« Depuis un peu
plus de trois semaines, Notre-Seigneur m’a un peu désappliquée
des grandes affaires de la France, pour m’occuper
continuellement au service des pauvres agonisants. J’accompagne
la très Sainte Vierge comme sa petite servante auprès des
voyageurs du temps à l’éternité. Notre-Seigneur m’a fait
connaître qu’Il m’avait donné à son auguste Mère, pour cette
mission.
Oh ! quelle belle
œuvre de charité à laquelle je n’avais jamais pensé; mais le
temps est venu où je dois plus que jamais travailler au salut
des âmes.
Il me semble que
Notre-Seigneur m’a annoncé que je n’avais plus que trois ans à
vivre; ainsi j’ai trente ans,
je vais les employer à imiter le Sauveur qui, à cet âge,
travaillait sans cesse à la recherche des brebis égarées. Une de
ses paroles me console, me fortifie et m’éclaire, la voici :
“Oh ! si vous connaissiez le don de Dieu !” Notre-Seigneur
m’a donné lumière sur ces divines paroles et je commence à le
connaître, ce don précieux du Père. Oh! que ne puis-je pas
obtenir pour moi et pour mes frères, si je sais me prévaloir de
ces mérites infinis, qui sont inconnus de la plupart des hommes.
“Je me sacrifie pour eux”, a dit Notre-Seigneur à son
Père. Offrons donc à ce divin Père, pour le salut de nos âmes,
tout ce que notre Rédempteur a fait pour nous; cherchons dans ce
divin trésor de quoi enrichir notre indigence. O aveuglement des
hommes! on court avec ardeur après les trésors de la terre, qui
tous ensemble ne peuvent par leur valeur acheter une seule âme;
et on ignore et on méprise le don de Dieu, le grand trésor des
chrétiens, avec lequel on peut acheter des millions d’âmes en
faisant valoir ses mérites infinis à la banque de la divine
Miséricorde. Il me semble qu’on ne devrait prier et ne se
présenter jamais devant le Père éternel qu’avec quelque mérite
de son Fils dans les mains, pour lui en faire l’offrande et
l’obliger ainsi d’accomplir l’admirable promesse de
Notre-Seigneur : “En vérité, je vous le dis, tout ce que vous
demanderez à mon Père en mon Nom il vous l’accordera.” Si
nous n’avons point de vertus à offrir à Dieu, présentons-lui
toutes celles de Jésus notre Sauveur, qui est sanctifié pour
nous. Offrons sa douceur, son humilité, sa patience, son
obéissance, sa pauvreté, ses jeûnes, ses veilles, son zèle pour
la gloire de son Père et le salut des âmes! Offrons aussi ses
divines et efficaces prières; il a prié pendant sa vie
mortelle ; l’Évangile dit qu’il se retirait la nuit pour prier;
il prie au ciel, il montre pour nous ses plaies à son Père ;
enfin il prie au très Saint-Sacrement de l’autel. O quel mystère
ineffable! Un Dieu Sauveur priant pour ses créatures et prié par
ces mêmes créatures! Unissons donc nos prières à celles du Verbe
incarné et elles seront exaucées; offrons encore au Père éternel
la Sacré-Cœur de Jésus, sa Face adorable et ses divines plaies;
offrons ses larmes, son sang et ses sueurs; offrons ses voyages,
ses travaux, ses paroles et son silence, tout ce qu’il a
souffert dans chacun de ses mystères; enfin ayons toujours les
yeux fixés sur le Don de Dieu ; fouillons dans ce trésor inconnu
au monde; faisons, si nous le pouvons, l’énumération de tous les
biens que nous possédons en lui, et nous serons bientôt riches
et nous enrichirons les pauvres: car nous pouvons offrir
l’humilité de Jésus pour la conversion des orgueilleux, sa
pauvreté pour les avares, ses mortifications pour les sensuels,
son zèle à glorifier son Père pour les blasphémateurs, enfin
toutes les accusations qu’il a souffertes de la part des Juifs
disant qu’il violait la loi du Sabbat, pour la conversion des
véritables violeurs du saint jour du dimanche.
O don de Dieu que
j’ai trop longtemps méconnu, vous serez désormais mon unique
trésor, je découvrirai tous les jours en vous de nouvelles
richesses !
Voilà, ma Révérende
Mère, les lumières que Notre-Seigneur me communique ces
temps-ci, vous voyez que si Notre-Seigneur me charge souvent du
salut des âmes, Il m’apprend aussi le moyen de les sauver. »
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