anges qui vous ont mis cela entre les mains.
Je me rappelais, en
effet, les avoir invoqués avant d’entrer dans la cellule de
notre Mère, et sans doute qu’ils avaient contribué à cet
événement en faisant sortir à propos ce livre de la
bibliothèque. »
« C’est qu’un
Monsieur très pieux avait porté, dans plusieurs communautés de
Tours, une prière à la gloire du saint Nom de Dieu pour obtenir,
par l’intercession de saint Louis, roi de France, de voir
disparaître les ennemis de ce nom divin. La prière s’était faite
avant la fête du saint, et, ce qui est plus admirable dans la
conduite de la Providence, on avait fait circuler cette prière
dans toutes les maisons religieuses de la ville, comme on l’a su
depuis, excepté aux Carmélites, et, le lendemain, le Seigneur
communiquait à la plus indigne de ses servantes le fruit des
prières de ces saintes âmes. »
« Il me fut permis
de m’occuper de l’œuvre de Dieu selon l’inspiration que
Notre-Seigneur m’en donnerait. Notre Révérende Mère m’ayant
rendu les prières de la Réparation, j’en fus ravie de joie, et
tous les jours je les récitais avec une grande dévotion. Le bon
Maître me fit connaître qu’elles lui étaient agréables. Bientôt
après, il me dit que je devais demander à mes supérieurs de les
faire imprimer; nouvelle peine pour moi, car notre sage et
prudente Mère, voyant que Notre-Seigneur continuait à mon égard
les poursuites de son œuvre, voulut l’asseoir sur un fondement
solide; c’est pourquoi elle continua de m’éprouver, afin de
mieux voir si c’était vraiment l’esprit de Dieu qui me
conduisait.
Un jour, elle me
dit que je lui faisais l’effet d’un nouveau Pierre Michel.
C’était un illuminé, qui avait trompé bien du monde pars ses
fausses révélations; il vint rendre visite à notre Révérende
Mère ; mais elle ne se laissa point séduire par ses impostures,
et vit tout de suite l’esprit qui l’animait. Effectivement, cet
homme fut traduit en justice, reconnu comme escroc, et condamné
à plusieurs années de prison. Me voyant mise en parallèle avec
cet individu, je ne savais trop que penser de mes
communications. Notre-Seigneur me rassura en me disant :
— Tant que vous
serez obéissante et humble, soyez sûre que vous n’êtes point
dans l’illusion.
Bientôt notre
Révérende Mère tomba très malade. Quoiqu’elle me grondât souvent
pour le bien de mon âme et pour assurer l’œuvre de Dieu,
cependant je l’aimais beaucoup, et j’avais une très grande
confiance en elle. Un jour, pendant mon oraison, c’était le soir
de la fête de saint Michel, Notre-Seigneur me fit entendre que
son divin Cœur avait pour agréable ma petite Réparation; que ces
prières lui faisaient oublier mes ingratitudes ; que, si la
communauté voulait obtenir la grâce que notre Révérende Mère fût
en état de vaquer à ses affaires, non sans souffrir, mais moins
vivement, il fallait faire une neuvaine satisfatoire devant le
Saint-Sacrement pour la réparation des blasphèmes contre le
saint Nom de Dieu, et dire les prières du petit exercice qu’il
m’avait inspiré; qu’il était bien juste à des enfants d’aider
leur mère; enfin que, si l’on donnait cette satisfaction à son
Cœur, il l’ouvrirait pour combler de grâces la communauté.
Je ne pouvais plus
me refuser à faire la commission de Notre-Seigneur, qui ajouta,
afin de m’y engager :
— Oh ! si vous
saviez ce que j’ai fait pour vous, et combien je me suis
appliqué à votre âme, vous seriez dans l’étonnement et voir le
Créateur ainsi abaissé vers sa créature !.
Alors j’ai dit :
— Eh bien : mon
Seigneur, je vais me mettre encore en gage pour vous; car je ne
risque autre chose que de recevoir des humiliations, et vous
serez glorifié de cette neuvaine.
Je me suis placée
donc sous la protection de la sainte Vierge, et j’ai communiqué
ma pensée à notre Révérende Mère, qui, ce jour-là, se trouvait
dans l’état le plus pénible par la violence des douleurs. Elle
consenti à faire la neuvaine; mais, afin que les sœurs n’aient
aucun soupçon que c’était moi qui avais composé ces prières, et
afin qu’on ne reconnût point mon écriture, mon confesseur eut la
bonté de les copier. On crut que cette nouvelle dévotion venait
de lui.
Pour moi, je ne me
suis pas repentie de m’être engagée au nom de Notre-Seigneur,
qui ne se laisse jamais vaincre en générosité. En effet, ce même
jour, qui était la fête de saint Michel, le divin Maître me
déclara sa volonté que notre Mère s’occupât de répandre ces
prières réparatrices; comme elle était bien souffrante, il me
donna pour gage de ma mission l’amélioration de sa santé. Il
m’assura qu’il n’y avait, dans cette dévotion, rien de contraire
à l’esprit de l’Église ; car que fait l’Église, si ce n’est de
glorifier continuellement le saint Nom de Dieu ? Je lui promis
que, s’il guérissait notre Mère, elle ne négligerait point ses
affaires; aussi, lorsqu’elle fut mieux :
— Mon Seigneur,
lui dis-je, je ferai encore vos commissions quand vous en
aurez.
Le céleste Époux,
en effet, fidèle à sa parole, rendit la santé à la chère malade,
qui fut bientôt en état de vaquer aux fonctions alors si
importantes de sa charge.
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